fiTUDES METHOÖE DE COMPARAISON ANALYTIQUE ET GRAMM AIRE COMPAREE HISTORIQUE PAR B. TRNKA. Dans la conception de la linguistique qui est celle des neo-grammairiens, et que l'on peut considerer comme codifiee par les Prinzipien der Sprachgeschichte de Paul (Halle, 26me ed. 1886, 5üme ed. 1920), on n'admet l'emploi, pour les recherohes linguist iques, que de la seule methode historique, qui etudie les conditions chronologiques des faits de langue. Car on est sur le terrain historique des qu'on. va au-delä de la simple constatation des faits do langue, et que Ton vise ä en determiner l'enchainement interne, autre nom pour 1'enchainement historique. La linguistique do it tächer de fixer la succession des faits de langue non seule-ment dans l'examen des textes appartenant aux divers Stades Revolution d'un,e merae langue, mais aussi dans la comparaison des langues et dialectes apparentös: il s'agitnon pas tant de rele-vor des ressemblances que de reconstruire le fonds commun initial d'oü lesdits dialectes et langues seraient sortis par l'ef f et de «lois» Cette conception, qui triompha entre 1870 et 1880 et fut d'abord appliquee dans la grammaire comparee des langues indo-ouropeennes, apporta ä la linguistique des resultats inattendus, et olle s'implanta aussi dans l'etude scientifique d'autres families do langues tolles que les families semitique, ougro-finnoise et bantoue. Soulo otait consideree comme etude scientifique, meme dans le doniaino des langues non indo-europeennes, une compa-raison genotique limitee pricipalement a la phonetique (et ä la morphologie comme phonetique appliquee), alors que la description oxacte des langues et dialectes contemporains sans appareil historique etait tenue pour une simple besogne preparatoire ou poui: un travail imparfaitement historique. Les neo-grammai-riens conclamnaient la comparaison analytique de langues non apparentees entre elles. Actuellement, apres la publication du « Cours de Linguistique Generale» de Saussure (Geneve, l6re ed. 1915, 26me ed. 1923), il est facile d'apercevoir les faiblesses du raisonnement des neogrammairiens. En face de la methode historique, ou, selon la terminologie de Saussure, diachronique, on a la methode de comparaison analytique ou synchronique. En regard de la surestima- 3 33 B. Trnka: tion faite par les neo-grammairiens de la methode historico-ge-netique, on pourrait, aussi legitimement et aussi partialement, dresser l'affirmation suivante, a savoir qu'expliquer un fait de langue a la lumiere de la tradition comme un equivalent successif d'une forme plus ancienne n'en constitue pas encore la pleine explication, et que toute etude historique, des qu'elle ne se borne pas a simplement constater la regularite des changements lin-guistiques et qu'elle passe a leur explication profonde, se trouve deja sur le terrain de la grammaire synchronique, car les changements d'elements linguistiques donnes dans une phase d'evolution donnee doivent etre expliques par Taction d'autres f aits synchro-niques. C'est la recherche diachronique, et non l'etude synchronique, qui constitue une simple etude preparatoire, un classement chronologique des faits servant d'introduction a l'examen pro-fond, et synchronique, des systemes d'expression qu'etaient les phases d'evolution anterieures de la langue. La grammaire analytique admet en outre la possibilite de la comparaison d'etats de langue entre langues apparentees de loin seulement ou pas du tout apparentees, et permet ainsi de constater des tendances linguistiques et des categories grammaticales plus generates, con-statations que Ton n'aurait pu faire par la grammaire historique des langues d'un meme groupe. Bien que la linguistique actuelle penche dans l'ensemble vers la methode de comparaison analytique, notamment dans les re-cherches de syntaxe et de semasiologie, il y a lieu d'insister sur ce point que les deux methodes se completent l'une 1'autre pour l'etude des phases de developpement des langues apparentees. Si, pour le passe, la methode diachronique passe avant la methode synchronique, elle passe apres pour l'etude de la langue contem-poraine. La methode diachronique batit les formes d'expression surtout sur les faits successifs, et s'occupe des changements diff e-renciant Texpression linguistique a des epoques diverses. La methode synchronique, qui n'a pas besoin de se limiter a des langues apparentees, mais peut comparer entre eux n'importe quels systemes d'expression,, peut aller non seulement de la forme a la signification, mais aussi de la signification (fonction) a la forme, en s'occupant surtout d'analyser finement les aspects fonction-nels de la langue, et en fournissant ainsi de nouveaux materiaux a la methode diachronique. L'une et 1'autre methode sont comparatives, recherchent les differences et les ressemblances exis-tant entre des faits de langue; seuls les resultats different, meme lorsqu'on opere sur les memes materiaux. Differentes, tout en etant complementaires, sont aussi les lois auxquelles on arrive de l'une et 1'autre fagons. Les deux methodes doivent etre distinguees avec precision, et leurs resultats ne sauraient etre confondus. Par exemple, la Methode de comparaison analytique et grammaire comparée historique. comparaison analytique de langues slaves ou germaniques ne saurait aboutir ä une reconstruction de formes anterieures initiales, de méme que la grammaire historique de ces langues ne saurait aboutir ä dresser le tableau synchronique des formes primitives et reconstruire le systéme d'expression primitif proto-germanique ou protoslave.i) Quelle est la principále difference entre les deux methodes? Ce n'est pas, comme le croit de Saussure, le fondateur de l'ecole de Geneve, le temps, éliminé dans l'etude synchronique ä l'en-contre de l'etude diachronique; le point décisif est le but de l'etude. On emploie la methode synchronique quand on compare des systemes linguistiques, que ceux-ci représentent des Stades successifs d'une méme langue ou des stades de langues apparentees ou non. Co faisant, on se comporte comme quand on compare deux ou plusieurs tableaux: on note les couleurs, les dessins, les rapports des parties au tout, on relěve les ressemblances et les differences, et Ton tend ä voir dans les details qui se reproduisent la manifestation de tendances déterminées. Quand on emploie la methode historique, la comparaison poursuit un but tout autre: il ne s'agit pas de comparer des systemes, ou des particularités á Tintérieur de ces systěmes, mais de reconstruire Timage primitive dont procědent les copies examinees, ou de mettre en parallele les traits fonctionnellement equivalents de Toriginal et J) C'est la langue contemporaine qui est le plus accessible h l'etude linguistique, puisqu'on peut la connaitre directement, c.-a-d. par l'oreille. Les utats de langue passes ne nous sont accessibles que par l'oeil, par l'inter-mediaire de l'ecriture, qui conserve par la force de la tradition une ortho-graphe anciennei voilant les changements phonetiques ou monphologiques, idors que la langue vivante pouvait avoir deja les nouvelles formes. C'est presque une loi que le fait suivant, qui se produit dans l'etude de revolution d'une langue: lorsque les documents ecrits font defaut pour une cer-taine epoque, on en est reduit aux resultats que Ton peut obtenir par la comparaison des phases chronologiquement voisines. Lorsqu'il s'est conserve de nombreux monuments ecrits, temoins d'une forte tradition litte-raire, c'est a son tour celle-ci — qui ne peut etre interrompue que par une revolution — qui s'interpose entre les faits et nous, sous forme soit d'une orthographe fixee (comme en frangais et en anglais), soit d'une morpho-logie et d'un vocabulaire fixes (comme en Sanscrit). La connaissance d'un stade de developpement d'une langue donnee dans toute la plenitude des faits est d'autant plus fragile qu'on a moins de documents et qu'il faut plus de constructions hypothetiques. Je pense aux tessons de poteries antiques: plus ceux-ci sont volumineux ou nombreux, plus la reconstruction du vase entier est sure. De meme, dans Tana-lyse de la langue d'un monument isole, il faut completer les traits conserves par des traits reconstruits, a distinguer scrupuleusement des faits atteints directement par l'analyse. C'est seulementl Tunion complementaire des resultats des etudes de (■omparaison analytique avec les resultats reconstruits par les recherches historico-genetiques que Ton peut approcher de la realite linguistique de la langue primitive roconstruite. 35 B. Trnka: des copies. La linguistique qui emploie la méthode comparative analytique vise á determiner les relations réciproques des diffé-rents elements ďun systéme ďexpression donné, c'est-a-dire á constater des relations mutuelles cycliques. Au contraire, la grammaire historique vise á determiner Fordre de succession des faits, qu'elle suit dans leur développement linéaire, et elle s'echappe ainsi perpétuellement des cercles en lesquels les faits sont groupés á une époque donnée de 1'évolution de la langue. Le temps ne saurait étre un caractěre distinctif essentiel des deux méthodes puisque la conscience des changements chronologiques % (cf. archaismes et néologismes) est un facteur psychologique á i tout moment de 1'évolution de chaque langue. En comparant, par exemple, le latin avec une langue romane, on aurait á peine le droit de parler de comparaison synchronique. II vaut mieux par- | ler de comparaison analytique en regard de la comparaison histo-rico-génétique. | La grammaire historique actuelle ne fait qu'etablir, grace j aux documents écrits, la simple succession des faits de langue á partir des stades les plus anciens de la langue jusqu'au stade | le plus recent. La substitution á d'anciens faits linguistiques de | faits différents ayant les mémes fonctions ne peut se comprendre au point de vue psychologique que si Ton ad met comme loi gé- 1 nérale le fait qu'il ne saurait exister dans la subconscience lin- » guistique des sujets parlants d'homonymes a b s o 1 u s, autre- | ment dit deux formes diverges pour la memo fonction. Deux I formes en vieux tchěque comme řeka et řeka, qui expriment la I méme chose (« la riviere ») ne peuvent se maintenir l'une á coté J de l'autre, et l'une des deux disparait. Lorsqu'une idée ou un rap- f port avec un méme contenu intellectuel et affectif est rendu, pour des raisons de phonétique ou d'emprunt dialectal par deux I variantes, on voit apparaitre une tendance á employer chacune des variantes avec une nuance de sens différente ou á en sup-primer une. I Lorsqu'il en est ainsi, la variante la plus ancienne, ayant cessé de constituer un element du systéme de la langue de con- | cert avec les autres elements, devient un fait de la grammaire I historique. Ces faits successifs, qu'ils soient de caractěre phoné- | tique, morphologique ou syntaxique, qui expriment, au moins en 1 apparence, la méme fonction, forment Fob jet de la grammaire | diachronique, qui n'est au fond rien d'autre qu'une grammaire de différenciation, puisqu'elle examine les changements lingui- 1 stiques sur la base du stade devolution le plus ancien qui soit accessible. 1 Bien que les lois phonétiques actuelles ne constituent que des I indications dans la complexité des phénoměnes que comporte \o mot comme terme de phrase et place au premier plan de 1'intérét 1 flléthode de comparaison analytique et grammaire comparée historique. du iinguiste, elles sont en somme, dans leur secteur, indépen-dantes des autres faits linguistiques, car les sons constituent des relations directes de la forme á la signification, en d'autres termes ils ont leurs fonctions spécifiques propres, ce sont des phonemes charges d'une fonction différente de celle du mot comme unite de la phrase.2) II est curieux de constater que la linguistique ait apergu si tardivement le rapport des elements phonétiques á leur fonction á 1'intérieur ďun systéme linguistique, alors que les exceptions aux lois phonétiques, dites changements analogiques, étaient ex-pliquées visiblement par Taction de facteurs significatifs de la phrase, par la reaction de la fonction du mot comme unité de la phrase sur les sons qui le constituent. La táche de la nouvelle linguistique est done de suivre les changements phonétiques non seulement au point de vue de la phonétique pure, mais aussi dans leurs rapports avec les fonctions qui forment une unité ďexpression. Si la grammaire historique suivait les changements phonétiques dans leur mouvement linéaire sans égard au systéme, la nouvelle grammaire historique fonctionnelle doit suivre le déplacement des habitudes articulatoires en tenant compte des fonctions des autres sons groupés en cercle, et du mouvement linéaire de certains elements qui réagit perpétuellement et se déplace en consequence perpétuellement. Les linguistes russes, tels que le prof. Troubetzkoy et Jakob-son, soulignent le postulát scientifique de la linguistique fonctionnelle, á savoir que tous les faits phonétiques doivent étre expliqués comme la manifestation de certaines tendances fon-damentales, qu'il y a lieu de constater pour le systéme ďune langue ou ďun groupe de langues. Sans nier la legitimitě de ce point de vue, qui marque un progres important sur la conception de simples lois des changements phonétiques isolés dans 1'esprit des néo-grammairiens et un pas fait vers la conception de lois plus larges, je suis loin de penser que Ton puisse rendre compte de tous les changements phonétiques, unilatéralement, par la reaction de tout le systéme phonologique. Outre les changements phonétiques qui sont produits par cette reaction de tout ou partie du systéme phonétique fonctionnel sur une modification déter-minée, il y a lieu de reconnaitre, pour une periodě donnée ďévo- ) Je suis arrive ä la notion de phonologie dans mes reflexions relatives aux problemes de linguistique generale avant d'avoir eu entendu ,parlei des recnerches phonologiques des savants russes, et ee par une double voie: dune part, j y ai eté conduit par une tentative de constitution d'un systéme de Stenographie tchěque plus parfait, systéme devant reposer sur un examen preas de la fonction des sons du tchěque iterations et combinai-sons);, d autre part j'y ai été amené en cherchant ä 1'étude phonétique un pendant dans Fetude du contenu de ces sons. 36 37 B. Trnka: Methode de comparaison analytique etc. lution, des changements phonétiques, oü les facteurs fonctionnels ne jouent qu'un role de second plan, ou méme qu'un role tout p a s s i f. L'appreciation de la valeur relative des deux méthodes com-plémentaires, l'analytique et l'historique, tient ä objectif final poursuivi par 1'étude linguistique. S'il s'agit ďétablir le caractěre propre d'une langue donnée, de rendre compte de la langue dans sa particularité concrete comme systéme de moyens d'expres-sion et de communication propre ä une periodě donnée de son développement dont il s'agit de rendre compte, la méthode essentielle doit étre nécessairement celle qui est orientée statiquement et qui concoit l'histoire de la langue comme un total de périodes particuliěres ďévolution ä comparer en qualité de périodes indé-pendantes. Mais si le linguiste est oriente historiquement, s'il se propose de rendre compte de la succession des f aits de langue par oů les différentes périodes ďévolution se distinguent les unes des autres plutot que de comparer des systěmes dans leur inté-gralité concrete, il relie les faits linguistiques se succédant sans interruption en un systéme reposant sur 1'« axe du temps », systéme dans lequel les faits sont classes suivant des lois abstraites et qui est aussi abstrait que les Schemas des biologistes representant par exemple le développement de la circulation du sang chez les divers animaux sans tenir aucun compte des fonctions des autres organes de l'animal. Suivant la valeur relative accor-dée ä l'une ou l'autre méthode, on aurait une esquisse toute diffé-rente de l'histoire par exemple des langues germaniques du point de vue analytique et du point de vue historico-génétique; l'appreciation de la valeur des résultats des deux modes de comparaison depend des dispositions psychologiques de tel ou tel peuple. Mais, dans une étude partielle de la langue, il faut employer les deux méthodes complémentaires: plus on a de coupes transversales et longitudinales, plus on se rapproche de la comprehension d'une langue donnée et de ses phases évolutives. Le réseau le plus serré de coupes transversales est fourni par 1'étude des langues des generations successives, le réseau le plus serré de coupes longitudinales est fourni par celle du plus grand nombre possible de faits linguistiques depuis les Stades les plus reculés jusqu'au stade contemporain. Attachée ä l'analyse des langues contemporaines, l'ecole de Geneve renonce, du fait de son attitude ďindifférence ä Tégard de l'analyse des phénoměnes synchroniques des phases antérieures, aux possibilités linguistiques de la comparaison analytique de plusieurs systěmes linguistiques possédant un ensemble de faits determines communs et paries par les generations successives, sans lequel la comprehension de la langue contemporaine elle-méme est sommaire et nou definitive. ZUR ALLGEMEINEN THEOEIE PER PHONOLOGISCHEN VOKALSYSTEME. PAR N. TRUBETZKOY. 1. Der Gegensatz zwischen phonetischer und phono-logischer Betrachtung der Sprachlaute ist ein grundsätzlicher und kann nicht genug betont werden. Im Gegensatz zur Phonetik, die eine Naturwissenschaft ist und sich mit den Lauten der menschlichen Rede befaßt, hat die P hon o-1 o g i e die Phoneme oder Lautvorstellungen der menschlichen Sprache zum Gegenstand und ist demnach ein Teil der Sprachwissenschaft. Phonologie gehört zur Grammatik ebenso wie Morphologie und Syntax. Die phonetische Betrachtung setzt eine ganz andere Wahrnehmungsart der Rede voraus, als die Wahrnehmungsart, die z. B. für eine morphologische Betrachtung notwendig ist. Dagegen ist die Wahrnehmungsart, die bei der phonologischen Betrachtung gebraucht wird, grundsätzlich mit der morphologischen identisch. Die phono-logische Betrachtung, durch die ein gesprochenes Wort in einzelne Phoneme zerlegt und als aus diesen Phonemen bestehend wahrgenommen wird, beruht auf derselben assoziativen Analyse, durch die bei morphologischer Betrachtung das Wort in seine morphologischen Bestandteile, d. h. Morpheme, zerlegt wird. Warum wird ein Wort wie tschech. duby als Nom.-Akk. Plur. erkannt? Weil es sich einerseits mit Wörtern wie zuby, hrady usw., andrerseits aber mit dub, dubu, dubem usw. assoziiert und auf diese Weise in zwei morphologische Bestandteile oder Morpheme (dub-\-y) zerlegt werden kann. Aber ebenso wird dasselbe Wort duby als aus den Phonemen d-\-u-{-b~\-y bestehend wahrgenommen, weil jedes von diesen Phonemen nicht bloß in diesem Worte, sondern auch in anderen Wörtern vorkommt: nach seinem anlautenden d assoziiert sich duby mit dáli, deset, dýka, dolů usw., nach seinem u- mit zuby, ruka usw. Durch diese lautlichen Assoziationen mit verschiedenen anderen Wörtern derselben Sprache wird das gegebene Wort oder, besser gesagt, die gegebene Wortvorstellung in ihre phonologischen Bestandteile, d. h. die einzelnen Lautvorstellungen oder Phoneme zerlegt. Die assoziative Analyse bleibt aber beim einzelnen Phonem nicht stehen. Vergleicht man z. B. das deutsche Wort Keil mit dem Worte geil, so bemerkt man, daß zwischen beiden genau derselbe Unterschied besteht, wie zwischen Pein und Bein. Im 38 39