ACTES DU PREMIER CONGRES INTERNATIONAL DE LINGUISTES A LA HAYE, DU 10-15 AVR1L 1928 A. W. SIJTHOFF'S UITGEVERSM AATSCH APPIj N.V. - LEIDEN Tvavaux du Cercle Linguistique de Prague i. MELANGES LINGUISTIQUES DÉDIÉS AU PREMIER CONGRÉS DES PHILOLOGUES SLAVES PRAGUE JEDNOTA ČESKOSLOVENSKÝCH MATEMATIKŮ A FYSIKŮ 1929 AVANT-PROP OS. TISKEM STÁTNÍ TISKÁRNY V PRAZE Les theses presentees ci-apres, ceuvre collective du Cercle Linguistique de Prague, ont ete redigees ä titre de contribution aux debats du Ier Congres des philologues slaves en octobre 1929 a Prague. Ce sont des problemes d'actualite aussi bien pour la linguistique generale que pour la slavistique. Les dxux premiers fascicules des Travaux du Cercle four-nissent Villustration concrete de la plupart de ces theses dans les etudes ou divers membres du Cercle ont rendu compte des re-sultats de lews recherches. Le Cercle exprime toute sa reconnaissance au Ministere de l'Instruction Publique de la Republique Tchecoslovaque, ä VInstitut Slave de Prague, ainsi qu'd VInstitut Frangais de Prague, qui ont rendu possibles ses publications. THESES ft 1. PROBLĚMES DE MÉTHODE DÉCOULANT DE LA CONCEPTION DE LA LANGUE COMME SYSTÉME ET IMPORTANCE DE LADÍTE CONCEPTION POUR LES LANGUES SLAVES (la méthode synehronique et ses rapports avec la méthode diachronique, comparaison structurale et comparaison génétique, caractére fortuit ou ■enehaínement régulier des fwits ďevolution linguistique). a) Conception de la langue com me systéme ■fonctionnel. Produit de 1'activité humaine, la langue partage avec cette activité le caractěre de finalité. Lorsqu'on analyse le langage comme expression ou comme communication, 1'intention du sujet parlant est l'explication qui se présente le plus aisément et qui est la plus náturelle. Aussi doit-on, dans 1'analyse linguistique, prendre égard au point de vue de la fonction. De ce point de vue, la langue est un systéme de moyens ďexpression appropriés á tm but. On ne peut comprendre aucun fait de langue sans avoir égard au systéme auquel il appartient. La linguistique slave ne saurait elle non plus éluder cet ensemble actuel de problěmes. b) Táches de la méthode synchron iq ue. Ses rapports avec la méthode diachronique. La meilleure facon de connaítre 1'essence et le caractére ďune langue, c'est Paiialyse synehronique des faits actuels, qui offrent seuls des matériaux complets et dont on peut avoir le sentiment direct. La táche la plus pressante et aussi la plus negligee de la linguistique slave est done de formuler les caractéri-stiques linguistiques des langues slaves actuelles. Sans procéder ainsi, toute étude quelque peu approfondie des langues slaves est absolument impossible. La conception de la langue comme systéme fonctionnel est á envisager également dans 1'étude des états de langue passes, qu'il s'agisse de les reconstruire ou ďen constater 1'évolution. On ne saurait poser de barriěres infranchissables entre les mé-thodes synehronique et diachronique comme le fait 1'école de 7 Theses. Theses. Geneve. Si Ton envisage en linguistique synchronique les elements du systéme de la langue du point de vue de leurs fonc-tions, on ne saurait juger non plus les changements subis par la langue sans tenir compte du systéme qui se trouve affecté par lesdits changements. II ne serait pas logique de supposer que les changements linguistiques ne sont que des atteintes destructives s'operant au hasard et hétérogénes du point de vue du systéme. Les changements linguistiques visent souvent le systéme, sa stabilisation, sa reconstruction, etc. Ainsi l'etude diachronique, non seulement n'exclut pas les notions de systéme et de fonction, mais, tout au contraire, á ne pas tenir compte de ces notions, elle est incomplete. D'un autre coté, la description synchronique ne peut pas non plus exclure absolument la notion ďévolution, car méme dans un secteur envisage synchroniquement existe la conscience du stade en voie de disparition, du stade present et du stade en formation; les elements stylistiques sentis comme archaismes, en second lieu la distinction de formes productives et non productives sont des f aits de diachronie, que I'on ne saurait éliminer de la linguistique synchronique. c) Nouvelles possibilités d'emploi de la méthode comparative. Jusqu'ici, l'etude comparative des langues slaves se bornait aux seuls problěmes génétiques, surtout á la recherche du patri-moine commun. Or les méthodes comparatives doivent étre uti-lisées d'une facon plus large; c'est une méthode propre á per-mettre de découvrir les lois de structure des systěmes linguistiques et de 1'évolution de ceux-ci. Des matériaux précieux pour une comparaison de ce type se trouvent, non seulement dans les langues non apparentées ou n'apparentées que de fort loin, et dissemblables autant que possible entre elles par leur structure, mais aussi dans les langues d'une méme famille, par ex. les langues slaves, qui accusent, au cours de leur evolution, des differences aigués sur un fond de ressemblances essentielles et nom-breuses. Consequences de la comparaison structurale de langues apparentées. L'etude comparative de 1'évolution des langues slaves détruit pas á pas 1'idée ďun caractěre fortuit et épisodique de 1'évolution convergente et divergente qui s'est manifestée dans 1'histoire de ces langues. L'etude en question révěle des lois de solidaritě entre les différents faits convergents et divergents (faisceaux de faits). L'evolution des langues slaves se verrait ainsi donner sa typologie, c'est-a-dire le groupement d'une série de faits mutuellement solidaires en un seul tout. Ofi'rant, d'une part, des matériaux précieux pour la linguis-■ ticiio generale, enrichissant, d'autre part, 1'histoire des diffé- i'cntcs'langues slaves en particulier, l'etude comparative rejette ( :d 1'éuarL, définitivement, la méthode sterile et fictive de 1'histoire I des faits isolés, eile révěle les tendances fondamentales du dé- veloppement de 1'une ou 1'autre langue, et elle permet ďutiliser i avec plus de succěs le principe de la chronologie relative, qui est í plus sür que les indications chronologiques indirectes tirées des \ monuments. Groupes territoriaux. La découverte des tendances de 1'évolution des differences langues slaves aux diverses époques, et la confrontation de ces tendances avec celles constatées dans 1'évolution des langues ! voisines slaves et étrangěres (par ex. des langues ougro-fin- \ noises, de l'allemand, des langues balcaniques de toute origine), fourniront des matériaux pour un ensemble de questions impor-! tantes relatives aux « unions regionales », ďétendue variée, • auxquelles ont adhéré les différentes langues slaves au cours de leur histoire. d) Lois d'enchainement des faits ďévolution linguistique. I > Dans les sciences évolutives, au nombre desquelles figure aussi la linguistique historique, on voit aujourďhui la conception i de faits produits arbitrairement et au hasard — fussent-ils i realises avec une régularité absolue — céder le pas ä la notion i de 1'enchainement selon de lois des faits évolutifs (nomogéněse). j Cest pourquoi 1'on voit aussi, dans l'explication des changements grammaticaux et phonologiques, la théorie de 1'évolution convergente repousser au second plan la conception de ^expansion mécanique et fortuite. ; Les consequences en sont: I 1° pour la propagation des faits de langue. I Méme la propagation des faits de langue qui modifient le , systéme linguistique atteint ne s'effectue pas d'une facon méca- nique, mais est déterminée par les dispositions des sujets qui les 7 recoivent, dipositions qui se manifestent en harmonie avec la i tendance de 1'évolution. Ainsi perdent leur importance de prin- ! cipe les discussions touchant le point de savoir si, dans un cas fe donné, il s'agit d'un changement se propageant ä partir d'un foyer commun, ou d'un fait resultant d'une evolution convergente. 2° pour le probléme de la dislocation de la «langue commune initiale ». Cela change aussi le sens du probléme de la dislocation d'une 8 9 Theses, Theses. «langue commune initiale ». II y a unite de cette langue dans la mesure ou les dialectes sont capables de développer des change-ments communs. Que ces convergences aient ou non leur point de depart dans un foyer unique, c'est une question secondaire et á peine susceptible d'etre résolue. Quand les convergences 1'em-portent sur les divergences, il y a avantage á supposer, conven-tionnellement, une « langue commune ». On peut aussi, avec cette facon de voir, résoudre la question de la dislocation du proto-slave. — La notion ďunité linguistique dont il vient d'etre fait usage n'est, bien entendu, qu'une notion auxiliaire, destinée á la recherche historique, et ne convenant pas pour la linguistique appliquée, dans laquelle le critěre de l'unite de langue est fourni par l'attitude de la collectivité parlante á 1'égard de la langue, et nullement par des caractěres linguistiques objectifs. 2. TÁCHES A ABORDER PAR L'ETUDE D'UN SYSTĚME LINGUISTIQUE, DU SYSTĚME SLAVE EN PARTICULIER: a) Recherches relatives á l'aspect phoniqne de la langue. Importance du cote acoustique. Le probléme du finalisme des phénoměnes phonologiques fait, que dans 1'étude du coté extérieur de ces phénoměnes, c'est 1'analyse acoustique qui doit ressortir au premier plan, car c'est précisément l'image acoustique et non l'image motrice qui est yisée par le sujet parlant. Nécessité de distinguer le son comme fait physique objectif, comme representation et comme element du systéme fonctionnel, L'enregistrement, á 1'aide d'instruments, des facteurs acous-tico-moteurs objectifs des images acoustico-motrices subjectives est précieux á titre d'indicateur des correspondances objectives des valeurs linguistiques. Toutefois, ces faits objectifs n'ont qu'un rapport indirect avec la linguistique, et l'on ne sau-rait par consequent les identifier avec les valeurs linguistiques. D'autre part, les images acoustico-motrices subjectives ne sont des elements ďun systéme linguistique que dans la mesure ou elles remplissent, dans ce systéme, une fonction différencia-trice de significations. Le contenu sensoriel de tels elements phonologiques est moins essentiel que leurs relations réciproques au sein du systéme (principe structural du systéme phono-logique). Tdches fondamentales de la phonologic synchronique. 1. II faut caractériser le systéme phonologique, c'est-a-dire établir le repertoire des images acoustico-motrices les plus sim- 10 nles et significatives dans une langue donnée (phonemes), en snécifiant obligatoirement les relations existant entre lesdits nhoněmes, c.-á-d. en tracant le scheme de structure de la langue considérée; en particulier, il est important de définir comme type special de differences significatives les correlations phonologiques. Une correlation phonologique est constituée par une série de couples de phonemes opposes et se distinguant l'un de l'autre selon un méme principe, que l'on peut penser en l'abstray-ant de chacun des couples (en r u s s e par ex., on a les correlations: « accent ďintensité — atonie des voyelles », « caractěre sonore — caractěre sourd des consonnes », « caractěre mou — caractěre dur des consonnes »; en t c h ě q u e, on a: « longueur _briěveté des voyelles », « caractěre sonore — caractěre sourd des consonnes »). 2. II faut determiner les combinaisons de phonemes réalisées dans une langue donnée en comparaison avec les combinaisons théoriquement possibles de ces phonemes, les variations de 1'ordre de leur groupement et 1'étendue de ces combinaisons. 3. On doit aussi determiner le degré ďutilisation et laden-sité de realisation des phonemes en question et des combinaisons de phonemes ďétendue variée. II faut également étudier la charge fonctionnelle des divers phonemes et combinaisons de phonemes dans une langue donnée. 4. Un probléme important de la linguistique, en particulier slave, est celui de 1'utilisation morphologique des differences phonologiques (ou morpho-phonologie, par abréviation morpho-nologie). Le morphonéme, image complexe de deux ou plusieurs phonemes susceptibles de se remplacer mutuellement, selon les conditions de la structure morphologique, á 1'intérieur ďun méme morpheme (par ex. en r u s s e le morphonéme k/6 dans le complexe ruk (= ruka, ručnoj), joue un role capital dans les langues slaves. II faut determiner, d'une fagon rigoureusement synchronique, tous les morphoněmes existant dans chaque langue ou dialecte slave, ainsi que la place qu'un morphonéme donné peut occuper á 1'intérieur ďun morpheme. La description phonologique et morphonologique de toutes les langues slaves et de leurs dialectes est un probléme urgent de la slavistique. b) Recherches sur le mot et le groupement d e s m o t s. Théorie de la denomination linguistique. Mot. Le mot, considéré du point de vue de la fonction, est le ré-sultat de 1'activité linguistique dénominatrice, qui est parfois indissolublement liée á 1'activité syntagmatique. La linguistique 11 Theses. Theses. qui analysait le langage comme un fait objective de caractěre mécanique a souvent complětement nié 1'existence du mot, mais cependant, au point de vue fonction, Vexistence autonome du mot est chose tout á fait évidente, encore que cette existence se manifeste dans les diverses langues avec une intensita variable et que ce soit un fait potentiel. Par 1'activité dénominatrice, le langage decompose la réalité, qu'elle soit externě ou interne, réelle ou abstraite, en elements linguistiquement saisissables. Chaque langue a son systéme particulier de denomination: elle emploie des formes dénominatrices variées, et ce avec une intensitě variée, par ex. la derivation, la composition et les combinaisons fixes de mots (ainsi dans les langues slaves, sur-tout dans le langage populaire, les nouveaux substantifs se ferment la plupart par derivation); elle a sa classification propre des procédés de denomination et se constitue son vocabulaire caractéristique. Ladite classification se traduit surtout par le systéme des categories de mots, systéme dont Pétendue, la precision et la structure intérieure (relations réciproques de ses elements) doivent étre étudiées pour chaque langue en particulier. En outre, il existe aussi des differences de classification á 1'inté-rieur des différentes categories particuliěres de mots: pour les substantifs, par ex., les categories du genre, de l'anime, du nombre, les degrés de determination, etc., pour les verbes les categories de la voix, de 1'aspect, du temps, etc. La théorie de la denomination analyse en partie les mémes faits de langue que 1'étude traditionnelle de la formation des mots et que la « syntaxe » au sens étroit du mot (théorie de la signification des parties du discours et des formes du mot), mais la conception fonctionnelle permet de relier des faits séparés, de constituer le systéme d'une langue déterminée, et d'expliquer la ou les anciennes méthodes se bornaient á constater, par ex. pour la fonction des formes temporelles dans les langues slaves. L'analyse des formes de la denomination linguistique et des classifications des procédés de denomination ne determine pas encore suffisamment le caractěre du vocabulaire d'une langue donnée. Pour caractériser celui-ci, il faut encore étudier 1'étendue moyenne et la precision moyenne de la signification dans les denominations linguistiques en general et dans les différentes categories de denominations en particulier, determiner les zones ďidées qui sont representees avec une force d'expression parti-culiěre dans le vocabulaire considéré, préciser d'une part le role de l'affectivite, d'autre part rintellectualisation accrue de la langue, constater la facon dont le vocabulaire étudié se complete (par ex. 1'emprunt et le caique), etc. c.-a-d. s'occuper de faits qui ressortissent d'ordinaire á la sémantique. Tliéoi-ie des procédés syntagmatiques. 1,0 c/roupement des mots, tant qu'il ne s'agit pas d'un eroupement fixe, est le résultat de 1'activité syntagmatique, qui fe manifeste aussi parfois, d'ailleurs, dans la forme d'un seul mot. L'acte syntagmatique fundamental, qui est en méme temps l'acte méme créateur de la phrase, est la predication. Aussi la syntaxe fonctionnelle étudie-t-elle surtout les types prédicatifs, en tenant compte aussi, ce faisant, de la forme et de la fonction du sujet grammatical. Ce qui fait le mieux ressortir la fonction de sujet, e'est la comparaison de la division actuelle de la proposition en thěme et énonciation avec la division formelle en sujet et prédicat grammaticaux (il apparait par ex. que le sujet grammatical n'est pas, en tchěque, aussi thématique que le sujet grammatical en francais ou en anglais; la division actuelle de la phrase tchěque, du fait de l'ordre des mots non mécanisé, en thěme et énonciation, permet ďéliminer le différend entre thěme et sujet grammatical que d'autres langues éliminent par exemple en employant le passif). La conception fonctionnelle permet de connaitre les connexions réciproques des différentes formes syntagmatiques (cf. la connexion entre la nature thématique du sujet grammatical et le développement de la predication passive) et, partant, leur solidaritě et concentration. La morphologie (théorie des systěmes des formes de mots et de groupes). Les formations lexicales et les formations de groupes lexi-caux resultant de 1'activité linguistique dénominatrice et syntagmatique se groupent dans la langue en systěmes de caractěre formel. Ces systěmes sont étudiés par la morphologie, bien en-tendu au sens large du mot, laquelle ne prend pas place auprěs de la théorie de la denomination et de la théorie syntagmatique comme une discipline parallěle (division traditionnelle en formation des mots, morphologie et syntaxe), mais les croise l'une et l'autre. Les tendances qui créent le systéme morphologique ont un double courant de cohesion: elles tendent á maintenir dans le systéme formel d'une part des formes diverses suivant les fonc-tions dans lesquelles se manifeste un porteur d'une méme signification, d'autre part les formes des porteur de significations diverses déterniinées par la méme fonction. II faut établír pour chaque langue en particulier la force de ces deux tendances ainsi que leur étendue, et l'agencement des systěmes dominés par elles. II faut également, dans la caractéristique des systěmes morphologiques, constater la force et 1'étendue du principe ana-lytique et du principe synthétique dans l'expression des différentes fonctions particuliěres. 12 13 Theses. Theses. PROBLÉMES DES RECHERCHES SUR LES LANGUES DE DIVERSÉS FONCTIONS. a) Sur les fonctions de la langue. Ľétude d'une langue exige que ľon tienne rigoureusement compte de la varieté des fonctions linguistiques et de leurs modes de realisation dans le cas considéré. Lorsqu'elle n'en tient pas compte, la caractérisation, soit synchronique, soit diachronique, d'une langue quelconque s'en trouve nécessairement déformée eť, jusqu'ä un certain point, fictive. C'est d'aprés ces fonctions et ces modes que changent et la structure phonique et la structure grämmaticale et la composition lexicale de la langue. 1. II y a lieu de distinguer le langage interne et le langage manifeste. Ce dernier n'ést, pour la majorite des sujets parlants, qu'un cas particulier, car ils emploient les formes linguistiques en pensant plus souvent qu'en parlant: aussi est-il erroné de gé-néraliser et surestimer ľimportance, pour la langue, de ľaspect phonique tout extérieur, et faut-il tenir compte des faits poten-tiels lingustiques. 2. Des indices importants pour la caractérisation de la langue sont ľintellectualité ou ľaffectivité des manifestations linguistiques, Les deux indices en question ou s'entrepénétrent ou predominant ľun sur ľautre. 3. Le langage intellectuel manifeste a surtout une destination sociale (relations avec autrui), le langage émotionnel ou bien a également une destination sociale quand il se propose de sus-eiter chez ľauditeur certaines emotions (langage émotif), ou bien est une décharge de ľémotion, opérée sans égard ä ľauditeur. Dans son rôle social, il faut distinguer le langage suivant le rapport existant entre lui et la realite extralinguistique. U a soit une fonetion de communication, c.-ä-d. qu'il est dirigé vers le signifié; soit une fonetion poétique, c.-ä-d. qu'il est dirigé vers le signe lui-mémé. Dans le langage en sa fonetion de communication, il faut distinguer deux directions de gravitation: l'une, oú le langage est « de situation », c.-ä-d. compte sur des elements extralinguis-tiques de complement (langage pratique), ľautre, oú le langage vise ä constituer un tout aussi f ermé que possible avec tendance ä se faire complet et precis, ä user de mots-termes et de phrases-jugements (langage théorique ou de formulation). II est souhaitable ďétudier les formes de langage dans les-quelles prédomine absolument une seule fonetion, et les formes oú s'entre-croisent des fonctions multiples; dans cette etude, le probléme essentiel porte sur la hierarchie diverse des fonctions dans chaque cas donne. 14 Chaque langage fonctionnel a son systéme de conventions _la langue proprement dite; il est par consequent erroné d'identifier un langage fonctionnel avec la langue et un autre avec la « parole » (dans la terminologie de Saussure), par ex. le langage intellectuel avec la « langue » et le langage émotionnel avec la « parole ». 4. Les modes de manifestations linguistiques sont: d'une part la manifestation orale, qui se subdivise selon que l'auditeur voit le sujet parlant ou ne le voit pas, d'autre part la manifestation éerite; et en second lieu le langage alternatif avec interruptions et le langage monologue eontinu. II est important de determiner quels modes s'associent avec quelles fonctions et dans quelle mesure. II faut étudier systématiquement les gestes accompagnant et complétant les manifestations orales dans le cas du contact direct avec l'auditeur, gestes qui ont de l'importance pour le probléme des alliances regionales linguistiques (p. ex. gestes balcaniques communs). 5. Un facteur important pour la subdivision du langage est le rapport existant entre les sujets parlants se trouvant en contact linguistique: leur degré de cohesion sociale, professionelle, territoriale et familiale, puis leur appartenance ä plusieurs col-lectivités dormant lieu ä un melange de systemes linguistiques dans les langues citadines. Dans cet ordre ďidées rentrent le probléme des langues pour les relations interdialectales (langues dites communes), celui des langues speciales, celui des langues adaptées aux relations avec un milieu de langue étrangére, et celui de la distribution des couches linguistiques dans les villes. II faut, méme en linguistique diachronique, préter attention aux influences réciproques profondes de ces diverses formations linguistiques, et ce non seulement au point de vue territorial, mais aussi ä celui des diverses langues fonctionnelles, ä celui des divers modes de manifestation linguistique et ä celui des langues de divers groupes et ensembles. L'etude de cette dialectologie fonctionnelle n'est pour ainsi dire méme pas encore entamée dans le domaine des langues slaves, par exemple on manque complétement jusqu'ici d'une etude quelque peu systématique des nloyens d'expression de l'affectivite linguistique; il faudrait organiser immédiatement 1'étude des langues dans les villes. ■ b) Sur la langue littéraire. Dans la formation des langues littéraires, les conditions politiques, sociales, économiques et religieuses ne sont que des facteurs extérieurs; ils aident ä expliquer pourquoi telle langue 15 Theses. littéraire est sortie précisément de tel dialecte determine, pour-quoi elle s'est constituée et fixée á telle époque, mais ces conditions n'expliquent pas pourquoi elle s'est distinguée et en quoi elle se distingue de la langue populaire. On ne saurait dire que cette distinction tienne uniquement au caractěre conservateur de la langue littéraire; d'une part, en effet, si elle est souvent conservative dans son systéme grammatical, elle est perpétuellement créatrice dans son vocabulaire, et d'autre part, elle ne représente jamais uniquement 1'état passé d'un dialecte local determine. La distinction de la langue littéraire se fait grace au role qu'elle joue, grace en particulier aux exigences supérieures qu'elle se voit imposei*, en comparaison du langage populaire: la langue littéraire exprime la vie de culture et de civilisation (fonctionne-ment et résultats de la pensée scientifique, philosophique et re-ligieuse, politique et sociále, juridique et administrative). Ce role qui est le sien, élargit et modifie (intellectualise) son vocabulaire: le besoin de s'exprimer sur des matiěres qui n'ont pas de rapport direct avec la vie réelle, et sur des matiěres nouvelles, nécessite de nouvelles expressions, que la langue populaire ne possede pas, ou qu'elle ne possédait pas jusqu'alors; le besoin également de s'exprimer méme sur des choses connues de la vie réelle, avec precision et d'une facon systématique, aboutit á la creation, de mots-concepts, et d'expressions pour les abstractions logiques ainsi qu'a une definition plus precise des categories lo-giques á l'aide des moyens d'expression linguistique. L'intellectualisation de la langue dont il est question est également due au besoin d'exprimer V inter dépendance et la complexity des operations de pensée — ďoú non seulement des expressions pour les notions abstraites en cause, mais aussi des formes syntaxiques (elaboration de la phrase avec subordonnées au moyen de f ormules plus precises). L'intellectualisation de la langue littéraire se manifeste également par un contróle accru (censure) des elements émotionnels (culture de 1'euphémisme). A une attitude plus exigeante envers la langue est lié un caractěre plus réglé et plus normatif de la langue littéraire. La langue littéraire est caractérisée par une utilisation fonctionnellé plus considerable des elements grammaticaux et lexicaux (en particulier lexicalisation accrue des groupes cle mots et delimitation plus precise des fonctions qui se traduit par la tendance á éviter 1'équivoque et par une plus grande precision des moyens d'expression), et en second lieu elle est caractérisée par une plus grande abondance de normes linguistiques sociales. Le développement de la langue littéraire comporte un accrois-sement du role joué par 1'intention consciente: celle-ci se mani- Thěses. ■feste dans les formes variees des efforts reformateurs de la langue (en particulier du purisme), dans la politique linguistique c»t dans une influence plus prononcee du goüt linguistique de l'epoque (esthetique de la langue dans ses transformations suc-cessives). Les traits caracteristiques de la langue litteraire sont represents surtout dans le langage continu et en particulier dans les redactions ecrites. Le langage ecrit exerce une forte action sur le langage litteraire parle. Le langage litteraire parle est moins eloigne du langage populaire, tout en conservant des limites nettes ä son egard. Le langage continu en est plus eloigne, surtout dans les discours publics, conferences et cours, etc. Ce qui se rapproche le plus du langage populaire est le langage alternatif et discontinu (conversation), qui constitue une gamme de formes de transition entre les formes canoniques de la langue litteraire et le langage populaire. La langue litteraire accuse une double tendance caracteris-tique: d'une part tendance a Vexpansion, ä jouer le role de koine, d'autre part tendance ä devenir le monopole et la marque carac-teristique de la classe dominante. Ces deux tendances se manifested l'une et l'autre dans le caractere des changements et la conservation de l'aspect phonique de la langue. II doit etre tenu compte de toutes ces proprietes de la langue litteraire dans l'etude soit synchronique, soit diachronique des langues litteraires slaves. L'etude de ces dernieres ne doit pas etre congue sur le modele de celle des dialectes populaires, elle ne doit pas non plus se borner ä la consideration des conditions exterieures de vie et d'evolution de la langue litteraire. c) Sur la langue poetique, La langue poetique est restee longtemps un domaine neglige de la linguistique. C'est tout recemment que Ton s'est mis ä en etudier intensement les problemes fondamentaux. La plupart des langues slaves ne sont pas encore etudiees du point de vue de la fonction poetique. Sans doute, les historiens de la litte-rature ont bien de temps en temps touche ces problemes, mais, n'ayant pas de preparation süffisante en matiere de methologie linguistique, ils ont ete amenes inevitablement ä commettre des erreurs. Sans l'elimination des ces fautes de methode, on ne saurait etudier avec succes les faits particuliers de la langue poetique. 1° II faut elaborer des principes de description synchronique de la langue poetique, en evitant I'erreur, souvent commise, qui consiste ä identifier la langue de la poesie et celle de la commu- Theses. Theses. nication. Le langage poétique a, du point de vue synchronique, la forme de la parole, c'est-a-dire ďun acte créateur individuel, qui prend sa valeur d'une part sur le fond de la tradition poétique actuelle (langue poétique) et d'autre part sur le fond de la langue communicative contemporaine. Les relations réciproques du langage poétique avec ces deux systěmes linguistiques sont extréme-ment complexes et variées, et il y a lieu de les examiner tant au point de vue de la diachronie qu'a celui de la synchronie. Une proprietě spécifique du langage poétique est d'accentuer un element de conflit et de deformation, le caractěre, la tendance et réehelle de cette deformation étant fort divers. Ainsi par ex. un rapprochement de la parole poétique vers la langue de communication est conditionné par ^opposition á la tradition poétique existante: les relations réciproques elles-mémes de la parole poétique et de la langue de communication tantót sont, dans une certaine periodě, trěs nettes, tantot, á d'autres époques, ne sont pour ainsi dire pas senties. 2° Les différents plans de la langue poétique (par ex. la phonologie, la morphologie, etc.) sont si étroitement lies l'un avec 1'autre qu'il est impossible ďétudier l'un d'entre eux sans prendre égard aux autres, ce qu'ont souvent fait les historiens de la littérature. II résulte de la théorie clisant que le langage poétique tend á mettre en relief la valeur autonome du signe, que tous les plans ďun systéme linguistique, qui n'ont dans le langage de communication qu'un role de service, prennent, dans le langage poétique, des valeurs autonomes plus ou moins considerables. Les moyens ď expression groupés dans ces plans ainsi que les relations mutuelles existant entre ceux-ci et tendant á devenir automa-tiques dans le langage de communication, tendent au contraire dans le langage poétique á s'actualiser. Le degré d'actualisation des elements divers de la langue est different dans chaque parole et dans chaque tradition poétiques données, ce qui fournit chaque fois une hierarchie spécifique des valeurs poétiques. Comme il est naturel, les relations de la parole poétique avec la langue poétique et avec la langue de communication sont, en fonction des différents elements, chaque fois différentes. L'oeuvre poétique est une structure fonctionnelle, et les différents elements n'en peuvent étre compris en dehors de leur liaison avec Vensemble. Des elements objectivement iden-tiques peuvent revétir, dans des structures diverses, des functions absolument différentes. Dans la langue poétique peuvent étre actualisés les elements acoustiques, moteurs et graphiques d'un langage donné dont il n'est pas fait emploi dans son systéme phonologique ou dans son equivalent graphique. Néanmoins, il est incontestable que les valeurs phoniques du langage poétique soient en rapport avec la phono- logie du langage de communication, et le point de vue phonologique est seul en mesure de découvrir les principes des structures phoniques poétiques. La phonologie poétique comprend: le degré d'utilisation du repertoire phonologique par rapport au langage de communication, les principes de groupement des phonemes (en particulier en sandhi), la repetition des groupements de phonemes, le rythme et la melodie. La langue des vers est caractérisée par une hierarchie par-ticuliěre des valeurs: le rythme est le principe organisateur et au rythme sont étroitement lies les autres elements phonolo-giques du vers: la structure mélodique, la repetition des phonemes et des groupes de phonemes. Cette combinaison de divers elements phonologiques avec le rythme donne naissance aux pro-cédés canoniques du vers (rime, alliteration, etc.). Ni le point de vue aeoustique, ni le point de vue moteur, qu'ils soient objectifs ou subjectifs, ne peuvent résoudre les pro-blěmes du rythme, ceux-ci ne peuvent étre abordés qu'en tant qu'envisages du point de vue phonologique, qui établit une distinction entre la base phonologique du rythme, les elements extra-grammaticaux concomitants et les elements autonomes, Ce n'est que sur une base phonologique que l'on peut formuler des lois de rythmique comparée. Deux structures rythmiques en appa-rence identiques mais appartenant á deux langues différentes, peuvent étre au fond distinctes, lorsqu'elles se composent ďélé-ments jouant un role different dans leur systéme phonologique respectif. Le parallélisme des structures phoniques realise par le rythme du vers, la rime, etc., constitue Fun des procédés les plus efficaces pour actualiser les divers plans linguistiques. Une confrontation artistique de structures phoniques réciproquement semblables fait ressortir les concordances et les differences des structures syntaxiques, morphologiques et sémantiques. Méme la rime n'est pas un fait abstraitement phonologique. Elle révěle une structure morphologique, et lorsqu'on aligne des morphemes semblables (rime grammatical), et lorsqu'au contraire on écarte cette juxtaposition. La rime est étroitement liée aussi avec la syntaxe (elements de celle-ci qui sont mis en relief et poses en face l'un de 1'autre dans la rime) ainsi qu'avec le lexique (importance des mots mis en relief par la rime, et leur degré de parenté sé-mantique). Les structures syntaxiques et rythmiques sont en un rapport étroit les unes avec les autres, que leurs limites con-cordent ou qu'au contraire elles ne concordent pas (enjambe-ment). La valeur autonome des deux structures est soulignée dans l'un et 1'autre cas. Et la structure rythmique et la structure syn-taxique se trouvent accentuées, dans les vers, non seulement par les moules, mais aussi bien par les deviations rythmico-synta- 18 19 Theses. Theses. xiques. Les figures rythmico-syntaxiques ■ant une intonation ca-racteristique, dont la repetition constitue 1'élan mélodique qui deforme l'intonation coutumiěre du langage, ce par quoi en re-tour se revěle la valeur autonome des structures, et mélodiques et syntaxiques, du vers. Le vocabulaire de la poesie est actualisé de la méme facon que les autres plans de la langue poétique. II se détache soit de la tradition poétique existante, soit de la langue de communication. Les mots inusités (neologismes, barbarismes, archaismes, etc.) ont une valeur poétique en ceci qu'ils se distinguent des mots courants du langage de communication par leur effet phonique, les mots courants n'etant plus, par suite de leur frequent usage, percus dans le detail de leur composition phonique, mais devinés ; de plus, les mots inusités enrichissent la varieté sémantique et stylistique du vocabulaire poétique. Dans le néologisme est actna-lisée en particulier la composition morphologique du mot, Pour le choix des mots, il ne s'agit pas seulement de mots inusités isolés, mais de milieux lexicaux tout entiers, qui interfěrent et dynamisent par leur interference les matériaux du lexique. Une abondante possibilité ďactualisation poétique est Offerte par la syntaxe ä cause de sa liaison multiple avec les autres plans de la langue poétique (rythmique, structure mélodique et sémantique); une importance particuliěre s'attache précisément aux elements syntaxiques dont il est peu fait emploi dans le systéme grammatical d une langue dbnnée, par ex. dans les langues ä ordre des mots variable, l'ordre des mots prend une function essentielle dans les langage poétique. 3° L'investigateur doit éviter Végocentrisme, c'est-ä-dire I'analyse et I'appreciation des faits poétiques du passé ou ďautres peuples au point de vue de ses propres habitudes poétiques et ä celui des normes artistiques qui ont preside á son education. D'ailleurs, un fait artistique du passé peut subsister ou ressus-citer comme facteur actif dans un autre milieu, devenir partie intégrante d'un nouveau systéme de valeurs artistiques, mais en méme temps, naturellement, sa fonction change, et le fait lui-méme subit des modifications appropriées. L'histoire de la poesie ne doit pas projeter dans le passé ce fait sous son aspect trans-forme, mais elle doit le restaurer dans sa fonction originaire, dans le cadre du systéme au sein duquel il avait pris naissance. II faut pour chaque époque une classification immanente claire des f onctions poétiques speciales, c'est-ä-dire un relevé des genres poétiques. 40 Ce qui, au point de vue méthodologique, est le moins éla-boré, c'est la sémantique poétique des mots, des phrases et des unites de composition de quelque étendue. On n'a pas étudié la diversité des fonctions remplies par les tropes et les figures. Outre les tropes et les figures presented comme procede de 1'elo-cution de l'auteur, ce qui est essentiel et le moins etudie pourtant, ce sont les elements semantiques objectives, projetes dans la rea-lite poetique, englobes dans la construction du sujet. Par ex. la metamorphose est une comparaison, projetee dans la realite poetique. Le sujet lui-meme est une composition semantique et les problemes de la structure du sujet ne sauraient etre exclus de l'etude de la langue poetique. 5° Les questions relatives a la langue poetique jouent dans la plupart des cas dans les etudes d'histoire litteraire un role subordonne. Or, Yindice organisateur de I'art, par lequel celui-ci se distingue des autres structures semiologiques, c'est la direction de Vintention non pas sur le signifie, mais sur le signe lui-meme. L'indice organisateur de la poesie est l'intention dirigee sur l'ex-pression verbale. Le signe est une dominante dans un systeme artistique, et, lorsque l'historien de la litterature prend comme objet d'etude principal non pas le signe, mais ce qui est signifie, lorsqu'il etudie l'ideologie d'une oeuvre litteraire comme une en-tite independante et autonome, il rompt la hierarchie des valeurs do la structure etudiee par lui. 60 La caracterisation immanente de 1'evolution de la langue poetique est souvent remplacee dans l'histoire litteraire par un succedane relatif a l'histoire des idees, sociologique ou psycholo-gique, c'est-a-dire par un recours a des faits heterogenes au fait etudie. A la place de la mystique des rapports de causalite entre systemes heterogenes, il faut etudier la langue poetique en elle-ni erne. L'utilisation poetique des langues slaves fournit des mate-riaux tres precieux pour une etude comparative, etant donne ici l'existence de faits structuraux divergents sur un fond de fait? convergents nombreux. Une tache pressante est de faire la rythmique et l'euphonie comparees des langues slaves, la carac-teristique comparative des rimes slaves, etc. 4. LES PROBLEMES ACTUELS DU SLAVE D'EGLISE. ^ Si Ton entend par vieux-slave la langue employee par les apotres et leurs disciples pour les besoins liturgiques et devenue du X° au XII0 siecles la langue litteraire de tous les Slaves fai-sant usage de la liturgie slave, on ne saurait, pour des raisons de methode, admettre que cette langue soit identified avec l'une des langues slaves historiques et qu'elle soit expliquee du point de vue de la dialectologie historique. Dans une langue qui, des ses debuts, n'etait pas destinee a 20 21 Theses. Theses. un besoin local, qui s'appuyait sur la tradition grecque littéraire, et qui a pris par la suite le role de koine slave, on doit supposer á priori l'existence ďéléments artificiels, amalgamés et conven-tionnels. II y a done lieu a!interpreter I'evolution du vieux-slave en fonction des principes qui president a I'histoire des langues litter aires. L'examen des textes vieux-slaves datant du Xe au XIIe siěcles montre qu'il s'etait constitué plusieurs redactions locales du vieux-slave. Du point de vue du vieux-slave considers comiae langue littéraire, on n'est pas fonde á reconnaitre I'une seulement de ces redactions comme vieux-slave correct et á considérer los autres uniquement comme des deviations et á les négliger. Les redactions locales (les dialectes littéraires) du vieux-slave doivent ětre découverts par l'analyse des regies que s'etaient données leg scribes du Xěme au debut du XIFme siěcles; ces dialectes littéraires doivent étre soigneusement distingués des dialectes slaves vivants, qui se glissent dans les textes comme erreurs et deviations épisodiques de la norme adoptee par le scribe. II y a nécessité d'une etude minutieuse, dans le cadre de I'histoire du vieux-slave, non seulement des redactions sud-slaves et de la redaction russe qui en derive, mais aussi des restes de la redaction tchěque et des traces laissées par elle dans les plus anciens textes ecclésiastiques tchěques. Pour se faire une idée de l'origine et de la composition du vieux-slave, ainsi que pour I'histoire des langues slaves vivantes, c'est naturellement un probléme important que de determiner le dialecte slave vivant pris par les apotres comme base d'une langue slave littéraire. On ne saurait déduire ce dialecte directement d'aucun des dialectes littéraires conserves dans les textes vieux-slaves ; il faut, pour le determiner, employer l'analyse historico-comparative des dialectes littéraires du viex-slave et l'etude des deux graphics du vieux-slave. L'etude comparative des données les plus anciennes sur l'un et l'autre alphabets aide á éclaircir la composition originaire de ^alphabet et sa valeur phonologique. Pour l'etude du sort ultérieur du vieux-slave dans ses ďi-verses redactions á partir du XIPme siěcle, époque oú on voit y pénétrer comme regies les changements phoniques essentiels sur-venus entretemps dans les langues slaves vivantes, il vaut mieux employer la denomination de « moyen slave ďéglise ». Une táche trěs urgente, et jusqu'ici complětement negligee, de la slavistique, est ďélaborer une histoire scientifique, allant jusqu'aux temps modernes, du slave ďéglise. Un probléme de la linguistique slave également trěs urgent et important au point de vue méthodologique, c'est I'histoire des elements du slave ďéglise dans les langues nationales slaves littéraires, en particulier dans le russe, ainsi que l'etude des rapports mu- tuels de ladite couche avec les autres couches de ces langues. Les elements du slave d'eglise existant dans les langues litteraires slaves doivent etre etudies au point de vue de leurs fonctions aux differentes periodes, en s'efforcant en meme temps de resoudre la question de leur valeur par rapport aux exigences imposees i ä une langue litteraire. I 5. h PROBLE3MES D'UNE TRANSCRIPTION PHONETIQUE s ET PPIONOLOGIQUE DANS LES LANGUES SLAVES. e II faut unifier les principes de la transcrip- i? tionphonetique pour toutes les langues slaves, c.-a-d. les regies de la reproduction graphique des sons les plus divers par lesquels se realise le repertoire phonologique des differentes lan-f gues en particulier. Dans l'interet de l'etude synchronique et diachronique des • langues, et de la dialectologie slave en particulier, c'est egale- • ment une täche importante que de convenir d e principes • dc transcription phonologique, c.-a-d. de moyens de rcproduire par l'ecriture la constitution phonologique elle-meme des langues slaves. k II f aut egalement fixer les principes d'une trans- ', cription combinee, ä la fois phonetique et phono-is 1 o g i q u e. L'absence d'une transcription phonologique standardisee I complique le travail de caracterisation phonologique des langues [ slaves. i- 6. PRINCIPES DE LA GEOGRAPHIE LINGUISTIQUE, LEUR APPLICATION ET LEUR RAPPORT Ä LA GEOGRAPHIE ETHNOGRAPHIQUE EN TERRITOIRE SLAVE. I a) Determiner les hmites spatiales [ou temporelles] des \ different^ faits de langue particuliers est un procede de travail necessaire de la geographie linguistique [ou de I'histoire de la \ langue], mais on ne doit pas faire de ce procede de travail le but meme, se süffisant ä lui-meme, de la theorie. On ne doit pas concevoir l'extension territoriale des faits s linguistiques comme une anarchie d'isoglosses particulieres auto-I nomes. La comparaison des isoglosses entre elles montre qu'on i petit relier plusieurs d'entre elles en faisceaux et determiner ainsi le foyer oucentre d'expansion d'un groupe d'innovations I linguistiques ainsi que les zones peripheriques de cette expansion. 22 23 Theses. Theses. L'etude d'isoglosses qui se recouvrent montre quels faits lin-guistiques ont nécessairement entre eux des connexions réguliěres. En dernier lieu, la comparaison des isoglosses est la condition du probléme capital de la géographie linguistique, ä savoir la determination scientifique des aires linguistiques ou division de la langue en zones selon les principes de division les plus féconds. b) Lorsqu'on se borne aux faits faisant partie du systéme linguistique, on peut constater que les isoglosses isoléěs sont pour ainsi dire des fictions, car des faits extérieurement identiques, lorsqu'ils appartiennent ä deux systěmes différents, peuvent étre fonctionnellement différents (par ex.: un i identique en appa-rence a dans les divers dialectes ukrainiens une valeur phono-logique variée; lä ou les consonnes s'amollissent devant i < o, i et i sont des variantes d'un seul et méme phoneme, lä oü elles ne s'amollissent pas, ce sont deux phonemes). II est impossible ďinterpréter linguistiquement des isoglosses isolées, car on ne saurait comprendre un fait linguistique en lui-méme, non plus que sa genese et sa propagation sans ténir compte du systéme. c) De méme que, dans Phistoire de la langue, on admet la confrontation avec des faits ďévolution heterogenes, de méme aussi V expansion teritoriale des faits linguistiques peut étre utile-ment confrontée avec ďautres isolignes géographiques, et ce sur-tout avec des isolignes anthropogéographiques (limites de faits ressortissant ä la géographie économique et politique, limites ďexpansion de faits ressortissant ä la culture materielle et spirituelle), mais aussi avec des isolignes de géographie physique (isolignes du sol et de la flore, isolignes climatiques, faits géo-morphologiques). Ce faisant, on ne doit pas négliger les conditions particu-liěres de telle ou telle unite géographique; c'est ainsi par exemple que la confrontation de la géographie linguistique avec la géo-morphologie, trěs féconde dans les conditions qui sont celles de l'Europe, a dans le monde slave oriental une importance notable-ment moindre que la confrontation des isoglosses avec les isolignes climatiques. La confrontation des isoglosses avec d'autres isolignes anthropogéographiques est possible au double point de vue et synchronique et diachronique (données de la géographie historique, de 1'archéologie, etc.), mais l'un et l'autre points de vue ne doivent pas étre confondus. La confrontation de systémes heterogenes ne saurait étre féconde que lorsqu'on envisage les systěmes compares comme étant équipollents; si 1'on insérait entre eux la catégorie de la causalité mécanique et que 1'on déduisit les faits de 1'un des systěmes de faits de l'autre systéme, on déformerait le groupe- • i»it synthétique des systěmes en cause et 1'on substituerait •'"line synthěse scientifique un jugement unilateral. H d) En dressant la carte des faits linguistiques ou ethno-qraphiques, il faut tenir compte de ce que V expansion des faits ■nnsidérés ne reeouvre pas la parenté génétique ďordre linguis-litiiie ou ethnique, et qu'elle occupe souvent un territoire plus étendu. 7. PEOBLĚMES SLAVES RELATIFS Á UN ATLAS LINGUISTIQUE, SURTOUT LEXICAL. Les langues slaves sont si proches parentes 1'une de l'autre que souvent les differences entre deux langues slaves voisines sont moindres que les differences entre deux dialectes italiens voisins. Au point de vue géographique, les langues slaves sont iiresque toutes en contact V une avec l'autre. II n'y a pas liaison géographique entre le groupe yougoslave et Ie groupe slave septentrional, mais chacun de ces groupes constitue en lui-méme une unité géographique ininterrompue: l'un s'etend de Venise a la Thrace, l'autre de la Šumava á 1'Océan Pacifique. De telles conditions poussent spontanément á 1'idée ďun atlas linguistique slave: il n'est pas douteux que le besoin ďun pareil atlas existe. Une étude ďétymologie comparée du voca-bulaire slave est impossible sans une determination precise de I'o.ire de cliaque mot. Le dictionnaire de Miklosich et celui de Berneker énuměrent chaque fois toutes les langues slaves pos-sédant des correspondants du mot protoslave considéré, mais ces indications ne permettent pas de se faire une idée exacte de l'ex-l(