Université Bordeaux 1 Les Sciences et les Technologies au service de l’Homme et de l’environnement N° d’ordre : 4065 THÈSE PRÉSENTÉE A L’UNIVERSITÉ BORDEAUX 1 ÉCOLE DOCTORALE DES SCIENCES ET ENVIRONNEMENTS Par Alexandre MICHEL POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR SPÉCIALITÉ : Préhistoire et Géologie du Quaternaire L'Aurignacien récent (post-ancien) dans le Sud-Ouest de la France : variabilité des productions lithiques. Révision taphonomique et techno-économique des sites de Caminade-Est, abri Pataud, Roc-de-Combe, Le Flageolet I, La Ferrassie et Combemenue. Directeur de recherche : Jacques JAUBERT Co-Directeur : Jean-Guillaume BORDES Soutenue le vendredi 8 octobre 2010 Après avis de : M. Jacques PELEGRIN, Directeur de recherche au CNRS, UMR 7055, Nanterre. M. João ZILHAO, Professor, University of Bristol, Royaume-Uni. Devant la commission d’examen formée de : M. Federico BERNALDO DE QUIROS, Professeur d’université, Universidad de León, Espagne M. François BON, Maître de Conférence, Université Toulouse II le Mirail M. Jean-Guillaume BORDES, Maître de Conférence, Université Bordeaux 1…………………….co-directeur M. Francesco D’ERRICO, Directeur de recherche, CNRS, PACEA, Bordeaux M. Jacques JAUBERT, Professeur des universités, Université Bordeaux 1 ……..………………..Directeur M. Pierre NOIRET, Assistant Professor, Université de Liège, Belgique M. Jacques PELEGRIN, Directeur de recherche, CNRS, MAE, Nanterre ……………………….Rapporteur M. João ZILHAO, Professor, University of Bristol, Royaume-Unis ……………………………...Rapporteur Remerciements Je tiens à remercier en premier lieu Jacques Jaubert, qui a accepté de diriger cette thèse. Je lui suis reconnaissant pour son aide et son soutien depuis le master 1 et ce jusqu’au terme de ce travail, malgré ma transition du Paléolithique moyen vers le Paléolithique supérieur. Un grand merci à Jean-Guillaume Bordes, qui a co-dirigé ce travail. Je ne saurais exprimer l’étendue de ma gratitude pour ton aide, quelle qu’elle soit, constante et sans faille. J’espère simplement avoir été à la hauteur de tes attentes. Je tiens à remercier vivement les deux rapporteurs, Jacques Pelegrin et João Zilhão d’avoir trouver le temps de relire ce travail malgré des emplois du temps surchargés. Toute ma gratitude va aux membres du Jury, François Bon, Federico Bernaldo De Quirós, Francesco d’Erricco et Pierre Noiret qui m’ont acceptés de participer à cette soutenance. Je tiens à remercier Anne Delagnes pour son accueil au sein de l’IPGQ, et les membres du laboratoire parmi lesquels Michel Lenoir, Véronique Laroulandie, Pierre-Yves Demars, JeanPierre Texier, Patrick Michel, sans oublier Eric Pubert, Michèle Charuel, Geneviève Peyre et Sylvie Djian. Je tiens à remercier chaque conservateur et personnel des musées m’ayant permis l’accès aux collections dans les meilleures conditions. Tout d’abord Jean-Jacques Cleyet-Merle du Musée National de la Préhistoire, ainsi qu’André Morala et Alain Turq, sans oublier Bernard et Peggy. Merci à Patrick Perrin du Musée d’Archéologie Nationale et à Catherine Schawb. Enfin, je ne saurais oublier l’accueil et les possibilités d’études que m’ont offert Roland Nespoulet et Laurent Chiotti pour l’étude du matériel de l’abri Pataud. Je ne peux oublier toutes les personnes qui m’ont permis d’étudier diverses collections, notamment Jean-Philippe Rigaud, Jean Airvaux, Jean-Guillaume Bordes, Arnaud Lenoble, Foni Le Brun-Ricalens, Michel Brenet, Catherine Cretin, Alain Turq et Michel Lenoir. Merci au Ministère de la culture et de la communication pour l’octroi d’une AFR, et plus précisément les personnels de la DRAC et du SRA Aquitaine, Dany Barraud conservateur général du patrimoine et Nathalie Fourment. Merci à Mme Bouyssonie, Jean-Marc Bouvier et l’association « pour le gisement de la Madeleine », pour l’attribution d’une bourse de recherche. Merci à Arnaud Lenoble, André Morala et Eugène Morin pour leurs relectures et les nombreuses discussions que nous avons pu échanger. En grand merci à Cédric Beauval, Jean-Christophe Castel, Loïc Daulny, Sylvain Ducasse, Laura Eizenberg, Jean-Philippe Faivre, Damien Flas, Sophie Guégan, Patricia Guillermin, Laurent Klaric, François Lacrampe, Mathieu Langlais, Foni Le Brun-Ricalens, Christian Normand, Seong-Jin Park, Sylvain Pasty, Damien Pesesse, Caroline Renard, Sylvain Renou, Nicolas Teyssandier, Tsenka Tsanova et Marianne Vanhaeren. Je ne saurai oublier mes collègues de bureau, anciens et nouveaux, Gérald Bereiziat, Myriam Boudadi-Maligne, Emilie Claud, Emilie Campmas, Emmanuel Discamps, Jean-Baptiste Mallye, William Rendu, et un merci plus particulier pour Solange Rigaud. Je ne saurais oublier François Bachellerie, toujours présent, dans les bons comme les mauvais jours. Plus qu’un collègue, un véritable ami, un conseiller avisé, un parrain pour ma fille et bien plus encore…Je t’en remercie, et Fanny aussi, toujours présente pour moi et ma famille . Merci à Nico et Tom toujours présents depuis notre première rencontre dans les bacs à sable, pour qui je reste le « cailloutologue » de service. Merci à tous ceux qui m’ont suivi et soutenu avant, et durant ces années : mon petit frère Vincent, Pauline, Claire, marraine Raphaëlle et tonton Toto, Agnès et les filles sans oublier Bertrand, ainsi que Linette, qui m’a choyé (les précieuses voisines !), ma famille comme ma belle-famille. Pour Julie et nos deux enfants, Achille et Jeanne, merci de votre présence, de votre patience et de votre soutien et bien plus encore … je vous dois tant. « Faites du bien à une pierre, elle vous le rendra. » Proverbe Berbère. 2 Introduction L'Aurignacien est considéré, à tort ou raison, comme le premier techno-complexe du Paléolithique supérieur porté par l’Homme moderne. Pour le Sud-Ouest de la France trois grandes phases y sont actuellement reconnues (cf. infra historique) : le Protoaurignacien1 , l'Aurignacien ancien classique et l'Aurignacien récent sensu largo. La phase récente (Bon 2002 ; Bordes 2005) renvoie, par opposition à la phase ancienne (Aurignacien I) aux épisodes ultérieurs et correspond à un regroupement des stades II, III et IV de D. Peyrony (1933, 1934), et des phases moyennes, récentes et finales de H. Delporte, (1984, 1991). L'Aurignacien récent recouvre une période de temps allant de 32000 BP à 28000 BP (Djindjian 1993a, 1993b ; Djindjian et al. 2003), voire 25000 BP (Delporte 1991). Les industries lithiques attribuées à l’Aurignacien récent2 se retrouvent sur une grande partie de l'espace européen : depuis la façade atlantique (e. g. Delporte 1984, 1991 ; Djindjian 1986, 1993a, 1993b, 2002 ; Peyrony 1933, 1934 ; Rigaud 1982b, 1993 ; Sonneville-Bordes 1960, 1982), en passant par l’Europe du Nord et centrale (e. g. Delporte 1963 ; Flas 2006 ; Hahn 1977, 1982a, 1982b ; Oliva 1982 ; Otte 1979 ; Sachse-Kozlowska 1982 ; Valoch 1982) avec des extensions probables au Proche-Orient (Lucas 2000 ; Ploux et Soriano 2003 ; Soriano 1998 ; Tixier 1974) et ce, par opposition à l'Aurignacien ancien qui semble confiné au SudOuest de la France et au Jura Souabe en Allemagne (e. g. Bon 2002 ; Bordes 2002 ; Flas 2006 ; Teyssandier 2007). Approcher le techno-complexe aurignacien, quel que soit le domaine d’étude privilégié (industrie lithique, industrie osseuse, stratégie de subsistance, art figuratif, restes humains …), revient actuellement à alimenter le débat, ou à traiter des processus mis en jeu lors de « La Transition » Paléolithique moyen / supérieur (e. g. Teyssandier 2007). Ce « paradigme très puissant » (Teyssandier et Liolios 2008), réduisant ce moment à des « invasions de peuples beaucoup plus élevés dans l’échelle des races et dans celle de la civilisation que leurs prédécesseurs néanderthaliens » (Breuil 1913), sur une échelle géographique large, à la fois européenne et proche-orientale, voir centre asiatique, a donc largement influencé les études 1 L’utilisation de ce terme ne fait pas encore l’unanimité ( Bon 2006 ; Bordes et al. 2008), d’autres le substituant au terme d’Aurignacien archaïque ou initial (e.g. Bon 2002, 2006 pour une synthèse). 2 Présence de pièces « carénoïdes », et notamment des burins carénés, voir, lorsqu’elles sont présentes, de lamelles Dufour. 3 menées sur les débuts du Paléolithique supérieur en général, et de l’Aurignacien en particulier. L’attention portée aux premières manifestations de l’Aurignacien a induit une meilleure compréhension des systèmes techniques en matières dures animales (Hahn 1988a et b ; Knecht 1991, 1992 ; Leroy-Prost 1974, 1975a et b, 1979 ; Liolios 1999, 2004), des activités symboliques et artistiques (Hahn 1992, 1995 ; Delluc et Delluc 1991 ; Taborin 1993 ; Vanhaeren 2002 ; Vanhaeren et d’Errico 2006 ; White 1989, 1993a, 1993b), ainsi que des systèmes de productions lithiques (e. g. Bon 1996, 2002 ; Bon et al. (Eds.) 2002 ; Bordes 2002, Chiotti 1999, 2000, 2003 ; Flas 2006 ; Le Brun-Ricalen 1993 ; Le Brun-Ricalens et al. (Eds.) 2005 ; Teyssandier 2000, 2003, 2007 ; Tsanova 2007). Il est communément admis que ce techno-complexe est l’œuvre des Hommes anatomiquement modernes (depuis Breuil 1913, jusqu’à Bailey et Hublin 2005 ; Bailey et al. 2009). Cette association ne fait cependant pas l’unanimité, en particulier pour les phases anciennes de l’Aurignacien (Conard et al. 2004 ; Henry-Gambier et al. 2004). Les vestiges humains de ces périodes demeurent rares et fragmentaires, principalement sous la forme de restes dentaires (Churchill et Smith 2000), limitant de fait toute généralisation. Les restes dont l’attribution taxinomique à l’Homme moderne ne semble pas poser de problème concernent essentiellement les phases postérieures à l’Aurignacien ancien (HenryGambier 2007 ; Trinkaus 2007). Parmi les sites du Sud-Ouest de la France attribués aux phases récentes de l'Aurignacien et ayant livré des restes humains, nous pouvons citer Les Rois (Mouthon et Joffroy 1958 ; Vallois 1958, Michel et al. 2008), Les Vachons (Ferembach 1957) et La Gravette (Lacorre 1960). La révision de différentes sépultures datées de l’Aurignacien a souvent conduit à leur rajeunissement. En effet, une parure associée aux squelettes de Cro-Magnon a été datée de 27 680 ± 270 BP, indiquant une origine plutôt gravettienne de ces sépultures (Henry-Gambier 2002). De même, le squelette découvert à la grotte du Bouil Bleu à Saint-Porchaire en Charente-Maritime, a été daté de la période Gallo-Romaine (Foucher et al. 1995). Enfin, les quelques 70 squelettes du Gros du Charnier à Solutré sont datés du haut Moyen Âge (Combier et Montet-White 2002). Les restes humains de Vogelherd dans le Jura Souabe ont été datés du Néolithique, entre 5000 et 4000 BP (Conard et al. 2004). Enfin, le squelette de la « Red Lady » à Paviland serait probablement plus récent et à rapprocher du Gravettien ancien (Jacobi et Higham 2008). 4 Concernant les nombreux restes humains retrouvés à Mladec en Moravie (République Tchèque), si l'attribution culturelle reste controversée (Oliva 1993), et essentiellement caractérisée par la présence de sagaies losangiques de type Mladec (le reste du mobilier lithique est peu caractéristique), les dates directes obtenues sur différents sujets indiquent un âge aux alentours de 31 000 BP (Wild et al. 2006), les plaçant dans la fourchette chronologique de l’Aurignacien. De la même manière, les restes d’hommes modernes de Pestera cu Oase en Roumanie, daté d’environ 35.000 BP, ne sont associés à aucun contexte industriel (Trinkaus et al. 2003). Aucune sépulture en pleine terre ne semble exister pour cette période, sauf peut-être à la Cueva Morin, où des négatifs de quatre ensembles sépulcraux attribués au Protoaurignacien (mais sans reste osseux) ont été décrits (Freeman 1982). 1. Problématique générale Ces dernières années, le nombre d’études technologiques portant sur des ensembles aurignaciens s’est vu considérablement augmenté (e. g. Bon 1996, 2002 ; Bon et al. (Eds.) 2002 ; Bordes 2002, 2006 ; Chazan 1999 ; Chiotti 1999, 2000, 2003 ; Le Brun-Ricalens 1993 ; Le Brun-Ricalens et al. (Eds.) 2005 ; Lucas 1997, 1999 ; Teyssandier 2000, 2003, 2007 ; Tsanova 2007). Comme nous l’évoquions précédemment, ces analyses ont été motivées, de manière consciente ou non, et en supplément d’une caractérisation technoéconomique, pour alimenter le débat portant sur la transition Paléolithique moyen / Paléolithique supérieur. Ceci n’a malheureusement pas permis un développement synchrone des études sur l’ensemble de l’Aurignacien, et sur les phases récentes en particulier, tombées alors peu ou prou en oubli. Fort de ce constat, notre démarche fut différente. C’est par le biais d’une approche tencho-économique de différentes séries lithiques datées de la fin du technocomplexe Aurignacien, entre 32 000 et 27 000 BP (soit probablement les deux tiers de sa durée totale), que nous avons souhaité aborder les variations chronologiques de celui-ci, en passant outre les phases anciennes, actuellement les mieux individualisées. Il nous paraît en effet important, voire nécessaire, de comprendre ce que sont les « spécificités aurignaciennes », si des comparaisons doivent être effectuées, d’une part avec ce qui précède (industries de transition au sens large, et plus particulièrement châtelperroniennes), mais aussi avec ce qui suivra, le monde du Gravettien. Nous proposons donc un réexamen de certaines séquences de référence de l'Aurignacien nord aquitain, afin de cerner au mieux la varibilité des industries lithiques post Aurignacien ancien. 5 Si les objectifs à atteindre sont assurément multiples, la problématique générale peut être formulée de manière simple. Nous avons tenté, malgré de nombreuses zones d’ombre3 , de mener, ou plus modestement de tendre, vers une étude paléo-historique4 des groupes aurignaciens. C’est donc en partie sur la base de l’étude de la variabilité des chaînes opératoires, que nous allons essayer d’appréhender les variations chronologiques de ce techno-complexe. 2. Choix du corpus d’étude Notre lieu d’étude s’est tourné vers le Sud-Ouest de la France, où les sites aurignaciens sont nombreux, et surtout à la base de la plupart des classifications proposées pour cette période (voir infra, « Historique »). Nous nous sommes limité au bassin versant de la Dordogne, avec une large part du corpus provenant du Périgord (Figure 1). Le choix des sites s'est naturellement porté vers les séquences stratifiées, afin d'aborder les différentes variations chronologiques. D’autre part, un examen critique préalable nous a permis d’estimer le potentiel informatif des différentes séries et d’estimer leur degré d’homogénéité. Certains sites ont fait l’objet d’études détaillées, formant ainsi notre corpus de référence. C’est sur cette base que nous avons réalisé une « technologie comparée » (Valentin 1995) afin d’établir les constantes et les divergences entre les différents ensembles aurignaciens, dans l’optique d’entrevoir la structuration de l’Aurignacien. Enfin, d’autres gisements, pour diverses raisons expliquées plus loin, n’ont fait l’objet que d’un diagnostic, privilégiant une approche plus qualitative que quantitative. Nous sommes conscient des biais encourus dans cette démarche synthétisante. C’est donc avec prudence, et en attendant des analyses plus quantitatives, que nous aborderons ces collections. Il faut ainsi prendre ces observations comme des données d’attente. Toutefois, ces dernières nous ont permis de pousser notre réflexion, d’entrevoir d’autres possibilités, qui n’auraient pas été possibles sans prendre en considération ces différents gisements. Nous avons construit notre référentiel autour de quatre gisements : Caminade-Est (fouilles D. de Sonneville-Bordes), l’abri Pataud (fouilles H. L M. Movius Jr), Roc-de-Combe (fouilles F. 3 Les données archéozoologiques, palynologiques, chronologiques, ou encore artistiques, sont généralement peu nombreuses et profondément déséquilibrées entre les phases anciennes et récentes, limitant ainsi toute synthèse. 4 Voir (Valentin 1995) pour la valorisation de ce terme. 6 Bordes et J. Labrot) et enfin Combemenue (fouilles préventives de M. Brenet). Ces sites ont été choisis pour rendre compte d’un maximum de situations spatio-temporelles différentes. Figure 1 : Localisation des sites étudiés (source Géoatlas, modifiée). 2.1 Les sites formant la base de ce travail… Tout d’abord, le site de Caminade-Est, dont seul le niveau D2s a été étudié, nous a servi à caractériser le débitage laminaire (Michel 2005) de la phase la plus emblématique de l’Aurignacien récent, à savoir la phase à grattoirs à museau et burins busqués. C’est donc à partir de cette définition que nous avons choisi de mener des comparaisons. D’autre part, nous nous sommes orienté vers ce gisement car il a fait l’objet d’une étude taphonomique récente 7 (Bordes 1998, 2000, Bordes et Lenoble 2002), couplée à trois années de fouilles ayant permis de la compléter (fouilles J.-G. Bordes et A. Lenoble 1999-2001). Les gisements de l’abri Pataud et du Roc-de-Combe ont été retenus en raison d’une part de la qualité de la documentation, et d’autre part du fait qu’ils couvrent comme nous le verrons plus loin, quasiment l’ensemble de la séquence aurignacienne. De plus, l’environnement lithologique de ces deux gisements est relativement différent. Le premier se trouve dans une zone plus riche en matériel siliceux que le second. Ainsi, cela nous permettait d’aborder la question du rôle de la matière première. Enfin, le site de plein air de Combemenue, interprété alors comme d’une part un site de production de lamelles sur burins busqués, et d’autre part d’activité(s) autre que la taille (Brenet et al. 2004), nous donnera l’opportunité de nous éloigner des gisements sous abris, traditionnellement interprétés comme des sites d’habitats, et formant l’essentiel de notre corpus. Ainsi, cette série nous offrira donc la possibilité d’étudier l’impact que pouvait avoir la fonction présumée du site, ainsi que son implantation, sur la variabilité des productions lithiques. 2.2. … et quelques compléments Des diagnostics ont été réalisés sur deux autres gisements : le Flageolet I (fouilles J.-Ph. Rigaud) et La Ferrassie (fouilles H. Delporte). Pour le gisement du Flageolet I, c’est au cours de différentes séances de remontage avec L. Daulny que nous avons approché les différents problèmes stratigraphiques, notre archéoséquence différant du découpage réalisé lors de la fouille. Ainsi, c’est vers une étude taphonomique approfondie que nous nous sommes tourné. L’ampleur du travail de réattribution, quasiment pièce à pièce, ainsi que la reconstitution théorique des différents ensembles a pris une large part de notre temps. Un examen plus approfondi dans le temps imparti eut été impossible. Le grand abri de La Ferrassie s’est avéré être une référence incontournable, du fait de son statut, se substituant au site éponyme d’Aurignac. Cependant, les différents problèmes de raccordement des coupes frontales et sagittales, mis en évidence par différents auteurs (Délibrias 1984 ; Delpech 1983, 1984, 2007 ; Delpech et Rigaud 2001 ; Delporte 1984 ; 8 Laville et Tuffreau 1984; Texier 2001, 2009), nécessitaient au préalable un réexamen de l’homogénéité des niveaux. C’est dans cette optique que nous avons abordé ce site, aux processus de mise en place des dépôts complexes (Texier 2009). 3. Structure de l’ouvrage En préambule, nous esquisserons le cheminement adopté pour l’analyse des différentes séries sélectionnées. L’accent sera mis sur la reconnaissance et la dénomination des différents types lithologiques de silex rencontrés dans les industries aurignaciennes. Un rappel historique des différentes structurations de l’Aurignacien sera ensuite proposé. Et ce, dans l’optique d’en faire émerger les principales définitions et termes employés, conservés ou rejetés. Suivra l’analyse des différentes séries formant la base de cette étude (Caminade-Est, Pataud, Roc-de-Combe et Combemenue). Nous avons choisi de les présenter site par site, sans présager d’éventuel rapport chronologique, et afin de ne pas anticiper sur les interprétations. Des informations complémentaires seront apportées par les diagnostics réalisés sur les collections du Flageolet I et de La Ferrassie. Nous terminerons par une synthèse des différents résultats obtenus. Puis nous les comparerons avec les données issues des sites français, puis du nord de l’Europe de l’Ouest. 9 PREMIÈRE PARTIE ~~~ Méthodes d’approche et historique des classifications. CHAPITRE I – Méthodes d’approche ~~~ CHAPITRE II – Historique des classifications du techno-complexe Aurignacien 10 CHAPITRE I – Méthodes d’approche Nous avons adopté la même démarche analytique tout le long de ce travail. De manière schématique, celle-ci s’est déroulée en trois étapes. La première a consisté à tester l’homogénéité des séries sur lesquelles nous allions travailler. Différents outils ont été utilisés pour tenter de résoudre cette question, notamment ceux qui ont été préconisés par J.-P. Texier (2000). Dans un second temps, nous avons cherché à caractériser l’origine des matières premières introduites sur le site. L’objectif est d’aborder tant leur gestion (Perlès 1991), que la notion de territoire parcouru, ou d’échange. Enfin, le matériel a été abordé sous l’angle technologique, afin de restituer les différentes chaînes opératoires (e. g. Pelegrin et al. 1988), de l’acquisition des blocs à l’abandon des outils. Ceci dans l’optique, d’une part, de prolonger la discussion sur l’homogénéité des séries étudiées, et d’autre part de permettre de caractériser au mieux ces assemblages à des fins comparatives, pour in fine restituer et discuter les constantes et les variations techno-économiques observées. 1. Analyse de l’homogénéité des niveaux Cette démarche préliminaire nous est apparue indispensable avant d’entamer toute étude technologique. Rappelons que « l’autonomie et la pureté d’une série lithique, l’évolution des différents outillages appartenant à une même civilisation, la succession chronologique des différentes civilisations ne peuvent être démontrées que dans un cadre stratigraphique inattaquable. » (Tixier 1978). L’ensemble des séries a été étudié suivant deux axes de recherches. D’une part, par le biais de l’analyse de la répartition spatiale des vestiges. D’autre part, lorsque le temps et surtout l’espace nous l’ont permis, nous avons alors testé les raccords de cassure de lames, intra et inter-couches, dans le sens de leur intérêt stratigraphique (Bordes 2000). Enfin, dans de rares cas, cette démarche a été étendue à l’ensemble du matériel, où nous avons cherché tant les raccords de cassure que de débitage. Précisons que nous n’avons pas réalisé d’étude taphonomique stricto sensu, dans le sens où nous n’avons pas cherché à restituer ni expliquer les processus naturels ayant affecté les vestiges, de leurs dépôts à leur exhumation, et ce pour deux raisons. La première étant que pour la plupart des gisements, à l’exception de Roc-de-Combe, des études géo-archéologiques sont disponibles. Ces dernières ont déjà permis de restituer et d’expliquer les processus de 11 formation des sites. La seconde, dont les conclusions ne nous sont apparues qu’après analyse des données, a permis de mettre en évidence que dans la plupart des cas, les problèmes sont simplement dûs à une erreur humaine, généralement lors de la fouille. Le recours à des causes naturelles pour expliquer ces perturbations n’était alors pas nécessaire. 1.1. Répartition spatiale des vestiges Cette étape a consisté à chercher à mettre en évidence l’existence de discontinuités dans les nappes de vestiges par le biais de projections verticales et horizontales. Ensuite, bien que conscient des raisonnements circulaires auxquels elles peuvent donner lieu, nous avons analysé la distribution et suivant certains cas, la succession verticale, de certaines pièces considérées comme fossiles directeurs, ou « marqueurs culturels » (Pelegrin 1985). C’est sur les productions lamellaires, et plus précisément sur les différents types de nucléus que nous avons basé cet examen. Car ces premières « connaissent des variations qui en font des marqueurs plus sensibles que les productions laminaires en terme d'évolution ou de différenciation géographique » (Bon 2005), et sont donc « porteuses [...] d'importantes charges techniques et culturelles » (Le Brun-Ricalens 2005). 1.2. Raccords d’intérêt stratigraphique En complément de l’analyse de la répartition spatiale des vestiges, l’intégrité des niveaux a pu être approchée par le biais de raccords dans le sens de leur intérêt stratigraphique (e. g. Bordes 2000). Cette opération a consisté à extraire les fragments de lame de largeur supérieure ou égale à 1,5 cm et à les confronter de manière systématique, au sein et entre les niveaux. Cette approche a pu être menée pour Roc-de-Combe, entre les couches 6 et 5, sur l’ensemble de la séquence aurignacienne du Flageolet I et pour les sub-divisions internes du niveau 8 de l’abri Pataud (8 Lower, Middle et Upper). Cette méthode ayant déjà été appliquée sur les niveaux aurignaciens de Caminade-Est (Bordes 1998, 2000, 2006), nous ne l’avons par conséquent pas réitérée. Pour le niveau 8 de l’abri Pataud, la totalité de la séquence aurignacienne du Flageolet I, et Combemenue, nous avons par la suite étendu cette pratique à des tests de remontages généralisés sur l’ensemble du matériel. 12 2. Matière première Nous allons brosser une description succincte (couleur, texture, origine géologique et géographique …) des silex utilisés par les Aurignaciens (Figure 2 et Tableau 1), et préciser les termes employés. Figure 2 : Carte synthétique de la localisation de certains matériaux cités dans le texte (modifié d’après Bon et al. 2002 ; Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987 ; Turq et Morala 2006). 13 Nous n’essaierons pas de tendre vers l’exhaustivité, que ce soit en termes de localisation des ressources, ou en termes descriptifs. Nous renverrons le cas échéant aux nombreuses publications sur le sujet. La liste non exhaustive des ouvrages suivants forme la base de notre documentation : Aubry 1991 ; Bon et al. 1996 ; Bordes 1997, 2002 ; Cazals (Ed.) 2002 ; Chadelle 1983 ; Demars 1980, 1982, 1994 ; Faivre 2008 ; Foueré 1994 ; Geneste 1985 ; Legigan et Lenoir 1990 ; Lenoir 1983 ; Lenoir et al. 1997 ; Morala 1980, 1983, 1984, 1990, 2006 ; Morala et Turq 1990 ; Normand 1986, 2003 ; Rigaud 1982 ; Roussel 1972 ; Park 2007 ; Primault 2003 ; Séronie-Vivien M.-R. 1992, 1995 ; Séronie-Vivien M. 1972 ; SéronieVivien et Séronie-Vivien 1987 ; Séronie-Vivien et al. 2006 ; Simonnet 1982, 1996, 1998, 1999 ; Turq 1977, 1989, 1990, 2000 ; Turq et al. 1999 ; Turq et Morala 2006. Rappelons en préambule, que la répartition des affleurement présentés dans cette carte correspond aux gîtes en position primaire, ou secondaire des transports sur de courtes distances (cas de certains silex dans des altérites). N’oublions pas qu’une part importante de certains types de silex se retrouve intégrés aux terrasses fluviatiles, et peuvent avoir ainsi été déplacés de plusieurs dizaines de kilomètres, pouvant de fait modifier les distances à parcourir pour les acquérir (Morala et Turq 1990). Caminade-Est Pataud Roc-de-Combe Combemenue Matières premières / Niveaux D2s C8 C7 C6 C6 C5 Sup Infralias - x x x x x x Lias moyen - - - - ? - Puy d'Issolud x - ? - - - Bajocien - Bathonien - - - - x - Jurassique moyen / supérieur - ? x x x - Sénonien x x x x x x x Turonien inférieur type Fumélois - - - - x x Turonien supérieur de la Couronne - x x x - - Coniacien inférieur type Gavaudun - - - x x ? Coniacien inférieur du Sarladais - - x - x - Santonien type Grain de mil x x x x x x Campanien inférieur type Belvès - - - - x - Maestrichtien type Bergeracois x x x x x x x Maestrichtien type Chalosse - - ? - - - Tertiaire type Meulière de Bord ? x ? x x x x Tertiaire du Massif Central - ? - - x - Tableau 1 : Présence (x) / absence (-) des différentes matières premières reconnues dans les séries étudiées. 14 2.1. Les silex jurassiques 2.1.1. Les silex de l’Infralias Plusieurs étages présentent des accidents siliceux, il s’agit notamment de l’Hettangien et du Sinémurien (Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987). Ces silex, souvent considérés à tort comme des jaspes (Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987), présentent des teintes ocres à brunes, en passant par le jaune moutarde et des couleurs tirant sur le verdâtre. Ces matériaux sont opaques, souvent mats, rarement brillants. Nous avons retenu deux critères d’identification certaine : la présence d’oolithes, ainsi que la « présence de mouchetures noires dues à des concentrations manganésifères. Ces mouchetures se présentent le plus souvent sous la forme de taches circulaires, mais parfois le développement cristallin prend l’aspect de dendrites » (Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987). Les vestiges ne présentant pas ces deux caractéristiques, mais dont l’aspect général s’en rapproche, et dont l’origine marine a pu être mise en évidence (les isolants ainsi des jaspes tertiaires, ou jaspoïdes, d’origine lacustre ou diagénétique – cf. infra), ont été regroupés sous le terme de « jaspéroïdes probables ». Ces silicifications se localisent principalement autour du Massif Central. Notons qu’une variété particulière, marbrée brune ou verte et moutarde, sans oolithes et avec peu de dendrites de manganèse, a été décrite dans les environs du bassin de Brive (Demars 1980). 2.1.2. Le silex du Lias moyen Il s’agit ici d’un silex de teinte généralement grise, pouvant aller du beige au brun. Le contenu micropaléontologique est variable, mais se caractérise notamment pas la présence de gros spicules de canaliculés (Turq et Morala 2006). Les formations connues se trouvent au nord-est d’Angoulême, en périphérie du Massif Central, dans les environs de Brive, et enfin au sud-ouest de Cahors (Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987 ; Turq et Morala 2006). 2.1.3. Les silex du Jurassique moyen Nous avons rencontré dans les séries archéologiques trois variétés de silex datés du Jurassique moyen : Le type « Puy d’Issolud », du Bajocien / Bathonien, et du silex Portlandien (ou Thitonien) dit silex de « Missière ». 15 2.1.3.1. Le silex type « Puy d’Issolud » Ce type de silex, rencontré dans les environs de Puy d’Issolud (commune de Vayrac, Lot), de couleur grise, rarement brune se caractérise notamment pas la présence de micro-filaments (Bordes 2002 ; Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987 ; Turq 2000). Ces silex présentent généralement une texture fine à légèrement grenue, voir à grain grossier. Les variétés brunes sont de qualité médiocre, tandis que celles qui sont de teintes grises claires à gris foncé, voir de teinte verte pâle, sont généralement plus apte à la taille. Par ailleurs, c’est cette dernière, la grise, que nous avons pu observer dans les séries archéologiques. Notons que certains blocs peuvent présenter des zonations, plus ou moins diffuses, de bandes grises claires et grises foncées (Turq 2000), pouvant être légèrement plus brillantes suite à une recristallisation partielle de la matrice (Demars 1980). On remarquera le risque de confusion qu’il peut y avoir avec les autres types de silex Jurassique moyen, de la Charente notamment (Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987). L’origine précise des gîtes de cette matière, ainsi que l’étage géologique auquel elle appartient restent à préciser (Bordes 2002). Il est toutefois possible qu’il puisse s’agir de silex aalénien et/ou plus probablement bajocien (Faivre 2008 ; Turq 2000), lesquels contiennent des microfilaments (Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987). 2.1.3.2. Les silex du Bajocien et du Bathonien Il s’agit de silex de couleur grise à beige, pouvant parfois contenir des filaments rouges. Certaines variétés peuvent être oolithiques. Ces silex se retrouvent au nord d’Angoulême, ainsi qu’en bordure du Massif Central, dans la zone comprise entre Dordogne et Lot. Les silex bajociens qui se trouvent en rive gauche de la Dordogne sont généralement mats, de couleur unie, ou en volutes, allant du gris au vert olive en passant par des teintes plus jaunes (Faivre 2008). Les rognons sont généralement de faible dimension et n’excèdent pas 25 centimètres (Turq 2000). Les silex du Bathonien affleurent dans les vallées de l’Alzou, du Célé5 et du Lot (SéronieVivien et Séronie-Vivien 1987). Communément, ces silex sont de couleur brune, à grain assez fin, présentant au toucher un aspect huileux (Faivre 2008 ; Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987). 5 Au nord de la vallée du Célé, aux alentours de Reilhac, ainsi que sur le plateau environnant le gouffre de Padirac existe une variété de couleur gris-bleu avec des inclusions noires à grises (Faivre 2008 ; Turq 2000). Ce silex, à grain fin, et dont les rognons ne semblent pas excéder les dix centimètres, n’est pas présent dans les séries que nous avons étudiées. 16 2.1.4. Le Jurassique supérieur Les sources de silex du Jurassique supérieur sont peu nombreuses et se localisent d’une part au nord d’Angoulême, au niveau de La Rochefoucault, et d’autre part dans le secteur de Cazals et de Gindou dans le Lot. Ces silex sont de couleur grise à beige et se caractérisent par l’absence de filaments, présents généralement dans les silex du Jurassique moyen (SéronieVivien et Séronie-Vivien 1987). Les silex du Portlandien final ou Thitonien, aussi dénommés « silex de Missière » (Roussel 1972 ; Turq 2000 ; Turq et Morala 2006), situés aux abords des vallées du Lot et du Céou, sont généralement de texture fine, et bien que mats sont de contact huileux au toucher. Les couleurs sont variables au sein des blocs et passent du gris au vert en passant par des teintes plus jaunes. Ils se retrouvent sous la forme de rognons ou de plaquettes de petites dimensions, voisines de dix centimètres. Le cortex est généralement fin, et présente, dans certains cas, des trous dus à l’action de lithophages (Faivre 2008). Les silex contenus dans les formations allant du Jurassique moyen au supérieur présentent de fortes convergences. Leur identification soulèvent généralement quelques difficultés, accentuées ici par des effectifs faibles, et patinés à fortement patinés suivant les gisements. 2.2. Les silex crétacés Les silex des différents étages qui forment le Sénonien sont fortement représentés aux alentours de la vallée de la Dordogne, mais sont malheureusement peu différentiables. Ils constituent donc de mauvais marqueurs géographiques. Il existe cependant quelques types particuliers, que nous aborderons séparément, identifiables d’après leur contenu micropaléontologiques ou leur aspect texturaux, permettant une attribution géologique et géographique plus précise. 2.2.1. Les silex sénoniens sensu lato Les accidents siliceux du Sénonien proviennent des formations géologiques du Coniacien inférieur, du Santonien, du Campanien et du Maestrichtien (Turq 2000). Les silex les plus communs sont de couleur noire à grise (e. g. Demars 1980 ; Morala 1980 ; Séronie-Vivien et Séronie-Vivien 1987 ; Turq 2000) et se retrouvent majoritairement sous la forme de nodules ovoïdes plus ou moins réguliers, pouvant atteindre 50 cm de longueur maximale pour les plus volumineux. Ces matériaux peuvent être de texture fine à très fine, 17 parfois grévée d’inclusions, de diamètre variable, plus claires et plus grenues. L’importance du contenu micro et macropaléontologique est variable, pouvant contenir parfois de nombreux vestiges de tests coquilliers et/ou de spicules de spongiaires. Certains présentent des taches grises claires à blanches, de contour généralement net, correspondant à des restes de fossiles, ou des inclusions calcédonieuses6 (Turq 2000). Conjointement aux variétés noires et grises existent des variétés blondes de qualité variable. Leur texture est fine à grenue, certains présentant des zones de moins bonnes silifications leur conférant un aspect saccharoïde. Cependant, les matériaux fins sont d’excellente qualité. Comme les variétés grises et noires, les formes et les dimensions sont variables. Si ces matériaux se retrouvent dans les formations géologiques du Coniacien inférieur, du Santonien, du Campanien et du Maestrichtien (Turq 2000), il semblerait que leur présence soit plus importante dans le Santonien et le Coniacien inférieur (Faivre 2008). Pour les sites préhistoriques localisés au sein de formations sénoniennes, et où les tailleurs ont exploitées ces ressources minérales, nous avons généralement privilégié l’hypothèse d’une origine locale de ces matériaux. Cependant, si l’on considère l’extension géographique importante de ce type de silex, il convient de garder à l’esprit qu’une origine plus lointaine reste possible, bien que difficilement démontrable. Par conséquence, ceci peut théoriquement impliquer l’existence d’une gestion différenciée pour des silex en apparence identique. 2.2.2. Le Turonien inférieur type « Fumélois » Ce type de silex, identifié dans les séries archéologiques depuis les années 1950, a été retrouvé en position primaire en 1981 dans la région de Fumel en Lot-et-Garonne (Morala 1980, 1983, 1984). Bien que le contenu micropaléontologique soit pauvre, si ce n’est absent dans le cas de certains blocs, les caractéristiques texturales et colorimétriques en font un silex facilement reconnaissable (Morala op. cit. ; Turq 1977, 2000). Ce silex présente une texture fine, homogène, d’aspect gras. La couleur est généralement bleu nuit lorsqu’il est uni, mais présente souvent des zonations où alternent des teintes bleu soutenu tirant vers le noir en 6 Ces inclusions grenues sont plus fréquentes dans les silex gris, et semblent caractéristiques du Campanien inférieur type « Belvès » (Bordes 2002 ; Turq 2000). 18 passant par les gris bleuté et blanc7 . Le cortex est peu épais et d’aspect crayeux, légèrement doux au toucher. 2.2.3. Le Turonien supérieur de la Couronne Les principaux gîtes de silex attribué au Turonien supérieur se localisent au sud d’Angoulême aux alentours de la commune de la Couronne (Fouéré 1994 ; Park 2007). Ces matériaux se rencontrent sous la forme de blocs et dalles ou lentilles ovoïdes. Si les rognons sont de taille modeste (une quinzaine de centimètres), les lentilles sont fréquemment de grandes dimensions et peuvent atteindre 50 cm de longueur. Les silex sont de couleur noire ou brune à légèrement blonde. Ils sont légèrement translucides à l’état frais. Lorsqu’ils patinent, les silex noirs prennent des teintes gris clair à légèrement bleuté, et les bruns blonds tirent vers le blanc. Dans les deux cas, un litage est présent, où les éléments sont grano-classés et étirés dans le sens des lits. Enfin, pour les silex noirs notamment, une trame marbrée peut oblitérer le litage, et est probablement à mettre en relation avec des remobilisations du sédiment sous l’action des fouisseurs, avant leur silicification (Park 2007). Enfin, dans certains cas, la patine fait ressortir une zone souscorticale, d’épaisseur généralement millimétrique, de couleur bleu nuit. Précisons que pour les silex présentant ce type d’involution, une attribution au Santonien localisé au sud d’Angoulême, dénommé variété « des Vachons », a été avancé (e. g. Bordes 2002 ; Morala et al. à paraître). Cette origine semble devoir être rapprochée d’une provenance turonienne ou coniacienne (silex présent aux alentours de Voulgézac : Park 2007), dont la différenciation est parfois difficile. Cependant, la présence de petits organismes tubulaires généralement de teinte foncée, classé sous le terme générique d’Incertae sedis, semble indiquer une origine turonienne plus que coniacienne (Park 2007). Toutefois, ce caractère, pris isolement ne permet pas une attribution certaine (Morala comm. pers.). 2.2.4. Le Coniacien inférieur type « Gavaudun » Malgré une identification ancienne de ce type de silex (Vergnes 1929), l’origine géologique présumée de sa formation (Le Tensorer 1979) et sa localisation précise dans le Coniacien inférieur de la région de Gavaudun en Lot-et-Garonne ne fut faite que tardivement, dans les années quatre-vingt (Morala 1983). 7 Signalons qu’il existe en faible proportion des blocs présentant des inclusions de teinte lie de vin à brun rouge foncé (Morala 1980). Ces derniers n’ont pas été rencontrés dans les séries archéologiques étudiées. 19 Ce matériau est de couleur brune à beige, tirant vers les ocres orangés. Il présente une texture fine, semi-opaque. Il contient généralement d’abondants restes de fossiles dont de nombreux bryozoaires. 2.2.5. Le Coniacien inférieur du Sarladais et du Gourdonnais Ces silex sont généralement noirs et plus rarement blonds. Bien qu’ils présentent de forts phénomènes de convergence avec les autres silex sénoniens au sens large, leur reconnaissance est parfois possible. Certains d’entre eux présentent des inclusions de pyrite, généralement oxydée, parfois en association avec une zone sous-corticale rouge (Morala 2004 ; Turq et al. 1999). 2.2.6. Le Santonien (?) type « Grain de mil » Ce type de silex, quand il n’est pas patiné, présente des teintes blond à brun foncé, de texture fine et translucide. De nombreux intraclastes sont présents, composés pour partie de débris coquilliers et autres restes de fossiles roulés et concassés. Le cortex, généralement épais, présente les mêmes caractéristiques, et porte de nombreux éléments figurés cimentés. Il se présente sous la forme de rognons ou de lentilles, ces dernières pouvant atteindre des dimensions importantes de l’ordre de 60 cm et plus. Le caractère particulier de ce matériau ressort lorsque celui-ci se patine. Le ciment est atteint en premier et prend une teinte blanche à légèrement bleutée, tranchant avec des intraclates plus sombres, conférant ainsi un aspect moucheté, justifiant le qualificatif de « grain de mil » (Simonnet 1999), mais aussi de pseudo ou micro-bréchique. Ce type de silex se retrouve dans les environs de Jonzac (Charente-Maritime), et une origine santonienne semble actuellement la plus probable (Bordes 2002), bien qu’une origine coniacienne soit aussi avancée (Primault 2003). Si son origine géologique reste à préciser, son extension géographique demeure pour l’instant limitée à une zone circonscrite de la haute Saintonge. Une convergence (texture packstone à nombreux débris coquilliers) peut exister avec des silex sénoniens de Dordogne (e. g. Bordes 2002), ainsi qu’avec certains maestrichtiens du Bergeracois (cf. infra). 2.2.7. Le Campanien inférieur type « Belvès » Cette variété présente des caractéristiques identiques à celle des sénoniens gris et noir. Cependant quelques traits particuliers permettent de l’isoler de ces derniers. Il s’agit d’une 20 part de la présence d’un fossile caractéristique, Subalveolina dordonica major (SéronieVivien et Séronie-Vivien 1987 ; Turq 2000). Et d’autre part, d’une plus forte tendance à la gélivation, de fait, seul ce type de Sénonien semble affecté par des cupules de gel (Turq 2000). Ce type de silex se retrouve actuellement dans la vallée de la Nauze et dans la partie amont de la vallée du Dropt (Morala 1980 ; Turq 2000). 2.2.8. Le Maestrichtien type « Bergeracois » Ce type de matériau présente souvent une excellente aptitude à la taille et surtout des dimensions parfois imposantes (blocs de plusieurs dizaines de kilogrammes et de taille maximale pouvant atteindre le mètre). Ce silex présente d’importantes variations de couleur (Geneste 1985), allant du noir (silex de Pombonne notamment – Turq 2000), au brun plus ou moins clair, en passant par les gris et autres bleus. S’ils ne sont pas unis, les silex peuvent présenter des zonations dont la gamme de tons est extrêmement variée (rouge, jaune, vert, bleu, violet…). La texture est généralement fine à moyenne, souvent homogène, et généralement opaque. De petites taches grisâtres à blanches de moins bonne silicification peuvent exister (Bordes 2002). De même certaines ponctuations millimétriques, pouvant correspondre à des concentrations d’oxydes, sont souvent visibles (Morala 1980 ; Turq 2000 ; Turq et Morala 2006). Notons cependant que la confusion avec d’autres matériaux peut être importante, les silex zonés n’étant pas spécifiques à cette région (cas des silex versicolores du Grand-Pressigny notamment – Aubry 1991 ; Primault 2003), mais sont liés dans certains cas à des phénomènes de remobilisation de la silice couplés à des processus d’altération spécifique (Capdeville 1989 ; Dubreuilh 1989). La reconnaissance certaine de ce silex réside donc essentiellement dans l’existence d’Orbitoides media (Demars 1980), fossile caractéristique du Maestrichtien. Enfin, précisons que certains silex présentent une structure packstone (d’aspect « microbréchique ») contenant de nombreux intraclastes et débris de fossiles visibles à l’œil nu. Ces matériaux particuliers, lorsqu’ils se patinent, peuvent être confondus avec du Santonien de type « Grain de mil », incitant donc à la prudence. 2.2.9. Le Maestrichtien type « Chalosse » Ce type de silex se caractérise par la présence de Lepidorbitoïdes sp. (cf. Lepidorbitoïdes socialis) caractéristique du Maestrichtien supérieur du sud du bassin d’Aquitaine (Bon et al. 1996 ; Séronie-Vivien 2002 ; Séronie-Vivien et al. 2006 : Chalosse et Petites Pyrénées). 21 Ces matériaux, dont les blocs atteignent souvent les 20 cm, présentent des couleurs variables, allant du gris blanc, au bleu sombre tirant vers le noir, en passant par des nuances gris vert à brune. Certains, notamment ceux de teintes brunes, peuvent présenter des marbrures (Bon et al. 1996 ; Bon et al. 2002 ; Normand 2002). La texture est généralement fine à légèrement grenue et homogène, favorisant son aptitude à la taille. Les gîtes se rencontrent actuellement au niveau de l’anticlinal d’Audignon, et du dôme diapir de Bastennes-Gaujacq, au sud des Landes (Bon et al. 1996 ; Bon et al. 2002 ; Normand 2002). Enfin des matériaux comparables ont été rencontrés dans les Petites Pyrénées, et dénommé silex de type « Tarté ». Précisons que les types « Chalosse » et « Tarté » se distinguent notamment d’après leurs structures, mudstone pour le premier, et wackestone pour le second (Séronie-Vivien et al. 2006). 2.3. Les silex tertiaires Les silex d’âge tertiaire présentent une extension géographique relativement large, et se retrouve sur une partie importante du nord de l’Aquitaine (Demars 1994 ; Dubreuilh 1989 Lenoir 1983 ; Morala 1980 ; Turq 2000). Ces matériaux peuvent être isolés d’après leur contenu micropaléontologique signant une origine lacustre (limnées, planorbes oogones et tiges de characées) (Dubreuilh 1989 ; Turq 2000). Ces silex sont d’aspect, de dimension, de couleur, et d’homogénéité variables. Ils se présentent généralement sous la forme de plaquettes allant de quelques centimètres jusqu’au mètre, de rognons de petite taille (rarement plus d’une vingtaine de centimètres), et enfin de géodes de calcédoine mamelonnées de taille moyenne à grande (Morala 1980 ; Turq 2000). La texture est fine à très grenue, translucide ou opaque. Les couleurs vont du blanc plus ou moins sale légèrement bleuté, aux teintes ocre rouge ou jaune en passant par des nuances rosées voire rousses. Le cortex est généralement fin à très fin, friable, d’aspect vacuolaire, caverneux. Enfin, l’homogénéité est variable, d’un bloc à l’autre et au sein d’un même bloc. Ils peuvent présenter des plages plus grenues, des fissures, des inclusions, des vacuoles ou encore des microgéodes contenant du sédiment ou des recristallisations. Si ces matériaux sont de très mauvais marqueurs tant géographiques que géologiques (Turq 2000), il convient de préciser qu’il existe cependant quelques exceptions. Nous citerons comme unique exemple, puisque seul celui-ci a été rencontré dans les séries archéologiques, le cas du silex tertiaire de type « Massif Central » ou « Aurillac ». Ce silex de couleur gris beige tirant parfois vers des nuances bleutées, rosées ou vertes, est opaque lorsqu’il est patiné. Certaines présentent des marbrures où alternent des teintes grisâtres à 22 blanches sales. Le cortex est généralement fin et moins tourmenté que les matériaux situés vers l’ouest (Turq 2000). 3. Etudes typo-technologique et techno-économique C’est donc sous l’angle technologique et économique que nous avons souhaité aborder les différentes séries retenues. Revenir sur les méthodologies, les termes, les concepts ou les outils d’analyses employés pour cette entreprise ne nous paraît pas approprié, tout ceci ayant été à maintes reprises détaillé et argumenté (e. g. Boëda 1994 ; Geneste 1985 ; Pelegrin 1995 ; Pelegrin et al. 1988 ; Perlès 1991 ; Pigeot 1987, 1991 ; Tixier 1978 ; Valentin 1995). L'objectif principal de cette étude a donc été de définir les différentes « chaînes opératoires » (Pelegrin et al. 1988), essentiellement laminaires et lamellaires, ainsi que leurs interactions, afin d’en faire ressortir les intentions et options techniques (Tixier 1978), mises en œuvre par les tailleurs aurignaciens. C’est dans la confrontation des résultats, autrement dénommée « technologie comparée » (Valentin 1995), que ces données ont pu acquérir tout leur sens, et nous ont permis d’aborder les questions d’évolution des concepts et des modalités de débitage d’une manière tant synchronique que diachronique. Nous avons choisi d’exposer nos résultats de manière identique pour chacune des études de cas. Après avoir présenté le corpus formant la base de chaque étude et les différentes variétés de silex présentes au sein des assemblages, nous présenterons les résultats de l’étude technologique. En premier lieu nous nous focaliserons sur les productions laminaires. Nous commencerons par l’étude des nucléus, pour nous intéresser ensuite aux supports laminaires. Pour ces derniers, débuter par une analyse globale regroupant aussi bien les supports bruts, retouchés, que redébités (nucléus lamellaires sur supports laminaires). Nous avons divisé les supports laminaires en trois catégories : les lames, les lames à pan revers (dont tout ou partie de la face supérieure correspond à la face inférieure de l’éclat support dont elle est issue), et les éclats laminaires. Nous avons classé dans ces derniers les supports allongés, deux fois plus longs que larges débités par percussion directe au percuteur dur, et dont les négatifs visibles en face supérieure témoignent d’une production laminaire. Pour l’estimation de la courbure des supports laminaires, nous renvoyons aux références suivantes (Bon 2002 ; Mouton et Joffroy 1958). 23 Après avoir esquissé les modalités de production des lames, nous nous sommes intéressé à l’outillage et plus particulièrement aux supports d’outils ainsi qu’aux matières premières utilisées. Dans un second temps, nous avons abordé les productions lamellaires, en nous focalisant principalement sur l’étude des nucléus dont l’effectif est toujours plus important, voire parfois le seul moyen d’appréhender les différentes modalités. Lors de chacune de ces études, nous avons employé les termes usuels de « grattoirs à museau », « grattoirs carénés », « burins busqués », « burins des Vachons » ou « burins nucléiformes ». Ce n’est qu’après avoir décrit précisément les modalités de production lamellaire dont chacun de ces nucléus relevés que nous avons proposé, lorsque nécessaire, une nouvelle dénomination et une définition technologique de ces pièces. Concernant la mise forme des nucléus lamellaires, nous l’avons considérée comme « peu importante » lorsque le nombre d’enlèvements de préparation étaient inférieur ou égal à trois, et « poussée » lorsqu’ils excédaient les trois enlèvements, et bien sûr « nulle » lorsque aucun enlèvement n’était visible. Bien que ces limites soient arbitraires, nous les avons fixées afin de limiter au maximum toutes observations subjectives. Enfin, nous avons clos chaque étude des productions lamellaires par l’analyse, lorsqu’ils étaient présents, des supports transformés. 24 CHAPITRE II – Historique des classifications du techno-complexe Aurignacien Depuis les fouilles d’Edouard Lartet en 1960 sur le site d’Aurignac en Haute-Garonne, 150 ans de recherche sur l’Aurignacien se sont écoulés. Sans tendre vers l’exhaustion, nous allons présenter les moments clés de cette histoire, en nous focalisant principalement sur l’historique de sa découverte, jusqu’aux sériations et autres propositions de découpage de se technocomplexe. Pour plus de clarté, et dans une optique de comparaison avec les séries étudiées, le cadre géographique sera restreint à la France. 1. Genèse et maturité de l'Aurignacien C’est sur la demande du géologue toulousain Leymerie qu’Edouard Lartet vient en août 1860 visiter le site d’Aurignac (Haute-Garonne), exploité depuis 1852 par le carrier Bonnemaison (Lartet 1861). Outre la mise au jour de 17 squelettes, par ailleurs ré-enterrés dans le cimetière de la paroisse, le gisement fournit une riche industrie en silex ainsi que de nombreux ossements animaux dont certains disparus aujourd’hui. La présence de ces derniers permit de mettre en évidence l’existence d’un homme antédiluvien (Lartet op. cit. ; Mortillet 1867). Bien que cinq niveaux aient été décrits (de A à E), l’essentiel des silex taillés se retrouve dans une seule nappe de vestiges (B-C) (Lartet op. cit.), ne permettant donc pas de la caler chronostratigraphiquement. Ainsi Gabriel de Mortillet ne fit pas figurer l'Aurignacien dans sa Classification des diverses périodes de l’âge de pierre : "Précédemment, sur l’autorité d’Edouard Lartet, j’avais établi une coupure entre le Solutréen et le Magdalénien : l’époque d’Aurignac. Mais c’est tout au plus une transition, ou mieux encore le commencement du Magdalénien." (Mortillet 1872). 1.1. La classification d'Henri Breuil Le terme « Aurignacien » fut proposé lors du congrès international de Genève qui eut lieu en 1906, sur proposition d’A. Rutot (Le Brun-Ricalens et Bordes 2007). De nombreux et vifs échanges sur l'âge, voire l'existence, de cette culture s'ensuivirent (Delporte 1989 ; Groenen 1994). Ce débat, devenu célèbre sous le terme de « bataille aurignacienne », fut définitivement résolu par H. Breuil. En se basant sur de nombreux gisements français (La Ferrassie, Solutré, Pair-non-Pair, Brassempouy…), et belges (Spy, Trou Magrite…), il fut en effet conclu que "la situation stratigraphique de l'Aurignacien entre le Moustérien et le 25 Solutréen est un des faits chronologiques les plus certains du Paléolithique supérieur" (Breuil 1909). Dès 1912, au congrès international de Genève H. Breuil proposa une subdivision de l'Aurignacien en trois phases (Breuil 1913) : - L'Aurignacien inférieur ou ancien (niveaux de Châtelperron) est caractérisé par la présence de pointes ou couteaux de Châtelperron. Il faut cependant noter la persistance d’un fonds commun d’outils moustériens (racloirs, pointes, bifaces, denticulés…). L’industrie osseuse y est pauvre et peu caractéristique. - L'Aurignacien moyen (niveaux d’Aurignac) correspond au "point culminant de la retouche aurignacienne". Les fossiles directeurs sont les grattoirs caréné et à museau, le burin busqué et la sagaie en os à base fendue ou pointe d’Aurignac. L’industrie en matière dure animale est riche et variée. - L'Aurignacien supérieur ou récent (niveaux de La Gravette), où les fossiles directeurs de cette phase sont la pointe de La Gravette et les microgravettes. L’outillage se compose aussi de burins d’angle sur troncature, d’éléments tronqués, de pointes de la Font-Robert, de burin de Noailles et de fléchettes. L’industrie osseuse y est relativement pauvre, mais il note la présence de pointes de sagaie à biseau simple ou biconique. Cette classification resta en vigueur jusqu'au début des années 1930, date à laquelle Denis Peyrony publia ses travaux, basés notamment sur ses fouilles au grand abri de La Ferrassie (Peyrony 1934) et à Laugerie-Haute (Peyrony D. et Peyrony E. 1938), ainsi que sur les résultats obtenus par F. Lacorre sur le gisement de la Gravette (Lacorre 1933a, 1933b,1960). 1.2 Denis Peyrony et la structuration de l'Aurignacien En 1933, Denis Peyrony regroupa sous le nom de « Périgordien » l’Aurignacien inférieur et supérieur de l’abbé Breuil, est réserva le terme d’Aurignacien typique ou sensu stricto pour le moyen. Ce changement fut motivé principalement par un argument d’ordre typologique (ressemblance des pièces à dos de l’Aurignacien inférieur et supérieur où il voyait un passage de l’une à l’autre), mais aussi par des observations stratigraphiques et anthropologiques. « Les cultures de Chatelperron et de La Gravette, sans être les mêmes, présentaient des liens étroits de parenté et il me paraissait très vraisemblable que la première eut évolué vers la seconde. C’était une impression que les caractères communs observés sur les squelettes de Combe-Capelle, de Brnô (Brun) et de quelques-uns de Predmost, ne faisaient que fortifier. […] Les cultures de Châtelperron et de La Gravette, dont la parenté ne fait plus de 26 doute pour ceux qui les connaissent bien, paraissent avoir évolué l’une vers l’autre par les stades « Bos del Ser », et de Laugerie-Haute, parallèlement à celles d’Aurignac, en s’influençant en Corrèze, mais en restant indépendantes l’une de l’autre, en Périgord jusqu'à l’extrême fin de leur développement. […] À peu près tous les faciès des industries à retouches abruptes étant représentés en Périgord, il me paraîtrait logique d’appeler l’ensemble « Périgordien » et l’autre « Aurignacien ». » (Peyrony 1933). D. Peyrony divisa le Périgordien8 en cinq stades, d'après les industries des gisements de Châtelperron (stade I), Dufour (stade II), Laugerie-Haute (stade III), La Gravette (stade IV) et La Ferrassie (stade Va, Vb et Vc). Figure 3 : Coupes de La Ferrassie (d'après Peyrony 1934, modifié). L'Aurignacien fut, lui aussi, subdivisé en cinq stades : les quatre premiers furent reconnus à La Ferrassie (couches F, H, H' et H'', respectivement stades I à IV - Figure 3) et le dernier à Laugerie-Haute Ouest (couche D, stade V - Figure 4) (Peyrony 1933, 1934). Cette classification se base essentiellement sur l'analyse de l'industrie osseuse et plus 8 Pour un historique récent de la question « Périgordienne », se référer à : Klaric 2003 ; Pesesse 2008. 27 particulièrement les pointes de sagaie (Figure 5), mais n'exclut pas l'analyse des industries lithiques. Le Tableau 2 regroupe les différents objets ayant servi à D. Peyrony pour établir sa subdivision des différents faciès de l'Aurignacien (d'après Peyrony 1933, 1934). Figure 4 : Coupes de Laugerie-Haute ouest (d’après E. et D. Peyrony, in Sonneville-Bordes, 1960, modifié). Figure 5 :Fossiles directeurs osseux de l’Aurignacien (d’après Peyrony, 1933) - I, pointe à base fendue (n°1) – II, pointe losangique aplatie (n°2) – III, pointe losangique à section ovale (n°3) – IV, pointe biconique (n°4) – V, pointe à base en biseau simple (n°5). Les n°1-2-3-4 du gisement de La Ferrassie ; le n°5 de Laugerie-Haute. 28 Tableau 2 : Données prises en considération par D. Peyrony pour établir ses différents stades de l’Aurignacien (d’après Peyrony 1933, 1934). 29 2. Les années 1960 : l'apport de la « méthode Bordes » sur la structuration de l'Aurignacien En 1950, François Bordes, dans un souci d’uniformiser le langage utilisé par les préhistoriens, couplé à la mise en place d’un cadre d’étude plus « scientifique », mit en place une nouvelle méthode d'analyse des industries lithiques pour le Paléolithique inférieur et moyen (Bordes 1950). En 1953, Denise de Sonneville-Bordes et Jean Perrot l'adaptèrent aux industries du Paléolithique supérieur (Sonneville-Bordes et Perrot 1953, 1954, 1955, 1956a, 1956b). Dans le même temps, G. Laplace proposait lui aussi une nouvelle méthode d’analyse des industries lithiques se basant sur une analyse des caractères spécifiques des composants afin de les décrire et d'en établir une classification : la typologie analytique (Laplace 1956, 1957, 1958-61, 1966). 2.1. Denise de Sonneville-Bordes et la typologie statistique Suite à la mise en place de ce nouveau cadre méthodologique et analytique, Denise de Sonneville-Bordes dans sa thèse étudia des séries lithiques du Paléolithique supérieur, issues de fouilles anciennes et récentes9 (Sonneville-Bordes 1960). C’est en se basant principalement sur les industries recueillies par D. Peyrony à La Ferrassie que l’auteur, via l’emploi de l’étude statistique, va confirmer la classification proposée par ce dernier, tout en précisant certains termes. Elle constate qu’ « un certain nombre de séries ne se laisse pas aisément inclure dans les phases distinguées par D. Peyrony » (Sonneville-Bordes op. cit.). Elle distingue d’abord deux faciès à l'intérieur de l'Aurignacien I. L'Aurignacien I type Castanet qui s'oppose à l'Aurignacien I type Lartet-Ferrassie, par sa rareté en burins et sa richesse en lames aurignaciennes. Bien que l’hypothèse évolutive du faciès Castanet vers le faciès Ferrassie soit tentante, l’auteur met en garde contre cette conclusion précipitée : « Il se peut que le progrès des recherches conduise à interpréter ces outillages plutôt comme des variations latérales de l’Aurignacien I que comme des stades d’évolution » (SonnevilleBordes op. cit.). Vient ensuite un « Aurignacien évolué » correspondant au stade II de D. Peyrony, faisant suite à un « Aurignacien ancien » (stade I). Celui-ci aussi comprend deux stades. Ces derniers ont en commun une baisse brutale des pièces à retouche aurignacienne, une augmentation des burins, et une supériorité numérique des grattoirs à museau sur les carénés. La principale 9 Pour l’Aurignacien, étude détaillée des sites suivant : Le Grand Abri de La Ferrassie, Laugerie-Haute Ouest, La Faurélie, Les abris Lartet et du Poisson, Abri Cellier, Le Moustier, Abris du Renne et de la Maitairie, Abri Blanchard des Roches, Abri Castanet, Caminade Ouest et Est, Abri Patary, Grotte des Cottés, Grotte du Fontenioux, Grotte de Chanlat, Grotte de Font-Yves, Grotte Dufour. 30 différence entre ces deux moments de l'Aurignacien se fait par la proportion relative des burins busqués. Le premier possède un fort pourcentage de burins busqués, tandis que le seconde ne possède seulement qu’un pourcentage moyen de ce type de pièce. Comme pour l’Aurignacien ancien, « il n’est guère possible là non plus de savoir s’il s’agit de deux épisodes d’une évolution […] ou des deux aspects d’un même moment »(SonnevilleBordes op. cit.). À l'Aurignacien IV, tous les fossiles caractéristiques de cette période régressent fortement. Enfin, concernant l'Aurignacien V, décrit par Peyrony à Laugerie-Haute Ouest couche D, l'auteur reste sceptique quant à son rattachement à l'Aurignacien. Avant de conclure, l’auteur pose deux remarques. La première concerne les fossiles osseux et note qu'ils « conduisent à rapprocher entre elles des séries dissemblables statistiquement, ce qui pose le problème de la valeur et de la signification de ces fossiles » (Sonneville-Bordes, op. cit.). La seconde est à propos des Aurignacien III et IV, reconnu par D. Peyrony à La Ferrassie et qui "n'ont pas d'équivalents certains" (ibid). Ainsi, seuls les stades I et II sont reconnus dans divers gisements. D. de Sonneville-Bordes conclut son analyse des industries aurignaciennes sur les limites dues à la méthode statistique : « Dans le cadre trop grossier de stratigraphies insuffisantes, avec la difficulté supplémentaire que les outillages de Corrèze manquent d'outillage osseux, l'étude statistique permet tout au plus de rapprocher les unes des autres des séries dont les graphiques cumulatifs rendent visibles les grandes ressemblances. Elle ne permet pas de résoudre les problèmes qu'elle pose, du moins dans l'état actuel des documents » (SonnevilleBordes op. cit.). D. de Sonneville-Bordes réitérera ses doutes concernant l'appartenance de la couche de D de Laugerie-Haute à de l'Aurignacien (Aurignacien V de D. Peyrony), et reviendra sur la réalité de la subdivision de l'Aurignacien I en deux sous faciès (type Castanet et Lartet-Ferrassie) (Sonneville-Bordes 1982). 2.2. Georges Laplace et la théorie du synthétotype aurignacien Au début des années 1960, G. Laplace publia une nouvelle méthode d'analyse des industries lithiques : la typologie analytique, différant sensiblement de celle mise au point par D. de Sonneville-Bordes et J. Perrot. De l'utilisation de cette méthode, G. Laplace aboutit à des 31 conclusions et des interprétations différentes concernant la variabilité des industries aurignaciennes. Suite à l'étude de 113 séries allant du Moustérien au Gravettien supérieur, en utilisant la typologie analytique, Georges Laplace élabora la théorie du « synthétotype aurignacien » (Laplace 1966). Il remarque que les industries de la fin de l'interstade würmien II-III et du début du stade III, dans la province atlantique, forment une « famille de complexes hautement polymorphe » (Laplace op. cit.). Pour lui, cela n'est dû ni à des mélanges (hypothèse de D. de SonnevilleBordes), qui seraient alors systématiques, ni à des phénomènes d'hybridation (hypothèse de H. Delporte), supposant l'existence « d'industries pures,[…] supposition non confirmée par les faits ». Ceci est donc la conséquence d'un « polymorphisme de base [qui] apparaît comme l'aboutissement d'un long et insensible processus d'enrichissement en formes nouvelles durant tout le Paléolithique ancien et surtout moyen, processus d'enrichissement singulièrement accéléré dans le Castelperronien ancien." (Laplace op. cit.) Selon G. Laplace, cette théorie rejoint et confirme « deux théories complémentaires mais indépendantes […] : l'hypothèse des « centres génétiques » de N. Vavilov […], et la théorie de la « cosmolyse » de A. C. Blanc » (Laplace op. cit.). L'hypothèse du synthètotype aurignacien correspond à un "mouvement évolutif […] dénommé « processus de leptolithisation », [dont] l'élément déclencheur et moteur de ce processus, consistant dans l'invention de la technique de débitage laminaire » (Laplace op. cit.). Ce processus se divise en cinq phases : - Phase préapogéique d’immobilité relative ou de mouvement très lent - Apparition de formes nouvelles (grattoirs, burins, pièces à dos, souvent sur lames) parmi les formes classiques (racloirs, pointes, bifaces et denticulés, souvent sur éclats) au sein des industries prémoustériennes et moustériennes ; - Phase préapogéique d’accélération brusque - Accélération et confirmation des caractères leptolithiques, et raréfaction des traits pertinents du Moustérien, au sein des niveaux terminaux du Moustérien de tradition acheuléenne ; - Phase apogéique nodale - Apparition d’un complexe industriel défini par une structure spécifique et une certaine instabilité. Coexistence des grattoirs carénés, à museau et des pièces à dos marginal et épais, et apparition sporadique de l’industrie osseuse. Cette phase correspond aux Castelperronien ancien et subévolué ; 32 - Phase apogéique de différenciation - Moment de grand polymorphisme structural, correspondant au « synthétotype différencié », où il individualise six complexes différents. Cette phase comprend la fin du Castelperronien et le Protoaurignacien ; - Phase postapogéique de ségragation et de spécialisation. - Apparition de complexes industriels à plasticité évolutive plus réduite. Ce moment regroupe les industries allant de l’Aurignacien typique à la fin du Gravettien. Selon l'auteur, l'Aurignacien récent apparaîtrait dans la dernière phase de ce processus de leptolithisation. Son origine est à chercher dans l'Aurignacien typique, toutefois plusieurs foyers souches auraient existé d'où la « formation de faciès régionaux progressivement réduits et individualisés » (Laplace op. cit.). G. Laplace propose aussi une classification simplifiée de « l’Aurignacien typique » qu'il divise en trois stades, Aurignacien ancien, évolué et évolué final. Des distinctions sont faites à l'intérieur de ces complexes suivant la valeur des indices de burins. L'Aurignacien évolué se voit donc divisé en deux sous faciès. Le premier à faible indice de burins et le deuxième à fort indice de burins. L'Aurignacien évolué final n'est représenté que par deux gisements, Laugerie-Haute Ouest couche D, et le Fontenioux couche D10 . Pour G. Laplace, cette industrie serait à rapprocher d'un Aurignacien évolué classique. Quant à la couche D de Laugerie-Haute Ouest, il émet quelques réserves sur son appartenance à l'Aurignacien11 . Enfin, il propose une « évolution sur place du Gravettien à partir de certains complexes du synthètotype différencié » (Laplace op. cit.). Deux hypothèses sont proposées. Une évolution, soit du complexe à pointes à dos épais du synthétotype différencié de type Fontenioux, soit depuis un faciès aurignacien à lame à dos marginal de type Font-Yves ou Facteur couche 15. La théorie, ainsi que la méthode de G. Laplace, furent critiquées, notamment par F. Bordes. La principale critique étant fondé sur la validité du corpus étudié (Bordes 1963). Toutefois, la structuration des phases récentes de l'Aurignacien proposée G. Laplace ne fut pas réellement 10 Concernant la couche D du Fontenioux, elle avait été préalablement interprétée par L. Pradel comme un Aurignacien V sur la base d'une unique pointe osseuse (Pradel, 1952). 11 « Mais s’agit-il [couche D de Laugerie-Haute ouest] véritablement de l’ultime prolongement du phylum aurignacien ou bien de la réapparition « postgravettienne » d’un ensemble industriel original de type aurignacien, formation spontanée récurrente liée aux phénomènes de mutation qui semble avoir marqué, dans la province atlantique, la fin des complexes gravettiens et qui donnèrent probablement naissance à une série de complexes polymorphes tels que le « Protomagdalénien » de Laugerie-Haute et de l’Abri Pataud et les divers complexes protosolutréens ? Le problème demeure ouvert. » (Laplace 1966). 33 remise en cause, le débat se situant essentiellement sur l'existence d'un « Protoaurignacien » sous-jacent à l'Aurignacien ancien classique. 3. Les années 70 à 90 : vers une complexification de la structuration de l'Aurignacien récent En 1969 devait se tenir en France le VIIIe congrès de l'Union Internationale pour l'Etude du Quaternaire (INQUA), les participants étant invités à venir visiter les gisements « classiques », dont celui de La Ferrassie. C'est dans l'optique d'un rafraîchissement des coupes qu'eurent lieu de nouvelles fouilles à La Ferrassie entre 1968 et 1973, sous la direction d'Henri Delporte (Delporte 1984 ; Delporte et al. 1977). Les résultats issus de ces fouilles aboutirent à une réévaluation de la séquence aurignacienne, et principalement une complexification des phases récentes du schéma du Peyrony (Delporte 1984, 1991 ; Delporte et al. 1977 ; Djindjian 1977, 1985, 1986, 1993a, 1993b). 3.1. Les fouilles d’Henri Delporte à La Rochette, à l’abri du Facteur et au Grand Abri de La Ferrassie 3.1.1 La vision d'Henri Delporte avant ses fouilles au Grand Abri de La Ferrassie À la suite de ses fouilles à l’abri du Facteur à Tursac entre 1955 et 1960 (Delporte 1968), et dans une moindre mesure après celles effectuées à La Rochette à Saint-Léon-sur-Vézère entre 1961 et 1965 (Delporte 1964), H. Delporte proposa une simplification de la chronologie de l'Aurignacien en trois phases (Delporte 1968). « Une phase initiale mal représentée et mal connue » (Delporte 1968), nommée Aurignacien 0, car sous-jacente à de l'Aurignacien I. Elle serait représentée par les industries de la couche E' de La Ferrassie (fouille Peyrony), la couche G de Caminade-Est et probablement la couche 5d de La Rochette. Cette phase se caractérise par des grattoirs aurignaciens et des burins abondants (du moins à des taux supérieurs à ceux de l'Aurignacien I), une absence de burin busqué et de lame aurignacienne et par la présence de lamelles Dufour. Viendrait ensuite une phase « principale » regroupant l'Aurignacien I (type Castanet et LartetFerrassie) et II. Par rapport à l'Aurignacien I, le stade II voit : une diminution de l'indice de grattoirs en bout de lame, une augmentation de l'indice de grattoirs aurignaciens, et plus particulièrement des grattoirs à museau, une augmentation de l'indice de burin et notamment des burins busqués et une diminution, voire une disparition des lames aurignaciennes. La dernière phase, « finale », « assez mal connue » et « polymorphe » (Delporte 1968), regroupe les phases III-IV-V, ainsi que la couche 15 de l'abri du Facteur. Il établit une 34 division tripartite au sein de cet ensemble. D'une part un « faciès de La Ferrassie » comprenant les couches H' et H'' de La Ferrassie (fouilles Peyrony – stades III et IV), qui se caractérise par une augmentation du nombre de grattoirs sur lame, une baisse des grattoirs aurignaciens, des burins et plus précisément des burins busqués. D'autre part un « faciès de Laugerie-Haute D » (stade V), représentant « une espèce de « maximum » de l'Aurignacien II typique, dont elle semble cependant séparée par la « période » du Périgordien supérieur » (Delporte op. cit.). Et un "faciès de Tursac" représenté par la couche 15 de l'abri de Facteur, présentant en association des éléments aurignaciens (grattoirs à museau et carénés) et gravettiens (pointes de Tursac). Dans cette structuration de l'Aurignacien, H. Delporte rassemble l'ensemble des classifications en vigueur à l'époque. Influencé par l'approche laplacienne, et l'idée d'un buissonnement des industries lithiques, l'auteur introduit un Aurignacien 0 antérieur à l'Aurignacien I. H. Delporte conserve néanmoins les différentes phases définies par Peyrony (et dans un second temps par D. de Sonnevile-Bordes), en introduisant une division tripartite au sein de la phase finale. 3.1.2. Les fouilles d'Henri Delporte au grand abri de La Ferrassie, et les conséquences sur la structuration de l'Aurignacien récent Les fouilles entreprises à La Ferrassie entre 1968 et 1973, sous la direction d'Henri Delporte, sont à la base d'une révision de l'Aurignacien. Les premiers résultats seront publiés en 1977 (Delporte et Mazière1977), et la monographie en 1984 (Delporte 1984). Là où D. Peyrony individualisa 5 couches pour l'Aurignacien (dont E'), H. Delporte et son équipe en établirent une vingtaine12 . Sur cette base, fut proposée une subdivision de la phase moyenne (Aurignacien II) en trois et quatre faciès pour la phase récente (Delporte 1984, 1991). La synthèse des différentes données prises en compte par H. Delporte est reportée dans le Tableau 3. Henri Delporte vit dans la phase moyenne une évolution lente, graduelle et surtout progressive : « Comme nous l'avons déjà signalé, ces trois faciès s'organisent, non pas en unités discontinues, mais pour former un système évolutif régulier, dont l'élément de variation organique semble pouvoir correspondre à ce que nous appellerions la « vitesse 12 Le nombre varie si on considère les séries issues des coupes frontale et sagittale séparément ou non. De même, des différences existent entre la dénomination et le nombre des différents niveaux identifiés lors de la fouille et ceux publiées (cf. infra). 35 d'évolution » » (Delporte 1984). Cette évolution se ferait par remplacement progressif des grattoirs à museau par les burins busqués. Phases Faciès Couches Ferrassie % grat. auri. (GA) % grat. mus. (GM) % grat. sur lame (GL) % bur. busqué (BB) % burin (B) Industrie osseuse Parenté - Ressemblance D Els Très faible Très faible (atypique) %GL > %GA Très faible Fort Couche K7 (phase ancienne) C Gf, F Faible Faible %GL > %GA Faible (BB atypiques, à pan convexe) Faible Couche K7 (phase ancienne) B GsN0 Faible Faible %GL > %GA Très élevé (nombreux burins carénés et des Vachons) Fort (%B = %G) Pointes courtes et massives Phase IIc et faciès D Récente A GsS, GsN1 Très faible Très faible Très élevé Très faible Très faible Petites pointes losangique s Phase IIa Evoluée IIc J, I2, I1, H - Disparition progressive %GL > %GA Augmentation (BB typiques) Augmentation en nombre et en qualité - - IIb K3b, K3a, K2 - En diminution %GL ≤ %GA Faible (BB atypiques) - Sagaies losangique s aplaties -Moyenne Typique IIa K4, K3c Elevé Très élevé Très faible Très faible (BB atypiques) - Sagaies losangique s aplaties Tableau 3 :Tableau synthétique regroupant les différents critères utilisés par H. Delporte pour sa classification des phases récentes de l’Aurignacien (d’après Delporte 1984, 1991). En ce qui concerne la phase récente, une grande polymorphie est encore une fois signalée, avec toutefois des ressemblances, suivant les différents faciès, avec les phases précédentes (moyenne et ancienne), et des réserves sont émises sur la représentativité du faciès C, et surtout du faciès D (Delporte 1984). H. Delporte souligne, comme le fit D. de SonnevilleBordes (Sonneville-Bordes 1960) que la phase récente ne se retrouve qu'à La Ferrassie. L'auteur souligne une fois de plus le problème de l'Aurignacien V, qui depuis sa reconnaissance reste confiné au seul gisement de Laugerie-Haute. H. Delporte fait cependant remarquer que cette classification reste imparfaite et approximative puisque se basant uniquement, ou presque, sur les industries lithiques et plus particulièrement sur une étude typologique de ces dernières. Ainsi, « ce ne sera que lorsque 36 nous aurons acquis la maîtrise de tous ces éléments d’information13 que nous pourrons tenter de définir objectivement la ou les civilisations du complexe aurignacien et que des hypothèses sur leur évolution, sur d’éventuelles filiations ou influences, à plus ou moins longue portée, risqueront d’être sérieusement envisageable » (Delporte 1991). 3.2. François Djindjian et l’apport de l’analyse factorielle dans la classification de l’Aurignacien Les séries issues des fouilles récentes de La Ferrassie furent étudiées par F. Djindjian, à l'aide de différentes analyses statistiques (principalement des ACP14 ). Dans ce dessein, il regroupe les types issus de la liste-type de Sonneville-Bordes et Perrot, afin d'obtenir une liste restreinte à une trentaine de types. S'ensuit une analyse des correspondances et une classification ascendante hiérarchique (Djindjian 1977, 1985, 1986, 1993a et b). D’autre part, les résultats obtenus sur La Ferrassie ont été confrontés avec ceux issus de séries provenant d’autres gisements du bassin versant de la Dordogne15 . Un résumé des différentes classifications est présenté dans le Tableau 4. Nous en retiendrons : - Que les classifications proposées varient au fil des présentations, avec ajout, suppression ou changement de dénomination des différentes phases ; - Cependant, les regroupements des différents niveaux de la Ferrassie caractérisant une phase de l’Aurignacien restent stables ; - Enfin, sa dernière proposition, « présente l’avantage d’être en accord avec celle de la publication de H. Delporte (Delporte 1984) » (Djindjian 1993b) (Tableau 5). Ces classifications s’accompagnent d’une mise en parallèle avec le système chronoclimatique proposé par H. Laville pour le sud-ouest de la France (Laville 1975), couplé à une synthèse des données 14 C et palynologiques obtenues sur différents gisements situés dans la même région (Djindjian 1993a). Il remarque que les variations de fréquence des pièces carénoïdes (grattoirs et burins aurignaciens) et de la retouche latérale sont en concordance avec les variations climatiques. Ainsi, les pièces carénées sont abondantes durant les 13 La typologie analytique, la définition des «  attributes », l’étude des produits de débitage, les technologies de fabrication et les études tracéologiques (Delporte 1991). 14 Outils et méthodes exposés dans Djindjian 1986. 15 Le Flageolet I, Caminade-Est et Ouest, La Rochette, Le Facteur, Le Trou de la Chèvre, Le Piage, Roc de Combe et l’abri Pataud. (Djindjian 1986 – sans Roc de Combe et Pataud ; 1993a sans le Trou de la Chèvre, Caminade-Ouest et La Rochette, avec Roc de Combe et Pataud; 1993b – sans le Trou de la Chèvre, et La Rochette, avec Roc de Combe et Pataud). 37 oscillations climatiques plutôt tempérées, tandis que durant les phases froides celles-ci régressent au profit de la retouche latérale (Djindjian 1993a). C. Ferr Djindjian 77 Djindjian 85 Djindjian 86 Djindjian 93a Djindjian 93b Es IVb Dégénérescence de tous les types aurignaciens (séries pauvres et atypiques) F G IV Disparition des éléments précédents IV Disparition des éléments précédents IVa Développement des grattoirs carénés et burins nucléiformes IV Développement des pièces carénoïdes H I1 IIIb Diminution des burins busqués et carénés IIIb Décroissance des grattoirs et burins aurignaciens, croissance de la retouche latérale III Diminution des grattoirs et burins aurignaciens, retour des pièces à retouche latérale I2 J III Plus diffus suivant l'importance des burins busqués qui le caractérisent III Remplacement des grattoirs aurignaciens par les burins aurignaciens IIIa Riche en burins busqués IIIa Apparition et développement des burins busqués qui remplacent les grattoirs aurignaciens IIb Remplacement des grattoirs aurignaciens par les burins busqués, développement des burins dièdres K2 K3a K3b IIb Riche en grattoirs aurignaciens et en burins sur troncature K3c K4 II Riche en grattoirs à museau, burins sur troncature et dans une moindre mesure des grattoirs carénés II Riche en grattoirs aurignaciens et en burins sur troncature IIa Riche en grattoirs aurignaciens et en burins sur troncature II Dominance des grattoirs aurignaciens, des burins dièdres et sur troncature IIa Riche en grattoirs aurignaciens et en burins sur toncature K5 K6 I Riche en lames retouchées, racloirs et pièces esquillées I I I Riche en retouches latérales K7 - - (I) Riche en retouches latérales et en pièces esquillées (I) Riche en retouches latérales et en pièces esquillées 0? - I Riche en retouches latérales et en pièces esquillées, pauvre en grattoirs aurignaciens et en burins Tableau 4 : Résumé des différentes classifications proposée par F. Djindjian (d’après Djindjian 1977, 1985, 1986, 1993a, 1993b). 38 Couches de La Ferrassie Delporte 84, 91 Djindjian 86 Djindjian 93a Djindjian. 93b Es IVb F G III-IV Phase récente finale IV IVa IV H I1 IIIb IIIb III I2 J IIc IIIa IIIa Iib K2 K3a K3b IIb IIb K3c K4 IIa       Phase moyenne         IIa II Iia K5 K6 I Phase ancienne I I K7 0 Phase archaïque (I) 0? I Tableau 5 : Comparaison entre la classification proposée par H. Delporte (Delporte 1984, 1991) et celles proposées par F. Djindjian (Djindjian 1986, 1993a et b). 3.3. La structuration de l’Aurignacien selon J.-Ph. Rigaud Suite, notamment aux résultats obtenus sur le site du Flageolet I (Bézénac, Dordogne), J.-Ph. Rigaud contesta la classification proposée par D. Peyrony, et surtout la valeur de la séquence aurignacienne qu’il mit au jour à La Ferrassie (Rigaud 1985). Bien qu’une large part des critiques soit à l’encontre du schéma Périgordien, il n’en demeure pas moins que celui proposé pour l’Aurignacien fut aussi remis en question. La première remarque concerne la présence, récurrente mais dans des pourcentages variables, de l’ensemble des « fossiles directeurs » dans chaque série. Dans le cas de l’Aurignacien, il s’agit principalement des grattoirs carénés, à museau, et d’un « nouvel » outils, le grattoir Caminade (Mortureux et Sonneville-Bordes, 1956). Ainsi, il pose la question de l’existence de possibles faciès économiques (Rigaud 1982a, 1982b, 1985), au sein desquels les pourcentages en « fossiles directeurs » varieraient en fonction des activités. J.-Ph. Rigaud observe au Flageolet I16 que les indices typologiques présentent des variations différentes, voire inverse, de celles de connues pour les séquences de La Ferrassie, Roc de 16 La couche XI, quoique pauvre, s’inscrit plutôt dans un Aurignacien ancien, ou la retouche aurignacienne est faiblement représentée. Les couches IX, VIII-1 et VIII-2 sont à rattacher à un Aurignacien II. Dans chaque ensemble des grattoirs Caminade ont été rencontrés (Rigaud 1982b). 39 Combe et Caminade (Rigaud 1982a, 1982b, 1985). Ainsi, les différentes classifications, basées alors sur les variations des types d’outils (Peyrony 1934 ; Sonneville-Bordes 1960 ; Delporte 1977), ne correspondraient pas nécessairement à une évolution chronologique et culturelle, mais pourraient aussi être le reflet d’activités différentes. Enfin, en se basant sur le cadre chrono-climatique proposé par H. Laville (Laville 1975), J.Ph. Rigaud remarque une contemporanéité entre les différentes phases de l’Aurignacien, prouvant ainsi qu’a minima les phases reconnues sur le gisement de La Ferrassie ne doivent plus être considérées comme des variations chronologiques (Rigaud 1982b). 3.4. L’Aurignacien récent selon Pierre-Yves Demars Le découpage conventionnel, en quatre phases (I à IV) est conservé. Cependant quelques modifications et précisions sont apportées. P.-Y. Demars divise l'Aurignacien I en trois stades (Demars 1990 ; Demars et Laurent 1989) : - Aurignacien Ia = Aurignacien 0 de Delporte ; - Aurignacien Ib = Aurignacien I type Castanet de Sonneville-Bordes ; - Aurignacien Ic = Aurignacien I type Lartet-Ferrassie de Sonneville-Bordes. Deux moments peuvent être distingués dans l'Aurignacien II. Une première période durant laquelle les fossiles directeurs de l'Aurignacien ancien disparaissent (lames aurignaciennes et pointes à base fendue). Puis une seconde, marquée par l'augmentation des grattoirs à museau, la faible apparition des burins busqués, ainsi qu'une chute de l'indice laminaire. L'Aurignacien III pourrait correspondre à un retour vers l'Aurignacien I. L'auteur note une augmentation des grattoirs minces, de l'indice laminaire et des burins, notamment des busqués, des carénés et parfois quelques Vachons. L'Aurignacien IV ressemble quant à lui à l'Aurignacien II, malgré une importante polymorphie. On assiste à une augmentation des grattoirs épais, et notamment ceux qui sont à museau, des lamelles Dufour sous-type Roc de Combe, ainsi que des burins des Vachons. 4. Vers une nouvelle approche des ensembles aurignaciens ? : l'apport de l'analyse technologique dans la compréhension de la structuration de l'Aurignacien 4.1. La fin de l'Aurignacien V Depuis sa description par Peyrony à Laugerie-Haute Ouest, couche D (Peyrony 1933), cette industrie a suscité bien des discussions. « Dernier avatar » (Sonneville-Bordes 1982) du techno-complexe Aurignacien, sa filiation notamment avec les stades III et IV sera de 40 nombreuses fois remise en cause, sans qu’un consensus se dégage (Delporte 1984 ; Demars 1985 ; Laplace 1966 ; Sonneville-Bordes 1960 ; Rigaud 1993). Ch. Leroy-Prost dans son étude sur l’industrie osseuse aurignacienne (Leroy-Prost 1975, 1979) note que les sagaies retrouvées dans l’Aurignacien V de Laugerie-Haute « n’offre[nt] aucune parenté avec l’Aurignacien tel qu’il existe dans les stades précédents. Bien au contraire, elle semble dérvierdirectement de l’industrie osseuse protomagdalénienne qui la précède à Laugerie-Haute » (Leroy-Prost 1979). Cette dernière se range toutefois derrière « l’avis des spécialistes », pour qui il n’y a pas « d’objection à cette filiation en matière d’industrie lithique » et où « la tradition aurignacienne est manifeste » (Leroy-Prost op. cit.). Ce rattachement fut toutefois remis en cause par D. de Sonneville-Bordes (1982), pour qui « la position chronologique définitivement très tardive de l’Aurignacien V par rapport à l’Aurignacien typique conduit à réviser et contester sa filiation aurignacienne […] son outillage lithique ne suggère pas de liaison avec l’Aurignacien typique en général, ni avec le III-IV en particulier. » (Sonneville-Bordes op. cit.). Cette industrie, pour laquelle elle rejette également une origine protomagdalénienne, « se trouve isolé[e]  au sommet de la séquence bien développée et omniprésente de Périgordien supérieur à gravettes » et « aucun assemblage équivelent n’est actuellement connu » (Sonneville-Bordes op. cit.). La caractérisation techno-économique de cette industrie originale tout autant que sa position chronologique fut définitivement acquise une quizaine d’année plus tard suite aux travaux de J. Zilhão et collaborateurs (Zilhão et al. 1999) présentés lors du 24e Congrès Préhistorique de France en 1994, à Carcassonne. L’antériorité des travaux réclamée par certains auteurs ne peut être ici retenue (Bosselin et Djindjian 1997 ; Djindjian 1999, 2002). L’analyse de gisements portugais couvrant la transition Gravettien – Solutréen, comparée aux niveaux N10 et N9 de l’abri Casserole ainsi que celui d’Aurignacien V de Laugerie-Haute à permit une définiton technologique précise de ce que les auteurs dénomment le Protosolutréen (Zilhão et al. 1999). Celui-ci se caractérise notamment par une production par percussion directe au percuteur dur de supports allongés et pointus, qui lorsque qu’ils sont retouchés sont dénommés pointe de Vale Comprido (Zilhão 1995 ; Zilhão et Aubry 1995 ; Zilhão et al. 1999). De manière conjointe existe une production d’armatures lamellaires, pouvant ou non être retouchées, sur nucléus – grattoirs carénés ou à museau (Aubry et al. 1995 ; Zilhão et al. 1999). 41 4.2. L'Aurignacien dans le Sud-Ouest de la France : bilan des connaissances Depuis les dix dernières années, les recherches sur l'Aurignacien se sont considérablement développées, et plus particulièrement les études technologiques. Elles ont permis de mieux cerner l'unité technique de l'Aurignacien ancien classique (Bon 2002 ; Bordes et Tixier 2002). D'autre part, elles ont permis de démontrer l'existence d'un Protoaurignacien en Aquitaine (Bon 2002 ; Bordes 2002 ; Normand 2002 ; Normand et Turq 2005), que certains avaient pressenti (Delporte 1964, 1968, 1991 ; Demars 1989 ; Djindjian 1993a, 1993b ; Laplace 1966). Les études s'intéressant aux modes de débitage lamellaire ont mis en évidence une évolution de ces concepts durant les différentes phases de l'Aurignacien (voir Le Brun-Ricalens et al. (Eds) 2005 pour une synthèse récente). Le Protoaurignacien se caractérise notamment par un débitage intercalé de lames et de lamelles (Bon 2002 ; Bon et Bodu 2002 ; Bordes 2002). Cependant, pour ces ces dernières des productions autonomes sont aussi attestée, l'une sous la forme d'un débitage sur tranche d'éclat, et l'autre correspondant à un débitage de nucléus prismatique à lamelles (Normand et al. 2008). Les supports lamellaires retouchés sont variés (e. g. Bordes 2002 ; Normand et al. 2008), nous retiendrons parmi eux la présence de supports à retouche inverse, dénommées lamelles Dufour, et des supports à retouche bilatérale directe, les pointes de Font-Yves ou de Krems (Demars et Laurent 1989 – et voir [Le Brun-Ricalens et al. 2009] pour une révision récente des différents termes). À l'Aurignacien ancien, les productions de lames et de lamelles sont disjointes. Ces dernières sont produites suivant une modalité type grattoir caréné. Le profil des pièces recherchées étant courbe à rectiligne, mais surtout non torse (Bon 2002 ; Bordes 2005 ; Pelegrin et O’Farrell 2005). Ces lamelles lorsqu’elles présentent une retouche inverse à droite, pouvant ou non être associée à une retouche directe sur le bord gauche, sont dénommées lamelles Dufour soustype Dufour (Demars et Laurent 1989). Durant l'Aurignacien récent, deux méthodes de débitage lamellaire coexistent. Une production de lamelles via des grattoirs à museau et une autre via les burins busqués (Bordes 2005 ; Bordes et Lenoble 2002 ; Chazan 2001 ; Chiotti 1999, 2000, 2003, 2005 ; Hays et Lucas 2000 ; Lucas 1997, 1999, 2000, Rigaud 1993). Les produits recherchés et retouchés correspondent aux lamelles Dufour sous-type Roc de Combe (retouche inverse sur le bord droit, souvent associée à une retouche directe sur le bord gauche). Elles sont généralement de plus petit gabarit qu'à l'Aurignacien ancien (Bordes 2005) et surtout torse dans les sens anti-horaire. La modalité de type burin busqué permet aussi l’obtention de petites chutes de burin rectilignes, 42 qui portent généralement une fine retouche directe sur le bord gauche (opposé au pan abrupte), les lamelles Caminade (Bordes et Lenoble 2002). Enfin, postérieurement à cette phase récente à museau – busqué, un système de production de lamelles de profil rectiligne à sub-rectiligne, via une modalité de type burin des Vachons, à pu être mise en évidence (Pesesse et Michel 2006) 5. Conclusion Depuis sa reconnaissance, l'Aurignacien a suscité bien des controverses. Différentes chronologies ont été établies, en se fondant dans la majorité des cas sur la succession stratigraphique des industries de La Ferrassie, via des études typologiques (Delporte 1964, 1968, 1984, 1991 ; Delporte et Mazière 1977 ; Demars 1990 ; Demars et Laurent 1989 ; Djindjian 1977, 1985, 1986, 1993a, 1993b ; Peyrony 1933, 1934 ; Sonneville-Bordes 1960). La structuration de l'Aurignacien récent s'est complexifiée, faisant intervenir des découpages des différents stades (II, III et IV) de plus en plus nombreux (par exemple le stade II de D. Peyrony se voit scindé en trois « sous faciès » chronologique par H. Delporte - 1984, 1991). Notons que ces suggestions ne se basent guère sur des études technologiques. L’évolution des fréquences d’outils associée à la présence / absence de certains fossiles directeurs sont généralement les seuls critères de reconnaissance d’un faciès de l’Aurignacien. Enfin, la terminologie employée est souvent confuse. Les termes de « récent », « intermédiaire », « final », « évolué » décrivent généralement des phases ou des faciès différents suivant les auteurs, et n’ont par conséquence pas le même sens. 43 DEUXIÈME PARTIE ~~~ Études de cas CHAPITRE III – Caminade-Est niveau D2s, La Canéda, Dordogne ~~~ CHAPITRE IV – L’abri Pataud, couches 8, 7 et 6, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne ~~~ CHAPITRE V – Roc-de-Combe, couches 6 et 5, Payrignac, Lot ~~~ CHAPITRE VI – Combemenue, niveau supérieur, Brignac-la-Plaine, Corrèze ~~~ CHAPITRE VII – Le Flageolet I, Bézénac, Dordogne ~~~ CHAPITRE VIII – Le grand abri de La Ferrassie, Savignac-de-Miremont, Dordogne 44 CHAPITRE III – Caminade-Est, La Canéda, Dordogne Avant de présenter ce gisement, rappelons que la forte proportion de burins busqués, associés à des grattoirs à museau, en nombre moins important, ainsi qu’un indice élevé de burin et l’absence de pièce à retouche aurignacienne ont conduit D. de Sonneville-Bordes à attribuer le niveau D2s à de l'Aurignacien II (Sonneville-Bordes 1970a), tandis que H. Delporte l’attribua à l'Aurignacien IIc (Delporte 1984), et F. Djindjian à de l'Aurignacien IIIa (Djindjian 1993a), puis à de l'Aurignacien IIb ou IIr (Djindjian 1993b). Malgré l’utilisation d’une terminologie différente suivant les auteurs, la présence de burins busqués, et dans une moindre mesure de grattoirs à museau, représentent des marqueurs culturels forts et emblématiques de la phase récente, et notamment dans le sud-ouest de la France. Ces derniers ont par ailleurs fait l’objet d’une étude technologique récente, en particulier ceux de Caminade-Est, permettant de caractériser les modalités de production lamellaire durant cette période (e. g. Bordes 2005, 2006 ; Bordes et Lenoble 2002). Une partie seulement des chaînes opératoires ayant été décrite, en l’occurrence les productions lamellaires, nous avons décidé de compléter l’étude de la série en nous intéressant d’abord à la production laminaire (Michel 2005). Nous en reprenons ici la problématique principale, afin d’établir pour la suite une base comparative. Les productions lamellaires seront simplement évoquées, mais seront plus détaillées par la suite dans les chapitres suivants (cf. infra Pataud couche 7, Roc-de-Combe couche 6 et Combemenue). Le choix de cette série a été dicté par plusieurs raisons, essentiellement car elle a fait l’objet (malgré des problèmes liés au tamisage et à la récolte de la fraction fine) : - d’une fouille méticuleuse, dont la plupart des vestiges supérieurs à 2 cm ont été cotés, et pas seulement l’outillage, permettant ainsi un contrôle stratigraphique. - d’une étude taphonomique récente, basée sur les raccords de lames, dans le sens de leur d’intérêt stratigraphique (Bordes 1998, 2000, 2006). - d’une fouille récente, conduite par J.-G. Bordes et A. Lenoble afin, entre autres, de caractériser les processus naturels de formation du site, de contrôler et d’apprécier la stratigraphie précédemment décrite, et de recueillir et décrire la fraction fine, et en particulier le lamellaire (Figure 6), largement sous-estimée par les fouilles précédentes (Bordes et Lenoble 1999, 2000, 2001). 45 Figure 6 : Caminade-Est niveau D2s – Productions lamellaires ; n°1 à 3 lamelles Dufour sous-type Roc-de- Combe ; n°4 à 6 lamelles Caminade ; n° 7, 8, 10 et 11 burins busqués ; n°9 grattoir à museau (n°1 à 6 dessins J.G. Bordes, n°8 à 10 dessins J.-G. Marcillaud d’après Bordes 2005 et Bordes et Lenoble 2002 - n°7 dessin P. Laurent d’après Sonneville-Bordes 1970). 46 1. Présentation générale 1.1. Situation géographique Le site de Caminade se localise sur la commune de Sarlat-La Canéda (Figure 7), et surplombe la départementale 704 en direction de Gourdon. À quelques dizaines de mètres en contrebas, en direction du Sud, coule la Farge, affluent de la rive droite de l'Enéa, lui-même affluent en rive droite de la Dordogne. Figure 7 : Localisation du site de Caminade (source Géoatlas, modifiée). Figure 8 : Plan du site de Caminade, (d'après Bordes et Lenoble 2000). 47 Le site, ayant la forme d’un hémicycle, est divisé en deux locus par une petite ravine d’orientation sud-ouest. Caminade-Ouest correspond au porche aujourd'hui érodé d'une petite grotte, et Caminade-Est à un abri sous roche effondré (Figure 8). Ces deux sites sont contigus et de même altitude. Leur formation résulte du creusement du Pech de Bontemps, formé de calcaires gréseux bioclastiques du Coniacien. 1.2. Historique 1.2.1. Les fouilles de D. de Sonneville-Bordes et B. Mortureux Le site fut découvert en 1948 par B. Mortureux. Dès 1953, avec la collaboration de D. de Sonneville-Bordes et de F. Bordes, furent entrepris deux sondages, un à l'Ouest et un plus à l'Est (Figure 8). Les fouilles débuteront dès l’année suivante, en 1954 pour une durée de trois ans, jusqu’en 1956. Durant cette période, B. Mortureux fouilla le secteur Ouest, tandis que D. de Sonneville-Bordes, secondée par F. Bordes pour la fouille des niveaux Paléolithique moyen, s’occupa de la partie Est. Enfin, de manière conjointe et durant ces trois campagnes, la grotte faisant le lien entre les deux locus fut aussi fouillée, afin de définir la nature des liaisons entre l’Est et l’Ouest. Ces derniers reprendront les fouilles dans la partie Est de 1963 à 1968. La séquence aurignacienne de Caminade-Est comprend cinq niveaux archéologiques. Les deux plus profonds ont été attribués à l’Aurignacien I (G et F), les trois suivants à l’Aurignacien II (D2i, D2s et D1) (Sonneville-Bordes 1970a – Figure 9) : À partir de la bande C, vers le sud, ont été rencontrés quatre niveaux moustériens (de la base au sommet) : un niveau de Moustérien typique (M1 base et sommet), deux de Moustérien de type Ferrassie (M2 base et sommet, M3 base et sommet) et un de type Quina (M3 sommet +) (Sonneville-Bordes 1969, 1970a et b). 48 Figure 9 : Coupe sagittale de Caminade-Est (d'après Sonneville-Bordes 1970, modifié par Lenoble 2004). 1.2.2. Les fouilles de A. Lenoble et J.-G. Bordes Depuis sa découverte, ce site alimente le débat sur la présence d'un Aurignacien antérieur au stade I en Périgord. C'est en se fondant sur les industries de la couche G de Caminade-Est, ainsi que celles du niveau 5d de la Rochette et E' de La Ferrassie, qu'en 1964 H. Delporte envisagera l'existence d'un Aurignacien 0 en Périgord (Delporte 1964). Toutefois, D. de Sonneville-Bordes contestera l'idée de l'appartenance de la couche G à un Aurignacien 0, réaffirmant que ces industries correspondent à un Aurignacien I classique (Sonneville-Bordes 1960, 1970a, 1982). La reprise du matériel et la quantification des raccords d'intérêt stratigraphique a remis en cause l'intégrité des couches G et F, considérées comme un niveau unique (Bordes 1998). L'attribution de la couche G à un Aurignacien 0 a donc elle aussi été remise en cause. De la même manière, les nombreux raccords intercouches entre les niveaux D2S et D2I laissent à penser qu’il ne s’agirait que d’un seul même niveau. Cependant, il est possible qu’il s’agisse de palimpsestes de plusieurs occupations, mais impossible à l’heure actuelle à démêler. Ainsi, la reprise des fouilles entre 1999 et 2001, sous la direction de A. Lenoble et de J.-G. Bordes (Bordes et Lenoble 1999, 2000, 2001), eut comme problématique d’une part de tester 49 la validité des hypothèses émises lors des remontages d’intérêt stratigraphique (Bordes 1998, 2000), et d’autre part de réaliser une étude géoarchéologique afin de documenter les processus de mise en place des dépôts, et plus particulièrement, l'effet du ruissellement sur la mise en place des dépôts archéologiques (Lenoble 2003, 2004). Enfin, une nouvelle campagne de datation fut effectuée (Lenoble 2004 ; Rigaud 2001). Les dates obtenues semblent vieilles (Tableau 6), notamment pour le niveau D2i attribué, tout comme D2s, à un Aurignacien récent, dont la date est supérieure à 34.000 BP, soit plus de 39.000 Cal BP. Nous tenons à préciser que, sauf mention contraire, toutes les dates calibrées présentées dans ce travail l’ont été par rapport à la courbe de calibration IntCal 09, à l’aide du logiciel de calibration OxCal version 4.1 (Bronk Ramsey 2009). Niveau Echantillon Date BP Sigma BP Date Cal BP (Intcal 09 OxCal 4.1) Sigma Cal BP (Intcal 09 OxCal 4.1) Référence D2i GifA-97187 34140 ± 990 39203,5 ± 1261,5 Rigaud 2001 F GifA-97186 35400 ± 1100 40416 ± 1095 Rigaud 2001 G GifA-97185 37200 ± 1500 42130 ± 1261 Rigaud 2001 Tableau 6 : Datations 14 C des niveaux aurignaciens de Caminade-Est. 1.2.3. Synthèse des données géoarchéologiques L’ensemble archéologique D2, qui nous intéresse ici, est inclus dans l’unité III de A. Lenoble (2003, 2004). Cette dernière, forte de cinquante centimètres à un mètre d’épaisseur, incluant aussi pour partie le niveau F sous-jacent, se compose principalement de sables argileux contenant des fantômes de cailloux calcaires ainsi que des formations carbonatées. Cette unité sédimentaire a été mise en place par ruissellement, processus par ailleurs responsable d’une redistribution horizontale des vestiges. 1.3. Le contexte environnemental Les données paléoenvironnementales issues des analyses palynologiques et sédimentologiques ayant été remises en cause (e. g. Bordes et Lenoble 1999, 2000, 2001 ; Lenoble 2003), nous ne présenterons que celles issues de l’étude paléontologique menée par F. Delpech (1970, 1983). L'acidité des sédiments n’a pas permis la conservation des matières dures animales, seuls 59 restes fauniques répartis sur l'ensemble de la séquence ont pu être déterminés, respectivement 30 dans les niveaux attribués à l’Aurignacien II et 29 pour ceux du stade I (Delpech 1970 – Tableau 7). L’auteur propose, avec toute la prudence requise par des effectifs aussi faibles, 50 que l'Aurignacien I se serait développé durant une phase froide, et l'Aurignacien II durant un climat plus tempéré. Par ailleurs, il convient de mentionner la convergence de ces résultats avec ceux qui ont été obtenus d’après les analyses palynologiques (Paquereau 1970) et sédimentologiques (Laville et al. 1980 ; Laville et Sonneville-Bordes 1967), et ce malgré leur remise en cause (e. g. Bordes et Lenoble 1999, 2000, 2001). Aurignacien II Aurignacien I D2S D2I E Total % AII F G Total % AI Renne - 2 - 2 6,7 9 3 12 41,4 Cerf 1 2 - 3 10,0 2 1 3 10,3 Bovinés 5 5 2 12 40,0 7 3 10 34,5 Chamois 1 - - 1 3,3 2 - 2 6,9 Sanglier - 1 - 1 3,3 - - - Cheval - 1 4 5 16,7 2 - 2 6,9 Equus hydruntinus 1 1 1 3 10,0 - - - Equus sp. 2 1 - 3 10,0 - - - Total 10 13 7 30 100 22 7 29 100 Tableau 7 : Caminade-Est - Décompte des restes fauniques (d'après Delpech 1970 modifié). 2. Corpus d’étude 2.1. Échantillonnage et inventaire Bien que les remontages tendent à montrer l’existence d’un seul niveau D2 (Bordes 2000, 2006 ; et comm pers.), seul le niveau D2s a été pris en compte afin d’éviter toute contamination avec le niveau F, sous-jacent à D2i et attribué à l’Aurignacien ancien. L’examen du matériel de la nappe de vestiges sous-jacente D2i a confirmé le diagnostic établi lors de l’étude du seul niveau D2s. Tant d’un point de vue laminaire que lamellaire, les objectifs et intentions des tailleurs sont similaires ce qui, sans le valider, renforce l’idée d’un niveau unique pressenti lors de l’étude des raccords et remontages (Bordes 2000, 2006), et lors des dernières opérations de terrain (Bordes et Lenoble 1999, 2000, 2001). D’autre part, nous avons porté notre attention sur les pièces rapportables au débitage laminaire, c'est-à-dire les nucléus laminaires, les lames et fragments de lames, ainsi que les éclats laminaires (Tableau 8). Bien qu’étudiés, les éclats de mise en forme de nucleus, ainsi que les tablettes de ravivage de plan de frappe n’ont pas été intégrés dans notre base de données. 51 2.2. État de conservation du matériel L'ensemble des vestiges lithiques présente des degrés de patine plus ou moins poussés. Bien que pouvant occasionner une gêne dans la reconnaissance des matières premières, cette dernière n’empêche nullement la lecture technologique des vestiges. Si la majorité du matériel se présente sous un aspect relativement frais, certaines pièces présentent toutefois des bords légèrement altérés (N = 98, soit environ 13 % des supports laminaires - Figure 19 n°8), dont l’intentionnalité ne peut être démontrée. Nucleus Support laminaire Dont outils Matières premières Nb % Nb % Nb % Sénonien 38 97,4 679 88,9 151 80,7 Sénonien probable - - 8 1,0 - Maestrichtien type Bergeracois - - 38 5,0 21 11,2 Bergeracois probable - - 8 1,0 3 1,6 Grain de mil - - 7 0,9 4 2,1 Grain de mil probable - - 18 2,4 6 3,2 Puy d'Issolud 1 2,6 5 0,7 2 1,1 Indéterminé - - 1 0,1 - Total 39 100 764 100,0 187 100 Tableau 8 : Caminade-Est niveau D2s - Décompte et fréquence (%) des vestiges étudiés, par matières premières. 2.3. Origine des matières premières Quatre type de silex d'origine différente ont pu être observés (Tableau 8). Il s’agit du silex sénonien, d’origine locale, qui représente près 90% des lames. Vient ensuite le silex maestrichtien de la région de Bergerac (environ 6% des lames), dont les sources d’approvisionnement les plus proches sont distantes d'une cinquantaine de kilomètres vers l'Ouest, puis du silex de type Grain de mil (environ 4% des lames), où les gîtes actuellement connus sont à environ 170 km en direction du nord-ouest. Les silex jurassiques de type Puy d'Issolud, dont le gîte le plus proche se trouve à une dizaine de kilomètres au sud, au niveau de la vallée de la Dordogne ne concernent que quelques produits. Enfin, pour une lame, l’origine de la matière n’a pas pu être déterminée. 3. Etude de la production laminaire 3.1. Etude des nucléus 3.1.1. Présentation du corpus Parmi la quarantaine de nucléus en silex sénonien, seuls 20 (18 en Sénonien noir et 2 en Sénonien blond) montrent un débitage organisé de supports laminaires (Tableau 9, Figure 10, 52 Figure 11 et Figure 12), auxquels s’ajoute une plaquette, ou un éclat, en silex Jurassique de type Puy d’Issolud. Cette dernière, dont une partie des supports produits ont pu être remontés, fera l’objet d’une note séparée. Nb % Unipolaire à un plan de frappe 17 44,7 Unipolaire à deux plans de frappe successifs 3 7,9 Indéterminés, illisibles 18 47,4 Total 38 100 Total étudiés 20 52,6 Tableau 9 : Caminade-Est niveau D2s  - Décompte et fréquence (%) des nucleus en silex Sénonien. 3.1.2. Nature des supports Les supports sélectionnés correspondent pour la plupart à des rognons (N = 13) de forme oblongue, ou branchus. Une plaquette et un éclat ont aussi été sélectionnés. Enfin, pour cinq nucléus, la forme initiale du bloc n’a pu être déterminée. Avant les premières opérations de mise en forme du nucleus, se place une première phase, conceptuelle, qui vise à hiérarchiser les différentes surfaces (plan de frappe et surface de débitage). Le choix de l'implantation de la future surface de débitage est une étape primordiale, celui-ci conditionnant la longueur finale des supports laminaires. L’implantation de cette dernière se fait principalement aux dépens de la longueur maximale des blocs. Bien que les nucléus soient à exhaustion et présentent lors de leur abandon des surfaces de débitage majoritairement inscrites sur des faces larges (Figure 10 n°1, n°2, et Figure 11), une initialisation du débitage sur une surface initialement plus cintrée ne peut être écartée. 3.1.3. Mise en forme des nucleus Les témoins de la ou des mises en forme initiales sont peu fréquents. En effet, dans leur état d’abandon, le dos, les flancs, et dans une moindre mesure, la partie distale des nucleus sont souvent corticaux (Figure 10 n°1 et 4, Figure 11 n°1, Figure 12 et Figure 13) et ne permettent donc pas d’apprécier ces premières pleinement. Toutefois, quatre nucléus, respectivement trois blocs et un éclat, présentent en partie distale un reliquat de crête antérieure (Figure 12). 53 Figure 10 : Caminade-Est niveau D2s - Nucléus laminaires (Sénonien). 54 Figure 11 : Caminade-Est niveau D2s - Nucléus laminaires (Sénonien). 55 Figure 12 : Caminade-Est niveau D2s - Nucléus laminaire (Sénonien) – dessin J.-G. Marcillaud. Localisation du cortex 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 gauche droite dos distale s. de débitage p. de frappe absence Emplacement Nombredenucleus Figure 13 : Caminade-Est niveau D2s - Localisation du cortex sur les nucléus à lames (N=20). 56 3.1.4. Déroulement de la phase de plein débitage Le débitage est exclusivement unipolaire. Sur les vingt-trois surfaces de débitage observées, dix-huit montrent des enlèvements parallèles, et dans cinq cas ces derniers sont convergents. La convergence des produits en partie distale ne semble pas ici recherchée mais simplement imputable à la morphologie de certains blocs. Précisons que les trois nucleus à deux plans de frappe opposés présentent chacun deux surfaces de débitage décalées (Figure 10 n°4). Ces dernières n’ont pas été exploitées de manière synchrone. Il s’agit là d’une simple réorientation des surfaces de débitages. L’exploitation des nucléus demeure donc toujours unipolaire. Les produits à débiter sont obtenus par percussion directe au percuteur tendre. Cependant, l'emploi de la percussion directe au percuteur dur est attesté. D’après l’état d’abandon des nucléus, le recours à cette technique semble intervenir dans les cas d'impasses techniques (notamment suppression de rebroussés) et pour recintrer la surface de débitage (éclat laminaire détaché à la jonction surface de débitage / flanc). La préparation des talons des derniers enlèvements laminaires, observable sur les nucléus, consiste principalement en une abrasion de la corniche (13 cas sûrs, 7 possibles, et 3 sans abrasion, sur les 23 plans de frappe observables). Le recours au facettage ne semble pas systématique. Dix plans de frappe indiquent une préparation de la zone de détachement des enlèvements laminaires. Treize plans de frappe sont lisses. Cependant, cela ne signifie nullement que les artisans n’est pas eu recours au facettage durant des phases de production antérieures, dont un ravivage de plan de frappe a pu oblitérer les stigmates. Le rythme de progression est frontal (e. g. Valentin 1995). Le recours au débitage de lames de flanc est fréquent, et majoritairement vers le flanc gauche. Ce procédé technique récurrent permet un contrôle du cintre, et dans une moindre mesure de la carène du nucléus (Bon 2002 ; Le Brun-Ricalens 1993). Enfin mentionnons que dans quatre cas, la progression est semitournante, investitant partiellement les deux flancs. L’angulation entre la surface de débitage et les flancs, lorsqu’ils ne sont pas investis, est proche de 90°. Cette angulation permet d’entretenir le cintre et la carène du nucléus via le détachement d’enlèvements laminaires de flanc (cf. supra). Ce procédé s’accompagne parfois 57 d’un changement de technique, où l’emploi d’un percuteur dur est substitué à un celle d’un percuteur tendre. Elle permet aussi de recourir à une néocrêtes pour rectifier la carène. Outre ces différents procédés techniques permettant l’entretien des nucléus, quelques cas présentent une rectification de la carène par enlèvements opposés. Ceux-ci sont détachés à la faveur d’un dièdre préexistant, sans qu’il y ait recours à la mise en place d’un deuxième plan de frappe. Des étapes intermédiaires peuvent exister. Elles correspondent aux réfections de plan de frappe, de la surface de débitage, maintien des convexités, et suppression, lorsque cela est possible, des accidents de taille (notamment les rebroussés). D'une manière générale, les nucleus sont abandonnés lorsque la surface d'extraction devient impropre à la poursuite du débitage. Les causes peuvent être multiples, comme la présence d'accidents de taille difficilement surmontables, ou l'absence de convexité. Néanmoins, l'arrêt du débitage peut aussi être conduit par d'autres motivations. Notamment, lorsque les produits laminaires ne répondent plus aux critères métriques souhaités. 3.1.5. Intentions du débitage D'une manière générale, les nucleus ont été exploités jusqu'à exhaustion. La quasi-totalité des nucleus rentre dans un volume de 3 à 8 cm de long, 3 à 6 cm de large et 2 à 5 cm d'épaisseur. Malgré leur petite taille, nous les considérons comme des nucléus à lames, et non comme des nucléus prismatiques à lamelles. L'étude de la dimension des lames (cf. infra, et Roc-deCombe couche 6 pour plus de détails) indique un continuum dans la dimension des lames, et ne laisse pas présager de l’existence d’une population de grandes lamelles, différentes des supports de lamelle Dufour sous-type Roc-de-Combe et Caminade 58 Dimensions des derniers enlèvements réussis 0 10 20 30 40 50 60 70 0 10 20 30 40 largeur (mm) longueur(mm) Figure 14 : Caminade-Est niveau D2s - Dimensions des derniers enlèvements réussis, observables sur les nucléus. Si l’analyse des dimensions des derniers enlèvements réussis semble indiquer l'existence de deux types de supports (Figure 14), l’examen des nucléus permet d’en pondérer le constat. En effet, le premier groupe regroupant les supports ayant une largeur comprise entre 10 et 20 mm, pour une longueur entre 20 et 60 mm, correspond à des lames produites au centre de la surface de débitage et détachées à l’aide d’un percuteur tendre. Le second, constitué par seulement quatre pièces, et indiquant une production de supports plus larges (largeur moyenne d’environ 30 mm), rassemble des nucléus dont les derniers enlèvements ont été produits au niveau des flancs, dont au moins deux ont été détachés à l’aide d’un percuteur dur. 3.1.6. Étude d’un remontage en silex jurassique du Puy d’Issolud Il est formé de deux raccords (effectués par J.-G. Bordes), ainsi que de quelques pièces isolées qui ont pu être rapprochées. Le premier est constitué d’un nucléus (Figure 15) et de deux 59 lames, le second de cinq lames dont deux ont été reprises pour fournir des lamelles (deux burins busqués doubles). Figure 15 : Caminade-Est niveau D2s – Nucléus en Puy d’Issolud. Le support originel n’a pas pu être déterminé avec précision (éclat, plaquette ou fragment diaclasique), mais présente comme caractéristique principale une épaisseur plus ou moins constante d’environ deux centimètres. La surface de débitage s’inscrit dans la plus grande longueur et dans l’épaisseur du volume à débiter, privilégiant une surface cintrée, et assimilable à une production sur tranche. Cette dernière a été régularisée via la mise en place d’une crête à un versant sur la totalité de la longueur de la surface de débitage. Cette crête envahit le flanc gauche cortical, c’est-à-dire, s’il s’agit d’un éclat, la face supérieure. Une crête à un versant partiel a aussi été implantée en partie postérieure du nucléus, mais envahit le flanc droit, soit la face inférieure de l’éclat support. Le débitage est unipolaire. Les lames sont détachées par percussion directe au percuteur tendre. Elles possèdent comme caractéristiques communes une courbure prononcée, une largeur constante d’environ 20 mm, une épaisseur variant peu et proche de 12 mm, et des longueurs importantes probablement autour de 100 mm. Il est intéressant de constater que les deux burins busqués doubles présentent une section rectangulaire. Les tailleurs ont bénéficié de cette morphologie particulière, en utilisant l’un des pans latéraux abrupts comme plan de frappe pour le détachement des lamelles. 60 3.1.7. Synthèse de l’étude des nucléus Nous retiendrons de cette analyse, d’après l’état d’abandon des nucléus, que la mise en forme semble sommaire. Le débitage laminaire se fait suivant un mode unipolaire non convergent, à la percussion directe au percuteur tendre. Le rythme de progression est frontal. La quasitotalité des nucléus semble avoir été exploitée jusqu'à exhaustion. L’ensemble de ces résultats reste néanmoins à confirmer par les biais de l'analyse des supports laminaires. 3.2. Étude des supports laminaires Deux axes principaux ont été suivis. Le premier vise à compléter la compréhension de la chaîne opératoire du débitage laminaire. Le second consiste à rechercher la nature des supports sélectionnés en vue d'être retouchés. 3.2.1. Corpus Au total, 759 produits laminaires ont pu être étudiés (Tableau 10), dont 718 lames et 41 éclats laminaires. Les pièces entières sont au nombre de 110, dont 35 sont retouchées et 5 sont des burins busqués. La majorité des pièces sont en silex sénonien, majoritairement noir (N = 625), plus rarement blond (N = 54). Ceci trouve un écho au niveau des nucléus laminaires présents, où les blocs de Sénonien blond sont aussi minoritaires. Les matériaux d’origine plus lointaine (Bergeracois et Grain de mil) sont présents essentiellement sous forme de lames, et plus rarement d’éclats laminaires. 3.2.2. Étude des pièces techniques Leur décompte est fourni dans le Tableau 11. Les données qui peuvent en être extraites permettent de compléter les observations réalisées sur les nucléus. L’initialisation du débitage débute généralement par l’extraction d’entame corticale à l’emplacement de dièdres ou de surface naturelles. La mise en forme initiale du volume par le biais de crête, généralement à deux versants, est souvent partielle. Celle-ci succède souvent à l’extraction des entames corticales, et régularise les nervures créées par les enlèvements précédents. Les mises en forme complètes du volume sont rares, comme l’atteste le nombre restreint de lames à crête, sans résidu de cortex, dont l’extension intéresse toute la longueur de la surface de débitage. 61 Le maintien des convexités est assuré par le détachement de lames de flancs, qui portent parfois une néocrête, généralement partielle, et intéressant la partie distale des nucléus. Le nombre de lames à pan cortical investissant le flanc gauche, et celui où il s’agit du flanc droit, sont sensiblement identiques et ne permettent pas de confirmer la tendance observée sur les nucléus, à savoir une progression majoritairement vers le flanc gauche. Sénonien Indéterminé Sénonien Bergeracois Indéterminé Bergeracois GraindeMil Indéterminé GraindeMil Indéterminé Total Lame Entière 73 - 2 2 1 5 - 83 Proximale 176 2 8 2 1 5 - 194 Mésiale 170 3 13 2 2 3 1 194 Distale 221 3 14 2 2 5 247 Total 640 8 37 8 6 18 1 718 Eclat laminaire Entier 26 - - - 1 - - 27 Proximal 13 - 1 - - - - 14 Total 39 - 1 - 1 - - 41 Total 679 8 38 8 7 18 1 759 Tableau 10 : Caminade-Est niveau D2s - Décompte par matière première des supports laminaires étudiés. Support laminaire Sénonien Indéterminé Sénonien Bergeracois Indéterminé Bergeracois GraindeMil Indéterminé GraindeMil Indéterminé Total Brute 282 2 25 7 5 12 - 333 Entame corticale 36 3 2 - - - - 41 A crête 7 - - - - - - 7 A crête sur support cortical 13 1 - - - 2 - 16 Sous-crête 24 - - - 1 - - 25 Sous-crête sur support cortical 42 1 1 - - - - 44 Néocrête 21 - 3 - - 1 - 25 Néocrête sur support cortical 37 - - 1 - 1 - 39 Pan gauche cortical 71 1 1 - - - 1 74 Pan droit cortical 66 - 4 - 1 - - 71 Quelque cortex 80 - 2 - - 2 - 84 Total 679 8 38 8 7 18 1 759 Tableau 11 : Caminade-Est niveau D2s - Décompte des pièces techniques par matière première. 62 Les négatifs observables en face supérieure des supports laminaires indiquent un débitage unipolaire parallèle, rarement convergent (70 cas sur 759). Treize supports présentent des négatifs opposés (rarement plus de deux négatifs), témoignant d’un réaménagement de la partie distale du nucléus afin d’en corriger la carène. Si la corniche est systématiquement abrasée, ou au moins régularisée, la préparation des talons est variable. Certains présentent un facettage plus ou moins important (N = 70), pouvant à aller jusqu’à un petit éperon, tandis que d’autres restent lisses (N = 79). Il n’y a pas de corrélation entre la préparation du talon et les longueurs et les largeurs des supports produits (Tableau 12 et Figure 16). Toutefois, les lames à talon lisse sont significativement plus épaisses que celles qui sont à talon facetté.   Longueur (mm) Largeur (mm) Epaisseur (mm) Longueur Facetté Lisse Facetté Lisse Facetté Lisse Moyenne 55,73 58,43 22,17 23,34 7,11 7,85 Variance 277,64 319,46 32,09 40,13 5,29 8,52 Observations 15 21 70 79 70 79 Variance pondérée 302,24 36,35 7,00 Degré de liberté 34 147 147 Statistique t -0,46 -1,18 -1,69 P(T<=t) unilatéral 0,32 0,12 0,05 Valeur critique de t (unilatéral) 1,69 1,66 1,66 P(T<=t) bilatéral 0,65 0,24 0,09 Valeur critique de t (bilatéral) 2,03   1,98   1,98   Tableau 12 : Caminade-Est niveau D2s - Dimensions moyennes (mm) des lames à talon facetté et à talon lisse et tests de Student associés. 3.2.3. Dimensions et courbure des supports laminaires Seulement dix exemplaires sont supérieurs à 80 mm, dont sept sont entiers. Parmi ces dix lames, sept sont en silex sénonien noir et deux en Bergeracois, et une en silex indéterminé (Bergeracois probable). Cette dernière est par ailleurs la plus grande de la série est mesure 137 mm de longueur. Les dimensions moyennes des supports laminaires sont reportées dans le Tableau 13, et comparées à celles des outils et des burins busqués. Moyenne (mm) Lames Eclats laminaires Outils Burins busqués Longueur (entier) 55,6 55,8 60,4 43,3 Longueur (total) 39,9 50,0 44,8 45,4 Largeur 23,6 28,9 24,9 26,7 Epaisseur 7,9 12,3 9,1 10,2 Tableau 13 : Caminade-Est niveau D2s - Dimensions moyennes du total des lames, comparées à celles des outils et burins busqués sur lames. 63 Dimension des supports entiers 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 0 10 20 30 40 Largeur (mm) Longueur(mm) talon facetté talon lisse a Dimension supports entiers et proximaux 0 5 10 15 20 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Largeur (mm) Epaisseur(mm) talon facetté talon lisse b Figure 16 : Caminade-Est niveau D2s - Dimensions des supports en fonction de la préparation du talon a : Longueur x Largeur (mm) ; b : Epaisseur x Largeur (mm) [décompte donné dans le Tableau 12]. 64 Dimension des supports laminaires 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 0 10 20 30 40 50 60 70 Largeur (mm) Longueur(mm) Fragments Entiers a Dimension des supports laminaires 0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 Largeur (mm) Epaisseur(mm) b Figure 17 : Caminade-Est niveau D2s - Dimensions des supports laminaires – a : Longueur x Largeur (mm) ; b : Epaisseur x Largeur (mm) [décompte donné dans le Tableau 10]. 65 Les éclats laminaires détachés au percuteur dur présentent des largeurs et des épaisseurs supérieures à celles des lames. L’usage d’une percussion portée en retrait permet d’expliquer ces variations. Les lames produites oscillent entre 30 et 80 mm de longueur, 15 et 35 mm de largeur et 5 et 15 mm d'épaisseur (Figure 17). Ces résultats confortent ceux obtenus à partir de l'étude des nucleus. Une première confrontation de ces données avec la moyenne des dimensions des burins busqués et des outils sur lame indique une sélection (afin d’être retouchés ou débités) des supports de grandes dimensions (Tableau 13). Les lames (pièces entières ou sub-entières) sont en majorité légèrement courbes (36,7 %), ou courbes (27,8 %), plus rarement rectilignes (15,9 %) ou très courbes (12,7 %). Celles qui présentent les courbures les plus prononcées (6,9 %) correspondent dans un cas sur deux à des lames outrepassées. Les résultats obtenus par le biais de l'étude des lames concordent avec ceux qui ont été obtenus par l'analyse des nucleus, et ont permis de compléter nos connaissances sur la modalité de production de lames. Voyons dès à présent l’étude de l’outillage sur lame. 3.3. Étude des outils sur lame 3.3.1. Corpus Nos résultats (Tableau 14) montrent certaines différences par rapport à ceux obtenus lors de le dernière étude (Sonneville-Bordes 1970a) et notamment une baisse significative du nombre total d'outils (185 contre 686 pour l'étude précédente, soit 500 de moins). Le corpus étudié s'avère être la cause principale de cet écart numérique, notre étude ayant porté uniquement sur une partie du matériel, c’est-à-dire les lames. D'autre part, un certain nombre d'outils ont été exclus du décompte typologique, notamment les encoches et les denticulés dont la retouche volontaire est ici loin d’être démontrée. Néanmoins, ces deux paramètres n'expliquent pas tout. La seule explication qui nous paraît vraiment recevable, consiste à considérer qu’une partie du matériel, dont l’outillage, ne nous soit pas parvenue. 66 N° Type Nb % SB-70 % 1 Grattoir sur lame 35 18,9 60 8,7 2 Grattoir atypique - - 6 0,9 3 Grattoir double 1 0,5 6 0,9 4 Grattoir ogival - - 1 0,1 5 Grattoir sur lame retouchée 15 8,1 12 1,7 6 Grattoir sur lame aurignacienne 1 0,5 17 2,5 8 Grattoir sur éclat - - 21 3,1 11 Grattoit caréné - - 13 1,9 12 Grattoir caréné atypique - - 6 0,9 13 Grattoir à museau 1 0,5 36 5,2 14 Grattoir à museau plat - - 4 0,6 17 Grattoir – burin 1 0,5 22 3,2 18 Grattoir – troncature - - 1 0,1 22 Perçoir – burin - - 3 0,4 23 Perçoir 1 0,5 2 0,3 24 Bec 3 1,6 12 1,7 25 Perçoir multiple - - 2 0,3 27 Burin dièdre droit 8 4,3 25 3,6 28 Burin dièdre déjeté 3 1,6 6 0,9 29 Burin dièdre d’angle 3 1,6 30 4,4 30 Burin sur cassure 15 8,1 30 4,4 31 Burin dièdre multiple 6 3,2 6 0,9 32 Burin busqué 17 9,2 69 10,1 34 Burin sur troncature droite 2 1,1 5 0,7 35 Burin sur troncature oblique 7 3,8 21 3,1 36 Burin sur troncature concave - - 1 0,1 37 Burin sur troncature convexe 1 0,5 2 0,3 38 Burin transversal - - 7 1,0 40 Burin multiple sur troncature - - 2 0,3 41 Burin multiple mixte - - 3 0,4 60 Lame à troncature droite 3 1,6 12 1,7 61 Lame à troncature oblique 2 1,1 18 2,6 62 Lame à troncature concave - - 2 0,3 63 Lame à troncature convexe 6 3,2 3 0,4 64 Lame bitronquée 1 0,5 2 0,3 65 Lame un bord retouchée 20 10,8 24 3,5 66 Lame deux bords retouchées 14 7,6 18 2,6 67 Lame aurignacienne - - 9 1,3 73 Pic - - 7 1,0 74 Encoche 4 2,2 45 6,6 75 Denticulé 2 1,1 53 7,7 76 Pièce esquillée - - 3 0,4 77 Racloir - - 18 2,6 90 Lamelle Dufour - - 26 3,8 92 Divers 13 7,0 15 2,2   Total 185 100 686 100 Tableau 14 : Caminade-Est niveau D2s - Décompte des outils sur lames, comparé au décompte total de D. de Sonneville-Bordes (Sonneville-Bordes 1970a). 67 L’outillage (Tableau 15) se compose d’abord de grattoirs (N = 42 - Figure 18), dont seulement seize sont sur lame retouchée. Un seul grattoir sur lame aurignacienne est présent (Figure 18 n°2), réalisé sur une lame en Bergeracois. Les burins (N = 45) sont également nombreux, un tiers sont sur cassure (N = 15 - Figure 19 n°3), suivent les burins dièdres (N = 11 - Figure 19 n°5), puis sur troncature (N = 10 - Figure 19 n°1, 2 et 4). Les lames retouchées correspondent à environ 20 % de l’outillage (Figure 19 n°6 à 8). Elles sont majoritairement retouchées sur bord (N = 20), principalement sur le bord droit (16 pièces sur 20). Les pièces dont les deux bords sont retouchées sont bien représentées (N = 14). Les lames tronquées sont au nombre de douze (Figure 18 n°8 et 9). Sénonien Bergeracois Indéterminé Bergeracois GraindeMil Indéterminé GraindeMil Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Grattoir 42 25,1 4 2,4 1 0,6 1 0,6 4 2,4 52 31,1 Burin 34 20,4 7 4,2 2 1,2 - - 2 1,2 45 26,9 Lame retouchée 30 18,0 4 2,4 - - - - - - 34 20,4 Troncature 11 6,6 - - - - 1 0,6 - - 12 7,2 Total 117 70,1 15 9,0 3 1,8 2 1,2 6 3,6 143 85,6 Total outils 136 81,4 19 11,4 3 1,8 3 1,8 6 3,6 167 100 Tableau 15 : Caminade-Est niveau D2s - Décompte et fréquence (%) des principales classes d’outils par matière première. 3.3.2. Analyse des supports d’outils L’analyse des classes de dimensions (Figure 20) des outils, comparée à celles des lames brutes permet de nous renseigner sur les dimensions des supports choisis pour être retouchés. Comme nous l’évoquions précédemment (Tableau 13), ce sont les supports de fort gabarit qui ont été préférentiellement sélectionnés. Pour les outils entiers, les longueurs s’échelonnent principalement entre 40 et 75 mm. Les largeurs et les épaisseurs varient (pour la totalité des outils), respectivement de 15 à 35 mm, et de 4 à 14 mm. Précisons que les lames supports d’outils sont généralement les plus régulières (bords et nervures parallèles). Celles-ci sont souvent dépourvues (N = 94) ou ne présentent que de rares de plages corticales (N = 16). Les pièces restantes se répartissent en 28 supports dont le pan gauche est cortical, 18 avec le pan droit et 9 entames. Le nombre d’outils entiers étant faible (N = 34), l’analyse de la courbure reste délicate. Mentionnons toutefois que 10 supports sont courbes et 16 légèrement courbes. 68 Figure 18 : Caminade-Est niveau D2s – Grattoirs (n°1 à 7 et 10) et troncatures (n°8 et 9) sur supports laminaires - n°1, 2, 4, 5, 7 à 9 : dessins P. Laurent d’après Sonneville-Bordes 1970 – n°2, 6 et 10 : dessins J.-G. Marcillaud. 69 Figure 19 : Caminade-Est niveau D2s – Burins (n°1 à 5) et supports laminaires retouchés (n°6 à 9) – n°1 à 4 et 6 à 9 : dessins P. Laurent d’après Sonneville-Bordes 1970 – n°5 : dessins J.G. Marcillaud. 70 Figure 20 : Caminade-Est niveau D2s - Classes de taille des lames et des outils entiers. L’examen des dimensions des burins busqués permet de compléter et nuancer ces propos. Les lames larges et de largeur plus ou moins constantes sur toute la longueur et présentant des épaisseurs, elles aussi constantes, comprises entre 6 et 14 mm, ont été choisies pour produire des lamelles. Bien qu’il soit difficile d’appréhender cette hiérarchisation des choix, le poids 71 des productions lamellaires, appréciable notamment par la normalisation et la standardisation des produits lamellaires, et de fait par un investissement technique important, laisse présager une sélection des lames appropriées en amont de celles des supports des outils. Figure 21 : Caminade-Est niveau D2s - Classes de largeur et d’épaisseur (mm) des grattoirs, burins (sans les burins busqués) et lames retouchées. 72 Des différences ont aussi pu être décelées à l'intérieur des classes d'outils (Figure 21 et Tableau 16). Précisons que le nombre d’outils entiers étant relativement faible, sans oublier la réduction liée à la retouche, l'étude des variations de longueur s'est avérée délicate à interpréter. Largeur (mm) Grattoir Lame ret Grattoir Burin Lame ret Burin Moyenne 26,02 23,74 26,02 23,79 23,74 23,79 Variance 33,67 34,32 33,67 33,43 34,32 33,43 Observations 52 34 52 39 34 39 Variance pondérée 33,92 33,57 33,84 Degré de liberté 84 89 71 Statistique t 1,78 1,81 -0,04 P(T<=t) unilatéral 0,04 0,04 0,48 Valeur critique de t (unilatéral) 1,66 1,66 1,67 P(T<=t) bilatéral 0,08 0,07 0,97 Valeur critique de t (bilatéral) 1,99   1,99   1,99   Epaisseur (mm) Grattoir Lame ret Grattoir Burin Lame ret Burin Moyenne 9,90 7,37 9,90 9,10 7,37 9,10 Variance 8,52 6,78 8,52 10,30 6,78 10,30 Observations 52 34 52 39 34 39 Variance pondérée 7,84 9,28 8,67 Degré de liberté 84 89 71 Statistique t 4,11 1,24 -2,51 P(T<=t) unilatéral 0,00005 0,11 0,007 Valeur critique de t (unilatéral) 1,66 1,66 1,67 P(T<=t) bilatéral 0,00009 0,22 0,01 Valeur critique de t (bilatéral) 1,99   1,99   1,99   Tableau 16 : Caminade-Est niveau D2s - Tests de Student de comparaison des dimensions (largeurs et épaisseurs en mm) des grattoirs, des burins et des lames retouchées. D’une manière générale, les supports larges et épais sont principalement dévolus à la confection de grattoirs (Figure 21a et b). Vient ensuite la classe des burins dont les dimensions sont plus polymorphes et plus difficilement interprétables (Figure 21). Aucune sélection particulière n'est visible pour les burins sur cassure (Figure 21c et d). Toutes les classes de tailles sont représentées dans des fréquences sensiblement équivalentes. Pour les burins dièdres, deux ensembles semblent pouvoir être individualisés : d’une part des exemplaires réalisés sur des lames larges et d'épaisseurs moyennes, et d’autre part, ceux qui le sont sur des lames étroites et de faibles épaisseurs. Enfin, les burins sur troncature sont représentés par des lames de largeurs moyennes et d'épaisseurs moyennes à faibles. 73 Les supports laminaires portant une retouche latérale présentent des largeurs et des épaisseurs moins importante que celles des grattoirs et des burins. Toutefois, cette faible largeur est à moduler en raison d'une diminution de celle-ci suite à la retouche des bords. 4. Économie des matières premières Concernant les matières premières locales (Sénonien et Puy d'Issolud), la totalité des produits issus du débitage laminaire est présente (nucleus, tablette de ravivage, lames à crête, éclats corticaux …). Une partie au moins du débitage a eu lieu sur place. Il y a donc eu fabrication et consommation in situ, d'un certain nombre de produits laminaires. À l’opposé, les matériaux siliceux d'origine lointaine ne sont représentés que par des lames, ou fragments de lame, qui sont d'ailleurs majoritairement retouchés. Quelques éclats de retouches sont aussi présents. Ceci dénote un débitage à l’extérieur du site, et une importation des produits laminaires, sous formes brutes ou retouchées, en vue d'une consommation différée (à la fois dans le temps et dans l'espace). L'analyse des schémas de débitage mis en œuvre, dans l'optique d'une production laminaire, sur les différents types de silex montre une absence d'économie des matières premières siliceuses, dans le sens où il n'y a pas de gestion différentielle de ces différents matériaux (Perles 1991). A l'exception du silex Jurassique du Puy d'Issolud, qui a été débité d'une manière différente (sur « tranche » d’éclat ou de plaquette), par rapport aux matières premières. Rappelons qu’il ne s’agit là que d’un exemplaire unique, limitant de fait toute généralisation. 5- Synthèse L'étude de l'industrie de la couche D2s de Caminade-Est a montré que le débitage laminaire s'orientait vers la production de lames généralement larges et épaisses, de longueur variable (dépendantes de la taille initiale des blocs à débiter), et souvent courbes. La mise en forme des nucléus est souvent sommaire, les dièdres naturels étant préférentiellement exploités. La préparation, lorsqu’elle existe, se limite à la mise en place d'une crête à un ou deux versants (servant souvent à rectifier un dièdre naturel préexistant, ou des nervures créées par l’enlèvement d’une entame corticale), permettant l'initialisation du débitage. Le détachement des lames se fait par percussion directe au percuteur tendre (e. g. Pelegrin 2000 pour une synthèse des critères de diagnose) suivant une modalité exclusivement unipolaire. Certains nucleus possèdent toutefois deux plans de frappe, mais les deux surfaces de débitage ne chevauchent pas, l'implantation de la seconde résultant souvent de 74 l'inexploitation, pour des causes diverses (accidents de taille, convexité trop faible…), de la première surface d'extraction laminaire. L'analyse des supports retouchés semble indiquer une hiérarchie des choix. Ainsi les supports laminaires de gabarit important et régulier sont sélectionnés dans le dessein de produire des lamelles et dans une moindre mesure pour confectionner des grattoirs. Les plus petites lames sont utilisées pour la confection de burins et de lames retouchées (majoritairement sur le bord droit). Les silex du Bergeracois, ainsi que le silex « Grain de mil », dont les sources d'approvisionnement se trouvent à plusieurs jours de marche de Caminade, ont été introduits sur le site sous la forme de lames déjà débitées, et peut-être déjà retouchées. Les silex sénonien et du Puy d'Issolud, accessibles à moins d'un jour de marche, ont été apportés (au moins pour une partie) sous la forme de blocs à cortex frais. Une partie de la production laminaire et de la fabrication d'outils a été réalisée in situ. Une comparaison préliminaire de cette modalité de débitage laminaire avec celles qui ont été proposées pour l'Aurignacien récent à burins busqués et grattoirs à museau (Chiotti 1999 ; Lucas 2000) et pour l'Aurignacien ancien (Bon, 1996, 2002 ; Bordes et Tixier 2006 ; Le BrunRicalens 1990, 1993 ; Ortega 2006 ; Teyssandier 2000) semble indiquer une stabilité de ces concepts durant ces deux périodes. 75 CHAPITRE IV – L’abri Pataud, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne 1. Présentation du gisement 1.1. Situation géographique L’abri Pataud se situe sur la commune des Eyzies-de-Tayac en Dordogne, au pied d’une falaise calcaire du Coniacien d’une trentaine de mètres de haut, le massif du Signal. Il se positionne en rive gauche de la Vèzère, affluent de la Dordogne, qui coule à une cinquantaine de mètres en contrebas (Figure 22). L’abri-sous-roche s’ouvre au nord-ouest, et son toit est actuellement effondré. Le sommet du remplissage culmine à 75 m NGF, et se trouve à environ une vingtaine de mètres au-dessus du fond de la vallée. Deux autres sites, également au cœur du village, jouxtent ce gisement : l’abri Movius, situé à l’emplacement de l’actuel musée, autrefois dénommé cave troglodytique, et l’abri Vignaud, situé en contrebas du dernier, au niveau de la route départementale 47. Figure 22 : Localisation du gisement de l’abri Pataud (source Géoatlas®). 1.2. Historique des fouilles 1.2.1. Les premières explorations Le site fut découvert à la fin du 19e siècle, et mentionné pour la première fois par É. Rivière (1899), sous le nom de « la Croze de Tayac » ou du l’abri de « Morsodou » (Rivière 1901, 1905, 1906). Ce dernier effectua un sondage d’environ 1 m2 les 21 et 22 avril 1899, interrompu par le propriétaire d’alors, Martial Pataud. Celui-ci ramassa quelques vestiges dès 76 1890 et les vendit à L. Capitan et L. Giraux. Le premier publia une courte note descriptive sur ses acquisitions (Capitan 1902), pièces qu’il attribue alors au Magdalénien. M. Féaux effectua une petite fouille en juin 1894 où il récolta notamment un bois de renne gravé de deux poissons (Delluc B. et Delluc G. 1992 ; Rivière 1901). Quatre ans plus tard, en 1898, O. Hauser fit une petite intervention dans la partie nord du gisement (Hauser 1911). L’appellation actuelle de l’abri « Pataud », du nom du propriétaire du terrain, ainsi que la première coupe publiée, nous viennent de D. Peyrony (1909). Le dernier à effectuer un sondage avant l’équipe américano-française dirigée par H. L. Movius Jr., est S. Blanc peu avant 1950, au niveau du talus en contrebas de l’actuel laboratoire et lieu de stockage des collections (Delluc B. et Delluc G. 1987). La présence de bâtiments sur le site, couplé au refus du propriétaire, empêcha toute fouille extensive et préserva ainsi le gisement durant près d’un demi-siècle. Un résumé des différentes interventions réalisées sur le site est présenté dans le Tableau 17. Fouilleurs Année Référence M. Pataud Vers 1890 Capitan 1902 M. Féaux 1894 Rivière 1901 ; Delluc B. et Delluc G. 1992 O. Hauser 1898 Hauser 1911 E. Rivière 21 et 22 avril 1899 Rivière 1899, 1901, 1905, 1906 D. Peyrony ? Peyrony 1909, 1949 S. Blanc Peu avant 1950 Delluc B. et Delluc G. 1987 H. L. Movius Jr 1953, 1958-61, 1963-64 Movius 1954, 1955, 1975, 1977 MNHN et DRAPA 1986 Delluc 1991 MNHN et DRAPA 1988 Perpère et Delluc 1996 MNHN et DRAPA 1989-1991 Chiotti 1999 R. Nespoulet, L. Chiotti 2005-2008 Nespoulet et al. 2008 Tableau 17 : Résumé des différentes opérations de fouilles menées sur le site de l’abri Pataud (MNHN: Muséum National d’Histoire Naturelle – DRAPA : Direction Régionale des Antiquités Préhistoriques d’Aquitaine). 1.2.2. Les fouilles H. L. Movius Jr. 1.2.2.1 Historique C’est dans l’optique de trouver un site permettant l’application d’une fouille moderne et la possibilité d’y former des étudiants que H. L. Movius Jr. entreprit une campagne de prospection dans le sud-ouest de la France durant l’été 1949 (Movius 1995). Son choix se porta sur l’abri Pataud, et la fouille débuta dès 1953 par une première campagne de sondages 77 afin d’évaluer le potentiel informatif du gisement. Deux tranchées perpendiculaires furent ouvertes, la trench I (perpendiculaire au fond de l’abri) et la trench II 17 ( Figure 23). La séquence rencontrée fut la suivante : - A : Soluréen ; - B : Périgordien V à burins de Noailles ; - C : mélange de Périgordien IV et V ; - D : Périgordien IV à pointes de la Gravette ; - E : Aurignacien ; - F : Moustérien18 Figure 23 : Plan de localisation des différentes zones fouillées par H. L. Movius (d’après Chiotti 1999). L’importance de la séquence entrevue lors de ce sondage encouragea H. L. Movius Jr. à poursuivre ses fouilles. D’autre part, un groupe américain racheta en 1957 la propriété à Mme Selves (descendante de M. Pataud), grâce à des fonds issus de diverses fondations américaines (National Science Fondation et le Peabody Museum de l’université de Harvard notamment). Ce groupement en fit don au gouvernement français qui en confia la responsabilité administrative au Muséum National d’Histoire Naturelle (Bricker 1995). Six campagnes estivales eurent lieu entre 1958 et 1964 (le site ne fut pas fouillé durant l’année 1962), et la collaboration de l’équipe américano-française menée par H. L. Movius Jr. et H. Vallois durera jusqu’en 1978. 17 Ces trenches sont différentes des trench I et II de la fouille principale. 18 Il semblerait qu’aucun matériel moustérien n’ait été récolté durant ce sondage (Chiotti 1999). Par ailleurs, aucun vestige de cette période ne fut retrouvé dans la fouille princpale, les premiers niveaux étant aurignciens. 78 Les industries récoltées couvrent la première partie du Paléolithique supérieur, et s’échelonnent de l’Aurignacien ancien au Solutréen (Tableau 20 et Figure 24). Figure 24 : Coupe stratigraphique de l’abri Pataud (d’après Chiotti 1999, modifié). 1.2.2.2. Méthodes de fouille La zone fouillée (Figure 23 et Figure 25) fut divisée en carrés de deux mètres de côté (soit 4 m2 ). Les pièces particulières (nucléus, outils, matières premières particulières) ont été cotées en trois dimensions. 79 Figure 25 : Plan de la zone principale fouillée par H. L. Movius Jr. et son équipe lors des campagnes 1958-64 (d’après Chiotti 1999). Les niveaux aurignaciens ont été fouillés sur une superficie de 84 m2 , répartie entre les trenches V (S) et II (N)19 , et Squares A à G. À cela s’ajoutent 8 m 2 fouillés dans l’extension 1 et 2 m2 pour l’extension 2 (Figure 25). Toutefois, le raccord entre l’extension 1 et la zone principale n’a été effectué qu’a posteriori, après la fouille de l’extension 2. La stricte correspondance stratigraphique entre ces différents locus est sujette à caution (Chiotti 1999). La fouille de chaque niveau s’est opérée en deux temps (Bricker 1995, Pottier 2005). D’abord, de part et d’autre, de la zone centrale (trenches III et IV, et squares A à G), deux tranchées de 1 m de large (trenches V sud et II nord) ont été ouvertes et fouillées en premier afin d’établir un contrôle stratigraphique de la séquence (Figure 25). Après ce contrôle vertical, la fouille de la zone centrale a été réalisée par décapage horizontal, dans l’objectif de mettre en évidence une possible structuration de l’espace occupé par les préhistoriques. Le tamisage s’est effectué à sec, et l’attention portée au refus de tamis ne pas été identique suivant les niveaux. Ainsi seul le niveau 8 semble avoir fait l’objet d’une attention particulière (L. Chiotti comm. pers.) dans l’optique de récolter un maximum de lamelles retouchées. Par 19 Trench V (S) : demi-carré V vers le sud (soit 2 m2 ); trench II (N) : demi-carré II vers le nord (Figure 24). 80 ailleurs les proportions de la fraction lamellaire par niveau illustrent bien ce propos puisque, seul le niveau 8 a livré un nombre important de lamelles brutes et retouchées (Tableau 18 et Figure 26). Niveaux Lamelles brutes Lamelles retouchées Total Niveau 6 227 29 256 Eboulis 6/7 29 4 33 Niveau 7 upper 110 3 113 Niveau 7 lower 323 3 326 Niveau 8 et éb. 8/9 1130 62 1192 Niveau 9 et éb. 10/9 5 - 5 Niveau 10 20 - 20 Eboulis 11/10 8 - 8 Niveau 11 190 8 198 Eboulis 11/12 17 - 17 Niveau 12 251 20 271 Eboulis 12/13 2 - 2 Niveau 13 161 1 162 Eboulis 13/14 51 - 51 Niveau 14 172 1 173 Tableau 18 : Nombre de lamelles brutes et retouchées par niveaux (d’après Chiotti 1999). 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 14 éboulis 13/14 13 éboulis 12/13 12 éboulis 11/12 11 éboulis 11/10 10 9 et éboulis 10/9 8 et éboulis 8/9 7 lower 7 upper éboulis 6/7 6 Niveaux Nombre lamelles brutes lamelles retouchées Figure 26 : Histogramme du nombre de lamelles brutes et retouchées par niveaux (d’après Chiotti 1999). 81 1.2.3. Les fouilles du Muséum National d’Histoire Naturelle Face à l’état avancé des dégradations, des travaux de remise en état et de rénovation du gisement et de la maison laboratoire devaient avoir lieu. Des fouilles auront lieu en 1986, 1988 et durant trois campagnes de fouilles programmées entre 1989 à 1991. Ces différentes opérations ont notamment permis la mise en place d’un musée de site, dans l’ancienne cave troglodytique, ou abri Movius, où sont présentés les objets issus du site, ainsi que l’accès du gisement au public. 1.2.4. Les dernières fouilles Des fouilles ont repris depuis 2005, sous la direction de R. Nespoulet et L. Chiotti. Seul le niveau protomagdalénien (couche 2) est concerné. Dans cette dynamique, une campagne de datation 14 C par ultra-filtration de l’ensemble de la séquence (matériel Movius) a été entrepris par T. Higham. De même, une étude géarchéologique de l’ensemble de la stratigraphie a été réalisée par S. Agsous et A. Lenoble (Agsous 2008 ; Agsous et al. 2006). 1.3. Stratigraphie, géoarchéologie et processus de mise en place des dépôts Nous ne présenterons que les résultats issus des dernières études géoarchéologiques (Agsous 2008 ; Agsous et al. 2006), dont les données semblent plus fiables et pertinentes que celles présentées précédemment20 . Les niveaux qui nous intéressent (6 à 8) correspondent à l’unité lithostratigraphique VI de Lenoble et Agsous (Agsous et al . 2006) (Tableau 19). Celle-ci se compose majoritairement de cailloux, de blocs et de dalles calcaires, et présente un lithofaciès de dépôts gravitaires. À la base de cette unité sont observables un lithofaciès stratifié et une figure de fauchage, indiquant une reprise par solifluxion des premiers apports gravitaires. Quelques minces lits limoneux s’intercalent dans ce dépôt, et correspondent à une accumulation des apports éoliens durant les arrêts de production (présence de minéraux lourds issus de la Vézère). Malgré quelques phénomènes de redistribution verticale par effet d’autotamisage possibles, « les niveaux archéologiques inclus dans cette unité (niveaux archéologiques 6 à 8) n’ont probablement pas subi de remaniements significatifs » (Agsous et al. 2006). 20 Pour les études sédimentologiques et climatiques, voir Farrand 1975 et 1995. 82 Tableau 19 : Mise en correspondance de l’archéoséquence de Movius, de la stratigraphie de Farrand et des unités lithostratigraphique de Lenoble et Agsous (d’après Agsous et al. 2006). 1.4. Données paléo-environnementales La restitution des paysages et du climat peut être abordée par différentes études. Dans le cas qui nous intéresse nous avons pris en considération les données fauniques (Bouchud 1975 ; Sekhr 1998), palynologiques (Donner 1975), anthracologiques (Théry-Parisot 1998) et sédimentologiques (Farrand 1975, 1995). Les données issues de ces travaux sont synthétisés de le Tableau 20. 83 Dates B.P. (moyenne) Niveaux Attribution culturelle Faune Palynologie Anthracologie Sédimentologie 20.400 1 Solutréen Froid et légèrement humide Légère amélioration  1/2   ? ? 22.000 2 Gravettien final - Protomagdalénien Froid et sec, légèrement plus rigoureux que pour le niveau 3. Milieu ouvert avec peu de forêt Retour au froid Froid et légèrement humide   2/3   ? ? Doux 24.000 3 Gravettien récent Froid croissant. Milieu ouvert et espaces boisés peu développés. Plus froid ? Froid et sec Froid moins rigoureux Tempéré humide  3/4   Peu rigoureux et assez humide. Milieu ouvert avec espaces boisés ? Coup de froid bref Doux Tursac 26 - 27.000 4 Gravettien moyen "Noaillen" puis "Rayssien" Modérément froid et relativement humide. Milieu ouvert et espaces boisés relativement bien développés Froid non rigoureux. Milieu ouvert de type steppique avec espaces boisés dans les endroits abrités de la vallée Froid moins rigoureux   4/5   Froid non rigoureux et non aride. Milieu ouvert avec espaces boisés ? Frais et légèrement humide 28.000 5 Gravettien ancien Gravettien ancien à fléchette à la base Froid non rigoureux et relativement humide. Milieu ouvert et espaces boisés relativement bien développés Froid moins rigoureux Chaud et humide Kesselt   5/6   Froid non rigoureux et non aride. Milieu ouvert avec espaces boisés 29.000 6 Aurignacien évolué Froid sec. Milieu ouvert   6/7   ? ? ? 31.000 7 Aurignacien récent Froid non rigoureux et relativement humide. Milieu ouvert et espaces boisés relativement bien développés Froid   7/8   ? ? 31.000 8 Aurignacien récent Froid non rigoureux et non aride. Milieu ouvert avec espaces boisés Froid   8/9   31.300 9 Aurignacien ancien   9/10   31.600 10 Aurignacien ancien Froid et légèrement humide   10/11   ? Humide et relativement tempéré Arcy 32.000 11 Aurignacien ancien Froid non rigoureux et relativement humide. Milieu ouvert avec espaces boisés   11/12   ? ? 32.400 12 Aurignacien ancien Froid   12/13   32.400 13 Aurignacien ancien   13/14   Froid sec. Milieu ouvert 33.600 14 Aurignacien ancien Froid non rigoureux et non aride. Milieu ouvert avec espaces boisés Froid non rigoureux. Milieu ouvert de type steppique avec espaces boisés dans les endroits abrités de la vallée ? Froid à humidité variable Tableau 20 : Tableau synthétique des données paléo-environnementales pour l’abri Pataud (d’après Vercoutère 2004, modifié). 84 Le point commun de ces différentes études (données sédimentologiques mises à part) est la faiblesse des échantillons analysés. Ainsi pour l’étude faunique, les niveaux 8 et 6 présentent un nombre de restes déterminés inférieur ou égal à 100 pièces, ce qui correspond généralement à moins de 5% du nombre total des vestiges (Tableau 21 et Tableau 22). Seule la couche 7 montre un nombre de restes déterminés important (respectivement 568 et 331 restes par Bouchud et Sekhr). Il convient cependant de pondérer ces résultats puisqu’ils représentent globalement moins de 7% des restes récoltés. D’autre part, notons les problèmes de correspondance et notamment pour la couche 7 entre les résultats obtenus par les deux auteurs. En effet, Sekhr note l’absence du Renne dans le niveau 7, alors que Bouchud en décompte 395 restes (Tableau 22), espèce pourtant représentée, au moins par ses bois, sous la forme d’industrie osseuse (Vercoutère 2004). De même, l’étude pollinique montre une quantité de grain inférieur à 150, voire à 100, rendant les interprétations délicates et à prendre avec précaution (Bricker 1995). Enfin, l’étude anthracologique se base sur un effectif faible pour la couche 8 (105 charbons). Ce n’est toutefois pas le cas pour la couche 7 puisque 426 charbons y ont été récoltés. Les résultats issus de l’étude anthracologique sont différents de ceux qui sont obtenus sur la faune, les pollens et la sédimentologie. En effet, l’auteur constate pour les niveaux 8 et 7 un climat relativement rigoureux, alors que les autres données suggèrent un climat plus doux et plus humide. Cela pourrait s’expliquer par une sélection différentielle des espèces végétales à utiliser comme combustible (Vercoutère 2004). Ainsi, le spectre végétal récolté correspondrait à une partie du spectre végétal réel. Bouchud 1975 Sekhr 1998 NRD % NRD % NRT Couche 6 20 0,6 93 2,9 3178 Couche 7 568 6,8 331 3,9 8390 Couche 8 13 0,6 110 4,9 2244 Tableau 21 : Nombre de restes déterminés (NRD) par Bouchud (1975) et Sekhr (1998) comparé au nombre de restes total (NRT). Voici les informations que nous pouvons retenir concernant l’évolution du climat pour les phases récentes de l’Aurignacien à l’abri Pataud. Durant l’occupation du niveau 8, le climat est froid, mais se situe dans une phase de radoucissement, amorcée depuis le niveau 11 (Aurignacien ancien), en rupture avec un climat plus froid et plus sec noté pour les niveaux 12 85 et 13 (Aurignacien ancien). Ce radoucissement semble se poursuivre et les occupants du niveau 7 sont face à un climat toujours froid, mais semble-t-il plus humide. Une rupture se marque pour le niveau 6, avec l’arrivée d’un froid sec. Couche 8 Couche 7 Couche 6 Bouchud 1975 Sekhr 1998 Bouchud 1975 Sekhr 1998 Bouchud 1975 Sekhr 1998 Espèces NRD % NRD % NRD % NRD % NRD % NRS % Grands Renne 3 15 9 9,7 395 69,5 - - - - 24 21,8 Mammifères Cerf 3 15 9 9,7 80 14,1 39 11,8 - - - -   Chevreuil - - - - 7 1,2 3 0,9 - - - -   Chamois 1 5 - - 4 0,7 12 3,6 - - - -   Sanglier 3 15 17 18,3 3 0,5 24 7,3 - - - -   Bovinés 5 25 43 46,2 10 1,8 129 39,0 5 38,5 54 49,1   Cheval 5 25 9 9,7 66 11,6 17 5,1 7 53,8 3 2,7   Ours des Cavernes - - 1 1,1 - - 1 0,3 - - - -   Loup - - - - 1 0,2 - - - - - -   Renard - - - - - - - - 1 7,7 - -   Mammouth - - - - 2 0,4 - - - - - -   Grands ongulés - - - - - - 77 23,3 - - 1 0,9   Petits ongulés - - - - - - 29 8,8 - - 28 25,5   Petits et Grands ongulés - - 5 5,4 - - - - - - - -   Total 20 100 93 100 568 100 331 100 13 100 110 100                 Oiseaux Aegypius monachus L. - -     1 14,3     - -       Perdrix perdrix L. 9 39,1   3 42,9   - -     Coleus monedula L. 3 13,0   - -   - -     Coracia graculus L. 3 13,0   - -   1 100     Otis tetrax L. 1 4,3   - -   - -     Anthus spinoletta L. 3 13,0   1 14,3   - -     Motacilla sp. 4 17,4   2 28,6   - -     Total 23 100     7 100     1 100                 Rongeurs Microtus arvali-agrestis 50 51,5     - -     - -       Microtus nivalis M. 26 26,8   - -   - -     Microtus sp. - -   4 10,3   - -     Pitymis subterraneus SL. 1 1,0   - -   - -     Arvicola terrestris 4 4,1   - -   - -     Arvicola sp. - -   33 84,6   7 100     Eliomys quercinus 12 12,4   2 5,1   - -     Apodemus sylvaticus 4 4,1   - -   - -     Total 97 100     39 100     7 100                 Poissons Salmo sp. 4       -       -                   Batraciens Bufo sp. & Rana sp. > 500       106       -         Discoglossus sp. 1       -       -       Tableau 22 : : Liste faunique des niveaux attribués aux phases récentes de l’Aurignacien – couche 8 à 6 (d’après Bouchud 1975 et Sekhr 1998). 86 1.5. Les datations Les dates obtenues pour les niveaux aurignaciens de Pataud (Tableau 23 et Figure 27) semblent indiquer : - Pour la couche 8, une date moyenne autour de 31 000 BP, soit 36 000 Cal BP ; - Pour la couche 7, une date moyenne aussi autour de 31 000 BP (36 000 Cal BP). Cependant la dispersion des dates est beaucoup plus importante et s’échelonne globalement 29 000 et 33 000 BP (34 000 – 37 500 Cal BP); - Pour la couche 6, une date moyenne autour de 29 000 BP (33 000 Cal BP.), si on exclut les dates plus jeunes que 27 000 BP. Couche Echantillon Dates BP Sigma BP Dates cal BP (Intcal 09 – OxCal 4.1) Sigma cal BP (Intcal 09 – OxCal 4.1) Référence C5.V2 avant-inf 2 Gx-1369 26720 ± 460 31192 ± 292 B 95 C5.W-1a avant-inf 2 Gx-1370 27545 ± 320 31687,5 ± 346,5 B 95 C6.1 OxA-688 19700 ± 350 23496,5 ± 504,5 D&F 90 C6.Lens 1 OxA-582 24340 ± 700 29301 ± 847 B 95 C6.1 OxA-689 26600 ± 800 31070,5 ± 707,5 D&F 90 C6.1 OxA-690 26600 ± 800 31070,5 ± 707,5 D&F 90 C6 GrN-6273 28510 ± 280 32873 ± 464 LC 99 C6 MNHN 29347 ± 1374 RAM RAM El M 95 C7.W1 (foyer) GrN-3105 29300 ± 450 34000 ± 523 B 95 C7 MNHN 30350 ± 733 RAM RAM El M 95 C7.W1 (foyer) GrN-4531 31800 ± 310 36143 ± 537 B 95 C7.W1 (foyer) GrN-3117 32800 ± 450 37378,5 ± 632,5 B 95 C7.W1 (foyer) GrN-3116 32900 ± 700 37635,5 ± 811,5 B 95 C8 MNHN 30757 ± 1184 RAM RAM El M 95 C8 GrN-6163 31800 ± 280 36147 ± 517 B 95 C8 GrN-6274 31080 ± 290 35687 ± 553 D 93b C9 MNHN 31272 ± 457 RAM RAM El M 95 C10 MNHN 31638 ± 744 RAM RAM El M 95 C11 GrN-4326 32000 ± 800 36422 ± 1081 B 95 C11 GrN-4309 32600 ± 550 37255 ± 686 B 95 C12 GrN-4310 31000 ± 500 35645,5 ± 616,5 B 95 C12 GrN-4327 33000 ± 500 37738 ± 673 B 95 C12 GrN-4719 33260 ± 425 38017 ± 597 B 95 C13 MNHN 32329 ± 766 RAM RAM El M 95 C14 GrN-4610 33300 ± 760 37897,5 ± 917,5 B 95 C14 GrN-4720 33330 ± 410 38081 ± 576 B 95 C14 GrN-4507 34250 ± 675 39437,5 ± 856,5 B 95 C14 GrN-3230 34760 ± 1000 39888 ± 1067 D 93b Tableau 23 : Inventaire des dates obtenues pour les couches aurignaciennes et le début de la séquence gravettienne. Les dates MNHN ont été obtenues par la méthode de racémisation des acides aminés (RAM). Références : B 95 : Bricker 95 – D&F 90 : Délibrias et Fontugne 1990 – D 93b : Djindjian 1993b – El M 95 : El Mansouri 1995 – LC 99 : Chiotti 1999. 87 Figure 27 : Datations des niveaux aurignaciens de l’abri Pataud (celles de la base du Gravettien sont données à titre indicatif). 1.6. Éléments de parure des niveaux 8 à 6 Les éléments de parure (Figure 28) sont très peu représentés pour ces niveaux (Brooks 1995 ; Vercoutère 2004). Le niveau 8 a livré une crache de cerf élaphe femelle perforée et un fragment de coquille fossile non percé (possible Rhynchonelle). Deux craches de cervidés perforées (dont une de cerf élaphe mâle), et un fragment de coquille de Littorina littorea non 88 percé ont été recueillis au sein du niveau 7. Aucun vestige de parure n’a été rencontré dans le niveau 6. Figure 28 : Éléments de parure du niveau 8 (a) et du niveau 7 (b) (dessins P. Laurent, in Brooks 1995). 1.7. Industrie osseuse des niveaux 8 à 6 Comme les éléments de parure, l’industrie osseuse pour les niveaux 8 et 6 est peu abondante et souvent peu caractéristique (Brooks 1995 ; Vercoutère 2004), contrairement au niveau 7 lower (Tableau 24, Figure 29 et Figure 30). Aucune sagaie n’est présente pour les niveaux 8 et 6, et entre une à trois sagaies losangiques seraient présentes dans le niveau 7 upper (Figure 29 n°1 sûre et n°9 et 10 probables). La majorité de l’outillage pour la couche 7 lower correspond à des poinçons (Brooks 1995 ; Vercoutère 2004). Catégorie Niveau 8 Niveau 7 Niveau 6 B95 V04 B95 V04 B95 Pointe triangulaire - - 1 - Sagaie losangique - - 2 1 Pointe à base sciée - - - 3 Pointes diverses - - 1 4 Poinçon 2 2 19 11 Fragments - - 1 - Polissoirs - lissoirs épais - - 1 - Lissoirs - - 4 2 Compresseurs - - 1 - - Coins – ciseaux / outils intermédiaire 2 1 - - Objet actif à extrémité distale arrondie - - - 2 Autres objets en os aménagés - - - - 1 Débris - - - 1 Total 4 3 30 24 1 Tableau 24 : Décompte de l’industrie osseuse (B95 : Brooks 1995 – V04 : Vercoutère 2004). 89 Figure 29 : Industrie osseuse du niveau 7 (dessins P. Laurent in Brooks 1995). 90 Figure 30 : Industrie osseuse et os encochés du niveau 8 (dessins P. Laurent in Brooks 1995). 1.8. Rappels sur le contenu des ensembles lithiques aurignaciens Avant d’entamer l’étude des séries retenues nous souhaiterions proposer un état des lieux des résultats précédemment obtenus, et formuler quelques remarques d’ordre général transférables à l’ensemble des niveaux. 1.8.1. Corpus Bien qu’ayant observé l’ensemble des vestiges recueillis pour chacun des niveaux, nous n’avons pas eu la prétention de revenir sur tous les décomptes proposés par L. Chiotti (1999). Nous proposons donc ici d’en résumer les informations essentielles. Nous avons regroupé dans le Tableau 25 le décompte global des vestiges en silex des niveaux 8 à 6 (Chiotti 1999). Les pièces marquées correspondent à la majorité des vestiges supérieurs 91 au centimètre, soit à la totalité des vestiges cotés et des outils, un nombre important de pièces techniques, des objets de grandes dimensions et des matières premières remarquables. Couche 8 Couche 7 Couche 6 Lower Upper Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Pièces marquées Nucléus et blocs 109 0,6 70 1,2 26 1,1 96 1,2 62 1,1 Produits de débitage 4642 25,3 2879 49,8 837 36,5 3716 46,0 2057 35,9 Outils 658 3,6 787 13,6 130 5,7 917 11,4 718 12,5 Déchets d'outils 181 1,0 319 5,5 86 3,8 405 5,0 59 1,0 Total 5590 30,5 4055 70,2 1079 47,1 5134 63,6 2896 50,5 Pièces non marquées Esquille < cm2 4345 23,7 777 13,4 443 19,3 1220 15,1 787 13,7 Débris 8387 45,8 946 16,4 770 33,6 1716 21,3 2047 35,7 Total 12732 69,5 1723 29,8 1213 52,9 2936 36,4 2834 49,5 Total 18322 100 5778 100 2292 100 8070 100 5730 100 Pièces cotées 607 3,3 755 13,1 99 4,3 854 10,6 614 10,7 Pièces retenues pour étude 464 2,5 802 13,9 134 5,8 936 11,6 734 12,8 Tableau 25 : Décompte et fréquence (%) des différentes catégories de vestiges en silex composant les niveaux 8, 7 Upper, 7 Lower et 6, et issus uniquement de la fouille principale (d’après Chiotti 1999, modifié). Le nombre de pièces entrées dans notre base de données est reporté dans le Tableau 25. Cet échantillonnage correspond à l’ensemble des vestiges classés comme outils ou nucléus à lamelles (Brooks 1995 ; Chiotti 1999), auxquels s’adjoignent certaines pièces remarquables (pièces techniques et matière première particulière). Couche 8 Couche 7 Couche 6 C7 Lower C7 Upper C7 Total Matières premières Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Sénonien noir 4339 80,8 2720 74,2 794 80,5 3514 75,5 2540 70,1 Sénonien blond 715 13,3 383 10,5 79 8,0 462 9,9 457 12,6 Bergeracois 16 0,3 136 3,7 31 3,1 167 3,6 236 6,5 Jaspéroïdes 6 0,1 5 0,1 3 0,3 8 0,2 14 0,4 Indéterminés 291 5,4 421 11,5 80 8,1 501 10,8 376 10,4 Total 5367 100 3665 100 987 100 4652 100 3623 100 Tableau 26 : Décompte et fréquence (%) des matières premières pour les niveaux 8 à 6 (d'après Chiotti 1999). 92 1.8.2. États de surface et altérations taphonomiques La majorité des silex présente un voile de patine. Toutefois, cet dernier n’altère pas la lecture technologique, et gêne peu l’individualisation des matières premières. De nombreuses pièces montrent des altérations des bords se traduisant par une ou plusieurs encoches successives, créant parfois des denticulations. La situation de ces pseudo-retouches ne montre aucune standardisation renforçant ainsi l’idée de causes naturelles et/ou non volontaire. Elles peuvent être partielles (encoche), continues (denticulé), inverse, directe, alterne ou encore alternante. Elles intéressent aussi bien les bords, que la partie proximale ou distale de lames, de lamelles ou d’éclats. Différents facteurs peuvent générer ces types de retouche, sans qu’il soit possible de trancher sur le facteur dominant : altération suite à l’éboulisation de la cavité, piétinement anthropique, ou enlèvements spontanés (voir Thiébaut 2003 pour une synthèse). Si certaines dégradations des bords, de part leur localisation parfois surprenante, voire aberrante (cas de certains nucléus), peuvent être imputées à des processus naturels (non anthropique, non volontaire), dans certains cas et notamment pour certaines lames dont les ébréchures sont situées sur les bords, une distinction entre altération taphonomique et traces d’utilisation n’a pas été possible. Comme nous le verrons, ces altérations se retrouvent sur l’ensemble des couches étudiées (couches 8 à 6). Leur présence se marque au niveau des décomptes d’outillage par une somme non négligeable de pièces encochées et denticulées (Brooks 1995 ; Chiotti 1999). Après avoir dressé un bilan général des différents travaux menés sur le résultat des fouilles H. L. Movius Jr., nous allons tenter d’estimer l’homogénéité des niveaux reconnus lors de ces dernières. 93 2. Étude de l’homogénéité des ensembles individualisés lors de la fouille de H. L. Movius Jr. Nous nous bornerons ici à décrire et discuter les ensembles décrits à la fouille via l’étude de la répartition spatiale des vestiges. Notons que seul le niveau 8 a fait l’objet d’une séance de remontage poussée, afin de tester le degré de validité des différentes nappes de vestiges reconnues lors de la fouille (8 Upper, Middle et Lower). 2.1. Présentation générale des couches 8 à 6 Le nombre de vestiges lithiques cotés est relativement faible (Tableau 27). Seulement 11% des vestiges numérotés de la couche 8 ont été cotés, 16 % pour la 7, et 21 % pour la 6, soit une moyenne de 15 % (Tableau 27). Ont été généralement cotés les outils, les matières premières ou les objets particuliers, ainsi que ceux de grandes dimensions. Niveaux Sub-divisions Numérotées Cotées Fréquence pièces cotées par subdivision (%) 6 6 Upper 2685 564 21,0 6 Upper-Lower 47 6 12,8 6 Lower 152 44 28,9 6 indéterminé 31 - Total 6 2915 614 21,1 7 7 Upper 859 99 11,5 7 Upper ? 1 - - 7 Lower 4159 755 18,2 Eboulis 7-8, réattribué à 7 73 26 35,6 7 indéterminé 348 1 0,3 Total 7 5440 881 16,2 8 8 Upper 1942 234 12,0 8 Upper-Middle 232 25 10,8 8 Middle 2373 227 9,6 8 Middle-Lower 338 50 14,8 8 Lower 727 71 9,8 8 indéterminé 46 - Total 8 5658 607 10,7 Total 14013 2102 15,0 Tableau 27 : Décompte et fréquence des pièces numérotées et cotées. La projection spatiale des vestiges coordonnés (Figure 31) montre une bonne individualisation des trois niveaux reconnus à la fouille. Les nappes de vestiges accusent un double pendage, est-ouest dans le sens de la pente (Figure 31 n°2), et sud-nord (Figure 31 n°3). 94 Figure 31 : Projection spatiale des vestiges coordonnés des niveaux 6 à 8. N°1- Projection zénithale (X/Y) ; n°2 - Projection sagittale (Y/Z) ; n°3 - Projection frontale (X/Z). Le niveau 6 se situe en avant de l’abri au niveau des squares A à D. La zone située dans le square E, vers le fond de l’abri, est exempt de pièce. Cette surface aurait été, d’après les fouilleurs, détruite par les Gravettiens du niveau 5 sus-jacent (Bricker 1995 ; Chiotti 1999 ; Movius 1975, 1977). Une zone de moins forte densité est observable entre les squares B et C (entre 350 et 500 - Figure 31 n°1 et 2). Le niveau 7 se trouve en retrait vis-à-vis du niveau 6, et se localise principalement dans le fond de l’abri. Il occupe principalement les squares D et E. Le pendage est-ouest est peu 95 marqué dans cette partie du site (Figure 31 n°2). La nappe de vestiges est horizontale suivant cet axe. Le pendage sud-nord est toutefois clairement visible sur la Figure 31 n°3. Seules quelques pièces éparses sont présentes dans les squares B et C (Figure 31 n°2). Cette zone de transition entre les niveaux 6 et 8 ne montre par ailleurs pas de limite nette. Le faible nombre d’objets cotés ne nous aide guère pour discuter des relations entre ces niveaux. Le niveau 8 présente une aire de répartition proche du niveau 6. Il se localise principalement en avant de l’abri, au niveau des squares A à C, avec une diminution sensible du nombre de vestiges cotés vers le fond de l’abri (squares D et E – Figure 31 n°1 et 2). Nous allons maintenant nous intéresser aux subdivisons internes de chaque niveau. 2.2. Analyse du niveau 6 Le niveau 6 a été découpé en deux grandes subdivisions, 6 Upper et 6 Lower (Bricker 1995 ; Chiotti 1999 ; Movius 1977), d’effectifs fortement inégaux (près de 13 fois moins de pièces cotées en Upper – Tableau 27). L’analyse de la répartition spatiale de ces deux ensembles montre que le premier, dont l’effectif est le plus faible (Tableau 27), se situe en arrière de l’abri, près de la paroi. De plus, les pièces cotées comme appartenant au niveau 6 Upper se situent essentiellement dans la trench II(S) (Figure 32). Nous rappelons pour mémoire qu’il s’agit d’une des deux tranchées de « reconnaissance », avec V(N), fouillées avant le secteur principal (trenches III et IV). Il semblerait donc que ce niveau, 6 Upper, n’ait été reconnu et individualisé que lors de la fouille de contrôle, et n’a pas été retrouvé lors de la fouille du secteur principal. Malheureusement, on ne connaît pas l’extension réelle de la couche 6 vers le fond de l’abri, celle-ci ayant supposément été en partie tronquée par les occupants de la couche 5 sus-jacente. Ceci nous conduit à nous interroger sur l’homogénéité du reste du niveau, d’autant que l’éboulis 5-6 sus-jacent contient des pièces attribuées au Gravettien (Bricker 1995). Y-a-t-il eu des bouleversements plus importants que ceux vus lors de la fouille ? Nous essaierons de l’apprécier par le biais de l’étude technologique. D’autre part, il paraît nécessaire dans le futur de réaliser une séance de remontage poussée afin de tester l’homogénéité de ce niveau. La projection sagittale ne fait apparaître aucune différence altitudinale manifeste entre les deux subdivisions. Au contraire, les deux nappes de vestiges semblent être en continuité, et suivent le pendage sud-nord visible sur l’ensemble des niveaux 6 à 8. 96 Figure 32 : Projections spatiales des pièces lithiques coordonnées dans le niveau 6. Les nucléus à lamelles (burins busqués et grattoirs à museau) ainsi que les lames présentant des négatifs lamellaires intercalés se distribuent de manière aléatoire et se retrouvent aussi bien en avant de l’abri en 6 Upper, qu’en arrière en 6 Lower. Nous avons réalisé peu de liaisons pour ce niveau 6. Au total, seulement 26 pièces sont concernées, réparties dans 12 remontages. Aucun remontage ni rapprochement n’a pu être réalisé entre ces deux subdivisions. Nous rappelons que nous n’avons cependant pas 97 systématisé cette approche. D’autre part, l’effectif restreint de 6 Upper limite les chances d’obtenir des résultats satisfaisants. 2.3. Analyse du niveau 7 Comme le niveau sus-jacent, celui-ci a été subdivisé en deux unités principales : 7 Upper et 7 Lower. L’unité 7 Lower, aux effectifs majoritaires (Tableau 27), se localise dans le fond de l’abri et a été interprété par H. L. Movius Jr. comme l’implantation d’une cabane (Movius 1977). L’analyse spatiale réalisée par L. Chiotti (1999) suggère l’existence d’un espace structuré autour de différents foyers, ce qui irait dans le sens de l’hypothèse proposée par H. L. Movius Jr. Figure 33 : Projections spatiales des pièces lithiques coordonnées dans le niveau 7. 98 L’unité 7 Upper se trouve en avant de l’abri, et les projections ne montrent pas d’organisation spatiale nette. Les projections indiquent une certaine continuité entre ces deux nappes de vestiges (Figure 33). Il semblerait que si l’unité 7 Lower correspondait à l’occupation principale, la 7 Upper pourrait être le complémentaire, et pourrait correspondre à une zone où l’activité de taille serait moins importante. Actuellement aucun raccord entre ces deux nappes de vestiges n’a pu être réalisé, ni même des rapprochements de matière première. Nous retiendrons cependant que, d’une part, l’effectif de 7 Upper est restreint et que, d’autre part nous n’avons pas effectué de recherche systématique de raccords. Toutefois, les nombreux rapprochements de matières premières, notamment pour le Bergeracois, et les quelques raccords effectués au cours de l’étude, laissent présager d’un potentiel important. Nous avons aussi réalisé des projections spatiales des nucléus lamellaires, tout comme pour le niveau 6. Ceux-ci se répartissent sur l’ensemble de la zone fouillée et ne montrent pas de différence entre les deux subdivisions que ce soit horizontalement ou verticalement. Notons seulement que les grattoirs à museau se situent principalement en avant de l’abri dans l’unité Upper, mais ils sont tout de même présents en 7 Lower. C’est l’inverse pour les burins busqués situés majoritairement au fond de l’abri en 7 Lower, mais leur présence est attestée en 7 Upper. 2.4. Analyse du niveau 8 Avant de débuter l’analyse des raccords effectués au sein du niveau 8, nous allons en premier lieu nous intéresser à la répartition spatiale des vestiges issus de chaque niveau. 2.4.1. Répartition spatiale des vestiges 2.4.1.1. L’unité 8 Lower L’unité Lower n’a été reconnue lors de la fouille de reconnaissance qu’en trench II(N) uniquement à l’avant de l’abri, en BII(N), et ne semble pas avoir été rencontrée dans le fond de l’abri. Dans la trench V(S), c’est l’inverse : celle-ci n’a été reconnue que dans la square D, soit dans le fond de l’abri, et non en avant (Figure 34). Celle-ci se situe dans le fond de l’abri, en EIV et EIII, avec quelques pièces en DV(S), et en avant de l’abri en BIII et BII(N). Aucune pièce cotée n’en fait la jonction, et les squares C et D sont quasiment exempt de vestiges coordonnés (Figure 34). Les zones de contacts entre cette dernière et les autres subdivisions 99 sont diffuses. Malheureusement les pièces situées dans le square D, à l’interface entre 8 Lower, et le reste, n’ont pour la plupart pas d’attribution stratigraphique précise (Figure 35 projections sagittales). Figure 34 : Projection zénithale (X – Y) des pièces lithiques coordonnées pour chaque subdivisions du niveau 8. 100 Figure 35 : Projections spatiales des pièces lithiques coordonnées dans le niveau 8. 2.4.1.2. L’unité 8 Middle L’unité Middle n’a pas été reconnue lors des fouilles préliminaires de la trench V(S). Aucune pièce en silex n’y a été cotée (Figure 34). Seules quelques pièces ont été cotées en II(N) dans les squares AII(NE) et CII(NE). Son identification semble donc avoir posé quelques problèmes lors de la fouille des deux tranchées de reconnaissance. La plupart des pièces ont 101 été coordonnées en avant de l’abri, en CIII et BIII, et dans une moindre mesure AIII(E). Une pièce seulement se trouve après le square C, vers le fond de l’abri. Celle-ci est quasiment absente des trenches IV et V(S) et des squares D et E. 2.4.1.3. L’unité 8 Upper Comme l’unité Middle sous-jacente, l’unité Upper n’a été vraiment individualisée dans le trench II(N), dans les squares A à C (Figure 34). Seules trois pièces ont été coordonnées en BV(S). L’unité 8 Upper se situe principalement en avant de l’abri, entre les squares A à C et les trenches II(N) à IV, avec tout de même quelques vestiges en DIII. 2.4.1.4. Synthèse préliminaire La reconnaissance préalable des différentes subdivisions de la couche 8 ne s’est réellement faite que dans la trench II(N). Cependant, même au sein de cette tranchée, la succession des trois niveaux n’a pas été reconnue (Tableau 28). Seule la trench III montre véritablement une superposition des trois nappes de vestiges (Tableau 28). Mis à part pour la bande III, notons que sous l’unité Upper est présente généralement soit l’unité Middle, soit Lower, mais en aucun cas les deux. Squares E D C B A Upper 5 - 86 143 19 Trench II(N) Middle - - 47 1 6 Lower - - 1 37 E D C B A Upper - 73 548 199 95 Trench III Middle - 10 1006 1249 15 Lower 64 136 15 113 45 E D C B A Upper - - 472 218 56 Trench IV Middle - - 18 20 Lower 173 56 - - 28 E D C B A Upper - - 1 10 10 Trench V(S) Middle - - 1 - Lower - 5 6 - Tableau 28 : Décompte des pièces attribuées à chaque sub-division du niveau 8, par square et par trenche (comprend les pièces cotées ou non). 102 2.4.2. Analyse des remontages Le niveau 8 a fait l’objet d’une séance de remontage21 poussée où l’ensemble du matériel a été étalé, soit plus de 18 000 vestiges, dont environ 5 500 numérotés (Tableau 29). Ceci nous a permis de réaliser 211 remontages, intégrant 726 objets, ce qui correspond à environ 13% des pièces numérotées (Tableau 29). Pièces remontées Dont cotées Total pièces numérotées Total pièces cotées Niveaux Nombre % par niveaux Nombre % par rem % par niveaux % pièces cotées Nombre Nombre 8 Upper 167 8,6 27 16,2 1,4 11,5 1942 234 8 Upper - Middle 11 4,7 2 18,2 0,9 8,0 232 25 8 Middle 287 12,1 49 17,1 2,1 21,6 2373 227 8 Middle - Lower 49 14,5 6 12,2 1,8 12,0 338 50 8 Lower 180 24,8 16 8,9 2,2 22,5 727 71 8 indéterminé 32 69,6 - - - - 46 Total 726 12,8 100 13,8 1,8 16,5 5658 607 Tableau 29 : Décompte et fréquence des pièces remontées par niveaux.  Niveaux 8Upper 8Upper- Middle 8Middle 8Middle- Lower 8Lower 8indéterminé 8 Upper 45 1 41 3 4 - 8 Upper - Middle 4 1 - - - 8 Middle 43 2 2 3 8 Middle – Lower 6 6 - 8 Lower 34 - 8 indéterminé 5 Fréquence (%) 8 Upper 21,4 0,5 19,5 1,4 1,9 - 8 Upper - Middle   1,9 0,5 - - - 8 Middle     20,5 1,0 1,0 1,4 8 Middle - Lower       2,9 2,9 - 8 Lower         16,2 - 8 indéterminé           2,4 Tableau 30 : Décompte et fréquence des lots de remontages par niveaux. 21 Nous tenons à remercier : - R. Nespoulet, L. Chiotti et le MNHN pour avoir autorisé le déplacement de la collection ; - J. Jaubert et J.-P Texier pour nous avoir permis d’utiliser une salle de la maison F. Bordes ; - Et enfin, F. Bachellerie, J.-G. Bordes et L. Chiotti pour leur contributions à ces remontages, sans oublier la visite de S. Maury, A. Morala, R. Nespoulet et J. Pelegrin. 103 La majorité des remontages a été réalisée au sein des niveaux 8 Upper et Middle (environ 20 % du total des lots de remontages pour chaque unité – Tableau 30). Un peu plus de 45 % du total des lots de remontages sont intra-couche. Le reste concerne des remontages effectués entre des unités clairement définies et des pièces dont l’attribution stratigraphique est incertaine, ou des remontages inter-couches (Tableau 30 et Tableau 31). Certains lots intègrent des pièces issues des trois niveaux (Tableau 31). Combinaisons 8Upper 8Upper- Middle 8Middle 8Middle- Lower 8Lower 8indéterminé Nombre Trois niveaux x x x 2 Trois niveaux dont un est indéterminé x x x 2 Idem x x x 3 Idem x x x 1 Idem x x x 1 Quatre niveaux dont un est indéterminé x x x x 1 Idem x x x x 1 Tableau 31 : Décompte des lots de remontage faisant intervenir plus de deux niveaux. Figure 36 : Fréquence totale (%) des raccords intra et inter-couches. En résumé, la réalisation et l’étude des raccords ont permis de mettre en évidence les points suivants : - En premier lieu il convient de souligner l’importance du nombre de liaisons effectuées, qui concerne près de 13 % des pièces numérotées, pour un total de 726 pièces. - Le taux de raccord entre les unités Upper et Middle (24,6 %) est plus important que ceux qui ont été réalisés au sein de chaque ensemble (respectivement 22,2 % pour Upper et 21,2 % pour Middle - Figure 36). - L’unité Lower est celle pour laquelle le taux de raccord inter-unité est le plus faible. Il n’est toutefois pas négligeable puisqu’il concerne 16,7 % des lots effectués (Figure 36). 104 - Des liaisons ont pu être réalisées entre les trois unités. Le nombre important de liaison effectué entre les différentes subdivions ne permet pas de valider le découpage proposé par H. L. Movius Jr. et son équipe (Movius 1975, 1977). Ainsi, pour la poursuite de l’étude, nous avons choisi d’étudier la couche 8 dans son ensemble, comme cela a été fait jusqu’à présent (Brooks 1979, 1995 ; Chiotti 1999). 2.5. Conclusion Si les trois niveaux principaux (niveaux 6, 7 et 8) semblent bien isolés et circonscrits spatialement, les subdivisions internes sont moins nettes et probablement à reconsidérer. Pour la suite de cette étude, nous étudierons donc chaque niveau dans son ensemble, sans tenir compte des subdivisons internes. Nous ferons exception pour le niveau 7, puisque lors de son étude L. Chiotti conclu à l’existence de deux niveaux (7 Lower et 7 Upper) technoéconomiquement différents (Chiotti 1999). Afin d’en tester la validité nous en présenterons une analyse comparée. D’autre part, en l’absence de raccord clair entre la fouille principale et les extensions 1 et 2, et plus particulièrement pour le niveau 8 (Chiotti 1999), seul le matériel issu de ce premier secteur sera traité. De plus, les vestiges recueillis au sein des différents éboulis (éboulis 8/9, 7/8, 6/7 et 5/6) n’ont pas été retenus, sachant que ces zones d’interface peuvent êtres sujettes à des mélanges entre les différentes unités archéologiques. Enfin, pour les niveaux 8 et 6, nous tenterons de voir s’il existe des différences, en terme de modalités de débitage, de contenu typologique ou de matière première, entre les différentes lentilles reconnues au sein chaque niveau par H. L. Movius Jr. et son équipe. 105 3. La couche 8 3.1. Rappel sur le corpus d’étude La série récoltée est la plus importante numériquement des niveaux aurignaciens, avec un total de 18.322 pièces (cf. supra). Les pièces issues des refus de tamis comptabilisent à elles seules environ 70 % du nombre total de vestiges, soit près de 13 000 pièces. Rappelons que les pièces retenues dans notre base de données (cf. supra) correspondent principalement à l’ensemble des outils et des nucléus lamellaires (N = 464 - Tableau 32), auxquels s’ajoutent l’analyse de 211 remontages regroupant 726 pièces (cf. supra). 3.2. Matières premières utilisées La principale source d'approvisionnement correspond aux silex alluviaux sénoniens qui comptabilisent près de 95 % du matériel (cf. supra). Les sources les plus proches correspondent aux terrasses de la Vézère. Deux variétés ont été identifiées, les silex noirs et blonds, ces derniers étant minoritaires dans l'assemblage. Quelques pièces en silex tertiaires, dont de l’argilite, ont été introduites sur le site sous la forme de produits finis. Il s’agit pour le Tertiaire de deux grattoirs à museau, et pour l’argilite d’un grattoir sur lame retouchée (Figure 37 : AP61-8-1075). Ces deux variétés de silex, comme le Sénonien, sont à considérer comme d’origine locale. Matières premières Nombre Fréquence (%) Dont outils Fréquence (%) Dont nucléus à lamelles Fréquence (%) Sénonien noir 185 39,9 125 26,9 49 10,6 Sénonien noir alluvial 141 30,4 57 12,3 75 16,2 Sénonien noir à grain fin 8 1,7 5 1,1 1 0,2 Sénonien blond 67 14,4 40 8,6 25 5,4 Sénonien blond alluvial 31 6,7 14 3,0 14 3,0 Argilite 1 0,2 1 0,2 - Tertiaire 1 0,2 - - 1 0,2 Tertiaire ? 1 0,2 - - 1 0,2 Maestrichtien du Bergeracois 8 1,7 7 1,5 2 0,4 Maestrichtien du Bergeracois ? 1 0,2 1 0,2 - Infralias 2 0,4 2 0,4 - Infralias ? 1 0,2 1 0,2 - Santonien (?) type Grain de mil 10 2,2 9 1,9 - Turonien supérieur (Charente) 1 0,2 1 0,2 - Indéterminé gris à grain grossier 1 0,2 1 0,2 - Indéterminé Jurassique 1 0,2 1 0,2 - Indéterminé Jurassique / Tertiaire 1 0,2 1 0,2 - Indéterminé porcelainé 1 0,2 1 0,2 - Indéterminé à point rouge 1 0,2 1 0,2 - Indéterminé brûlé 1 0,2 - - 1 0,2 Total 464 100 268 57,8 169 36,4 Tableau 32 : Pataud couche 8 - Nombre et fréquence (%) des différentes matières premières pour les pièces étudiées. 106 Les matériaux d’origines allochtones sont rares et présents en très faible quantité (moins d’une dizaine de pièces par matière - Tableau 32 et Figure 38). Il s’agit souvent de lames, plus rarement d’éclats, souvent supports d’outils. Seules deux pièces en Bergeracois ont été utilisées pour produire des lamelles, suivant une modalité de type burin caréné sur lame (dont un est douteux, et pourrait n’être qu’un simple burin à enlèvements multiples). Figure 37 : Pataud couche 8 -Exemples de quelques matières premières remarquables issues de la couche 8. Les pièces en silex du Bergeracois sont peu nombreuses, sur les seize objets recensés (cf. supra), sept sont des outils (Tableau 32). Les autres matériaux allochtones correspondent à des silex Grain-de-mil (N = 10), de l’Infralias (N = 2 ; Figure 37 : AP61-8-1087) et d’une 107 lame en Turonien supérieur de la région d’Angoulême (Figure 37 : AP63-2080). Parmi les silex d’origine indéterminée, une lame retouchée en burin sur troncature a retenu notre attention. Il s’agit d’un silex dont la patine est de teinte blanc crème, et qui présente de nombreux points rouges (Figure 37 : AP63-2384). Ce silex pourrait évoquer ceux qui proviennent de la région du Grand-Pressigny, cependant cette attribution reste hypothétique. Figure 38 : Pataud couche 8 - Carte d’approvisionnement en silex (matériaux d’origine locale non figurés). 3.3. Analyse des modalités de débitage laminaire Nous aborderons la production laminaire en deux temps. C’est par l’étude des supports laminaires que nous débuterons cette analyse, puis nous nous appuierons sur quelques remontages pour illustrer cette production. 3.3.1. Étude des supports laminaires Notre corpus se base sur l’analyse de 207 supports laminaires, outils et nucléus à lamelles inclus (Tableau 33). Il se compose de 154 lames (75 %) et 53 éclats laminaires (25 %). 3.3.1.1. Mise en forme et entretien des volumes à débiter Les lames présentes sur le site ne sont pas toutes issues d'une phase de plein débitage, permettant ainsi quelques observations sur les modalités de mise en forme des blocs, ainsi que de leur entretien lors de la phase de plein débitage (Tableau 33). 108 Sénoniennoir Sénonien blond Argilite Bergeracois Graindemil Infralias Turonien supérieur Indéterminés Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Lame Brute 64 30,9 19 9,2 - - 6 2,9 6 2,9 1 0,5 1 0,5 6 2,9 103 49,8 A crête 1 0,5 - - - - - - - - - - - - - - 1 0,5 Entame corticale 4 1,9 - - - - - - - - - - - - - - 4 1,9 Néocrête 3 1,4 5 2,4 1 0,5 - - - - - - - - - - 9 4,3 Pan gauche cortical 14 6,8 3 1,4 - - 2 1,0 - - - - - - - - 19 9,2 Pan droit cortical 13 6,3 3 1,4 - - - - 1 0,5 - - - - - - 17 8,2 A pan revers ? - - - - - - - - - - - - - - 1 0,5 1 0,5 Total 99 47,8 30 14,5 1 0,5 8 3,9 7 3,4 1 0,5 1 0,5 7 3,4 154 74,4 Eclat Brut 14 6,8 5 2,4 - - - - - - 1 0,5 - - 1 0,5 21 10,1 laminaire Entame corticale 4 1,9 - - - - - - - - - - - - - - 4 1,9 Néocrête 1 0,5 - - - - - - 1 0,5 - - - - - - 2 1,0 /s-crête à pan revers - - 1 0,5 - - - - - - - - - - - - 1 0,5 Pan gauche cortical 6 2,9 8 3,9 - - - - - - - - - - - - 14 6,8 Pan droit cortical 5 2,4 5 2,4 - - - - - - - - - - - - 10 4,8 2 pans corticaux 1 0,5 - - - - - - - - - - - - - - 1 0,5 Total 31 15,0 19 9,2 - - - - 1 0,5 1 0,5 - - 1 0,5 53 25,6 Total 130 62,8 49 23,7 1 0,5 8 3,9 8 3,9 2 1,0 1 0,5 8 3,9 207 100 Tableau 33 : Pataud couche 8 -Nombre et fréquence (%) des différents types de supports laminaires. La comparaison avec les ensembles sus-jacents indique une proportion plus importante de lames de plein débitage, aux dépens des pièces techniques (Tableau 34). Ainsi, nous n’avons décompté qu’une lame à crête et cinq éclats présentant une mise en forme de crête, ainsi qu’une lame et deux éclats sous-crêtes. Couche 8 Couche 7 Couche 6 Supports laminaires Nb % Nb % Nb % Brut 125 60,4 384 53,6 241 55,9 Crête 1 0,5 22 3,1 9 2,1 Entame corticale 8 3,9 17 2,4 10 2,3 Sous-crête 1 0,5 30 4,2 8 1,9 Néocrête 11 5,3 75 10,5 17 4,0 Pan gauche cortical 33 15,9 85 11,9 56 13,0 Pan droit cortical 27 13,0 71 9,9 52 12,1 Cortex proximal - - 3 0,4 5 1,2 Cortex distal - - 28 3,9 30 7,0 Deux pans corticaux 1 0,5 1 0,1 3 0,7 Total 207 100 716 100 430 100 Tableau 34 : Décompte et fréquence (%) des types de supports laminaires des niveaux 8 à 6 de l’abri Pataud. 109 L’étude des supports laminaires indique une mise en forme sommaire des blocs. La présence de huit lames et d’éclats laminaires d’entame corticaux (Tableau 33), suggère que dans certains cas l’initialisation du débitage s’est déroulée sans mise en forme préalable des volumes à débiter. Toutefois, la présence de six pièces à crête témoigne de l’existence d’une mise en forme préalable de certains blocs. Ces dernières sont généralement partielles et situées en partie mésio-distale, et témoignent d’un investissement technique minimal. Les flancs sont rarement investis. Dans seulement onze cas, une néocrête a été implantée à la jonction flanc / surface de débitage afin de restructurer essentiellement la carène, devenue trop plate. Les lames de flanc présentent majoritairement une section triangulaire, indiquant une angulation prononcée (proche de 90°) entre les flancs et la surface de débitage. 3.3.1.2. Déroulement du débitage laminaire Les négatifs laminaires observables indiquent un débitage strictement unipolaire. Trois cas seulement montrent des négatifs opposés, témoignant, non pas d’un débitage, mais d’une rectification des convexités par un enlèvement de réamménagement opposé. La morphologie des lames (rectangulaire) associée aux négatifs d'enlèvements visibles en face supérieure (strictement parallèles) laisse entrevoir un débitage de type frontal et non convergent. 3.3.1.3. Préparation des supports débités Les lames présentent une abrasion systématique de la corniche. Dans certains cas, et notamment pour les lames de fort gabarit, le talon est préparé avec soin. Celui-ci est facetté, pouvant parfois former un éperon peu proéminent. Ce critère se retrouve aussi sur les quelques tablettes de ravivage de plan de frappe (N = 9) reconnues dans la série. Leur face supérieure montre la succession de micro-rebroussés résultant du facettage des talons. Les talons lisses et présentant une abrasion de la corniche restent toutefois majoritaires. 3.3.1.4. Techniques utilisées Les lames sont débitées par percussion directe au percuteur tendre organique. L'absence de bulbe marqué, ou même diffus, ainsi que d'esquillements, et la présence d'une lèvre permet de d’effectuer ce diagnostic. Comme nous l’évoquions précédemment (cf. supra), les éclats laminaires sont débités par percussion directe au percuteur dur. Enfin, l’usage de la percussion directe au percuteur tendre minéral mérite d’être questionnée. Seules cinq lames présentent des stigmates (e. g. Pelegrin 2000) évoquant un l’emploi de cette technique. Face à un effectif 110 aussi faible, il convient de rester prudent quant à son usage. Précisons cependant que trois des cinq lames ont pu êtres remontées entre elles (Figure 39), et ne correspondent donc pas à des pièces isolées. 3.3.1.5. Dimension et profil des supports laminaires Les dimensions moyennes des supports laminaires sont reportées dans le Tableau 35. Nous résumerons ainsi, les lames entières présentent une longueur moyenne de 53,1 mm. Pour la largeur et l’épaisseur, les moyennes ont été calculées sur un échantillon incluant les pièces entières et fragmentaires, et donnent les résultats suivants : largeur moyenne de 26,6 mm et 9,2 mm pour l’épaisseur. Les profils des lames sont sub-rectilignes à légèrement courbes, seules 17 lames présentent une courbure prononcée. Figure 39 : Pataud couche 8 - Exemple de lames témoignant d’un détachement possible par percussion directe au percuteur tendre minéral. Lames Eclat laminaires Total supports laminaires Entières Total Entiers Total Entiers Total Longueur 53,1 46,5 51,4 46,5 52,3 46,5 Largeur 26,6 24,3 31,3 30,1 28,8 25,7 Epaisseur 9,2 8,1 13,1 12,4 10,9 9,1 Nombre 31 154 30 53 61 207 Tableau 35 : Pataud couche 8 - Moyennes des dimensions (en mm) des supports laminaires. 111 3.3.2. Analyse de quelques remontages De nombreux remontages ont pu être réalisés (cf. supra). Ceux-ci permettent d’aborder aussi bien les modalités de production laminaire que lamellaire, ainsi que le traitement de l’outillage. Nous nous bornerons ici à ne présenter que les informations susceptibles d’éclairer la production laminaire. Les remontages sur lesquels est basée cette étude sont présentés dans le Tableau 36. Au total, vingt-et-un nucléus ont pu être intégrés dans des remontages, sur les trente-sept nucléus prismatiques décomptés (cf. Chiotti 1999). Ces derniers comptent davantage d’éclats et d’éclats laminaires que de lames. Seuls trois lots peuvent être considérés comme ayant pour intention première de produire des lames (remontage 5, 125 et 174/194/195/196). Nous débuterons par l’étude de ces derniers. Ce choix étant fait nous n’avons pas poussé l’étude de l’ensemble des nucléus de la série. N° rem Rap Nucléus Éclat Ec. laminaire Lame Divers Total Remarque 5 1 1 21 - 9 4 lamelles 35 Dont 1 tablette de ravivage de plan de frappe 62 1 - 3 - - - 3 Dont 1 GM sur éclat et 2 éclats de mise en forme 7 - 1 7 - 2 1 cdb 11 Dont 2 préformes de GM et 1 burins repris en GM 10 - 2 - - - - 2 Fragments de bloc 12 - 2 3 - 1 - 6 53 - 2 33 - 3 - 38 Dont 1 grattoir sur lame et 1 sur éclat 55 - 1 12 - 1 - 14 66 - - - - 4 - 4 67 - 1 (éclat) 1 - - - 2 70 - 1 2 - - - 3 92 - 1 3 - - - 4 Dont 1 préforme de GM 116 2 1 1 - - - 2 117 2 - 2 5 - - 7 Dont 1 GM sur éclat 118 2 - 2 - - - 2 16 2 - - - 1 2 cdb 3 Raccord des 2 fragments de chute de burin 122 - 1 - 1 - - 2 124 - 2 4 1 - - 6 Dont 1 préforme de GM sur éclat laminaire 125 - 1 12 - 4 1 lamelle 18 147 - 1 1 - - - 2 153 - 1 5 - - - 6 GM sur bloc 168 3 - 8 - - - 8 169 3 - 12 2 2 - 16 Dont 2 GM sur éclat laminaire 174 4 1 (éclat) 2 1 - - 4 194 4 - 3 - - - 3 195 4 - - - 2 - 2 196 4 - 7 - - - 7 Dont 2 éclats laminaires 176 5 - 7 - - - 7 Dont 1 préforme de GM sur éclat laminaire 177 5 - 4 - - - 4 Dont 1 éclat qq retouches 178 5 - 2 - - - 2 179 5 - 2 - - - 2 187 - 1 - 1 - - 2 Total - 21 159 11 29 8 228 Tableau 36 : Pataud couche 8 - Présentation des remontages étudiés (GM : grattoir à museau ; cdb : chute de burin). 112 3.3.2.1. Analyse de quelques remontages laminaires Le remontage n°5 (Figure 40 et Figure 41) est un des plus complets, et compte 35 pièces dont un nucléus et neuf lames. Ce lot constitué par L. Chiotti (1999) lors de sa thèse a pu être complété de quelques pièces supplémentaires, et il a notamment pu être rapproché avec le lot n°62 (Figure 41), qui correspond vraisemblablement à l’éclat de décallotage du bloc, repris en nucléus à lamelles de type grattoir à museau. Les différentes étapes sont mentionnées dans la Figure 40 (d’après Chiotti 1999), nous en retiendrons les données suivantes : - Il s’agit d’un bloc en silex Sénonien noir dont le cortex roulé signe une origine alluviale. Le volume initial est globalement rectangulaire (en tenant compte de l’éclat d’entame), et présente deux faces planes et subparallèles. - La surface de débitage est implantée dans l’axe d’allongement maximum et d’épaisseur la plus faible du parallélépipède, à la jonction des deux surfaces planes susmentionnées. - Le bloc présente des convexités naturelles propices au débitage. De fait, et outre l’ouverture du nodule (phase 1), la mise en forme du volume s’est limitée à une simple rectification de la carène en partie distale (phase 2 - mise en place d’une crête partielle antéro-distale). - La production reste unipolaire, frontale et n’investit pas les flancs. Les produits laminaires sont détachés par percussion directe au percuteur tendre. La préparation des talons se limite à une simple abrasion de la corniche, comme en témoigne notamment la présence de quatre lamelles, dont l’obtention fortuite n’est que la résultante de ce procédé technique. - L’entretien du nucléus est limité à la réfection ponctuelle et partielle de la carène, via la mise en place d’une crête en partie distale (phases 4 et 8). - Aucune des lames remontées n’a été retouchée. Certaines présentent néanmoins quelques esquillements latéraux pouvant traduire une utilisation brute. Enfin cinq à six lames font défaut, dont la longueur maximum ne semble pas éxcéder les 5 cm, pour moins de 2 cm de largeur. 113 Figure 40 : Pataud couche 8 - Remontage n°5 – Débitage laminaire conduit sur place (d’après Chiotti 1999, modifié). 114 Figure 41 : Pataud couche 8 - Remontage n°62 – Grattoir à museau réalisé sur un éclat d’entame cortical (éclat de décalottage ?), rapproché avec le remontage n°5. Le remontage n°125 est constitué de dix-huit pièces, dont un nucléus et quatre lames, dont seulement deux sont entières (Figure 42). Aucun outil, ni nucléus lamellaire n’a pu y être intégré. Il s’agit d’un bloc de silex sénonien noir d’origine alluviale. Ce nodule s’inscrit dans un volume tétraédrique. Le nucléus a subi trois réorientations et implantations successives de la surface de débitage (Figure 42 n°1 à 3). Dans deux des trois cas, l’initialisation du débitage débute par l’extraction d’un support laminaire cortical (absent pour le n°1, lame pour le n°2), au niveau d’un dièdre naturel. Lors de la dernière phase de production (surface n°3), la surface investie, légèrement concave, a été réamménagée via la mise en place d’une crête partielle à deux versants en partie distale de nucléus. Dans les trois cas, la production reste frontale, les flancs ne sont pas investis. Le débitage est unipolaire et non convergent. Les supports produits sont robustes, détachés par percussion directe au percuteur tendre, et certains au percuteur dur. 115 Figure 42 : Pataud couche 8 - Remontage n°125 – Débitage laminaire (1, 2 et 3 : surfaces de débitage successives). 116 Au moins quatre supports de gabarit important sont absents. Il s’agit des deux premières entames corticales de la surface n°1, ainsi que la tablette de ravivage de cette dernière, et un éclat laminaire de section légèrement asymétrique dont le pan droit est cortical, et qui provient de la deuxième surface de débitage. Conjointement à la production laminaire sur bloc existe une production sur tranche d’éclat, représentée par quelques remontages et pièces isolées. 3.3.2.2. Un débitage laminaire plus anecdotique sur tranche d’éclat. Quelques lames et éclats laminaires ont été produits à partir de grands éclats débités sur leur tranche. Cette modalité a pu être abordée d’après quatre remontages issus vraisemblablement du même bloc (n°174 / 195 / 194 / 196 – Figure 43 et Figure 44), d’un lot de lames (remontage n°66 – Figure 46), et dans une moindre mesure par le lot n°53, tous en silex sénoniens. Enfin, s’ajoutent deux pièces isolées, un éclat laminaire en Infralias ainsi qu’une lame en silex d’origine indéterminée, dont une facette de la face supérieure pourrait correspondre à un pan revers (Tableau 34). Précisons que ces remontages sont exempts d’outils et de nucléus lamellaire. Le remontage n°195 (Figure 43) correspond à deux lames détachées en début de séquence laminaire, dont une présente la trace d’une crête antérieure à un versant, préparé vers la face inférieure de l’éclat support. A contrario, le lot n°66 (Figure 46), qui lui aussi semble devoir être rattaché au début de la production laminaire, ne montre aucune modification du support avant débitage. Pour le remontage n°53 (Figure 45), l’expression sur tranche d’éclat est à nuancer. S’il s’inscrit dans une logique de production sur tranche, le support débité n’est pas un éclat, mais provient d’un bloc de silex sénonien noir alluvial de forme sub-ovoïde à base plane, qui a été fracturé en deux, à partir d’une diaclase préexistante. Les deux fragments obtenus ont été débités, toutefois seul le lot n°53 #1 présente un taux de remontage important, avec notamment la séquence de production ainsi que le nucléus. L’initialisation du débitage a débuté par l’enlèvement d’un éclat laminaire cortical, sans préparation préalable. Du lot n°53 #2 ne subsistent que les éclats de mise en forme du plan de frappe. 117 Dans tous les cas, la production reste frontale. La préparation se limite, au maximum, à la mise en place d’une crête à un versant. Les techniques de détachement sont multiples : percussion directe au percuteur tendre, dur, et peut-être tendre minérale pour certains produits. Figure 43 : Pataud couche 8 - Remontages n°174 et 195 – débitages laminaires sur tranche d’éclat. 118 Figure 44 : Pataud couche 8 - Remontages n°194 et 196 – Éléments probablement issus du même bloc que les n°174 et 195. Noter la présence d’un possible pan revers sur le remontage n°194. 119 Figure 45 : Pataud couche 8 - Remontage n°53 #1 et #2 - Séquence d’éclats laminaires, de produits d’entretien et d’un nucléus – modalité « sur tranche d’éclat ». Le nucléus du remontage #2 est absent. 120 Figure 46 : Pataud couche 8 - Remontage n°66 – Séquence de trois lames / éclats laminaires produits sur tranche d’éclat. 3.3.2.3. La production d’éclats laminaires Vis-à-vis des modalités décrites auparavant (production de lames sur blocs, ou sur tranche), celle-ci est dominante. Des remontages présentés dans le Tableau 36, la majorité (N = 22) correspond à ce type de production (Figure 47, Figure 48 et Figure 49). Les blocs débités se caractérisent par une mise en forme très sommaire. Les produits sont obtenus par percussion directe au percuteur dur, suivant une modalité unipolaire, conceptuellement ancrée dans le débitage laminaire. L'objectif est d'obtenir des éclats parfois laminaires mais pas toujours, suffisamment épais (supérieur à 10 mm) pour permettre un débitage de lamelles, via une modalité de type grattoir à museau. Les éclats les plus minces, dont l'épaisseur ne permet pas l'obtention de lamelles, sont généralement laissés bruts, où dans certains cas transformés en burin sur troncature, comme nous le verrons plus loin. 121 Figure 47 : Pataud couche 8 - Remontage n°92 et 124. 122 Figure 48 : Pataud couche 8 - Remontage n°7 – Débitage d’éclats laminaires. 1 et 2 :préformes de nucléus -grattoir à museau ; 3 : burin repris en grattoir à museau. 123 Figure 49 : Pataud couche 8 - Nucléus - grattoirs à museau du remontage n°7. La numérotation et les descriptions sont identiques pour les deux figures. 3.3.3. Synthèse sur la production laminaire L'analyse des produits laminaires et de différents remontages a permis d’aborder la nature des productions laminaires. Les volumes à débiter sont peu investis. Le débitage commençant généralement par l’enlèvement de lames ou d’éclats corticaux. Les cas les plus investis présentent une mise en forme partielle, où le volume est en parti aménagé à l’aide d’une crête antérieure, située 124 majoritairement en partie distale des nucléus. Les flancs sont peu investis. Le recours aux néocrêtes est peu fréquent, et l’enlèvement d’éclats laminaires de flancs semble être préféré. La production des lames et des éclats laminaires se déroule de manière frontale, strictement unipolaire et non convergente. Si les talons des lames de forts gabarits sont généralement facettés, la majorité présente toutefois des talons lisses abrasés. Les lames sont détachées par percussion directe au percuteur tendre organique. L’usage de la percussion directe au percuteur de pierre dure intervient lors de phases d’initialisation et d’entretien, ou lors de phases de plein débitage, afin de produire des supports épais. L’abondance des remontages incluant des éclats laminaires ou à tendance laminaire, généralement repris en nucléus lamellaire de type grattoir à museau, associé à un très faible taux de lots incluant des lames et encore moins d’outils sur lames, indique l’existence de plusieurs chaînes opératoires dont toutes les étapes n’ont pas été réalisées in situ. La plupart des blocs apportés et taillés sur le site n'ont produit que très peu de lames. Ainsi, s’il ne faisait aucun doute que les lames et les outils sur lames en matériaux d’origines lointaines, n’avaient pas été produits sur place, il faut aussi considérer qu’une part probablement importante, mais difficilement quantifiable, de l’outillage sur lame, et dans une moindre mesure des lames brutes, en silex sénonien, donc en matière d’origine locale, rentre dans le même modèle économique. Il nous apparaît relativement clair, au vue des données exposées, que quelques lames brutes seulement, en silex sénonien, ont été produites sur place, probablement à des fins de consommation immédiate, faits qui mériteraient d’être confirmés par une étude tracéologique. Ainsi, nous pensons que la majorité des lames détachées par percussion directe au percuteur tendre, et plus précisément celles qui sont supports d’outils, non pas été taillées sur place. Seule la production d’éclats laminaires, détachés par percussion directe au percuteur dur, l’a été. Ces derniers ont été utilisés principalement pour produire des lamelles (cas des supports épais), ou utilisés pour la confection de burins, généralement sur troncature (cf. infra). Ainsi, une seule conception volumétrique s’exprime pour deux objectifs différents en terme de supports et dont la gestion économique est semble-t-il bien différente aussi. L'obtention de supports pour nucléus – grattoir à museau conditionne les activités de taille conduites sur le gisement. Ainsi, la production lamellaire tient une place dominante au sein des activités de taille réalisées sur place. 125 3.4. Etude des productions lamellaires La modalité dominante est celle de type grattoir à museau (Tableau 37). Au sein de cette catégorie, nous avons reconnu deux types de nucléus. Les grattoirs à museau stricto sensu (N = 81 - Figure 50 et Figure 51, et cinq pièces qui correspondent typologiquement à des burins (Figure 52), mais dont les objectifs et la gestion du débitage sont identiques aux précédents (cf. infra). Pour la suite, nous les avons traités ensemble. Hormis deux pièces en silex tertiaire, dont une reste à confirmer, l’ensemble de ces nucléus est en silex du Sénonien (74 % de Sénonien noir et 23 % de Sénonien blond - Tableau 37). Figure 50 : Pataud couche 8 - Grattoirs à museau – Tertiaire : n°1 / Sénonien : n°2-6 (Dessins P. Laurent in Brooks 1995). 126 Figure 51 : Pataud couche 8 - Grattoirs à museau (tous en Sénonien noir). 127 Figure 52 : Pataud couche 8 - Grattoirs à museau de type burin, silex Sénonien. 128 Deux autres modalités de productions lamellaires ont pu être reconnues, mais dans des effectifs faibles. Nous les présenterons rapidement, pour nous focaliser ensuite uniquement sur les grattoirs à museau. Un burin caréné en Maestrichtien du Bergeracois est présent (Figure 53 n°2). Les autres burins nucléiformes sont douteux, et peuvent correspondre à des burins, généralement sur troncature, ravivés de nombreuses fois, mais sans intention de produire de lamelles. Enfin trois nucléus pyramidaux (deux sur éclat et un sur bloc) ont produit de grandes lamelles (Figure 53 n°1 et 3). Ces nucléus ne correspondent pas à une réduction de nucléus à lames, il y a donc une disjonction avec la production laminaire. D’autre part, les produits recherchés, qui correspondent à de grandes lamelles de profil rectiligne à sub-rectiligne, ont probablement été utilisées brutes. L’examen de l’outillage a fait apparaître qu’aucun support de ce gabarit n’a été retouché sur le site. Nombre Grattoiràmuseau Grattoiràmuseau « typeburin » Grattoiràmuseau? Préformedegrattoir àmuseau Préformedegrattoir àmuseau? Burincaréné Burinnucléiforme? Nucléuspyramidal Total Sénonien noir 21 1 13 3 7 - 3 1 49 Sénonien noir alluvial 41 4 5 6 15 - 2 2 75 Sénonien noir à grain fin 1 - - - - - - - 1 Sénonien blond 13 - 5 1 5 - 1 - 25 Sénonien blond alluvial 3 - 4 1 5 - 1 - 14 Bergeracois - - - - - 1 1 - 2 Tertiaire 1 - - - - - - - 1 Tertiaire ? 1 - - - - - - - 1 Indéterminé (brûlé) - - 1 - - - - - 1 Total 81 5 28 11 32 1 8 3 169 Fréquence (%) Sénonien noir 12,4 0,6 7,7 1,8 4,1 - 1,8 0,6 29,0 Sénonien noir alluvial 24,3 2,4 3,0 3,6 8,9 - 1,2 1,2 44,4 Sénonien noir à grain fin 0,6 - - - - - - - 0,6 Sénonien blond 7,7 - 3,0 0,6 3,0 - 0,6 - 14,8 Sénonien blond alluvial 1,8 - 2,4 0,6 3,0 - 0,6 - 8,3 Bergeracois - - - - - 0,6 0,6 - 1,2 Tertiaire 0,6 - - - - - - - 0,6 Tertiaire ? 0,6 - - - - - - - 0,6 Indéterminé (brûlé) - - 0,6 - - - - - 0,6 Total 47,9 3,0 16,6 6,5 18,9 0,6 4,7 1,8 100 Tableau 37 : Pataud couche 8 - Inventaire et fréquence (%) des différentes catégories de nucléus à lamelles par matière première. 129 Figure 53 : Pataud couche 8 - Nucléus pyramidaux sur bloc (n°1 et 3 – Sénonien noir) et burin caréné (n°2 – Bergeracois) (Dessins P. Laurent in Brooks 1995). 3.4.1. Objectifs et intentions du débitage lamellaire 3.4.1.1. Le choix des supports Les supports sélectionnés (Tableau 38) correspondent principalement à des éclats (70 %) et des éclats laminaires (14 %). Onze lames, trois nodules, trois fragments diaclasiques et une plaquette viennent compléter le corpus. Si en apparence cette sélection ne semble pas hiérarchisée, des critères précis régissent et conditionnent le choix des produits à débiter. Le principal paramètre est celui de l'épaisseur. La majorité des supports sélectionnés présente une épaisseur située entre 10 et 30 mm (Tableau 39 ; Figure 54 et Figure 56), avec une moyenne de 17, 6 mm et une médiane de 17 mm. La largeur des supports semble aussi jouer en faveur de leur sélection, puisque tous les nucléus, ou préforme de nucléus, ont une largeur supérieure à 15 mm (Figure 54 et Figure 55). 130 Nombre Lame Eclat laminaire Eclat Plaquette Nodule Fragment diaclasique Indéterminé Total Sénonien noir 5 6 31 - 2 - 2 46 Sénonien noir alluvial 3 5 59 1 1 2 - 71 Sénonien blond 3 5 13 - - - 3 24 Sénonien blond alluvial - 6 6 - - 1 - 13 Tertiaire - - 1 - - - - 1 Tertiaire ? - 1 - - - - - 1 Indéterminé (brûlé) - - 1 - - - - 1 Total 11 23 111 1 3 3 5 157 Fréquence (%) Sénonien noir 3,1 3,8 19,7 - 1,3 - 1,3 29,3 Sénonien noir alluvial 1,9 3,1 37,6 0,6 0,6 1,3 - 45,2 Sénonien blond 1,9 3,2 8,3 - - - 1,9 15,3 Sénonien blond alluvial - 3,8 3,8 - - 0,6 - 8,3 Tertiaire - - 0,6 - - - - 0,6 Tertiaire ? - 0,6 - - - - - 0,6 Indéterminé (brûlé) - - 0,6 - - - - 0,6 Total 6,9 14,6 70,7 0,6 1,9 1,9 3,2 100 Tableau 38 : Pataud couche 8 - Décompte et fréquence (%) des différents supports sélectionnés, par matière première, pour une production lamellaire de type grattoir museau. Numéro d’ordre Classe longueur Nombre Classe de largeur Nombre Classe d’épaisseur Nombre 1 <20 1 15-20 4 5-10 8 2 20-30 18 20-25 16 10-15 35 3 30-40 47 25-30 17 15-20 40 4 40-50 38 30-35 28 20-25 25 5 50-60 18 35-40 34 25-30 21 6 60-70 5 40-45 19 - - 7 70-80 2 45-50 6 - - 8 - - 50-55 1 - - 9 - - 55-60 2 - - 10 - - 60-65 2 - Tableau 39 : Pataud couche 8 - Nombre de supports par classe de taille (longueur, largeur, épaisseur) des nucléus à lamelles type grattoir à museau (le numéro d’ordre renvoie à la figure suivante). 131 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Classe de taille Effectif Longueur Largeur Epaisseur Figure 54 : Pataud couche 8 - Histogrammes des classes de dimensiond (cf. tableau précédant) des nucléus à lamelles type grattoir à museau. 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 0 10 20 30 40 50 60 70 Largeur (mm) Longueur(mm) Figure 55 : Pataud couche 8 - Dimensions (longueur x largeur en mm) des nucléus à lamelles type grattoir à museau. 132 0 5 10 15 20 25 30 35 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 Largeur (mm) Epaisseur(mm) Figure 56 : Pataud couche 8 - Dimensions (épaisseur x largeur en mm) des nucléus à lamelle type grattoir à museau. 3.4.1.2. Structure volumétrique et mise en forme des nucléus – grattoir à museau La face inférieure des éclats supports est utilisée comme plan de frappe, et laissée brute. La surface de débitage est donc implantée en face supérieure. L'analyse des préformes et des pièces débitées montre une série de gestes visant à préparer cette dernière pour la phase de production lamellaire. La première préparation concerne la mise en place des flancs (Figure 58). Le droit, fait d'encoches successives dont la corniche sera régularisée, est implanté de manière à créer une angulation prononcée avec la surface de débitage. L’aménagement de celui de gauche est moins marqué et se limite généralement à une simple régularisation du bord. Ainsi, on passe plus ou moins insensiblement de la surface de débitage au flanc droit, avec une inflexion peu marquée. La préparation de la surface de débitage (Figure 58) consiste en une succession de micro enlèvements sur le flanc gauche servant à décaler les nervures guides vers la surface de débitage, permettant ainsi la production de lamelles déjetées vers la gauche voire légèrement torses dans le sens anti-horaire. Ces dernières ont pour but de mettre en place une nervure courbe, convexe depuis le centre de la surface de débitage vers le flanc droit. 133 À l’intersection flanc droit – surface de débitage une ou des lamelles rectilignes sont extraites afin d’implanter une nervure guide rectiligne. Figure 57 : Pataud couche 8 - Profils des fronts de nucléus grattoirs à museau. En Pointillé position et extension de la surface de débitage (vue depuis la face supérieure) ; Bur : Grattoir à museau de type burin ; GM 2x : Grattoir à museau double. 134 Figure 58 : Pataud couche 8 –Schéma de production de type grattoir à museau. Ainsi, la morphologie de la surface de débitage obtenue est asymétrique, et s’inscrit globalement dans un triangle rectangle. Le plan de frappe et le flanc droit marquent un angle droit, et le flanc gauche correspond à l’hypoténuse. L’extension de la surface de débitage est généralement décalée vers la droite (Figure 57). Dans quatre cas, celle-ci est décalée vers la gauche (Figure 57), mais l’objectif reste identique. Enfin, dans les cas d’exhaustion notamment, et de ravivage latéraux successifs, voire intensif, la surface de débitage devient plus centrale. L’angulation surface de débitage - flanc gauche s’accentue (Figure 57), mais le rôle joué par chacun des flancs ne change pas (droit rectiligne – gauche convexe). 3.4.1.3. Déroulement de la phase d'exploitation des nucléus et de production lamellaire La production des lamelles est ensuite rythmée par l'extraction de deux enlèvements prédéterminants (rectiligne à droite, convexe à gauche) avant l'extraction du ou des produits 135 recherchés, à savoir des lamelles asymétriques dont le bord gauche est convexe, et le droit rectiligne (Figure 58). Figure 59 : Pataud couche 8 - Remontage n°207 - nucléus grattoir à museau et production lamellaire - dont une lamelle est retouchée (à droite de l’échelle – cf. figure suivante n°4) - et éclats de recintrage associés. La correction des accidents, ainsi que la rectification du cintre et de la carène, se font par des éclats de recintrage latéraux ou frontaux latéraux, généralement détachés par percussion directe au percuteur dur (visible sur la Figure 59). Quelques cas de mise en place de néocrête axiale (implantée généralement en partie distale de la surface de débitage) pour la correction du cintre ont aussi pu être observés, mais restent relativement anecdotiques. 3.4.1.4. Morphologie des lamelles retouchées La série se compose de 41 lamelles retouchées (Tableau 40 et Figure 60), quasiment toutes en Sénonien noir, ce qui est en accord avec la fréquence relativement élevée des grattoirs à museau réalisés dans cette matière (Tableau 37). La seule pièce en silex allochtone est en silex Grain de mil. L’absence du nucléus et des produits d’entretien de ce dernier suggèrent une importation de cette lamelle. Enfin, aucune pièce en silex Tertiaire n’a été reconnue, de façon certaine. 136 Un peu plus d’un quart d’entre elles sont entières (Tableau 40), la majorité étant des fragments proximaux. L’étude des talons a confirmé un détachement par percussion directe au percuteur tendre pour certaines d’entre elles. Toutefois quelques-unes présentent des talons punctiformes avec un resserrement des rides autour d’un bulbe légèrement saillant, deux présentent un esquillement bulbaire, et une la présence d’un double bulbe. Ces différents signes suggèrent que l’utilisation d’un percuteur minéral tendre pour le détachement de ces lamelles reste possible. Toutefois, la taille restreinte à la fois des talons et des bulbes (surface à peine supérieure au mm2 ) nous empêche de conclure définitivement sur son emploi et (si cette hypothèse est confirmée) sur la part respective de chacune de ces techniques. Sénonien Sénonien Sénonien Grainde Total Entière 12 2 - - 14 Proximal 14 2 1 - 17 Mésial 4 1 - 1 6 Distal 3 1 - - 4 Total 33 6 1 1 41 Tableau 40 : Pataud couche 8 - Décompte des lamelles retouchées par matière première. Les lamelles sélectionnées en vue d’être retouchées présentent les caractéristiques reconnues sur les nucléus : association d’un bord rectiligne (droit) et convexe (gauche). D’autre part, leurs dimensions rentrent dans la variabilité dimensionnelle des négatifs mesurés sur les nucléus grattoirs à museau (Figure 61). La longueur moyenne est de 14 mm, pour la largeur 3,7 mm et 1,1 mm pour l’épaisseur (Tableau 41 et Figure 62). 137 Figure 60 : Pataud couche 8 - Lamelles retouchées. Dimensions (mm) Minimum Maximum Moyenne Médiane Longueur (entières) 11 20,5 14,0 13,5 Largeur 3 7 3,7 3,6 Epaisseur 0,6 1,8 1,1 1 Tableau 41 : Pataud couche 8 - Dimensions (en mm) des lamelles retouchées. 138 Comparaison des classes de longueur 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 8-8,9 9-9,910-10,911-11,912-12,913-13,914-14,915-15,916-16,917-17,918-18,919-19,920-20,921-21,922-22,923-23,924-24,925-25,9 lamelle GM a Comparaison des classes de largeur 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 1,6-2 2,1-2,5 2,6-3 3,1-3,5 3,6-4 4,1-4,5 4,6-5 5,1-5,5 5,6-6 6,1-6,5 6,6-7 lamelle GM b Figure 61 : Pataud couche 8 - Comparaison de classe de longueur entre les lamelles retouchées et les négatifs mesurés sur les grattoirs à museau ; a – classe de longueur (seulement avec les lamelles entières) ; b – classe de largeur. Certaines présentent une torsion plus ou moins accentuée dans le sens anti-horaire, tandis que d’autres sont seulement courbes à sub-rectilignes (Tableau 42). La torsion se situe en partie proximale des supports. Ce caractère ne semble pas avoir joué sur la sélection des lamelles. Profil Nombre Fréquence (%) Courbe à sub-rectiligne 6 14,6 Légère torsion anti-horaire proximale 24 58,5 Torse anti-horaire 11 26,8 Total 41 100 Tableau 42 : Pataud couche 8 - Décompte et fréquence (%) des profils des lamelles retouchées. 139 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 0 1 2 3 4 5 6 7 8 largeur (mm) Longueur(mm) a 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 5,5 6 6,5 7 7,5 0 0,5 1 1,5 2 épaisseur (mm) largeur(mm) b Figure 62 : Pataud couche 8 - Dimensions des lamelles retouchées ; a – longueur x largeur (en mm) ; largeur x épaisseur (en mm). Différents types de retouche ont pu être observés (Tableau 43), avec diverses combinaisons. La transformation principale des supports reste une retouche inverse sur le bord droit opposé à un bord gauche convexe laissé brut (environ 70 % des lamelles retouchées – Tableau 43). Cette retouche inverse semble servir un seul objectif, et ce, quelle que soit sa localisation ou son intensité : renforcer l’aspect rectiligne du bord droit. La retouche sur le bord gauche n’intervient que pour régulariser sa délinéation. Ainsi, la délinéation régulière et convexe du bord gauche semble un critère majeur dans la sélection des supports, ou du moins plus important que la rectitude du bord droit. Une utilisation de ces pièces emmanchées 140 latéralement apparaît possible, et semble renforcer par l’association d’une retouche inverse sur le bord droit (augmentation de la longueur d’adhésion au support). La question de leur utilisation en tant qu’élément composite de pointe de projectile reste posée. Aucune fracture pouvant signaler une utilisation comme telle n’a pu être observée (e. g. O’Farrell 2005). Nombre Sénonien noir Sénonien blond Sénonien grain fin Grain de mil Total Directe droit 2 2 - - 4 Directe droit -inverse gauche - 1 - - 1 Directe gauche - - - 1 1 Inverse droit – directe gauche 3 - - - 3 Inverse droit 25 3 1 - 29 Inverse droit et gauche 3 - - - 3 Total 33 6 1 1 41 Fréquence (%) Directe droit 4,9 4,9 - - 9,8 Directe droit -inverse gauche - 2,4 - - 2,4 Directe gauche - - - 2,4 2,4 Inverse droit - directe gauche 7,3 - - - 7,3 Inverse droit 61,0 7,3 2,4 - 70,7 Inverse droit et gauche 7,3 - - - 7,3 Total 80,5 14,6 2,4 2,4 100,0 Tableau 43 : Pataud couche 8 - Décompte et fréquence (%) des types de retouche. Ces lamelles retouchées sont différentes à la fois des lamelles Dufour sous-type Dufour et sous-type Roc-de-Combe. Nous proposons de les dénommer lamelles Dufour sous-type Pataud, dont la définition est la suivante : lamelle asymétrique présentant un bord gauche convexe et un bord droit rectiligne, de profil courbe à légèrement torse dans le sens antihoraire et présentant majoritairement une retouche inverse sur le bord droit opposé à un tranchant gauche laissé brut. 3.4.2. Une modalité proche de celles (qui sont) mises en œuvre à l'Aurignacien récent … 3.4.2.1. L'asymétrie à l'origine de la torsion ? Les lamelles produites possèdent dans certains cas un début de torsion dans leur partie proximale. Cette torsion intervient lorsque le point de percussion est décalé par rapport à la nervure guide principale. C’est cette caractéristique qui sera exploitée ultérieurement lors de la phase récente à museau – busqué. 141 3.4.2.2. Des formes qui annoncent la modalité de type burin busqué/caréné Quelques pièces montrent une exploitation sur tranche, type burin (N = 5 ; Tableau 37 et Figure 52). Le schéma opératoire est toutefois identique à celui des museaux précédemment décris. On pourrait voir dans cette modalité une forme de passage annonçant les productions de type burin busqué. 3.4.3. … mais aussi de l'Aurignacien ancien Les agencements de production et l'aspect encore légèrement centré n'est pas sans rappeler la modalité de type grattoir caréné (voir notamment Le Brun-Ricalens 2005). D’autre part, tout comme à l’Aurignacien ancien, le schéma de production dominant est de type grattoir. 3.5. Analyse de l’outillage 3.5.1. Pièces exclues de l’outillage Comme nous l’avons vu plus haut, une partie des pièces a subi des altérations taphonomiques, induisant la « création » de pseudo-outils. Ceci se marque dans les décomptes précédents (Brooks 1995 ; Chiotti 1999) par un nombre relativement important d’encoches et de denticulés. Nous avons donc exclu une large part de ceux-ci et ils ne se retrouvent donc pas dans notre décompte de l’outillage. D’autre part, si une partie des vestiges classés dans les denticulés est bien anthropique, leur analyse a montré qu’il s’agissait, non pas d’outils stricto sensu, mais de préformes de nucléus à lamelles. 3.5.2. Composition de l’outillage L’outillage se compose pour une large part de burins (environ 25 % - Tableau 44 et Figure 64), principalement sur troncature (près de 50 % des burins - Tableau 45), suivis des lames retouchées et des grattoirs (Figure 63). Les outils sont majoritairement confectionnés sur des lames (Tableau 46), exception faite des burins, et dans une moindre mesure des grattoirs, dont le choix des supports est plus varié (lames, éclats laminaires, éclats, majoritairement bruts mais avec une proportion de produits corticaux plus élevée). Concernant les burins, de nombreux remontages intégrant des chutes de burins ont pu être réalisés. Il en ressort que d’une part, ces outils ont subi de nombreux ravivages successifs, et d’autre part que l’initialisation de la retouche se faisait par la mise en place d’une troncature. Ainsi, nombreux sont les burins dièdres qui, à l’origine, sont des burins sur troncature. 142 Outils – Nombre Sénoniennoiralluvial Sénoniennoir Sénoniennoiràgrainfin Sénonienblondalluvial Sénonienblond Bergeracois Bergeracois? Graindemil Argilite Infralias Infralias? Turoniensupérieur Indéterminégris IndéterminéJurassique Indéterminéporcelainé Indéterminéàpointsrouge IndéterminéJurassique/Tertiaire Total Grattoir 6 7 1 1 - 3 - 1 1 - 1 - - 1 1 - 1 24 Grattoir ? 1 - - 1 - - - 1 - - - - - - - - - 3 Grattoir – burin - 4 - - 1 - - 1 - - - - - - - - - 6 Grattoir ? – burin 1 - - - - - - - - - - - - - - - - 1 Grattoir - troncature ? - 1 - - - - - - - - - - - - - - - 1 Burin 14 29 2 5 11 2 - 1 - 1 - 1 1 - - 1 - 68 Burin ? 2 2 - - 2 - - - - - - - - - - - - 6 Lame un bord retouché 3 13 - 1 6 1 - 3 - - - - - - - - - 27 Lame un bord retouché ? 1 3 - 1 1 - - - - - - - - - - - - 6 Lame deux bords retouchés - 3 - - 2 1 1 1 - - - - - - - - - 8 Lame appointée (2b ret) - 1 - - - - - - - - - - - - - - - 1 Lame aurignacienne (2b ret) - 1 - - - - - - - - - - - - - - - 1 Troncature 2 2 - - 1 - - - - - - - - - - - - 5 Troncature ? 1 4 - - - - - - - - - - - - - - - 5 Perçoir ? 1 - - - - - - - - - - - - - - - - 1 Encoche ? 2 - - 1 - - - - - - - - - - - - - 3 Eclat un bord retouché 1 - - - - - - - - - - - - - - - - 1 Pièce esquillée ? - - - - 1 - - - - - - - - - - - - 1 Pièce esquillée burinante - 1 - - - - - - - - - - - - - - - 1 Pièce esquillée burinante ? 1 3 - - - - - - - - - - - - - - - 4 Indéterminé – outils 21 16 1 4 9 - - - - - - - - - - - - 51 Quelques retouches ? - - - - - - - - - 1 - - - - - - - 1 Dufour type Pataud - 33 1 - 6 - - 1 - - - - - - - - - 41 lamelle rect tronc prox - 1 - - - - - - - - - - - - - - - 1 lamelle torse tronc dist - 1 - - - - - - - - - - - - - - - 1 Total 57 125 5 14 40 7 1 9 1 2 1 1 1 1 1 1 1 268 Outils - Fréquence (%) Grattoir 2,2 2,6 0,4 0,4 - 1,1 - 0,4 0,4 - 0,4 - - 0,4 0,4 - 0,4 9,0 Grattoir ? 0,4 - - 0,4 - - - 0,4 - - - - - - - - - 1,1 Grattoir – burin - 1,5 - - 0,4 - - 0,4 - - - - - - - - - 2,2 Grattoir ? – burin 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 Grattoir - troncature ? - 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 Burin 5,2 10,8 0,7 1,9 4,1 0,7 - 0,4 - 0,4 - 0,4 0,4 - - 0,4 - 25,4 Burin ? 0,7 0,7 - - 0,7 - - - - - - - - - - - - 2,2 Lame un bord retouché 1,1 4,9 - 0,4 2,2 0,4 - 1,1 - - - - - - - - - 10,1 Lame un bord retouché ? 0,4 1,1 - 0,4 0,4 - - - - - - - - - - - - 2,2 Lame deux bords retouchés - 1,1 - - 0,7 0,4 0,4 0,4 - - - - - - - - - 3,0 Lame appointée (2b ret) - 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 Lame aurignacienne (2b ret) - 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 Troncature 0,7 0,7 - - 0,4 - - - - - - - - - - - - 1,9 Troncature ? 0,4 1,5 - - - - - - - - - - - - - - - 1,9 Perçoir ? 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 Encoche ? 0,7 - - 0,4 - - - - - - - - - - - - - 1,1 Eclat un bord retouché 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 Pièce esquillée ? - - - - 0,4 - - - - - - - - - - - - 0,4 Pièce esquillée burinante - 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 Pièce esquillée burinante ? 0,4 1,1 - - - - - - - - - - - - - - - 1,5 Indéterminé – outils 7,8 6,0 0,4 1,5 3,4 - - - - - - - - - - - - 19,0 Quelques retouches ? - - - - - - - - - 0,4 - - - - - - - 0,4 Dufour type Pataud - 12,3 0,4 - 2,2 - - 0,4 - - - - - - - - - 15,3 lamelle rect tronc prox - 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 lamelle torse tronc dist - 0,4 - - - - - - - - - - - - - - - 0,4 Total 21,3 46,6 1,9 5,2 14,9 2,6 0,4 3,4 0,4 0,7 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 100 Tableau 44 : Pataud couche 8 - Décompte et fréquence (%) des différents type d’outils, simplifié, par matières premières. 143 Burin - nombre Sénoniennoir Sénoniennoiralluvial Sénoniennoiràgrainfin Sénonienblond Sénonienblondalluvial Bergeracois Infralias Graindemil Turoniensupérieur Indéterminégris Indéterminéàpointsrouges Total Burin sur troncatrure 16 7 2 7 3 1 - - 1 1 1 39 sur cassure 4 2 - 1 1 - - - - - - 8 sur pan naturel - 1 - - - - - - - - - 1 dièdre 2 1 - 2 - - - - - - - 5 dièdre ? 1 - - - - - - - - - - 1 double sur troncature 3 - - - - - 1 - - - - 4 double sur troncature + dièdre - - - - - - - 1 - - - 1 indéterminé 3 3 - 1 1 1 - - - - - 9 Somme burin 29 14 2 11 5 2 1 1 1 1 1 68 Burin ? sur troncatrure - 1 - - - - - - - - - 1 sur cassure - - - 1 - - - - - - - 1 indéterminé 2 1 - 1 - - - - - - - 4 Somme burin ? 2 2 - 2 - - - - - - - 6 Grattoir - burin sur troncatrure 1 1 - - - - - 1 - - - 3 sur cassure - - - 1 - - - - - - - 1 dièdre 1 - - - - - - - - - - 1 dièdre (ex troncature) 2 - - - - - - - - - - 2 Somme grattoir-burin 4 1 - 1 - - - 1 - - - 7 Total 35 17 2 14 5 2 1 2 1 1 1 81 Somme burin sur troncatrure 20 9 2 7 3 1 1 1 1 1 1 47 sur cassure 4 2 - 3 1 - - - - - - 10 sur pan naturel - 1 - - - - - - - - - 1 dièdre 6 1 - 2 - - - - - - - 9 sur troncature + dièdre - - - - - - - 1 - - - 1 indéterminé 5 4 - 2 1 1 - - - - - 13 total 35 17 2 14 5 2 1 2 1 1 1 81 Burin - fréquence (%) Burin sur troncatrure 19,8 8,6 2,5 8,6 3,7 1,2 - - 1,2 1,2 1,2 48,1 sur cassure 4,9 2,5 - 1,2 1,2 - - - - - - 9,9 sur pan naturel 0,0 1,2 - - - - - - - - - 1,2 dièdre 2,5 1,2 - 2,5 - - - - - - - 6,2 dièdre ? 1,2 - - - - - - - - - - 1,2 double sur troncature 3,7 - - - - - 1,2 - - - - 4,9 double sur troncature + dièdre - - - - - - - 1,2 - - - 1,2 indéterminé 3,7 3,7 - 1,2 1,2 1,2 - - - - - 11,1 Somme burin 35,8 17,3 2,5 13,6 6,2 2,5 1,2 1,2 1,2 1,2 1,2 84,0 Burin ? sur troncatrure - 1,2 - - - - - - - - - 1,2 sur cassure - - - 1,2 - - - - - - - 1,2 indéterminé 2,5 1,2 - 1,2 - - - - - - - 4,9 Somme burin ? 2,5 2,5 - 2,5 - - - - - - - 7,4 Grattoir - burin sur troncatrure 1,2 1,2 - - - - - 1,2 - - - 3,7 sur cassure - - - 1,2 - - - - - - - 1,2 dièdre 1,2 - - - - - - - - - - 1,2 dièdre (ex troncature) 2,5 - - - - - - - - - - 2,5 Somme grattoir-burin 4,9 1,2 - 1,2 - - - 1,2 - - - 8,6 Total 43,2 21,0 2,5 17,3 6,2 2,5 1,2 2,5 1,2 1,2 1,2 100 Somme burin sur troncatrure 24,7 11,1 2,5 8,6 3,7 1,2 1,2 1,2 1,2 1,2 1,2 58,0 sur cassure 4,9 2,5 - 3,7 1,2 - - - - - - 12,3 sur pan naturel - 1,2 - - - - - - - - - 1,2 dièdre 7,4 1,2 - 2,5 - - - - - - - 11,1 sur troncature + dièdre - - - - - - - 1,2 - - - 1,2 indéterminé 6,2 4,9 - 2,5 1,2 1,2 - - - - - 16,0 total 43,2 21,0 2,5 17,3 6,2 2,5 1,2 2,5 1,2 1,2 1,2 100 Tableau 45 : Pataud couche 8 - Décompte et fréquence (%) des différents type de burin. 144 Figure 63 : Pataud couche 8 - Grattoirs (n°1-3, 7), grattoir-burin (n°4 et 5) et lame tronquée (n°6) du niveau 8 – Sénonien noir : n°1, 2, 6, 7 / Sénonien blond : n° 4 / Grain de mil : n°5 / Tertiaire Massif Central ? : n°3 – (Dessins P. Laurent in Brooks 1995). 145 Figure 64 : Pataud couche 8 - Burins remontés avec leur chute, Sénonien (les n°11, 12 et 13 remontent entre eux). 146 Outils Support Nb % Dont brut % brut Grattoir Lame 20 8,9 11 55,0   Lame cdb ? 1 0,4 1 100,0   Eclat laminaire 1 0,4 - -   Eclat 2 0,9 - Grattoir ? Lame 2 0,9 1 50,0   Eclat laminaire 1 0,4 - Grattoir-burin Lame 5 2,2 2 40,0   Indéterminé 1 0,4 1 100,0 Grattoir ? - burin Lame 1 0,4 - Grattoir - troncature ? Lame 1 0,4 1 100,0 Burin Lame 41 18,2 29 70,7   Eclat laminaire 11 4,9 6 54,5   Eclat 16 7,1 4 25,0 Burin ? Lame 1 0,4 1 100,0   Eclat laminaire 1 0,4 - -   Eclat 4 1,8 2 50,0 Lame 1 bord ret Lame 23 10,2 18 78,3   Eclat laminaire 4 1,8 2 50,0 Lame 1 bord ret ? Lame 5 2,2 3 60,0   Eclat laminaire 1 0,4 1 100,0 Lame 2 bords ret Lame 7 3,1 7 100,0   Eclat laminaire 1 0,4 1 100,0 Lame appointée 2b ret Lame 1 0,4 1 100,0 Lame auri 2b ret Lame 1 0,4 1 100,0 Troncature Lame 4 1,8 3 75,0   Eclat 1 0,4 - Troncature ? Lame 3 1,3 3 100,0   Eclat laminaire 1 0,4 - -   Eclat 1 0,4 - Perçoir ? Eclat 1 0,4 - Encoche ? Eclat 3 1,3 - Eclat 1 bord ret Eclat 1 0,4 - Pièce esquillée ? Eclat laminaire 1 0,4 1 100,0 Pièce esquillée burinante Lame 1 0,4 1 100,0 Pièce esquillée burinante ? Lame 3 1,3 3 100,0   Eclat laminaire 1 0,4 - Indéterminé - outils Lame 11 4,9 7 63,6   Eclat laminaire 4 1,8 1 25,0   Eclat 30 13,3 14 46,7   Indéterminé 6 2,7 5 83,3 Quelques retouches ? Eclat laminaire 1 0,4 1 100,0 Total   225 100 132 58,7 Tableau 46 : Pataud couche 8 - Décompte et fréquence (%) de l’outillage (hors lamellaire) en fonction du type de support. 147 3.6.3. Gestion des matières premières Les matières allochtones ont principalement été utilisées pour la réalisation de grattoirs, de burins et de lames retouchées. La fréquence de ces matériaux demeure faible (environ 10 % de l’outillage – Tableau 44), et dominée par les silex du Bergeracois et le Grain de mil (environ 6,5 %). Les matériaux locaux ont été utilisés de manière plus intensive, pour réaliser un panel d’outils plus diversifié. Au sein de ce groupe, le Sénonien noir domine l’effectif (près de 70% des outils – Tableau 44), suivi du Sénonien blond (environ 20 %). 3.7. Économie des matières premières Trois types de gestion ont pu être observés : - Un débitage sur place des matières issues de l'environnement proche (production d’éclats laminaires, d’éclats et de lamelles) ; - Une importation de lames en silex locaux ; - Et une importation de silex allochtones (sous la forme de lames retouchées ou non). 3.7.1. Gestion des matières locales (l'apport des remontages) 3.7.1.1. Apport et débitage sur place de silex alluviaux locaux en vue d'une consommation immédiate … Les silex débités sur place correspondent à des silex sénoniens (noirs ou blonds), récoltés dans des alluvions, probablement dans celle de la Vézère. Ces blocs ont été apportés sur le site, sans que tous aient été testés. Ainsi se trouvent associés des matériaux dont la qualité peut fortement varier (du silex à grain fin, aux blocs saccharoïdes – remontage de débris de blocs testés in situ). Ces blocs sont presque toujours investis de la même manière. La mise en forme est sommaire à inexistante. Le peu de mise en forme consiste généralement dans l'enlèvement d'un éclat épais délimitant le plan de frappe. Dans les cas plus investis, les blocs présentent la mise en place d'une crête antérieure, partielle à complète, à un ou deux versants. L'extraction des produits se fait suivant une modalité unipolaire. L'emploi de la percussion directe au percuteur dur est dominante, bien que quelques lames aient été détachées par percussion directe au percuteur tendre. L'objectif est l'obtention de produits dont l'allongement est variable d'un bloc à l'autre, mais dont l'épaisseur est supérieure ou égale à 10 mm. La majorité des éclats ou éclats laminaires présentant une épaisseur supérieure à 10 mm, et ne présentant pas de défauts 148 rédhibitoires pour la conduite du débitage lamellaire, ont été sélectionnés comme support de nucléus à lamelles. 3.7.1.2. … et différée dans le temps et dans l'espace ? Les séquences qui ont pu être remontées montrent des manques dans les séquences de débitage. Certains éclats épais, provenant généralement de la phase d'initialisation du débitage (éclat corticaux), n’ont pas été retrouvés, que ce soit au sein des éclats bruts ou des nucléus à lamelles. Deux hypothèses peuvent être formulées. Soit les blocs ont été testés sur la (les) zone(s) d’acquisition de matière première, ou dans un autre secteur du site, et les entames / éclats tests non pas été rapportés sur l’espace fouillé. Soit ces éclats, supports potentiels de nucléus à lamelles, ont été emportés en vue d'une consommation différée dans le temps et dans l'espace. 3.7.2. Importation d'outils et de supports d'outils en silex locaux La majorité des outils en silex locaux sont confectionnés sur des lames. Celles-ci montrent un soin particulier dans leur détachement, notamment l’usage de percussion directe au percuteur tendre et un facettage du talon. L’examen des nucléus et des remontages montre que l’usage de ces techniques est relativement anecdotique (usage majoritaire de la percussion directe au percuteur de pierre et majorité de plans de frappe lisses). D’autre part, certaines lames présentent un gabarit important (grandes lames), ou des caractéristiques lithologiques remarquables. Ces deux critères n’ont pu être retrouvés sur les nucléus abandonnés sur place, ce qui semble confirmer un débitage à l’extérieur du site. Rares sont les lames détachées au percuteur tendre et montrant une préparation soignée du talon, qui ont pu être intégrées au sein de remontages. Les quelques cas correspondent à de petites séquences laminaires, ou seules deux ou trois lames, rarement plus, ont pu être remontées. Leur présence pourrait être expliquée soit par une importation de fagots de lames, soit par un déplacements des nucléus à lames. Il est difficile, voire hasardeux, d’établir un décompte précis du nombre de pièces apportées. Enfin, il convient de s’interroger sur l’origine de ces silex sénoniens. Si une provenance strictement locale (limitée aux terrasses de la Vézère) ne semble pas toujours devoir être retenue (cas des lames à cortex frais, non alluvial), nous ne sommes pas en mesure de proposer un ou des lieux d’acquisition plus précis. Une étude lithologique détaillée des formations sénoniennes et de leur contenu nous apparaît primordiale. 149 L’homogénéité de ces matériaux, couplée à une distribution géographique large, a une incidence sur la reconnaissance des stratégies de gestion des matières premières. 3.7.3. Gestion des matériaux allochtones Les caractères macroscopiques hautement variables, ainsi que leur rareté, permettent de mettre en évidence une très grande mobilité de ces pièces (probablement sous-estimée pour les matières premières plus homogènes). On constate en effet que certains de ces types de matériaux sont présents sous la forme de lames régulières, débitées au percuteur tendre et présentant une préparation soignée du talon. La présence d’éclats de retouche et de chutes de burins, dont certains ont pu être remontés, montre qu’une partie a été au moins ravivée sur le site avant d’être abandonnée, mais aussi que certains outils ont été emportés. Ainsi, certaines chutes de burin en Grain de mil sont bien présentes, tandis que les burins sont absents. Ce site doit donc être considéré comme un espace ouvert et en mouvement, et non comme un espace clos et figé. Enfin, l’absence d'autres produits de la chaîne opératoire laminaire permet d'inférer que leur débitage n'a pas été conduit sur place. 3.8. Synthèse de l’étude du niveau 8 Rappelons l’importance de ce niveau, intermédiaire entre deux moments classiques de l’Aurignacien : Aurignacien ancien à grattoir caréné et Aurignacien récent à grattoirs à museau et burins busqués. Nous nous bornerons ici à en faire une synthèse en insistant particulièrement sur les modalités de la production lamellaire, caractéristique de ce moment particulier. 3.8.1. La production lamellaire au centre des intentions de débitage Comme nous l’avons vu, la production lamellaire tient une place privilégiée au sein des activités de taille réalisées sur place. L’obtention de supports lamellaires se fait aux dépens de grattoirs à museau, qu’il conviendrait de dénommer grattoir à museau asymétrique, vocable renvoyant tant à l’intention de débitage qu’à l’aspect de la surface de débitage. Bien qu’étant un terme d’attente, il nous est apparu nécessaire de trouver une expression permettant de distinguer ces derniers des grattoirs à museau de la phase récente, dont les objectifs sont la production de lamelles torses dans le sens anti-horaire. 150 L’objectif est ici d’obtenir des lamelles asymétriques, de profil sub-rectiligne, plus rarement torses dans le sens anti-horaire, dont le bord gauche est convexe, et généralement laissé brut, et le brod droit rectiligne, lequel présente majoritairement une retouche inverse. Ces lamelles étant différentes des lamelles de l’Aurignacien ancien et récent, nous avons décidé de les dénommer lamelle Dufour sous-type Pataud, ou plus simplement lamelle Pataud. Leur statut de pointe de projectile composite s’il n’est pas totalement validé reste hautement probable. En effet, la place centrale de cet objectif, couplé à l’absence d’armature en os ou bois de cervidé, semble renforcer leur statut d’objets dévolus pour l’équipement de chasse. S’il y a bien une disjonction entre les productions laminaires et lamellaires, la véritable césure est peut-être ici à rechercher en amont. 3.8.2. La production laminaire La production laminaire montre une relative stabilité, et ne diffère pas de ce qui a pu être décrit pour les phases anciennes et récentes. L’objectif et les intentions sont l’obtention de lames souvent longues et larges, d’épaisseur variable mais généralement élevée (les produits étroits et minces ne sont généralement pas retouchés, mais peuvent tout à fait avoir été utilisés bruts). La courbure est variable, des lames courbes tout autant que sub-rectilignes ont été utilisées pour confectionner des outils. L’ensemble de ces produits est obtenu depuis des nucléus à lames montrant un investissement technique faible, peu préparé, dont le débitage est frontal, strictement unipolaire et globalement non convergent. Une des particularités de ce niveau est la disjonction entre, d’une part la production de lames supports d’outils et, d’autre part, d’éclats laminaires supports de nucléus à lamelles. Les premières n’ont pas été réalisées sur place, mais importées, contrairement aux secondes. Fait intéressant, la quasi totalité du débitage réalisé in situ a pour vocation de « servir » la production lamellaire pour l’obtention de lamelles Pataud. Ainsi, la disjonction signalée plus haut entre laminaire et lamellaire doit être modulée. Il y a certes une dichotomie des deux modalités, mais celle-ci intervient ici dès la sélection des blocs. Certains vont donc être débités pour réaliser des outils et d’autres pour la confection de lamelles. Ceci se marque par un changement dans la technique de percussion. Les supports d’outils sont détachés au percuteur tendre organique, alors que les supports de nucléus à lamelles le sont au percuteur dur, et ce dans un souci évident de produire des pièces épaisses, favorables à la production lamellaire. 151 Il est évident que le système n’est pas aussi figé, et que des supports produits lors d’un débitage voué à la production de supports de nucléus à lamelles peuvent être sélectionnés pour être retouchés et inversement. Enfin, cette séparation entre laminaire et lamellaire semble avoir un ancrage plus profond. Comme cela a déjà été proposé (Bon 2002, Tartar et al. 2005), on peut y voir une dualité entre équipement domestique et cynégétique, où la part de ce dernier pour ce niveau est écrasante. 3.8.3. Remarques sur l’outillage La panoplie d’outils présente sur le gisement se compose principalement de grattoirs, de burins et de lames retouchées, parmi lesquelles les pièces à retouche aurignacienne sont quasiment inexistantes. Au sein de ces classes d’outils, les burins et surtout ceux qui sont sur troncature ont une place dominante. Un nombre important de ces pièces ont pu être remontés avec leur chutes de burin, montrant ainsi les ravivages successifs et intensifs de ces objets. S’il est clair que ces pièces tiennent une place importante dans le spectre des activités domestiques, il ne nous est pas possible d’avancer une fonction et un mode de fonctionnement précis. Nous retiendrons toutefois que la rareté de l’industrie osseuse semble permettre d’écarter une utilisation spécifique, ou exclusive des burins dans sa réalisation. 3.8.4. Économie des matières premières Des matériaux d’origines diverses ont été introduits sur le site sous différentes formes. Les silex allochtones ont presque exclusivement été introduits sous la forme d’outils sur lame, ou de lames brutes retouchées sur place. Une partie a par la suite été emportée (éclats de retouche ou de chutes de burin en matières particulières). Une partie du Sénonien a subi le même traitement, ce qui pose la question d’une origine strictement locale. La fraction majoritaire du Sénonien a été introduite sous la forme de blocs débités sur place. Comme nous l’avons vu, les produits obtenus sont dévolus pour une large part au débitage lamellaire. Ainsi, en complément d’une économie du débitage existe une économie des matières premières, où les silex allochtones et une partie du Sénonien (non local ?), introduits sur le site sous la forme de lames brutes et d’outils, seraient pour un usage domestiques. À l’opposé, les tailleurs ont tiré parti de leur environnement proche afin de confectionner d’armatures. Nous sommes donc face à comportement d’anticipation des besoins domestiques, e qui ne semble pas le cas pour les productions lamellaires, où l’usage quasi exclusif de matériaux 152 locaux témoigne d’une exploitation intensive de l’espace local, liée probablement à une faible anticipation des ces besoins. Pour la réalisation d’armatures, deux hypothèses peuvent être avancées. Soit leur production correspond à une exigence immédiate, ne nécessitant pas de planification des besoins. En effet, quels que soient les matériaux disponibles, il est presque toujours possible de réaliser des supports permettant l’obtention de lamelles dont, rappelons le, la longueur moyenne se situe au alentour de 14 mm, et ne semble excéder les 20 mm. Soit nous sommes face à un site spécialisé dans la production d’armatures, et dans ce cas nous tenons ici le début de la chaîne opératoire d’anticipation des besoins. 3.8.5. La place de la couche 8 dans le techno-complexe Aurignacien La couche 8 se trouve stratigraphiquement entre un Aurignacien ancien à grattoirs carénés et un Aurignacien récent à grattoirs à museau et à burins busqués (Brooks1995 ; Chiotti 1999). Conceptuellement, les modalités de débitage laminaire sont proche (obtention d’éclats laminaires) pour ne pas dire identique (obtention de lames) avec ce qu’il à pu être décrit pour les phases anciennes (e. g. Bon 2002 ; Bordes 2002 ; Bordes et Tixier 2002 ; Le BrunRicalens 1993 ; Teyssandier 2000 ; Tixier et Reduron 1991) et récentes (e. g. Chiotti 1999 ; Michel 2005). La production lamellaire est cependant différente, mais méthodologiquement à l’interface des modalités de production sur grattoir caréné et sur grattoir à museau / burin busqué. L’existence d’un « Aurignacien moyen » (Delporte 1984, 1991 ; Djindjian 1986, 1993a et b), où dominent les grattoirs à museau et les burins sur troncature, est ici pleinement validée. Toutefois, nous en excluons les séries où les intentions de débitage lamellaire sont de produire des lamelles torses, supports des lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe, que nous considérons comme l’apanage de l’Aurignacien récent. Nous allons donc nous attacher à décrire ce moment de l’Aurignacien afin d’en saisir les différentes composantes. 153 4. Les couches 7 Lower et Upper Nous traiterons les niveaux 7 Upper et Lower dans le même chapitre afin de les comparer terme à terme. 4.1. Rappels sur le corpus d’étude De nombreuses différences peuvent être notées entre les deux subdivisions. D’une part, la couche 7 Lower est, numériquement, la plus importante des deux subdivisions (cf. supra), avec environ 5778 vestiges contre 2292 pour l’unité Upper. D’autre part, la composition de ces deux unités est elle aussi, dissemblable. Par exemple, les pièces non marquées (inférieures à un cm2 et débris – cf. supra) représentent environ 30 % de l’effectif du niveau 7 Lower, tandis qu’elles atteignent plus de 50 % pour le niveau 7 Upper. A contrario, les pièces marquées présentent des proportions plus élevées, notamment l’outillage qui atteint 13,6 % de l’effectifs total de 7 Lower, contre moins de 6 % en Upper (cf. supra). Nous verrons plus loin que, d’une part ces différences ne permettent pas d’établir un critère de distinction fiable entre ces deux unités, et que d’autre part une partie de celles-ci peuvent être expliquées. Un diagnostic a été pratiqué sur l’ensemble de la série. Cependant nous avons réalisé un échantillonnage au sein de chaque ensemble, pour lequel l’étude a été plus poussée. Notre attention s’est essentiellement portée sur les supports laminaires, lamellaires (nucléus, lamelles), et les pièces retouchées (outils et armatures). N’ayant pas de remarques supplémentaires à formuler à propos de l’étude des nucléus, nous renvoyons à celle de L. Chiotti (1999) pour plus de détails. 4.2. Matières premières Différentes variétés de silex ont pu être identifiées (Tableau 47). Les silex locaux, sénonien noir et blond, dominent l’effectif (environ 75 % pour le niveau Lower et 85 % pour le Upper – Tableau 47). Les matériaux d’origine plus lointaine (Figure 67) sont fortement dominés par le silex maestrichtien du Bergeracois (plus de 11 % en Lower, et 2,3 % en Upper – Tableau 47), suivi par le Grain de mil (environ 2 % dans chaque unité). Les autres matières sont à l’état de trace, parmi lesquels nous pouvons citer pour 7 Lower du Jurassique (N = 2) et du Turonien supérieur (N = 2), et pour 7 Upper une lame de l’Infralias. 154 7 Lower 7 Upper Matières premières Nb % dt outils % dt nuc LL % Nb % dt outils % dt nuc LL % Sénonien noir 483 60,5 279 34,9 69 8,6 104 78,2 61 45,9 22 16,5 Sénonien noir grain fin 9 1,1 6 0,8 1 0,1 2 1,5 1 0,8 - Sénonien blond 114 14,3 77 9,6 17 2,1 11 8,3 11 8,3 - Coniacien 4 0,5 1 0,1 - - - - - - - Santonien 3 0,4 1 0,1 2 0,3 1 0,8 - - 1 0,8 Maestrichtien type Bergeracois 89 11,1 64 8,0 19 2,4 3 2,3 2 1,5 - Grain de mil 15 1,9 15 1,9 1 0,1 3 2,3 3 2,3 - Infralias - - - - - - 1 0,8 1 0,8 1 0,8 Jurassique (de Charente ?) 2 0,3 2 0,3 - - - - - - - Turonien supérieur (de Charente) 2 0,3 2 0,3 - - - - - - - Sénonien noir ? 12 1,5 8 1,0 - - 3 2,3 1 0,8 1 0,8 Sénonien blond ? 11 1,4 8 1,0 3 0,4 2 1,5 1 0,8 - - Coniacien ? 6 0,8 5 0,6 3 0,4 - - - - - Maestrichtien type Bergeracois ? 17 2,1 13 1,6 6 0,8 2 1,5 1 0,8 1 0,8 Maestrichtien de Chalosse (?) 1 0,1 1 0,1 - - - - - - - Grain de mil ? 13 1,6 10 1,3 1 0,1 - - - - - - Tertiaire ? 3 0,4 2 0,3 1 0,1 1 0,8 1 0,8 - - Jurassique ? 1 0,1 1 0,1 - - - - - - - Jurassique type Puy d'Issolud ? 4 0,5 2 0,3 - - - - - - - Turonien sup. du Gd-Pressigny ? 4 0,5 4 0,5 1 0,1 - - - - - Indéterminés généraux 6 0,8 4 0,5 - - - - - - - Total 799 100 505 63,2 124 15,5 133 100 83 62,4 26 19,5 Tableau 47 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des matières premières des niveaux 7 Upper et Lower, et décompte et fréquence des outils (dt outils) et nucléus à lamelles (dt nuc LL). Figure 65 : Pataud couche 7- Possible silex « Turonien supérieur versicolore » (Primault 2003) de la région du Grand Pressigny. 155 Figure 66 : Pataud couche 7- Exemples de quelques matières premières du niveau 7 (n°1659 7 Upper, le reste en 7 Lower). 156 Figure 67 : Pataud couche 7 - Carte d'approvisionnement en silex (matériaux d'origine locale non figurés). Enfin, outre les indéterminés généraux (patine trop prononcée gênant la reconnaissance du type de silex, pièce trop petite, ou matériau inconnu), quelques pièces dont l’attribution est incertaine ont retenu notre attention. Il s’agit d’une part d’un grattoir sur un fragment distal de 157 lame, situé en 7 Lower, qui présente des fossiles évoquant des Lepiorbitoïdes socialis (Figure 66 AP61-7-283), caractéristique, entre autres, du Maestrichtien de Chalosse (e. g. Bon et al. 1996 ; Normand 1986 ; Séronien-Vivien et al. 2006). Enfin, cinq supports (quatre en Lower et un en Upper – Tableau 47), malheureusement patinés (Figure 65 et Figure 66 AP61-7-1052, évoquent du Turonien supérieur de la région du Grand Pressigny (Aubry 1991 ; Primault 2003). L’un d’entre eux (Figure 65) pourrait correspondre, à la variété « versicolore » décrite par J. Primault (2003). Que ce soit pour le Maestrichtien de Chalosse, comme pour le Turonien supérieur du Grand Pressigny, des études complémentaires sont à prévoir afin de valider ces hypothèses. Les deux niveaux étudiés présentent des différences dans l’origine des matériaux utilisés, celles du niveau 7 Upper étant nettement moins variées. Après avoir décrit les différentes sources de silex utilisées par les Préhistoriques, intéressons nous maintenant à leur traitement. Nous verrons dans un premier temps les méthodes de production de lames, puis dans un second temps, de lamelles. 4.3. Étude des supports laminaires 4.3.1. Corpus étudié Ont été retenus pour étude : les lames, les lames probables et les éclats laminaires. Le corpus s’élève à 716 pièces, avec respectivement 647 pour le niveau 7 Lower et 69 pour Upper (Tableau 48). Notre choix s’est essentiellement porté sur les supports utilisés comme outils ou nucléus, afin d’approcher au mieux les choix guidant leur sélection. Comme nous l’avons vu précédemment, les silex sénoniens noirs et blonds dominent, suivis du silex du Bergeracois (fortement représenté dans le niveau Lower avec 82 supports laminaires – Tableau 48). Hormis le Grain de mil qui est représenté par 14 lames (Lower : 13 ; Upper : 1), les autres matières n’excèdent pas deux pièces. Parmi les supports laminaires, les lames sont majoritaires (Tableau 48 – 545 pour 7L et 44 pour 7U), et elles constituent l’objectif principal au sein des deux niveaux. Viennent ensuite, en terme d’effectif, les éclats laminaires. Ces derniers sont à considérer comme des produits d’entretien, et non comme des produits d’intention première. La fragmentation est plutôt faible pour ce dernier type de support puisque près de 70 % des pièces sont entières contre 158 moins de 30 % pour les lames. Aucune différence fondamentale, eu égard au faible nombre de vestiges en 7 Upper, n’a pu être constaté.   7 Lower 7 Upper Total Matières Supports NB % NB % NB % Sénonien noir Lame 310 47,9 33 47,8 343 47,9   Lame ? 15 2,3 3 4,3 18 2,5   Eclat laminaire 63 9,7 17 24,6 80 11,2   Total 388 60,0 53 76,8 441 61,6 Sénonien blond Lame 75 11,6 4 5,8 79 11,0   Lame ? 3 0,5 - - 3 0,4   Eclat laminaire 15 2,3 3 4,3 18 2,5   Total 93 14,4 7 10,1 100 14,0 Bergeracois Lame 80 12,4 2 2,9 82 11,5   Lame ? 1 0,2 - - 1 0,1   Eclat laminaire 1 0,2 - - 1 0,1   Total 82 12,7 2 2,9 84 11,7 Grain de mil Lame 13 2,0 1 1,4 14 2,0 Argilite Lame 2 0,3  - - 2 0,3 Infralias Lame  - - 1 1,4 1 0,1 Jurassique Lame 2 0,3  - - 2 0,3 Turonien supérieur Lame 2 0,3  - - 2 0,3 Indéterminé Lame 61 9,4 3 4,3 64 8,9   Lame ? - - 1 1,4 1 0,1   Eclat laminaire 4 0,6 1 1,4 5 0,7   Total 65 10,0 5 7,2 70 9,8 Total Lame 545 84,2 44 63,8 589 82,3   Lame ? 19 2,9 4 5,8 23 3,2   Eclat laminaire 83 12,8 21 30,4 104 14,5   Total 647 100 69 100 716 100 Tableau 48 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des supports laminaires étudiés, par niveaux et par matières premières. 4.3.2. Remarque sur la fracturation des supports laminaires Concernant la fragmentation des supports laminaires, au moins trois origines peuvent être évoquées, qu’il est parfois difficile de différencier (Inizan et al. 1995) : - Fracturation au débitage, pouvant engendrer notamment des cassures simples et par flexions (languettes positives, négatives, ou double négative avec éclat parasite) ; - Fracturation naturelle, liée aux différents mécanismes taphonomiques (proccessus de mise en place des dépôts, piétinement), les mêmes types de cassures cités précédemment peuvent être rencontrés ; 159 - Enfin, une fracturation, volontaire, d’origine anthropique, pouvant se manifester par des cassures en languettes, voire simples (comme précédent) dans les cas de fractures par flexion, et des fractures plus ou moins complexes par percussion directe, caractérisées par la présence d’au moins un des caractères suivants : point d’impact, bulbe, contre-bulbe, fissuration en étoile. Seules les fractures par percussion signalent sans équivoque une action volontaire. Les résultats sont donnés dans le Tableau 49. On constate que ce phénomène est loin d’être anecdotique puisque près d’un quart des pièces fracturées présentent des stigmates indubitables. Ce phénomène concerne davantage les lames que les éclats laminaires. D’autre part, il semblerait que la fracturation en partie distale (52 %) soit plus fréquente qu’en partie proximale (39 %). 7 Lower 7 Upper Total Support Cassure volontaire NB % NB % NB % Lame Proximale 22 24,2 3 20,0 25 23,6 Proximale ? 13 14,3 2 13,3 15 14,2 Distale 32 35,2 9 60,0 41 38,7 Distale ? 14 15,4 1 6,7 15 14,2 Proximale et distale 5 5,5 - - 5 4,7 Proximale et distale ? 5 5,5 - - 5 4,7 Total 91 100 15 100 106 100 Eclat laminaire Proximale 2 33,3 1 - 3 42,9 Proximale ? 1 16,7 - - 1 14,3 Distale 3 50,0 - - 3 42,9 Total 6 100 1 - 7 100 Total Fracture volontaire 97 22,5 16 35,6 113 23,7 Fracture non volontaire 335 77,5 29 64,4 363 76,3 Total 432 100 45 100 476 100 Tableau 49 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) de la localisation des fractures volontaires par type de supports laminaires, par niveau. 4.3.3. Classes de tailles et courbures des supports laminaires Les lames étudiées ici sont d’un gabarit relativement important (cf. infra). Les pièces longues larges et épaisses semblent davantage recherchées, et ont été préférentiellement sélectionnées tant pour la réalisation d’outils, que pour produire des lamelles sous la forme, essentiellement, de burins busqués. Nous présentons dans le tableau ci-dessus (Tableau 50) les résultats sans distinction de niveau, car aucune différence n’a pu être constatée. 160 Longueur Largeur Epaisseur Moyenne Médiane Moyenne Médiane Moyenne Médiane Lames entières 59,9 59,0 27,6 27,0 10,2 9,0 Total lame 49,4 49,0 25,3 25,0 8,7 8,0 Nucléus à lamelles entiers 59,7 59,0 28,5 28,0 12,5 12,0 Total nucléus à lamelles 51,0 51,0 26,4 25,5 11,6 10,5 Outils entiers 61,2 59,0 27,7 27,0 10,1 9,0 Total outils 50,5 50,5 25,6 25,0 8,6 8,0 Tableau 50 : Pataud couche 7- Moyennes et médianes des dimensions (longueur, largeur et épaisseur, en mm) des lames, nucléus à lamelles sur lame et outils sur lames. Les pièces entières présentent des longueurs moyennes d’environ 6 cm (tab X), et certaines mesurant jusqu'à 10 cm voire 12 cm. Les lames sont plutôt larges avec une moyenne proche de 3 cm. De la même manière, on note une certaine robustesse avec des épaisseurs moyennes de l’ordre du centimètre. On notera que les pièces les plus épaisses (test de Student hautement significatif) sont essentiellement dévolues à la production lamellaire comme nous le verrons plus loin. Si l’on considère l’ensemble des lames (pièces entières et fragments), leurs profils sont généralement rectilignes à subrectilignes (environ 50 % en 7L et 60 % en 7U – Tableau 51), voire légèrement courbe. Les supports nettement courbes sont numériquement moins nombreux (environ 20 % dans chaque unité), mais présent, et certains sont parfois torses, majoritairement dans le sens anti-horaire (environ 10 %). L’étude des pièces entières permet de nuancer ce constat (Tableau 51). Les pièces de profil courbe y sont plus importantes. Cependant, la longueur importante des pièces joue aussi sur l’accentuation de la courbure. 7 Lower 7 Upper Total Lames entières Total lame Lames entières Total lame Lames entières Total lame Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Rectiligne 49 31,8 265 48,6 3 33,3 26 59,1 52 31,9 291 49,4 Légèrement courbe 30 19,5 73 13,4 2 22,2 5 11,4 32 19,6 78 13,2 Courbe 51 33,1 120 22,0 3 33,3 8 18,2 54 33,1 128 21,7 Torse horaire 6 3,9 22 4,0 - - 1 2,3 6 3,7 23 3,9 Torse contre horaire 18 11,7 65 11,9 1 11,1 4 9,1 19 11,7 69 11,7 Total 154 100 545 100 9 100 44 100 163 100 589 100 Tableau 51 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des profils des lames. 161 4.3.4. Restitution des modalités de production laminaire L’analyse technologique des différents supports laminaires (Tableau 52) nous a permis de restituer les modalités de production. 7 Lower 7 Upper Total Supports laminaires Nb % Nb % Nb % Entame corticale 14 2,2 3 4,3 17 2,4 Crête à deux versants 7 1,1 1 1,4 8 1,1 Crête à deux versants + cortex 4 0,6 - - 4 0,6 Crête à un versant 8 1,2 - - 8 1,1 Crête à un versant + cortex 2 0,3 - - 2 0,3 Sous-crête 14 2,2 1 1,4 15 2,1 Sous-crête + cortex 14 2,2 1 1,4 15 2,1 Néocrête 44 6,8 5 7,2 49 6,8 Néocrête + cortex 20 3,1 1 1,4 21 2,9 Néocrête sur sous-crête 5 0,8 - - 5 0,7 Pan gauche cortical 77 11,9 8 11,6 85 11,9 Pan droit cortical 65 10,0 6 8,7 71 9,9 Cortex proximal 2 0,3 1 1,4 3 0,4 Cortex distal 19 2,9 9 13,0 28 3,9 Deux pans corticaux 1 0,2 - - 1 0,1 Brut 351 54,3 33 47,8 384 53,6 Total 647 100 69 100 716 100 Tableau 52 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des différents supports laminaires. L’initialisation du débitage débute par l’enlèvement soit d’une entame corticale (N = 14), soit d’une lame à crête (N = 21) à un ou deux versants. Cette mise en forme peut être postérieure au détachement d’une entame corticale. Le maintien des convexités est assuré par la création de néocrêtes, généralement implantées aux niveaux des flancs, ainsi que par l’extraction de lames, elles aussi de flanc, dont un des pans est cortical. Le sens de progression est frontal. La technique de détachement est la percussion directe au percuteur tendre organique. Conjointement à cette modalité existent quelques produits témoignant d’une production de supports laminaires sur tranche d’éclat. 4.3.5. La production sur tranche d’éclat. Quelques indices d’un débitage sur tranche d'éclat (Tableau 53) ont pu être observés. Cette modalité est relativement anecdotique puisque seulement sept pièces sûres, et six incertaines peuvent y être rattachées. Ce sont principalement des lames à pan-revers ainsi que deux éclats débité sur leur tranche. 162 Ces chiffres sont probablement à revoir à la hausse, compte tenu du fait que les lames obtenues sur la face supérieure, ainsi que celles de plein débitage sont difficilement repérables. Parmi l’ensemble de ces pièces (lames et nucléus), le silex sénonien est majoritaire et pratiquement exclusif. Sénonien Grain de mil Indéterminé Sénonien Indéterminé Tertiaire Total 7 Upper Lame à pan revers ? - - 1 - 1 7 Lower Lame à pan revers 4 - - 1 5 Lame à pan revers ? 3 1 - - 4 Eclat laminaire à pan revers ? 1 - - - 1 Nucléus 2 - - - 1 Total 10 1 - 1 12 Total 10 1 1 1 13 Tableau 53 : Pataud couche 7- Décompte des différents éléments se rapportant à un débitage sur tranche d’éclat. Deux nucléus sont présents (Figure 68 et Figure 69). Sur le premier (Figure 68), un seul enlèvement laminaire est visible. Ce dernier, détaché par percussion directe au percuteur dur envahit l’ensemble de la surface de débitage. Son rôle précis n’a pu être déterminé (nettoyage, réfection / rectification ou production), toutefois, celui-ci a oblitéré ainsi toute trace de possibles négatifs antérieurs. Les dimensions du support ainsi que les reliquats de mise en forme visibles en face supérieure suggèrent une production plus importante que le dernier éclat laminaire. Figure 68 : Pataud couche 7- Nucléus sur tranche d’éclat – Sénonien noir (AP/61-7-23239). 163 Figure 69 : Pataud couche 7- Nucléus sur tranche d’éclat – Sénonien noir (AP/61-7-688). Pour le second nucléus (Figure 69), la production est plus importante. Au moins cinq produits laminaires de petites dimensions ont été obtenus. Si le dernier produit à été détaché par percussion directe au percuteur dur, il ne nous est pas possible de déterminer la technique employée pour le détachement des enlèvements précédents. Le reliquat d’une crête antérieure (ou néocrête ?), au moins à un versant, est visible sur la face supérieure de l’éclat support. 4.4. Étude de l’outillage Les outils sont peu nombreux en 7 Upper, avec seulement 44 pièces (Tableau 54), et 84 en y incluant les pièces d’attribution incertaine ou avec quelques retouches (Tableau 55). À l’opposé, le niveau Lower présente environ huit fois plus d’objets, avec respectivement 404 outils, et 505 en élargissant aux types douteux et aux pièces portant quelques retouches. 7 Lower 7 Upper Total Nb % Nb % Nb % Grattoir 122 30,2 8 19,5 130 29,2 Grattoir - burin 20 5,0 1 2,4 21 4,7 Burin 133 32,9 10 24,4 143 32,1 Lame retouchée 96 23,8 13 31,7 109 24,5 Troncature 18 4,5 2 4,9 20 4,5 Pièce esquillée 8 2,0 1 2,4 9 2,0 Eclat 1b ret 4 1,0 4 9,8 8 1,8 Encoche 2 0,5 - - 2 0,4 Roc-de-Combe 1 0,2 2 4,9 3 0,7 Total 404 100 41 100 445 100 Tableau 54 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des différents types d’outils (liste simplifiée et pièces douteuses exclues), par niveaux. 164 La composition de ces deux assemblages est proche. La comparaison des fréquences des grandes classes d’outils indique une composition semblable (Figure 70). Ainsi, et malgré quelques variations, trois types d’outils dominent l’assemblage : les grattoirs, les burins et les lames retouchées. Les autres classes sont anecdotiques et représentent généralement moins de 5 % de l’effectif. Comparaison des fréquences d'outils simplifiés par niveaux 0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0 G rattoirG rattoir - burin BurinLam e retouchée Troncature Pièce esquillée Eclat 1b ret Encoche Roc-de-Com be Classes d'outils simplifiées Fréquence(%) Total 7 Lower 7 Upper Figure 70 : Pataud couche 7- Histogramme de comparaison des fréquences des classes d’outils simplifiées par niveaux. 4.4.1. Choix de la matière première et des supports Les silex du Bergeracois et le Gain de mil sont les deux matières allochtones les mieux représentées au sein de chaque niveau. Toutefois leur importance est inversée dans chacun des deux ensembles. Le Bergeracois est dominant en Lower, et en Upper c’est le Grain de mil qui est le plus abondant. Les autres matériaux sont à l’état de trace et ne sont représentés au plus que par deux pièces, exception faite de certains silex indéterminés. 165 7 Lower 7 Upper Total Nb % Nb % Nb % Grattoir 71 14,1 4 4,8 75 12,8 Grattoir ? 4 0,8 1 1,2 5 0,9 Grattoir double 11 2,2 - - 11 1,9 Grattoir sur éclat 1 0,2 1 1,2 2 0,3 Grattoir sur L1b ret 21 4,2 2 2,4 23 3,9 Grattoir sur L2b ret 13 2,6 1 1,2 14 2,4 Grattoir 2x sur L1b ret 2 0,4 - - 2 0,3 Grattoir 2x sur L2b ret 3 0,6 - - 3 0,5 Grattoir – burin 20 4,0 1 1,2 21 3,6 Burin sur pan naturel 12 2,4 1 1,2 13 2,2 Burin ? 4 0,8 2 2,4 6 1,0 Burin dièdre 37 7,3 5 6,0 42 7,1 Burin dièdre ? 4 0,8 1 1,2 5 0,9 Burin sur cassure 14 2,8 - - 14 2,4 Burin sur troncature 44 8,7 2 2,4 46 7,8 Burin sur troncature ? 2 0,4 - - 2 0,3 Burin double 2 0,4 1 1,2 3 0,5 Burin double adjacent 3 0,6 - - 3 0,5 Burin double opposé 15 3,0 - - 15 2,6 Lame appointée 2 0,4 - - 2 0,3 Lame1b retouché 57 11,3 9 10,8 66 11,2 Lame1b retouché ? 4 0,8 2 2,4 6 1,0 Lame 2b retouchés 37 7,3 4 4,8 41 7,0 Troncature 18 3,6 1 1,2 19 3,2 Troncature double - - 1 1,2 1 0,2 Troncature ? 2 0,4 - - 2 0,3 Pièce esquillée 8 1,6 1 1,2 9 1,5 Pièce esquillée ? 1 0,2 - - 1 0,2 Eclat 1b retouché 4 0,8 4 4,8 8 1,4 Encoche 2 0,4 - - 2 0,3 Encoche ? 17 3,4 1 1,2 18 3,1 Roc-de-Combe 1 0,2 2 2,4 3 0,5 Quelques retouches 28 5,5 6 7,2 34 5,8 Quelques retouches? 40 7,9 29 34,9 69 11,7 Indéterminé outil 1 0,2 1 1,2 2 0,3 Total 505 100 83 100 588 100 Tableau 55 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) de l’outillage. Le support d’outils privilégié est la lame, et par extension tous les supports allongés plus ou moins réguliers (Tableau 56 et Tableau 57). Les éclats sont représentés en nombre relativement restreint dans les supports d’outils (moins de 5 % tous niveaux confondus – Tableau 57). Si les premiers supports ont été utilisés pour réaliser l’ensemble de la gamme d’outils, les éclats ont été principalement employés pour réaliser des burins (généralement sur troncature), ou simplement retouchés sur un bord. 166 Sénoniennoir Sénonien blond Bergeracois Graindemil Argilite Infralias Jurassique Turonien supérieur Indéterminé Total 7L 7U 7L 7U 7L 7U 7L 7U 7L 7U 7L 7L 7L 7U   Grattoir Lame 68 5 18 1 12 - 5 - - - - - 12 1 122   Lame ? 1 - - - - - - - - - - - - - 1   Eclat laminaire 2 - 2 - - - - - - - - - - - 4   Eclat - - 1 - - - - 1 - - - - - - 2   Eclat ? - - - - - - - - - - - - 1 - 1   Total 71 5 21 1 12 - 5 1 - - - - 13 1 130 Grattoir - burin Lame 13 - 1 1 3 - 1 - - - - - 2 - 21 Burin Lame 59 6 13 1 23 - 2 - - 1 - 2 13 - 120   Lame ? 1 - 1 - - - - - - - - - - 1 4   Eclat laminaire 8 - 2 - 1 - - - - - - - - - 11   Eclat 5 - 2 - - - - - - - - - - - 7   Eclat ? 1 - - - - - - - - - - - - - 1   Total 74 7 18 1 24 - 2 - - 1 - 2 13 1 143 Lame Lame 42 7 14 - 10 1 5 1 2 - 1 - 14 1 98 retouchée Lame ? 3 1 - - - - - - - - - - - - 4   Eclat laminaire 2 1 3 - - - - - - - - - - 1 7   Total 47 9 17 - 10 1 5 1 2 - 1 - 14 2 109 Troncature Lame 9 - 2 - 3 - - - - - - - 3 - 17   Eclat 1 2 - - - - - - - - - - - - 3   Total 10 2 2 - 3 - - - - - - - 3 - 20 Pièce esquillée Lame 2 1 - - 1 - - - - - 1 - - - 5   Lame ? 1 - 1 - - - - - - - - - - - 2   Indéterminé 2 - - - - - - - - - - - - - 2   Total 5 1 1 - 1 - - - - - 1 - - - 9 Eclat 1b ret Eclat laminaire - 1 - - - - - - - - - - - - 1   Eclat 2 3 2 - - - - - - - - - - - 7   Total 2 4 2 - - - - - - - - - - - 8 Encoche Lame - - - - - - - - - - - - 1 - 1   Eclat laminaire 1 - - - - - - - - - - - - - 1   Total 1 - - - - - - - - - - - 1 - 2 Roc-de-Combe Lamelle   1 - - - - 1 1 - - - - - - 3 Total   223 29 62 3 53 1 14 3 2 1 2 2 46 4 445 Fréquence (%) MP par niveau 55,2 70,7 15,3 7,3 13,1 2,4 3,5 7,3 0,5 2,4 0,5 0,5 11,4 9,8   Tableau 56 : Pataud couche 7- Décompte des outils (types simplifiés, pièces douteuses exclues), par support, par matière première et par niveaux (en grisé : 7L / 7 Lower ; en blanc : 7U / 7 Upper), et fréquence (%) des matières premières par niveaux. 167 7 Lower 7 Upper Total Nb % Nb % Nb % Lame 356 88,1 28 68,3 384 86,3 Lame ? 8 2,0 3 7,3 11 2,5 Eclat laminaire 21 5,2 3 7,3 24 5,4 Eclat 14 3,5 5 12,2 19 4,3 Eclat ? 2 0,5 - - 2 0,4 Lamelle 1 0,2 2 4,9 3 0,7 Indéterminé 2 0,5 - - 2 0,4 Total 404 100 41 100 445 100 Tableau 57 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des supports d’outils (outils douteux exclus). L’analyse des classes de dimensions de chaque grand groupe d’outils réalisés sur support laminaire permet de comprendre les choix opérés par les tailleurs aurignaciens. Un premier tri est par ailleurs effectué par les artisans afin d’exclure les lames les plus épaisses, dévolues à la production lamellaire, essentiellement sous la forme de burins busqués (cf. supra et infra). Ainsi, les supports les plus grands, les plus larges et d’épaisseur importante sont généralement utilisés pour la confection de grattoirs (Tableau 58). Les lames plus petites et moins larges, mais plus épaisses ont été utilisées pour réaliser des burins (Tableau 58). Enfin les pièces restantes, si elles ne sont pas utilisées brutes, servent à confectionner les lames retouchées. 4.4.2. Les grattoirs Comme nous l’avons vu, ce type d’outil est pratiquement toujours sur lame ou éclat laminaire (Figure 71). Seul deux d’entre eux sont sur éclat (Tableau 56). Les grattoirs simples dominent et représentent plus de la moitié des différentes catégories (Tableau 59). Les fronts de grattoirs sont implantés à plus de 70 % en partie distale du support, moins de 15 % en partie proximale, et seulement 12 % sont doubles (Tableau 60). Un peu plus de 30 % des pièces présentent une retouche latérale, majoritairement sur un bord, et essentiellement le bord droit (Tableau 60). Au sein des grattoirs à retouche latérale, deux pièces seulement présentent une retouche écailleuse, envahissante, pouvant être assimilée à une retouche aurignacienne. 168 Longueur Grattoir Burin Grattoir Lame ret Burin L ret Moyenne 66,21 57,25 66,21 63,84 57,25 63,84 Variance 216,70 171,54 216,70 523,69 171,54 523,69 Observations 53 66 53 16 66 16 Variance pondérée 191,61 285,43 237,57 Degré de liberté 117 67 80 Statistique t 3,51 0,49 1,54 P(T<=t) unilatéral 0,00 0,31 0,06 Valeur critique de t (unilatéral) 1,66 1,67 1,66 P(T<=t) bilatéral 0,00 0,63 0,13 Valeur critique de t (bilatéral) 1,98 2,00 1,99 Largeur Grattoir Burin Grattoir Lame ret Burin L ret Moyenne 28,25 25,05 28,25 23,98 25,05 23,98 Variance 75,51 63,06 75,51 43,70 63,06 43,70 Observations 130 143 130 107 143 107 Variance pondérée 68,99 61,16 54,78 Degré de liberté 271 235 248 Statistique t -3,19 4,19 1,13 P(T<=t) unilatéral 0,0008 1,98 E-05 0,13 Valeur critique de t (unilatéral) 1,65 1,65 1,65 P(T<=t) bilatéral 0,002 3,99 E-05 0,26 Valeur critique de t (bilatéral) 1,97 1,97 1,97 Epaisseur Grattoir Burin Grattoir Lame ret Burin L ret Moyenne 9,04 9,84 9,04 7,23 9,84 7,23 Variance 12,06 17,08 12,06 8,77 17,08 8,77 Observations 130 143 130 107 143 107 Variance pondérée 14,69 10,58 13,53 Degré de liberté 271 235 248 Statistique t -1,72 4,26 5,54 P(T<=t) unilatéral 0,04 1,47 E-05 3,81 E-08 Valeur critique de t (unilatéral) 1,65 1,65 1,65 P(T<=t) bilatéral 0,09 2,95 E-05 7,63 E-08 Valeur critique de t (bilatéral) 1,97 1,97 1,97 Tableau 58 : Pataud couche 7- Comparaisons des moyennes (test de Student) des dimensions (en mm) des grattoirs sur lame, des burins sur lame, et des lames retouchées. 7 Lower 7 Upper Total Nb % Nb % Nb % Grattoir 71 58,2 4 50,0 75 57,7 Grattoir double 11 9,0 - - 11 8,5 Grattoir sur éclat 1 0,8 1 12,5 2 1,5 Grattoir sur lame à 1b ret 21 17,2 2 25,0 23 17,7 Grattoir sur lame à 2b ret 13 10,7 1 12,5 14 10,8 Grattoir double L1b ret 2 1,6 - - 2 1,5 Grattoir double L2b ret 3 2,5 - - 3 2,3 Total 122 100 8 100 130 100 Tableau 59 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des différentes catégories de grattoirs. 169 Figure 71 : Pataud couche 7- Grattoir sur lame – Sénonien noir : n°1-3, 5-7 / Bergeracois : n°8-10 / Ind Bergeracois - Grain de mil : n°4, 11 – (Dessins P. Laurent : n°1-7, 9 in Brooks 1995 / M. Dauvois : n° 8, 10, 11 in Chiotti 1999). 170 Position du front Nb % Distal 96 73,8 Proximal 18 13,8 Double 16 12,3 Total 130 100 Bord retouché Nb % Aucun 88 67,7 Gauche 7 5,4 Droit 18 13,8 Les deux 17 13,1 Total 130 100 Tableau 60 : Pataud couche 7- Localisation du front de grattoir, et de la retouche latérale. 4.4.3. Les burins Les burins (Figure 72) se composent en majorité de burins sur troncature et dièdres. Ces deux groupes sont numériquement équivalents (respectivement 44 sur troncature et 37 dièdres), avec toutefois un léger excédent pour les premiers. Les supports utilisés sont principalement des lames, seuls sept burins (sur 143) ont été réalisés sur éclat (Tableau 56). Il s’agit respectivement de quatre burins sur troncature, deux dièdres et un sur pan naturel. L’analyse des classes de tailles des supports utilisés pour la confection des quatre grands types de burin (sur troncature, dièdre, sur cassure et sur pan naturel), semble indiquer un possible choix, cependant les effectifs faibles de certaines catégories incitent à la prudence (seulement quatorze burins sur cassure, dont aucun n’est entier, et treize sur pan naturel). Nous nous abstiendrons donc de toute conclusion. Quelques hypothèses méritent cependant d’être formulées, qu’il conviendra d’étayer par des études tracéologiques ultérieures. Deux groupes de burins semblent exister. Le premier englobe les burins sur troncature et dièdre, le second ceux qui sont sur cassure et sur pan naturel. L’hypothèse d’une fonction et/ou d’un fonctionnement différent entre ces deux groupes de burins reste ouverte en l’absence d’étude tracéologique. Enfin les supports sélectionnés pour fabriquer des burins sur troncature et dièdres correspondent généralement à des lames de plein débitage régulières avec pas ou peu de cortex. 171 Figure 72 : Pataud couche 7- Burins (n°1-5) et grattoir – burin (n°6, 7) – Sénonien noir : n°2- 5, 7 / Bergeracois : n°6 / Indéterminé : n°1 – (Dessins P ; Laurent in Brooks 1995). 172 Figure 73 : Pataud couche 7- Lames retouchées (n°1, 2, 5 et 6), Troncature (n°7) et pièces esquillées (n°3 et 4) – Sénonien noir : n°3-5 / Bergeracois : n°1 / Grain de mil : n°2 / Ind. Bergeracois : n°7 / Ind. Grand-Pressigny : n°6 (cf. Figure 66) – (Dessins P. Laurent : n° 1, 3, 5-7 in Brooks 1995 / M. Dauvois : n°2, 4 in Chiotti 1999). 4.4.4. Les lames retouchées Les lames sont principalement retouchées dans 60 % des cas sur un bord, indifféremment sur le gauche ou le droit, contre 40 % sur les deux (Figure 73 et Tableau 61). La retouche est 173 majoritairement (N = 77) d’étendue normale et de style ordinaire (Brézillon 1968). Exception faite de deux lames, dont l’une possède deux bords retouchées (Figure 73 n°1), et l’autre est appointée (Figure 73 n°5), qui présentent une retouche écaillseuse qui pourrait rappeler une retouche de type aurignacienne (Demars et Laurent 1989). Les trente et une pièces restantes présentent une retouche marginale courte semi-abrupte voir abrupte (Brézillon 1968) sur un ou deux bords (Figure 73 n°6). Des études tracéologiques mériteraient d’être conduites sur ce genre de pièce afin de différencier leur fonction et leur fonctionnement, de ceux des lames à retouche normal ordinaire. Aucune différence significative, en termes de dimensions, n’a pu être mise entre ces deux groupes de lames retouchées. 7 Lower 7 Upper Total Types de lames retouchées Bords Nb % Nb % Nb % Lame un bord retouché Gauche 25 26,0 5 38,5 30 27,5 Droit 32 33,3 4 30,8 36 33,0 Total 57 59,4 9 69,2 66 60,6 Lame deux bords retouchés 37 38,5 4 30,8 41 37,6 Lame appointée à deux bords retouchés 2 2,1 - - 2 1,8 Total 96 100 13 100 109 100 Tableau 61 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des différentes catégories de lames retouchées. 4.5. Modalités de débitage lamellaire Deux schémas de production de lamelles ont pu être identifiés (Tableau 62) : de type « burin busqué » et « grattoir à museau ». Nous décrirons successivement l’une et l’autre de ces méthodes en détail. Des différences significatives22 existent entre les deux niveaux ( Tableau 62). Comme cela a déjà été décrit (Chiotti 1999), le niveau Lower est à burins busqués majoritaires, vis-à-vis des museaux. C’est l’inverse pour le niveau Upper. Les pièces d’attribution incertaine correspondent principalement à des pièces dont la volonté de produire des lamelles n’a pu être clairement démontré. Elles peuvent correspondre à des préforme ou des nucléus dont l’initialisation du débitage vient de débuter (quelques enlèvements à tendance lamellaire), ou au contraire des pièces dont l’état d’exhaustion rend délicate la lecture technologique. 22 Résultat du test du Chi-deux : p = 3x10-7 , et p = 1x10-5 en incluant les pièces incertaines. 174 7 Lower 7 Upper Total Nucléus Matières premières Nb % Nb % Nb % Burins busqués Sénonien noir 36 38,3 2 13,3 38 34,9 Sénonien blond 10 10,6 - - 10 9,2 Bergeracois 17 18,1 - - 17 15,6 Indéterminé 7 7,4 - - 7 6,4 Total 70 74,5 2 13,3 72 66,1 Burins busqués ? Sénonien noir 5 5,3 2 13,3 7 6,4 Sénonien blond 1 1,1 - - 1 0,9 Bergeracois 1 1,1 - - 1 0,9 Infralias - - 1 6,7 1 0,9 Indéterminé 2 2,1 - - 2 1,8 Total 9 9,6 3 20,0 12 11,0 Grattoirs à museau Sénonien noir 11 11,7 9 60,0 20 18,3 Sénonien blond 2 2,1 - - 2 1,8 Indéterminé - - 1 6,7 1 0,9 Total 13 13,8 10 66,7 23 21,1 Grattoirs à museau ? Bergeracois 1 1,1 - - 1 0,9 Grain de mil 1 1,1 - - 1 0,9 Total 2 2,1 - - 2 1,8 Total 94 100 15 100 109 100 Tableau 62 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%), par niveaux et par matières premières, des différentes catégories de nucléus lamellaire. 4.5.1. Les burins busqués Ce type de nucléus est ici majoritaire avec 84 pièces, dont douze d’attribution incertaine, tous niveaux confondus (Tableau 62 et Figure 74). Ce type de nucléus est faiblement représenté dans le niveau 7 Upper, avec seulement cinq pièces, dont trois sont douteuses. Nous avons considéré comme burins busqués les nucléus présentant une combinaison, ou la totalité des critères suivants : - Intentionnalité de la production lamellaire ; - Caractère torse marqué des produits recherchés ; - Implantation de la surface de débitage en partie proximale – droite ou distale – gauche ; - Présence d’une encoche d’arrêt. 175 Figure 74 : Pataud couche 7- Burins busqués du niveau 7L – Sénonien noir : n°1, 3-5, 7, 10, 12 / Sénonien blond : n°6 / Bergeracois : n°8, 9, 11 / Ind Bergeracois : n°2 – (Dessins P. Laurent : n°1-3, 6-8, 10 et 12 in Brooks 1995 / M. Dauvois : n°11 et L. Chiotti : n°4, 5 et 9 in Chiotti 1999). 176 4.5.1.1. Choix de la matière première et du support Deux types de silex ont été utilisés. D’une part du silex sénonien, avec une nette majorité de la variété noire (N = 38) sur la variété blonde (N = 10), et d’autre part du Bergeracois (N = 17). Enfin, pour sept nucléus, il n’a pu être précisé la provenance exacte du matériau employé. Nous préciserons tout de même que trois sont à rapprocher du Maestrichtien type Bergeracois, qu’un pourrait être en silex du Tertiaire, un autre en Grain de mil, un ressemble à du silex Sénonien blond et enfin le dernière présente des caractéristiques proches à la fois du Bergeracois et du Grain de mil (nombreux éléments figurés). 7 Lower 7 Upper Total Nucléus Supports Nb % Nb % Nb % Burin busqué Lame 52 65,8 2 40,0 54 64,3 Lame ? 7 8,9 - - 7 8,3 Eclat laminaire 4 5,1 - - 4 4,8 Eclat 6 7,6 - - 6 7,1 Eclat ? 1 1,3 - - 1 1,2 Total 70 88,6 2 40,0 72 85,7 Burin busqué ? Lame 6 7,6 2 40,0 8 9,5 Eclat laminaire 2 2,5 - - 2 2,4 Chute de burin 1 1,3 - - 1 1,2 Eclat - - 1 20,0 1 1,2 Total 9 11,4 3 60,0 12 14,3 Total Lame 58 73,4 4 80,0 62 73,8 Lame ? 7 8,9 - - 7 8,3 Eclat laminaire 6 7,6 - - 6 7,1 Chute de burin 1 1,3 - - 1 1,2 Eclat 6 7,6 1 20,0 7 8,3 Eclat ? 1 1,3 - - 1 1,2 Total 79 100 5 100 84 100 Tableau 63 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des types de supports utilisés, pour les burins busqués certains et probables. Quelle que soit la matière, ce sont les supports laminaires qui sont privilégiés, les éclats représentant moins de 10 % des supports sélectionnés (Tableau 63). Que ce soit en Upper ou en Lower, il y a une même logique dans le choix des supports à débiter. Au sein des supports laminaires au sens large, ce sont les lames qui sont préférentiellement sélectionnées, et plus précisément les exemplaires montrant une section constante sur tout ou partie de leur longueur. D’autre part, et comme nous le verrons, si les lames sont préférentiellement sélectionnées, vis-à-vis des autres supports débités à la pierre dure, c’est parce que la technique de 177 détachement est moins « destructrice » et permet une implantation de la surface de débitage en partie proximale du support. En effet, dans le cas d’un détachement au percuteur de pierre dure, d’une part, le cône de percussion est nettement dégagé, ce qui implique un investissement plus important de la part du tailleur pour le réduire et obtenir des convexités adéquates. Et d’autre part, le choc étant plus violent, des micros fractures se créent au niveau du talon et du bulbe augmentant les risques d’échec lors du débitage de lamelles. 4.5.1.2. Hiérarchisation des surfaces et mise en forme des nucléus Le positionnement de la surface de débitage présente une très forte latéralisation. De manière systématique, celle-ci prend place en distale gauche, ou en proximal droit (Tableau 64). Seulement quatre pièces (dont trois busqués douteux) sur les 84 analysées sortent de ce schéma (Tableau 64). D’autre part on note une préférence très nette de la partie proximale (environ 70 % des cas – Tableau 64), pour implanter la surface de débitage. Ce choix semble conditionné par l’épaisseur, plus importante dans cette zone. 7 Lower 7 Upper Total Nucléus Localisation SD Nb % Nb % Nb % Burin busqué Distal gauche 18 22,8 1 20,0 19 22,6 Distal droit - - - - - Proximal gauche 1 1,3 - - 1 1,2 Proximal droit 50 63,3 1 20,0 51 60,7 Indéterminé 1 1,3 - - 1 1,2 Total 70 88,6 2 40,0 72 85,7 Burin busqué ? Distal gauche 2 2,5 - - 2 2,4 Distal droit - - 1 20,0 1 1,2 Proximal gauche 1 1,3 1 20,0 2 2,4 Proximal droit 6 7,6 1 20,0 7 8,3 Indéterminé - - - - - Total 9 11,4 3 60,0 12 14,3 Total Distal gauche 20 25,3 1 20,0 21 25,0 Distal droit - - 1 20,0 1 1,2 Proximal gauche 2 2,5 1 20,0 3 3,6 Proximal droit 56 70,9 2 40,0 58 69,0 Indéterminé 1 1,3 - - 1 1,2 Total 79 100 5 100 84 100 Tableau 64 : Pataud couche 7- Localisation de la surface de débitage des burins busqués. La mise en forme des nucléus est variable suivant la morphologie du support à débiter. Dans les cas les plus aboutis, le plan de frappe est dégagé par un enlèvement burinant après avoir 178 régularisé les convexités à l’aide d’une retouche plus ou moins importante pouvant aller jusqu’à la troncature. Le cintre et la carène de la surface de débitage sont gérés par la mise en place d’une crête à un versant préparé, dont les enlèvements débordent en face supérieure du support à débiter, ainsi que par la création d’une encoche distale directe (inverse dans un cas seulement). Cette dernière permet aussi de normer la taille des produits tout en permettant de créer une inflexion des nervures guides en partie mésio-distale de la surface de débitage, assurant ainsi la torsion des lamelles recherchées. Enfin, certains nucléus présentent un aménagement peu important à poussé (cf. méthode) sur un ou deux flancs (Tableau 65 et Figure 75). Pour la plupart de ces pièces, les supports sélectionnés peuvent être considérés comme épais (Figure 76). Cette mise en forme a donc pour objectif de diminuer l’épaisseur du support, et ainsi permettre un cintrage de la surface de débitage. Cependant, elle permet aussi de diminuer la courbure du support et ainsi de paralléliser les deux bords. Mise en forme Nombre Fréquence (%) Aucune 69 82,1 Peu importante sur le flanc gauche 6 7,1 Peu importante sur le flanc droit 4 4,8 Poussée sur le flanc droit 2 2,4 Poussée sur les deux bords 3 3,6 Total 84 100 Tableau 65 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) de nucléus présentant une mise en forme des flancs. Figure 75 : Pataud couche 7- Burins busqués en Sénonien noir présentant une mise en forme importante de la face inférieure (Dessins n°1 : P. Laurent I Brooks 1995 / n°2 : M. Dauvois in Chiotti 1999). 179 Dimension des supports de burins busqués 0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 Largeur (mm) Epaisseur(mm) sans MF avec MF Peu MF - gche Peu MF - dt Figure 76 : Pataud couche 7- Dimensions des supports (largeur x épaisseur en mm) et intensité de la mise en forme (Nulle : « sans MF » , peu sur le flanc gauche : « Peu MF – gche » , sur le flanc droit « peu MF – dt » , et poussée « Avec MF »). 4.5.1.3. Modalité, technique et objectifs du schéma « busqué » Après l’ouverture de la surface de débitage, la production des lamelles va se dérouler, sauf problème technique, par série. Le débitage reste globalement frontal et n’investit les flancs que dans des cas particuliers. Les lamelles issues du flanc gauche ont un rôle d’entretien des convexités, et vont servir à recintrer la surface de débitage. Les lamelles détachés au niveau de l’intersection surface de débitage - face inférieure du support permettent aussi d’entretenir le cintre de la surface de débitage. Cependant, il s’agit aussi de produits recherchés, ces chutes de burin de profil rectiligne sont le support des lamelles Caminade (sensu Bordes et Lenoble 2002). Les lamelles sont majoritairement détachées par percussion directe au percuteur tendre organique, exception faite des lamelles Caminade, et probablement de quelques lamelles torses, qui pourraient être obtenues par pression. Différents critères orientent vers ce diagnostic, pressenti par J. Pelegrin et J.-G. Bordes23 , et jusqu’alors reconnue dans des assemblages plus récents, et/ou dans des régions extraeuropéennes (e. g. Alix et al. 1995 ; Binder 1984 ; Inizan 1985, 1991 ; Kimura 1999 ; Pelegrin 1982, 1988 ; Perlès 1982 ; Tixier 1978, 1984). L’absence de lamelles Caminade dans ce niveau nous a conduit à établir cette reconnaissance d’après la seule étude des nucléus. Nous complèterons cependant avec quelques remarques formulées d’après l’étude des armatures du site éponyme. 23 Communication présentée lors de la table-ronde internationale d’Aix-en-Provence, 3-5 mars 2003, non publiée. 180 L’examen des surfaces de débitage des burins busqués montre tout d’abord des plans de frappe lisses, surface favorable pour un plan de pression. Les négatifs des enlèvements lamellaires (Figure 77) montrent un très fort parallélisme des bords. Dans les cas où les artisans ont arrêté la production avant l’abrasion de la corniche, celle-ci est visible, et les contre-bulbes sont marqués et elliptiques. La largeur des négatifs est relativement constante sur toute la longueur, et est maximum directement après le contre-bulbe. Enfin la courbure des enlèvements est peu prononcée. Ces caractères se retrouvent également sur les lamelles Caminade que nous avons pu observer24 . Figure 77 : Pataud couche 7- Exemples de surface de débitage de burins busqués – Usage de la pression possible pour les lamelles situées à l’intersection face inférieure / surface de débitage – A noter le parallélisme des nervures et la présence de contre-bulbe marqué et non repris. Même si sur un matériel de cette dimension (autour de 15 mm de long, pour des talons / contre bulbe de l’ordre de 1 à 2 mm), la diagnose est difficile, le faisceau d’arguments semble plaider en faveur d’un usage possible de la pression comme technique de débitage de ces lamelles. 24 Lamelles Caminade du site éponyme. Nous tenons par ailleurs à remercier J.-G. Bordes et A. Lenoble pour l’accès aux collections issues de leurs campagnes de fouilles. 181 La lecture technologique des derniers enlèvements réussis indique principalement une volonté de produire des lamelles torses dans le sens anti-horaire (N = 51 - Tableau 66). Comme nous l’évoquions précédemment, certaines chutes de burin de profil rectiligne à sub-rectiligne, situées à l’intersection flanc droit (face inférieure du support) - surface de débitage, sont aussi recherchées (Tableau 66). La production de ces dernières fut peut-être moins systématique que les lamelles torses, puisque seuls quelques nucléus montrent un débitage de tels produits (N = 11 - Tableau 66). D’autre part, bien qu’il soit difficile de donner un ratio exact, le décompte des négatifs de chaque catégorie de lamelles, par surface de débitage, semble indiquer que par série d’enlèvements, trois lamelles torses aient été produites contre seulement une rectiligne. 7 Lower 7 Upper Total Objectif Nb % Nb % Nb % Torse 45 57,0 1 20,0 46 54,8 Torse + Caminade 6 7,6 1 20,0 7 8,3 Torse ? 8 10,1 1 20,0 9 10,7 Torse ? + Caminade 1 1,3 - - 1 1,2 Caminade + Indéterminé 3 3,8 - - 3 3,6 Rectiligne ? 1 1,3 - - 1 1,2 Indéterminé 15 19,0 2 40,0 17 20,2 Total 79 100 5 100 84 100 Tableau 66 : Pataud couche 7- Décompte et fréquence (%) des objectifs de production des burins busqués. 4.5.2. Les grattoirs à museau Cette modalité est dominante pour le niveau Upper, mais minoritaire pour le niveau Lower ainsi qu’à l’échelle du niveau 7. Nous avons en avons décompté douze pour le niveaux Lower (dont deux incertains), et treize en Upper. 4.5.2.1. Choix de la matière première et du support La matière utilisée est presque exclusivement locale. Outre les deux nucléus dont le statut de nucléus n’est pas clairement démontré, et qui sont en silex du Bergeracois et en Grain de mil (Tableau 62), seule une pièce n’est pas en silex Sénonien, mais son origine n’a pas pu être déterminée. Les nucléus sont tous des éclats, à l’exception d’un situé en 7 Upper, et des deux nucléus douteux issu de Lower, tous trois réalisés sur lame. 182 En l’absence de chaîne de production spécifique, il apparaît comme très probable que ces supports soient issus des premières phases de la chaîne opératoire laminaire (15 pièces, sur les 23 nucléus sûrs, sont corticales, parmi ces dernières 11 correspondent à des entames de nodules). 4.5.2.2. Hiérarchisation des surfaces et mise en forme des nucléus Les supports sélectionnés présentent une face inférieure lisse, homogène, sans trace de fissure ni de plages de moins bonne silicification. La surface de débitage est implantée dans la zone de plus forte épaisseur de l’éclat, en partie distale (13 cas) ou proximale (10 cas). La mise en forme des pièces est relativement standardisée, et présente peu ou prou la même succession de gestes techniques (Lucas 1999) visant à mettre en place les convexités frontale et latérale, et à créer la torsion nécessaire des produits recherchés. Les contours de l’éclat vont être d’abord régularisés, allant d’un simple égrisage à une retouche plus prononcée des bords. Le flanc droit va être encoché, soit à l’aide d’une coche clactonienne, ou bien par une encoche retouchée. Ce procédé permet de cintrer la surface de débitage, tout en créant une nervure guide convexe vers celle-ci. Cette nervure sera décalée vers la droite afin de générer une inflexion mésiale, à l’origine de la torsion anti-horaire. Le flanc gauche est nettement moins investi mais peu aussi présenter une encoche ou une mise en forme plus ou moins poussée afin de réduire le cintre de la surface de débitage. Ces aménagements interviennent essentiellement pour des éclats larges, ou lorsque la surface de débitage s’aplatit, de sorte qu’il n’existe plus de limite nette entre cette dernière et les flancs l’encadrant. Seuls trois cas, douteux au demeurant, semblent indiquer l’existence d’une mise en forme du volume initial par le biais d’une crête antérieure à deux versants. Trois nucléus montrent une mise en forme poussée de deux bords, reconfigurant complètement la morphologie initiale du support. Deux d’entre eux sont des grattoirs à museau double (Figure 78). Le dernier est représenté par un fragment proximal. L’objectif de cette mise en forme est l’obtention de nucléus à flancs parallèles et donc de largeur constante. Ce cintrage poussé imite la morphologie des burins busqués. 4.5.2.3. Modalité, technique et objectifs du schéma « museau » Le sens de progression est frontal, à semi-tournant vers le flanc droit, qui rappelons permet la mise en place de la torsion. 183 Pour générer cette dernière les tailleurs ont recours à des ravivages fronto-latéraux, plus ou moins importants. Ces pièces techniques sont aisément identifiables et fortement latéralisées. Il s’agit souvent de coches clactoniennes présentant sur leur bord gauche des négatifs, torses, de la production lamellaire (e. g. Lucas 1999 ; Tixier 1974). Le plan de frappe n’est quasiment jamais ravivé, et est toujours laissé brut (lisse). Une seule pièce, un grattoir à museau double (Figure 78 n°2), témoigne de ce procédé. Les lamelles sont détachées par percussion directe au percuteur tendre organique, tandis que les éclats de ravivage le sont généralement au percuteur de pierre dure. Figure 78 : Pataud couche 7- Grattoirs à museau à mise en forme poussée, proche de la configuration des burins busqués (Dessin M. Dauvois : n°2 in Chiotti 1999) – silex sénoniens. Pour les trois grattoirs à museau dont la mise en forme est importante, et bien que les derniers enlèvements aient été réalisés à la pierre dure (tentative échouée de réfection des convexités, ayant eu pour conséquence la création de rebroussés sous la corniche), les négatifs lamellaires observables montrent une grande régularité (bords parallèles, faible convexité des supports obtenus, largeurs constantes et à priori maximum des la partie proximale). L’hypothèse d’un usage de la pression pour le détachement de ces lamelles mérite d’être posée. L’objectif est, tout comme nous venons de le voir, clairement d’obtenir des lamelles torses dans le sens anti-horaire. 184 4.5.3. Les lamelles retouchées Les lamelles retouchées sont au nombre de quatre (Figure 79). Ce faible effectif est en partie imputable à la méthode de fouille (cf. supra). Les lamelles sont toutes entières. Deux sont en silex Grain de mil, fait surprenant puisqu’il n’y a quasiment aucun nucléus en cette matière (Tableau 62), les deux autres sont en silex sénonien (un blond et un noir, tous deux à grain fin). Toutes les quatre présentent une torsion anti-horaire. Les deux lamelles en Sénonien présentent une retouche inverse droite, tandis que les deux en Grain de mil possèdent une retouche directe sur le bord gauche et inverse sur le droit. Ces produits peuvent être décrits comme lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe. Figure 79 : Pataud couche 7- Lamelles retouchées (Dessin P. Laurent : n°3 in Brooks 1995) – Sénonien : n°1 et 2 / Grain de mil : n°3 et 4. Leurs dimensions s’inscrivent pleinement dans celles que nous avons pu observer d’après l’étude des négatifs visibles sur les nucléus (busqués et museaux – Figure 80). Les négatifs observables sur les grattoirs à museau sont cependant légèrement plus grands. Ceci tient essentiellement à l’absence d’encoche normant la longueur des produits. Les longueurs sont majoritairement comprises entre 9 et 17 mm, pour des largeurs entre 2 à 4, maximum 5 mm. Plus précisément, les moyennes et médianes réalisées sur ces dimensions donnent des valeurs situées entre 13 et 15 mm de long, pour 3 et 4 mm de large (Tableau 67). Pour l’épaisseur, l’ensemble des mesures se situe autour de 1,25 mm. Moyenne Médiane Longueur Busqué 13,4 13,0   Museau 15,3 15,0   Roc-de-Combe 14,4 13,9 Largeur Busqué 3,3 3,0   Museau 3,6 4,0   Roc-de-Combe 3,2 3,2 Tableau 67 : Pataud couche 7- Moyennes et médianes (en mm) des longueurs et largeurs. Mesure prisent sur les négatifs lamellaires observés sur les burins busqués et les grattoirs à museau, ainsi que sur les lamelles Roc-de-Combe. 185 Dimensions des négatifs d'enlèvements des burins busqués comparés à celles des lamelles retouchées entières 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 0 1 2 3 4 5 6 7 Largeur (mm) Longueur(mm) Négatifs BB Négatifs GM Lamelles retouchées entières Figure 80 : Pataud couche 7- Dimensions (longueur x largeur en mm) des lamelles retouchées, comparée à celles des négatifs observés sur les burins busqués et les grattoirs à museau. 4.6. Économie des matières premières Les matériaux locaux ont été débités sur place. Il s’agit des silex sénoniens, qu’ils soient blonds ou noirs, à cortex frais ou roulé traduisant une origine probable des terrasses de la Vézère. L’ensemble des produits de débitage (déchets, produits d’intention première, outils…) laminaires et lamellaires sont présents sur le site. Certains silex d’origine plus lointaine ont semble-t-il aussi été débités sur place, d’une part pour produire des lamelles, et d’autre part, fait plus exceptionnel, pour produire des lames (Figure 81). Ainsi, quelques blocs de Bergeracois (Figure 82) ont été apportés sur le site à 186 l’état de nucléus dégrossi ou déjà mis en forme (déficit en pièces corticales). Dans au moins un cas, des lames ont visiblement été produites sur place mais le nucléus fait défaut (Figure 81) et pourrait avoir été emporté. Enfin, pour un bloc, l’origine du silex n’a pu être clairement confirmé. Il pourrait s’agir soit d’un silex du Bergeracois à texture packstone, soit de Grain de mil. Si en apparence cette confusion peut paraître surprenante, rappelons que certains silex provenant des formations maestrichtiennes du Bergeracois présentent une telle texture (Figure 83), qui une fois patinée, peut-être confondue avec du Grain de mil patiné. Un bloc de Grain de mil pourrait avoir subi le même traitement, cependant le caractère « Bergeracoïde » de la matière incite à la prudence. Figure 81 : Pataud couche 7- Remontage de quatre lames en silex maestrichtien du Bergeracois, dont trois ont été débitées pour produire des lamelles via une modalité de type burin busqué (remontage L. Chiotti). 187 Figure 82 : Pataud couche 7- Nucléus en silex bergeracois probable (n°1), et en Bergeracois (n°2). 188 Figure 83 : Exemples de silex Maestrichtien du Bergeracois à texture packestone, pouvant être confondu avec du silex Grain de mil (ces trois pièces sont issues du même bloc). 4.7. Synthèse de l’étude des niveaux 7 Upper et 7 Lower L’étude de ces deux niveaux nous a permis de mieux caractériser les intentions des différents débitages, qu’ils soient laminaires ou lamellaires, ainsi que le territoire d’approvisionnement durant la phase récente « classique » à grattoirs à museau et à burins busqués. Avant d’en donner les tendances nous souhaiterions aborder la question de la pertinence de la subdivision du niveau 7 en deux nappes de vestiges distinctes, Lower et Upper. 4.7.1. Validité du découpage Movius L’analyse distincte des deux niveaux reconnus par H. L. Movius Jr. et son équipe lors de la fouille de l’abri Pataud nous a permis de mieux cerner leur différence. Nous commencerons par les points divergents. En premier lieu nous avons pu constater des différences en termes d’origine des matières premières. Le niveau 7 Lower montre une diversité qui n’a pas été retrouvée pour le niveau 7 Upper, celui-ci étant plus monotone. Pour 189 les matériaux allochtones, le silex du Bergeracois est mieux représenté en 7 Lower, suivi du silex Grain de mil, inversement pour Upper. Il convient cependant de rappeler que les effectifs de 7 Upper sont faibles, ce qui pourrait expliquer ce problème de représentativité. Le taux de pièces altérées est plus important en 7 Upper, mais une explication d’ordre taphonomique peut être avancée. En effet les niveaux 8 à éboulis 5/6 constituent l’ensemble sédimentaire VI de S. Agsous (2008), dont le processus principal de mise en place des dépôts correspond à l’éboulisation, lié à l’effondrement du toit de l’abri. Rappelons que l’unité 7 Upper se distribue en avant et dans la pente, où ces processus ont joué un rôle important se manifestant par la présence de nombreux blocs d’effondrement ainsi qu’un recul substantiel du toit de l’abri. Le niveau 7 lower se trouve en arrière, au fond de l’abri, où l’effondrement de gros blocs est moins important. La fraction fine est mieux représentée en 7 Upper. Cependant, ceci peut être encore imputable à des processus naturels. Puisque, rappelons-le, cette unité se trouve dans la pente et que des phénomènes de percolation ont pu être mis en évidence. Enfin, les fréquences des nucléus lamellaires sont aussi inversées. L’ensemble Lower est à burins busqués dominants tandis que Upper est à grattoirs à museau dominants. Toutefois, dans un cas comme dans l’autre, les objectifs et les intentions des tailleurs sont identiques, et chacune de ces catégories de nucléus lamellaire a vocation de produire des lamelles torses dans le sens anti-horaire. De plus, les supports sélectionnés, que ce soit en termes de matière ou de gabarit suivent les mêmes exigences, les mêmes règles. A contrario, l’analyse de la production laminaire a permis de mettre en évidence une modalité similaire dans chacune des unités. De plus, les types d’outils, ainsi que leur proportion, sont peu ou prou les mêmes dans chacun des deux ensembles. Nous résumerons donc de la manière suivante. Aucune différence fondamentale entre les deux niveaux n’est décelable. Les seules variations existantes ne sont pas d’ordre conceptuel (intentions, objectifs et modalités des débitages laminaires et lamellaires, qui restent stables), mais d’ordre numérique (variation des proportions). Il est utile de rappeler que le niveau Lower a été identifié dans le fond de l’abri, et associé à une structure d’habitat (Movius 1975, 1977 ; Chiotti 1999), construite autour de foyers et contre la paroi. Le niveau Upper, plus diffus, correspond à un dépôt de pente situé en avant de cette structure d’habitat. Comme nous l’évoquions précédemment (cf. supra), les altitudes des pièces issues des différents niveaux ne montrent pas de vraie césure stratigraphique, mais 190 semblent au contraire plaider pour une seule et même nappe de vestiges. Ainsi, et dans l’hypothèse où les données spatiales n’ont été que peu remaniées par les différents phénomènes taphonomiques, alors, le niveau Lower pourrait effectivement correspondre à la zone « d’habitat » ou d’une plus forte activité liée à la taille, et le niveau Upper serait une zone de rejet ou d’activité de taille moins importante, ou encore d’une autre activité ne faisant intervenir les objets siliceux qu’en second plan (boucherie, tannage des peaux …). Quoi qu’il en soit, nous proposons de rattacher ces deux niveaux et de les considérer comme une seule et même nappe de vestiges. 4.7.2. Les modalités de débitage 4.7.2.1. La production laminaire Outre deux nucléus laminaires en silex du Bergeracois (cf. supra), le reste est en silex sénoniens blonds et noirs. Au moins deux sources d’approvisionnement peuvent être évoquées pour les silex sénoniens. Les premiers correspondent à une sélection de blocs alluviaux (cortex roulé), dont l’origine la plus proche est les alluvions de la Vézère située à quelques dizaines de mètres en contrebas, tandis que d’autres présentant des cortex frais pourraient provenir de gîtes primaires. La surface de débitage est préférentiellement implantée sur une surface large, rarement sur une face étroite. La mise en forme est sommaire. Un plan de frappe est préalablement dégagé, via l’enlèvement d’un éclat plus ou moins massif de décalottage. L’initialisation du débitage se fait par extraction soit d’une crête antérieure à un ou deux versants, totale ou partielle, soit de lames ou d’éclats laminaires corticaux. Les flancs sont généralement laissés bruts et présentent une angulation marquée avec la surface de débitage, proche de 90°. La production est frontale, rarement semi-tourante. Le détachement des supports se fait par percussion directe au percuteur tendre. Les talons sont soit facettés (visible sur les tablettes de ravivage, ainsi que sur certains plans de frappe), soit laissés lisses. Quelle que soit la préparation, on note une abrasion systématique de la corniche. Enfin, l’entretien des nucléus est relativement classique. Dans le cas de cintre, ou de carène trop faible, une néocrête est mise en place à la jonction flanc / surface de débitage, pouvant être supplée ou remplacée par des enlèvements distaux opposés. Dans d’autre cas, minoritaires, certaines fortes lames outrepassées semblent avoir joué un rôle identique, de même pour certains éclats laminaires épais, détachés au niveaux des flancs. Concernant les plans de frappe, ceux-ci sont rafraîchis par l’enlèvement de tablettes de ravivage de type Thèmes (Le Brun-Ricalens et Brou 2003). 191 Le schéma de production des lames reste stable avec ce que l’on connaît pour les phases précédentes. On note une similarité technique, dans la simplicité, avec d’une part ce que nous avons décrit pour les phases moyenne et récente (cf. supra, respectivement Pataud couche 8 et Caminade D2s et Chiotti 1999 ; Lucas 2000 ; Michel 2005), ainsi qu’avec la phase ancienne « classique » (Bon 2002 ; Bordes 2002 ; Bordes et Tixier 2002 ; Le Brun-Ricalens 1993 ; Ortega et al. 2006 ; Teyssandier 2000 ; Tixier et Reduron 1991). 4.7.2.2. La production lamellaire Deux modalités ont été reconnues. La première, majoritaire, réalisée aux dépens de supports laminaires correspond aux nucléus de type burin busqué, la seconde aux grattoirs à museau, généralement réalisées sur éclat. L’une comme l’autre ont produit des lamelles torses, support des lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe. Les burins busqués ont probablement aussi été pourvoyeurs de lamelles – chutes de burin, de profil rectiligne, supports de lamelles Caminade, vraisemblablement détachées par pression. Toutefois, la faible représentativité de la fraction fine en général, et l’absence de lamelle Caminade en particulier, nous empêche de conclure définitivement. Enfin nous terminerons sur l’analyse des quelques burins des Vachons décrits précédemment (Chiotti 1999 : voir p. 525 à 528 et fig. 185 pour 7 Lower et p. 635 à 636 et fig. 214 pour 7 Upper). Si leur statut de nucléus à lamelles ne fait aucun doute, leur rattachement à la modalité de type Vachons (Pesesse et Michel 2006) ne peut être retenue. Bien que ces pièces présentent quelque aménagement sur le flanc droit (face inférieure du support), et dans une moindre mesure sur le gauche, l’analyse des intentions a permit de mettre une évidence une volonté de produire des supports torses dont les dimensions sont identiques à ceux observés sur les burins busqués sans mise en forme du flanc droit. Ce simple fait nous engage à définitivement les classer comme des burins busqués. À cela s’ajoute : la latéralisation de la surface de débitage, la présence d’une encoche d’arrêt, la sélection de supports laminaires, et non d’éclats, comme nucléus. Cette mise en forme prononcée sur la face inférieure trouve une explication dans l’analyse morphométrique des supports sélectionnés. Celle-ci intervient pour soit pour recintrer la surface de débitage dans le cas de supports épais, ou possédant un bulbe épais qu’il convient de réduire, soit d’augmenter le parallélisme des flancs dans le cas notamment des lames de profil courbe. 192 4.7.3. Origine et gestion des matières premières Les types et surtout les origines géographiques des différents silex présents sur le site permettent d’envisager un territoire, qu’il s’agisse de collecte ou d’échange, relativement vaste (Figure 67). Dans l’attente de confirmation d’un certain nombre de matériaux, cas du Maestrichtien de Chalosse ou du Turonien du Grand-Pressigny, l’espace d’approvisionnement correspond globalement au nord du bassin d’Aquitaine, dans une zone comprise entre la rive gauche de la Charente et la rive droite de la Dordogne. L’apport et le débitage sur place de matériaux allochtones, tant pour la production laminaire que lamellaire, plaident en faveur d’une planification des besoins. 193 5. La couche 6 La couche 6 a été subdivisée lors de la fouille en 6 Lower et 6 Upper (Chiotti 1999 ; Movius 1975, 1977). L’analyse de la répartition spatiale des vestiges n’a pas permis de confirmer la validité de ces deux unités (cf. supra). C’est pourquoi nous avons choisi de présenter une analyse globale de la couche 6, sans tenir compte des attributions de niveaux faites à la fouille. Toutefois, et via l’analyse technologique comparée, nous discuterons in fine de l’homogénéité et de l’unité technique de cet assemblage. Il convient de rappeler que les différentes études menées jusqu’alors sur ce niveau n’ont, elles aussi, pas tenu compte de ces subdivisions (Brooks 1995 ; Chiotti 1999 ; Pesesse 2008). Lorsque nous avons débuté ce travail, cette série était en cours d’étude par D. Pesesse. De fait, et afin d’avoir une vision globale des phases récentes de ce site, seul un diagnostic a été réalisé, dont nous ne pensions par ailleurs pas nécessairement présenter les résultats. Cependant, à la lueur des nouvelles données disponibles (Pesesse 2008), il nous est apparu opportun de développer certains points. Avant de présenter nos résultats, nous allons résumer les différentes informations obtenues lors des différentes analyses (Chiotti 1999, Pesesse 2008). Nous présenterons en premier lieu les celles de L. Chiotti (1999), pour le débitage laminaire et l’économie des matières premières, puis celles de D. Pesesse (2008) pour la question du lamellaire. 5.1. Synthèse des travaux antérieurs 5.1.1. Les travaux de L. Chiotti (1999) Pour ce travail, le matériel de la fouille principale et celui des extensions ont été étudiés, soit une série de 2896 vestiges numérotés, parmi lesquelles 614 sont cotés et 2834 non marqués (Tableau 68). Si les éclats sont majoritaires, les lames sont relativement bien représentées avec 783 vestiges, ce qui n’est pas le cas de la fraction lamellaire avec 256 vestiges, dont seulement 29 lamelles sont entières. Il note à ce propos une faible représentation des pièces entières, le taux de fragmentation étant d’un peu plus de 60 %, pour atteindre environ 88 % pour les lames et les lamelles. Comme précédemment, les silex sénoniens tiennent une place de premier ordre, avec toujours une prépondérance des blocs d’origine fluviatile, suivis des silex maestrichtiens du Bergeracois (N = 124) et des silex jaspoïdes en nombre plus important que dans les niveaux 194 sous-jacents (N = 14). Les silex d’origine indéterminée représentent environ 10 % des pièces numérotées. Nombre Fréquence (%) Pièces marquées Nucléus et blocs 62 1,1 Produits de débitage 2057 35,9 Outils 718 12,5 Déchets d'outils 59 1,0 Total 2896 50,5 Pièces non marquées Esquille < 1cm2 787 13,7 Débris 2047 35,7 Total 2834 49,5 Total 5730 100,0 Pièces retenues pour étude 734 12,8 Tableau 68 : Pataud couche 6 - Décompte et fréquence (%) des vestiges en silex, fouille principale (d’après Chiotti 1999). Concernant la production de lames, celle-ci a lieu sur place pour les silex sénoniens, ce qui serait également le cas pour une partie du silex du Bergeracois. Les blocs seraient arrivés déjà préformés (faible représentativité des pièces corticales), et débités sur place (présence de pièces techniques – lames à crête, tablette de ravivage – de supports bruts, ainsi que de deux nucléus). Il note cependant qu’une fraction des lames, et notamment celles qui sont de gabarit important, ont probablement été introduites sur le site déjà débitées. Enfin, le débitage sur place du silex du Bergeracois ne serait attesté que pour ce niveau, tranchant avec les occupations précédentes, pour lesquelles il considère qu’il n’a pas été débité sur place. Les nucléus sont au nombre de 55 (Tableau 69), dont 43 ont produit des lames. Leur étude a permis de mettre en avant plusieurs informations que l’on peut synthétiser ainsi : - la mise en forme des blocs est variable, allant de la mise en forme poussée restructurant le volume initial, à une mise en forme plus sommaire, où de larges plages corticales, notamment au niveau du dos et des flancs, sont conservées ; - les nucléus à tendance prismatique ont produit peu de lames et d’avantage d’éclats laminaires et d’éclats. Pour trois des treize pièces à tendance prismatique, le débitage à été poussé à exhaustion. Enfin le débitage est unipolaire dans la plupart des cas, seuls deux sont à deux plans de frappe ; 195 - pour les nucléus prismatiques, treize sont à un plan de frappe (dont dix à dos cortical), et dix sont à deux plans de frappe, dont deux à surface de débitage successive, et trois avec des enlèvements opposés ; - enfin, sept nucléus présentent des dimensions réduites, et ont produit des petites lames ou grandes lamelles. Sénonien noir Sénonien Blond Bergeracois Indéterminé Total Nucléus Prismatiques 19 2 2 - 23 Tendance prismatique 9 3 - 1 13 Informes 6 - - - 6 Globuleux 4 - - - 4 A éclats sur éclat 2 - - - 2 Indéterminé de petite dimension 5 1 - 1 7 Total 45 6 2 2 55 Fragment de nucléus - - - - 10 Fragment de blocs - - - - 29 Tableau 69 : Pataud couche 6 - Décompte des nucléus et des blocs en silex (d’après Chiotti 1999). 5.1.1. Les travaux de D. Pesesse (2008) Lors de son travail de doctorat D. Pesesse (2008) s’est essentiellement attaché à décrire les productions lamellaires. Comme L. Chiotti, cette analyse se base sur le matériel issu tant de la fouille principale que des extensions. Quatre types de produits recherchés ont pu être mis en évidence, il s’agit d’une production micro-lamellaire, lamellaire, de grandes lamelles et de petites lames. La production micro-lamellaire correspond à la recherche de produits de petites dimensions, aux alentours de 20 mm de longueur. Les supports sont obtenus à partir de burins busqués et de burins des Vachons. Les nucléus de type Vachons sont majoritaires vis-à-vis des burins busqués (Tableau 70). La production lamellaire intègre les nucléus ayant produit des lamelles de longueur comprises entre 20 et 30 mm. Il s’agit de sept grattoirs carénés, ainsi que deux de type « grattoir-burin » (Figure 96 n°3). Précisons que pour ces nucléus, le plan de frappe ne correspond pas à la face inférieure, mais supérieure de l’éclat support. Si ces pièces correspondent à celles décrites comme des nucléus « grattoir-burin » sur le site de Thèmes (Le Brun-Ricalens et Brou 2003), le terme semble impropre et renvoie davantage aux outils multiples associant un grattoir et un 196 burin. Nous préférons le terme de grattoir à « front ventral déjeté » (Langlais 2007, 2008 ; Langlais et al. 2008). Support Nucléus Préforme Total Fréquence Bloc A petite lame 9 - 9 12,0 Eclat A grandes lamelles 11 - 11 14,7 Burin busqué 12 2 14 18,7 Burin busqué atypique 2 - 2 2,7 Burin busqué / Vachons 3 - 3 4,0 Burin des Vachons 19 8 27 26,0 Type grattoir 9 - 9 12,0 Total 65 10 75 100 Tableau 70 : Pataud couche 6 - Décompte des nucléus lamellaires (d’après Pesesse 2008, modifié). Les produits décrits comme appartenant au « grand lamellaire » (Pesesse 2008) sont obtenus sur burins carénés et des Vachons, auxquels s’adjoint une production originale de grandes lamelles de profil rectiligne, probablement sur bloc, corrigé par des enlèvements laminaires portant des négatifs lamellaires (Figure 84 n°1 et 2). Cette dernière modalité est représentée par deux pièces. Enfin, les petites lames sont obtenues sur des blocs initialement de petites dimensions comprises entre 50 et 100 mm. Le débitage est unipolaire avec réfection de la surface de débitage à l’aide de lames de flanc désaxées. Un nucléus présente en outre des enlèvements opposés servant à resserrer la base de celui-ci, afin de maintenir la convergence des produits en partie distale (Figure 84 n°3). Deux techniques de détachement des supports sont utilisées, il s’agit de la percussion directe au percuteur tendre organique et au percuteur tendre minéral. Enfin, s’ajoutent deux nucléus à lames fortement réduits qui ont livré successivement des lames puis des petites lames. Les supports lamellaires retouchés sont rares avec seulement deux fragments proximaux de lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe de grande dimension (supérieure à 20 mm de longueur), et huit lamelles de type Font-Yves, dont aucune n’est entière. Pour ces dernières les supports utilisés correspondent à six lamelles, une grande lamelle et une petite lame. Ces pièces se caractérisent par une retouche directe uni (bord droit) ou bilatérale. Enfin, l’auteur conclut par l’existence de différences économiques importantes avec les populations précédentes, se traduisant par une augmentation in situ des production lamino- 197 lamellaires, une dissociation de la production des lames et des lamelles moins marquée et se rapprochant davantage des phases initiales de l’Aurignacien (Protoaurignacien - e. g. Bon 1996 ; Bon et Bodu 2002 ; Bordes 2002 ; Tsanova 2007)., et enfin une pluralité des schémas de production lamellaire, dont certaines se démarquent par leur originalité et leur absence au sein des phases précédentes. Figure 84 : Pataud couche 6 - Enlèvements laminaires de tables lamellaires (n°1 et 2), et nucléus à base resserrée (n°3) (Dessins D. Pesesse in Pesesse 2008). 198 Après avoir dressé un bilan des différentes informations obtenues par différents auteurs sur ce niveau (Chiotti 1999 ; Pesesse 2008), nous allons présenter les résultats issus de notre diagnostic. 5.2. Corpus d’étude 5.2.1. Matériel sélectionné, inventaire Comme pour les niveaux précédents, nous n’avons pas tenu compte du matériel récolté dans les extensions. Seul celui qui est issu de la fouille principale a été étudié. Nous n’avons pas réalisé de décompte global de la série. Le décompte des pièces pour lesquels nous avons constitué une base de données est présenté dans le Tableau 71. Lame Eclat laminaire Eclat Lamelle Chute de burin Indéterminé Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Sénonien noir 172 23,0 66 8,8 183 24,4 8 1,1 2 0,3 4 0,5 435 58,1 Sénonien blond 60 8,0 10 1,3 41 5,5 3 0,4 - - 1 0,1 115 15,4 Sénonien probable 24 3,2 4 0,5 22 2,9 5 0,7 - - - - 55 7,3 Tertiaire 1 0,1 - - 2 0,3 - - - - - - 3 0,4 Maestrichtien type Bergeracois 48 6,4 6 0,8 21 2,8 2 0,3 - - - - 77 10,3 Bergeracois probable 6 0,8 1 0,1 2 0,3 2 0,3 - - - - 11 1,5 Santonien type Grain de mil 1 0,1 - - 2 0,3 - - - - - - 3 0,4 Coniacien inf type Gavaudun 2 0,3 - - 1 0,1 - - - - - - 3 0,4 Turonien supérieur 10 1,3 1 0,1 2 0,3 - - - - - - 13 1,7 Infralias 2 0,3 - - 1 0,1 - - - - - - 3 0,4 Jurassique 1 0,1 2 0,3 - - - - - - - - 3 0,4 Porcelainé 1 0,1 - - - - - - - - - - 1 0,1 Turonien sup type Gd-Pressigny ? - - - - 1 0,1 - - - - - - 1 0,1 Indéterminés 11 1,5 2 0,3 9 1,2 2 0,3 - - 2 0,3 26 3,5 Total 339 45,3 92 12,3 287 38,3 22 2,9 2 0,3 7 0,9 749 100 Tableau 71 : Pataud couche 6 - Décompte et fréquence (%) des vestiges étudiés par matière première et par type de support. 5.1.2. État de conservation Les remarques formulées pour les niveaux sous-jacents (couches 8 et 7, cf. supra) sont aussi valables pour ce niveau. Nous retiendrons pour le niveau 6 qu’environ 26 % des vestiges que nous avons étudié présentent des altérations des bords (N = 194), et pour un peu plus de 28 % (N = 213) le caractère volontaire des retouches reste douteux. Rapporté au nombre total de vestiges marqués (assimilables peu ou prou aux vestiges de dimensions supérieures à 1 cm), les pièces présentant des altérations non volontaires sûres et probables représentent respectivement 6,7 % et 7,4 % de l’assemblage. 199 5.1.3. Remarque sur la fragmentation Le taux de fragmentation, et en particulier celui des lames, est important pour ce niveau. Une partie de cette sur-fragmentation trouve un complément de réponse dans l’analyse des fractures intentionnelles. Si les supports comme les éclats laminaires, les éclats et les lamelles n’ont pas ou peu été fracturés intentionnellement (Tableau 72), ce n’est pas le cas des lames. Ainsi, environ 20 % des lames (N = 68) que nous avons étudiées présentent de tels stigmates, expliquant de fait, et pour partie seulement, le faible nombre de lame entières présentes dans la série. Fracture volontaire Lame Eclat laminaire Eclat Lamelle Total Sûre Proximale 19 - 2 - 21 Mésiale 1 - - - 1 Distale 23 1 - - 24 Prox & dist 4 - - - 4 Total 47 1 2 - 50 Incertaine Proximale ? 13 1 1 3 18 Distale ? 7 2 - - 9 Prox & dist ? 1 - - - 1 Total 21 3 1 3 28 Total 68 4 3 3 78 Tableau 72 : Pataud couche 6 - Décompte des fractures anthropiques sûres et probables. 5.2. Matière première utilisée Comme dans les niveaux sous-jacents, les silex sénoniens, et notamment d’origine alluviale, dominent (Tableau 71), et avec une représentation plus marquée de la variété noire. Les silex maestrichtiens du Bergercacois sont nombreux (10 % des pièces étudiées), et présents sous diverses formes (lames, éclats, lamelles, nucléus et pièces techniques). Parmi les silex d’origine éloignée (Figure 85), ce sont les silex du Turonien supérieur qui sont les mieux représentés avec 14 objets, suivis du silex Grain de mil présent uniquement par trois pièces, et contrairement aux niveau 8 et 7, trois pièces en Coniacien inférieur type Gavaudun sont présentes. Enfin, parmi les pièces d’origine indéterminée ou incertaine, se trouvent un silex « Porcelainé », et un probable Turonien supérieur de la région du Grand-Pressigny (Figure 86). Cette dernière pièce tranche vis-à-vis du reste de la série puisqu’elle est non patinée. 200 Figure 85 : Pataud couche 6 - Carte d'approvisionnement en silex (matériaux d'origine locale non figurés). Figure 86 : Pataud couche 6 - Éclat, ou fragment distal de lame, en possible Turonien supérieur de la région du Grand-Pressigny (burin sur troncature en partie proximale). 201 5.3. Modalités de débitage laminaire Dans le cadre de notre diagnostic, bien qu’ayant étudié les nucléus, nous n’avons pas réalisé de décompte précis. Les productions laminaires seront donc abordées plus spécifiquement sous l’angle de l’analyse des produits. 5.3.1. Corpus Le corpus étudié est de 431 supports laminaires, avec 338 lames et 92 éclats laminaires (détachés au percuteur dur). Les supports bruts sont majoritaires et représentent environ 56 % des supports étudiés (Tableau 73). 5.3.2. Caractères généraux Les pièces techniques présentes nous renseignent sur la mise en forme et l’entretien des volumes débiter. L’aménagement des blocs n’est pas systématique : certains sont entamés sans préparation préalable, comme en témoignent certaines lames corticales (N = 10), détachées au niveau d’une convexité naturelle propice. Dans le cas contraire, les volumes sont restructurés via la mise en place d’une crête, généralement partielle (Tableau 74). Lame Eclat laminaire Total Fréquence (%) Brute 205 36 241 55,9 Crête 6 3 9 2,1 Entame corticale 6 4 10 2,3 Sous-crête 8 - 8 1,9 Néocrête 11 6 17 3,9 Pan gauche cortical 39 17 56 13,0 Pan droit cortical 36 15 52 12,1 Cortex proximal 2 3 5 1,2 Cortex distal 23 7 30 7,0 Deux pans corticaux 2 1 3 0,7 Total 338 92 431 100 Tableau 73 : Pataud couche 6 - Décompte et fréquence (%) des types de supports laminaires. Le maintien des convexités est assuré par divers procédés, le plus fréquent correspond à la mise en place d’une néocrête (N = 17 – Tableau 73), généralement partielle et implantée en partie distale du nucléus. Dans certains cas le recintrage de la surface de débitage est obtenu à l’aide d’enlèvements latéraux, de flanc, présentant sur leur face supérieure les négatifs de la surface laminaire ainsi qu’une partie des flancs. Ces supports présentent généralement un profil torse. 202 Crête à deux versants Crête à un versant Brute Cortex distal Cortex proximal Cortex distal Pan gauche cortical Total Lame Entière 2 - - - - 2 Proximale - - - 1 - 1 Distale 1 1 - - 1 3 Total 3 1 - 1 1 6 Eclat laminaireEntier 1 - 2 - - 3 Total 4 1 2 1 1 9 Tableau 74 : Pataud couche 6 - Décompte des lames à crêtes. Enfin, quelques supports laminaires en silex sénonien ainsi qu’une lame en silex du Bergeracois présentent des négatifs opposés (N = 11, dont trois incertains). Le rôle de ces enlèvements est dans certains cas double, puisqu’ils permettent d’une part de recréer les convexités propices au bon déroulement du débitage, et d’autre part, comme le suggère D. Pesesse, à resserrer la base du nucléus afin de maintenir une convergence distale des produits (Pesesse 2008), comme cela est d’ailleurs visible sur deux nucléus. Cette option technique, eu égard au nombre total de supports laminaires étudiés, reste anecdotique. 5.3.3. Dimensions des supports laminaires : comparaison avec le niveau 7 Afin d’approcher au mieux la variabilité dimensionnelle des supports laminaires du niveau 6, nous avons choisi de mener une comparaison avec ceux du niveau 7 (Tableau 75 et Figure 87). Longueur (entière) Largeur Epaisseur   C7 C6 C7 C6 C7 C6 Moyenne 59,91 50,03 25,33 21,40 8,71 7,37 Variance 206,93 97,04 53,74 41,04 14,57 10,07 Observations 234 47 700 338 700 338 Variance pondérée 188,81 49,34   13,01   Degré de liberté 279 1036   1036   Statistique t 4,50 8,71   5,81   P(T<=t) unilatéral 5,1 E-06 5,5 E-18   4,1 E-09   Valeur critique de t (unilatéral) 1,65 1,65   1,65   P(T<=t) bilatéral 1,0 E-05 1,1 E-17   8,3 E-09   Valeur critique de t (bilatéral) 1,97   1,96   1,96   Tableau 75 : Pataud couche 6 - Comparaison des moyennes (test de Student) des dimensions (en mm) des lames des niveaux 6 et 7. 203 Le premier constat que nous pouvons tirer de ces résultats est qu’il existe une différence nette, en termes de dimension moyenne (Tableau 75), entre ces deux séries. Les lames issues du niveau 6 sont généralement moins longues, moins larges et moins épaisses que celles du niveau sous-jacent. L’analyse des classes dimensionnelles permet de nuancer et de compléter ce premier examen. En effet, la répartition par classes de taille met en avant des tendances proches (Figure 87), avec des distributions plus ou moins superposables. La principale différence réside dans des fréquences plus importantes de supports de petites dimensions pour le niveau 6, mais les lames de plus fort gabarit sont tout de même présentes. L’hypothèse d’une réduction des nucléus à lames pour fournir des supports de petites dimensions (Chiotti 1999 ; Pesesse 2008) nous semble ainsi validée. 5.3.4. Remarques complémentaires sur la production intercalée de lames et de lamelles L’analyse des négatifs des enlèvements visibles en face supérieure des supports laminaires confirme l’existence d’un débitage intercalé de lames et de lamelles (Pesesse 2008). Trentesept supports laminaires peuvent être rapportés à cette modalité (Tableau 76 et Figure 88). Ces lames sont essentiellement en silex sénonien, la variété noire étant majoritaire, et en silex du Bergeracois. L’examen des négatifs permet de préciser le mode de production, ainsi que le gabarit des supports lamellaires recherchés. 204 Figure 87 : Pataud couche 6 - Histogrammes des classes de taille (en mm) des lames des niveaux 6 et 7. 205 Outils Outils ? Brut Total Sénonien noir 10 4 - 14 Sénonien blond 2 3 4 9 Sénonien probable 1 - 1 2 Tertiaire - 1 - 1 Bergeracois 1 5 2 8 Bergeracois probable - 2 - 2 Indéterminé - 1 - 1 Total 14 16 7 37 Tableau 76 : Pataud couche 6 - Décompte des supports laminaires bruts et retouchés qui portent des négatifs lamellaires. Les lamelles sont produites de manière frontale et unipolaire, comme en témoigne leurs négatifs situés en partie centrale des lames. Ces supports lamellaires sont généralement convergents, indiquant une volonté de produire des supports pointus. Notons cependant que ceux-ci ne convergent pas nécessairement en partie distale des lames, et donc des nucléus, mais « stoppent leurs courses » à mi-hauteur de ces dernières. Les lames portant ces négatifs assurent le maintien de la carène. Toutefois, nous n’excluons pas une recherche volontaire, puisque celles-ci sont généralement retouchées (Tableau 76). Ainsi, l’objectif de ce type de débitage est probablement double, c’est-à-dire produire à la fois des lames et des lamelles, et pas uniquement ces dernières. Enfin la présence de quelques lames de flanc présentant des négatifs lamellaires permet de mettre en évidence un cintrage assez prononcé de la surface de débitage. D’autre part, et comme nous le mentionnons plus haut, certaines lames présentent des négatifs opposés, dont certains semblent découler de la volonté de conserver une convergence des enlèvements en partie distale des nucléus. Toutefois, le faible nombre de supports s’y rapportant (N = 11), laisse supposer un emploi anecdotique de cette option technique. Les lames portant de tels négatifs ont été débitées par percussion directe au percuteur tendre organique. Dans les rares cas où les contre-bulbes des négatifs lamellaires sont présents, le diagnostic de la technique employée pour leur détachement s’est avéré incertain. Toutefois, l’examen des talons des petites lames et des grandes lamelles laisse entrevoir l’usage, en supplément de la percussion directe organique, d’une percussion tendre minérale (Pesesse 2008). Ainsi, lors du débitage, suivant les objectifs à atteindre, les tailleurs auraient eu recours à des techniques différentes : détachement des lames à l’aide d’un percuteur tendre organique et des lamelles avec un percuteur tendre minéral. 206 Figure 88 : Pataud couche 6 – Lames présentant des négatifs lamellaires en face supérieure (n°12 à 14 d’après Pesesse 2008). Seule la largeur des négatifs lamellaires a pu être vraiment appréciée. La plupart des lames portant les vestiges d’une production intégrée de lamelles étant fragmentaires, seuls quelques négatifs entiers ont pu être mesurés (N = 9). Ces derniers, et d’après l’ensemble des pièces étudiées, correspondent vraisemblablement aux pièces les plus courtes, la longueur des 207 négatifs incomplets étant égale ou plus souvent supérieure à celle des complets. Les moyennes sont les suivantes : 22,8 mm de longueur pour les négatifs entiers, rapportée à 25,4 mm en considérant la totalité des mesures, pour une largeur de 5,6 mm. 5.3.5. Autre modalité de production de lames Parallèlement à cette modalité, quelques lames présentent un pan revers témoignant d’une production sur tranche d’éclat : cinq lames en silex sénonien et trois en Bergeracois. Pour deux d’entre elles, les négatifs d’enlèvements visibles sur leur face supérieure montrent une production intercalée de lamelles. Le faible nombre de produits s’y rattachant, même s’il est sous-évalué du fait de la difficulté de pouvoir y rattacher les produits obtenus au centre de la surface de débitage ou au niveau de la face supérieure de l’éclat support, laisse supposer que cette modalité est marginale vis-à-vis des autres méthodes mises en jeu. 5.3.6. Synthèse sur la production laminaire L’examen des nucléus, associé à l’étude des supports laminaires (cf. supra), laisse entrevoir l’existence de quatre, voire cinq modalités de production laminaire. Ce qui rejoint pour partie les descriptions déjà réalisées sur ce niveau (Chiotti 1999 ; Pesesse 2008). La première correspond à une production de lames où le débitage est unipolaire, rarement convergent en partie distale, et où la mise en forme des blocs est sommaire, les flancs et le dos étant généralement laissés bruts. Certains nucléus et une partie difficilement quantifiable des supports laminaires peuvent s’y rattacher. La deuxième voit une production de lamelles, intégrée ou intercalée avec celles des lames. Elle est appréciable tant sur quelque nucléus, présentant des négatifs lamellaires en partie centrale de leurs surfaces de débitage, que sur les lames. D’autre part, une réduction des nucléus à lames pour fournir de petites lames ou de grandes lamelles a aussi pu être observée. Autrement dit, il s’agit d’une production en continuité de lames et de supports plus réduits, dont la séparation entre petite lame et grande lamelle reste délicate. Il semble probable que cette modalité et la précédente soient à considérer comme une seule et unique modalité, où seul le degré d’exhaustion varierait. Quelques blocs, initialement de taille réduite, ont aussi fourni des supports laminaires, dont la distinction entre petite lame et grande lamelle n’est pas aisée. Enfin, mais de manière plus anecdotique, existe une production de lames, confinant pour certaines à la grande lamelle, suivant une modalité sur tranche d’éclat. 208 5.4. Étude de l’outillage Au total, 492 pièces retouchées ou possiblement retouchées ont pu être décomptées (Tableau 77), dont seulement 276 outils assurés (Tableau 78). Cette baisse importante est essentiellement à imputer aux nombreux supports ne possédant que quelques retouches dont le caractère intentionnel n’est pas toujours démontrable et qui pourraient correspondre à des altérations taphonomiques au sens large (cf. supra). Pour la suite de l’étude nous nous focaliserons uniquement sur les pièces d’attribution certaine. Sénoniennoir Sénonien blond Sénonien probable Tertiaire Bergeracois Bergeracois probable Graindemil Gavaudun Turonien supérieur Infralias Jurassique Porcelainé Pressigny probable Indéterminés Total Fréquence (%) Grattoir 51 7 11 - 7 1 - - 4 - 3 - - 4 88 17,9 Grattoir double 2 1 - - - - - - 2 - - - - 1 6 1,2 Grattoir-burin 2 - 1 - - - - - - - - - - 1 4 0,8 Grattoir-troncature - - - - - - - - - - - - - 1 1 0,2 Troncature-burin 1 - - - - - - - - - - - - - 1 0,2 Burin s/ pan naturel 10 - 1 - 1 - - - 1 1 - 1 - - 15 3,0 Burin sur cassure 5 1 1 - 1 - - - 1 - - - - 1 10 2,0 Burin dièdre 6 - - - - - - - 1 - - - - - 7 1,4 Burin sur troncature 4 - - - 2 - - - - - - - 1 - 7 1,4 Burin double 2 - - - - - - - - - - - - - 2 0,4 Lame un bord ret 40 10 7 - 10 2 1 - - - - - - - 70 14,2 Lame deux bords ret 4 5 1 - - - - 1 1 - - - - 2 14 2,8 Lame auri (2b ret) - - - - 1 - - - - - - - - 1 2 0,4 Lame appointée 1 - - - 1 - - - 1 - - - - - 3 0,6 Troncature 8 4 - - 1 - - - - - - - - - 13 2,6 Bec - - 1 - - 1 - - - - - - - - 2 0,4 Eclat un bord ret 19 2 - - 1 - - - - - - - - 1 23 4,7 Encoche 11 1 2 - 1 - - - - - - - - 1 16 3,3 Pièce esquillée 8 1 1 - 4 - - - - - - - - 1 15 3,0 Pièce esq. burinante 2 1 1 - 3 - - - - - - - - - 7 1,4 Quelques retouches 93 38 11 1 13 2 1 - - - - - - 6 165 33,5 Indéterminé 5 3 - - - 1 - - - - - - - - 9 1,8 Font-Yves 4 1 2 - 1 - - - - - - - - - 8 1,6 Dufour s-t RdC 1 - 1 - - - - - - - - - - - 2 0,4 Lamelle retouchée - - - - - 1 - - - - - - - - 1 0,2 Lamelle tronquée 1 - - - - - - - - - - - - - 1 0,2 Total 280 75 41 1 47 8 2 1 11 1 3 1 1 20 492 100 Fréquence (%) 56,9 15,2 8,3 0,2 9,6 1,6 0,4 0,2 2,2 0,2 0,6 0,2 0,2 4,1 100 Tableau 77 : Pataud couche 6 - Décompte et fréquence (%) de l’outillage incluant les pièces incertaines, par matières premières. 209 Sénoniennoir Sénonienblond Sénonien probable Bergeracois Bergeracois probable Graindemil Gavaudun Turonien supérieur Infralias Jurassique Porcelainé Pressigny probable Indéterminés Total Grattoir lame 32 5 5 4 1 - - 3 - 1 - - 3 54   éclat lam 5 1 1 1 - - - - - 2 - - - 10   éclat - - 1 - - - - - - - - - - 1   Total 37 6 7 5 1 - - 3 - 3 - - 3 65 Grattoir double lame 2 1 - - - - - 2 - - - - - 5   éclat lam - - - - - - - - - - - - 1 1   Total 2 1 - - - - - 2 - - - - 1 6 Grattoir-burin lame 2 - 1 - - - - - - - - - 1 4 Grattoir-troncature lame - - - - - - - - - - - - 1 1 Troncature-burin lame 1 - - - - - - - - - - - - 1 Burin sur pan naturel lame 3 - - - - - - - - - 1 - - 4   éclat lam 2 - - - - - - - - - - - - 2   éclat 1 - - - - - - - 1 - - - - 2   Total 6 - - - - - - - 1 - 1 - - 8 Burin sur cassure lame 3 1 - 1 - - - 1 - - - - 1 7   éclat lam 1 - - - - - - - - - - - - 1   éclat 1 - - - - - - - - - - - - 1   Total 5 1 - 1 - - - 1 - - - - 1 9 Burin dièdre lame 1 - - - - - - 1 - - - - - 2   éclat lam 1 - - - - - - - - - - - - 1   ind 1 - - - - - - - - - - - - 1   Total 3 - - - - - - 1 - - - - - 4 Burin sur troncature éclat 1 - - - - - - - - - - 1 - 2 Burin double lame 2 - - - - - - - - - - - - 2 Lame un bord retouchée lame 20 9 6 4 1 1 - - - - - - - 41   éclat lam 8 - - 1 - - - - - - - - - 9   Total 28 9 6 5 1 1 - - - - - - - 50 Lame deux bords retouchée lame 2 1 - - - - 1 1 - - - - 2 7   éclat lam 1 1 1 - - - - - - - - - - 3   Total 3 2 1 - - - 1 1 - - - - 2 10 Lame aurignacienne (2b ret) lame - - - - - - - - - - - - 1 1 Lame appointée lame 1 - - 1 - - - 1 - - - - - 3 Troncature lame 4 3 - - - - - - - - - - - 7   éclat 1 - - - - - - - - - - - - 1   Total 5 3 - - - - - - - - - - - 8 Eclat un bord retouché éclat 16 2 - 1 - - - - - - - - 1 20 Encoche lame 1 - - 1 - - - - - - - - - 2   éclat 2 1 - - - - - - - - - - - 3   Total 3 1 - 1 - - - - - - - - - 5 Pièce esquillée lame 1 - - 2 - - - - - - - - - 3   éclat lam 3 - - - - - - - - - - - - 3   éclat 4 1 1 1 - - - - - - - - - 7   ind - - - - - - - - - - - - 1 1   Total 8 1 1 3 - - - - - - - - 1 14 Pièce esquillée burinante lame 1 1 - 1 - - - - - - - - - 3   éclat - - 1 - - - - - - - - - - 1   Total 1 1 1 1 - - - - - - - - - 4 Quelques retouches lame 3 7 - 6 - - - - - - - - - 16   éclat lam 3 4 - - - - - - - - - - - 7   éclat 9 4 1 1 - - - - - - - - - 15   lamelle - - 1 - - - - - - - - - - 1   Total 15 15 2 7 - - - - - - - - - 39 Font-Yves lamelle 4 1 2 1 - - - - - - - - - 8 Dufour s-t Roc-de-Combe typRoCombeCombe lamelle 1 - 1 - - - - - - - - - - 2 Lamelle retouchée lamelle - - - - 1 - - - - - - - - 1 Indéterminé outils lame 1 1 - - - - - - - - - - - 2   éclat lam 1 - - - - - - - - - - - - 1   éclat 3 2 - - 1 - - - - - - - - 6   Total 5 3 - - 1 - - - - - - - - 9 Total   149 46 22 26 4 1 1 9 1 3 1 1 12 276 Tableau 78 : Pataud couche 6 - Décompte de l’outillage par type de support et par matière première. 210 Figure 89 : Pataud couche 6 - Grattoirs (n°1 à 5, 8 et 9), lame retouchée (n°6) et appointée (n°7) – Sénonien noir : n°4, 5, 8 et 9 ; Bergeracois : n°7 ; Turonien sup. : n°6 ; Ind. Jurassique : n° 1 et 2 ; Ind. : n°3 - (dessins M. Dauvois : n°1, 3 et 8 in Chiotti 1999 / P. Laurent : n°2 et 4 à 7 in Brooks 1995). 211 Figure 90 : Pataud couche 6 - Burins (n°1 à 4), grattoir-burin (n°4), pièces esquillées (n°5 et 7) et éclats retouchés (n°6, 8 et 9) – Sénonien noir : n°1, 2, 6 et 8 ; Sénonien blond : n° 9 ; Bergeracois : n°5 et 7 ; Turonien sup. : n°3 ; Ind. : n°4 – (dessins M. Dauvois : n°1, 7 et 8 in Chiotti 1999 / P. Laurent : n°2 à 6 et 9 in Brooks 1995). 212 5.4.1. Choix de la matière première et des supports La majorité des outils est en silex sénoniens (78,6 %), suivi par le Maestrichtien du Bergeracois (10,9 %). Les autres matériaux sont en nombre restreint, exception faite du Turonien supérieur qui totalise 9 outils. Les supports laminaires sont préférentiellement utilisés, à 74 %, pour la réalisation de l’outillage (environ 60 % de lames – N = 165 ; 14 % d’éclats laminaires – N = 38). Les éclats forment cependant 21,4 % des supports sélectionnés (N = 59). Ces derniers sont essentiellement retouchés sur un bord (N = 20), où ne présentent que quelques retouches (N = 15), voire sont utilisés comme pièces esquillées (N = 8). 5.4.2. Dimensions des outils Les moyennes des dimensions des grandes catégories d’outils sont reportées dans le Tableau 79. Nous en retiendrons les données suivantes : - comme susmentionnées (Chiotti 1999 ; et cf. supra), les pièces entières sont peu nombreuses limitant de fait l’appréciation de leur longueur de départ ; - les supports laminaires les plus grands ont généralement été retouchés en grattoir ; - viennent ensuite, en termes de dimensions des supports, les burins et les troncatures ; - enfin, les supports les plus « légers », s’ils ne sont pas laissés bruts, présentent un (N = 52) et plus rarement deux, bords retouchés (N = 12) ; - dans leur stade d’abandon, les pièces esquillées présentent une morphologie stable, pour ne pas dire standardisée, de forme légèrement rectangulaire, proche du carré ; - enfin, les supports sélectionnés pour être retouchés dépassent rarement un centimètre d’épaisseur. Ceci trouve un écho dans l’étude des nucléus lamellaires (Figure 91), qui eux présentent des épaisseurs généralement supérieures. Ainsi, le premier choix opéré par les tailleurs correspond à la sélection des supports susceptibles de pouvoir fournir des lamelles. 213 Grattoir Burin Troncature Lame retouchée Pièce esquillée Eclat retouché Longueur (p. entières) 49,7 43,3 44,0 42,0 35,3 41,0 Longueur (total) 41,2 33,3 31,5 30,0 34,6 33,4 Largeur 26,4 23,4 23,8 20,6 29,8 36,3 Epaisseur 9,6 8,1 7,4 6,9 11,1 10,4 Pièces entières 28 7 1 3 8 10 Total 70 25 8 64 18 19 Tableau 79 : Pataud couche 6 - Moyennes des dimensions (en mm) pour les catégories d’outils les mieux représentées, et effectifs associés. Classes d'épaisseur 0 20 40 60 80 100 120 < 4 4-5 6-7 8-9 10-11 12-13 14-15 16-17 18-19 20-21 22-23 24-25 26-27 Classe de taille (mm) Nombre Nuc LL Outils Figure 91 : Pataud couche 6 - Histogramme des classes d’épaisseur des outils et des nucléus à lamelles (Nuc LL). 5.4.3. Synthèse sur l’outillage L’outillage se caractérise par la présence de nombreux grattoirs (N = 71), dont la plupart sont simples (N = 43 – Tableau 80), les bords étant rarement retouchés. Ils constituent le type d’outil majoritaire. Sénonien noir Sénonien blond Sénonien probable Bergeracois Bergeracois probable Turonien supérieur Jurassique Indéterminé Total Grattoir Simple 31 3 3 1 1 1 1 2 43   L1b ret gauche - - 1 2 - - 1 - 4   L1b ret droit 3 1 - 1 - 1 1 - 7   L2b ret 3 2 3 1 - 1 - 1 11   Total 37 6 7 5 1 3 3 3 65 Grattoir Simple 1 1 - - - - - 1 3 Double L1b ret gauche 1 - - - - 1 - - 2   L2b ret - - - - - 1 - - 1   Total 2 1 - - - 2 - 1 6 Tableau 80 : Pataud couche 6 - Décompte des grattoirs par types de matières premières. 214 Viennent ensuite les lames retouchées (N = 65 – Tableau 81), pour la plupart fragmentaires. Elles sont majoritairement retouchées sur le bord gauche (N = 36), plus rarement sur le droit (N=16), ou sur les deux bords (N = 12). Lame retouchée Sénoniennoir Sénonien blond Sénonien probable Bergeracois Bergeracois probable Graindemil Gavaudun Turonien supérieur Indéterminés Total Un bord Gauche 21 8 4 3 - - - - - 36 Droit 8 1 2 2 1 1 - 1 - 16 Deux bords 3 2 1 1 - - 1 1 3 12 Total 32 11 7 6 1 1 1 2 3 64 Tableau 81 : Pataud couche 6 - Décompte de la latéralisation de la retouche des lames retouchées par matières premières. Comparé aux niveaux sous-jacents, le groupe des burins est d’effectif réduit, et ne compte que vingt-cinq pièces (par ailleurs groupe d’outils majoritaire pour les niveaux 8 et 7). Les exemplaires sur cassure (N = 9) et sur pan naturel (N = 8) sont majoritaires. Les burins dièdres (N = 4) et surtout sur troncature (N = 2) sont très faiblement représentés. Enfin, les pièces esquillées sont bien représentées avec dix-huit vestiges, principalement en silex sénonien et du Bergercaois. Pour conclure nous souhaiterions mentionner cinq objets pour lesquels nous n’avons pu déterminer s’il s’agissait d’outils ou de nucléus lamellaires, ou les deux. Ces objets ont été regroupés sous la dénomination de « bec, perçoir, lame appointée » (Brooks 1995 ; Chiotti 1999). Nous avons écarté et regroupé ces objets pour deux raisons. La première concerne l’unité morpho-technique de ces pièces. La seconde est l’absence de ce type de vestige dans les niveaux que nous avons étudiés (notamment Pataud C8 et C7 et Roc-de-Combe C6 et C5), exceptés les niveaux terminaux de La Ferrassie (essentiellement niveaux G coupe sagittale – Delporte 1984). Leur examen sera présenté ci-après dans l’analyse des modalités de production lamellaire. 5.5. Modalités de débitage lamellaire L’étude des nucléus à lamelles a permis de mettre en évidence l’existence de plusieurs modalités, avec des objectifs parfois différents. Cependant, les effectifs faibles de chaque catégorie de nucléus (Tableau 82) limitent les interprétations. 215 Nous nous concentrerons ici seulement sur les nucléus qui n’ont pu produire que des supports de gabarit lamellaire. Nous renvoyons aux paragraphes précédents pour la production de type intercalé. Les nucléus lamellaires peuvent être divisés en grandes « familles » : - Une production de type burin, dominante au sein de l’assemblage (N = 20), caractérisée par la présence de burins busqués (N = 12), des Vachons (N = 3 – plus un douteux), une forme intermédiaire entre ces deux types de nucléus (N = 1) et enfin trois burins « nucléiformes » que nous n’avons pu rattacher à l’une ou l’autre des catégories. - Une production de type grattoir (N = 6), composée de trois grattoirs carénés, un grattoir à museau, et deux grattoirs à museau « bec » auxquels trois autres objets de facture similaire semblent se rattacher (cf. infra). Sénonien noir Sénonien blond Sénonien Probable Tertiaire Bergercaois Graindemil Gavaudun Turonien supérieur Infralias Total Butin busqué Lame 5 1 - - 1 - - - 2 9 Eclat laminaire 1 - - - - - - - - 1 Eclat 1 - - - - 1 - - - 2 Total 7 1 - - 1 1 - - 2 12 Ind Busqué / Vachons Indéterminé 1 - - - - - - - - 1 Burin des Vachons Eclat 1 - - - 1 - - - - 2 Indéterminé 1 - - - - - - - - 1 Total 2 - - - 1 - - - - 3 Burin des Vachons ? Eclat 1 - - - - - - - - 1 Burin nucléiforme Eclat laminaire 1 - - - - - - - - 1 Eclat 1 1 - - - - - - - 2 Total 2 1 - - - - - - - 3 Grattoir caréné Eclat - - - 1 1 - 1 - - 3 Grattoir à museau Eclat 1 - - - - - - - - 1 Grattoir à museau « bec » Lame - - 1 - - - - 1 - 2 Total 14 2 1 1 3 1 1 1 2 26 Tableau 82 : Pataud couche 6 - Décompte des nucléus lamellaire, par supports et par matières premières. Nous allons aborder chacune de ces catégories de nucléus afin d’en faire ressortir les caractéristiques et les objectifs principaux (Tableau 83). 216 5.5.1. Les burins busqués, des Vachons et nucléiformes Les nucléus de type burin sont les mieux représentés, et plus particulièrement les burins busqués avec douze exemplaires (Figure 92), dont un double. Nous renvoyons aux chapitres précédents ou suivants (Pataud C7, Roc-de-Combe C6 et Combemenue) pour une étude détaillée. Nous rappellerons simplement que les objectifs (Tableau 83) sont de produire des lamelles torses dans le sens anti-horaire (retouchées en lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe), et de petites lamelles rectilignes obtenues à la jonction face inférieure du support - surface de débitage (retouchées en lamelles Caminade). Ce double objectif de production a été confirmé par l’étude des surfaces de débitage. Notons seulement que la production de lamelles rectilignes à pan revers (support privilégié des lamelles Caminade), n’a pu être mise en évidence que dans quatre cas sur douze. Torse Torse ? Rectiligne Rectiligne ? Indéterminé Total Burin busqué 2 2 3 1 4 12 Ind busqué / Vachons - - 1 - - 1 Burin des Vachons - - 3 - - 3 Burin des Vachons ? - - - - 1 1 Burin nucléiforme - 2 - 1 - 3 Grattoir caréné - 1 - 2 - 3 Grattoir à museau 1 - - - - 1 Grattoir à museau "bec" 1 1 - - - 2 Grattoir à museau "bec" ? - - - - 3 3 Total 4 6 7 4 8 29 Tableau 83 : Pataud couche 6 - Décompte des profils lamellaires recherchés pour chaque type de nucléus. Enfin, l’analyse des dimensions des derniers négatifs lamellaires réussis et observables, comparée à celles relevées sur les burins busqués du niveau 7 sous-jacent (Figure 94), ne montre pas de grandes différences. Seuls quatre négatifs sont légèrement plus grand que la moyenne. Par ailleurs trois mesures prises sur les busqués du niveau 7 sortent aussi du lot et présentent des longueurs comparables. De manière conjointe existent deux autres populations de nucléus. Les premiers correspondent à des burins des Vachons (Figure 93) caractérisés d’une part par leurs objectifs, 217 produire des lamelles rectilignes ou sub-rectilignes généralement pointues, et par le degré de mise en forme relativement poussé. Enfin la seconde catégorie regroupe des pièces dont le statut de nucléus ne semble faire aucun doute, mais qui ne présentent pas toutes les caractéristiques permettant de les regrouper soit dans les burins busqués, soit dans les burins des Vachons. Nous les avons regroupées sous le terme d’attente de « burin nucléiforme ». Figure 92 : Pataud couche 6 - Burins busqués (Dessins n°1 et 3 : P. Laurent in Brooks 1995 ; n°2 : M. Dauvois in Chiotti 1999 ; n°4 et 5 : D. Pesesse in Pesesse 2008). 218 Figure 93 : Pataud couche 6 - Burins des Vachons (n°1, 2, 3 et 5), tablette de type Thèmes (n°4) et probable préforme de burin des Vachons (n°6) - (dessins P. Laurent in Brooks 1995 : n°1 ; D. Pesesse in Pesesse 2008 : 4 et 6) 219 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 0 1 2 3 4 5 6 7 Largeur (mm) Longueur(mm) C7 C6 Figure 94 : Pataud couche 6 - Comparaison des dimensions des négatifs lamellaires réussis, mesurés sur les burins busqués des niveaux 6 et 7. La comparaison des dimensions des derniers enlèvements réussis (Figure 95) pour chaque type de nucléus de type burin permet, d’une part de valider, du moins en partie, le découpage réalisé, et d’autre part de préciser les gabarits des produits recherchés. Les dimensions des lamelles obtenues suivant une modalité de type burin busqué sont différentes de celles qui sont produites aux dépends de burins des Vachons (Figure 95). Les dernières sont nettement plus longues et plus larges, omme dans d’autres séries (Pesesse et Michel 2006). Les lamelles produites sur les burins busqués sont fortement standardisées, toutes d’une largeur comprise entre 2 et 4 millimètres. 220 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 0 2 4 6 8 10 Largeur (mm) Longueur(mm) BB BB/Vachons Vachons BN Figure 95 : Pataud couche 6 - Comparaison des dimensions des derniers enlèvement lamellaires réussis sur les burins busqués (BB), le burin busqué / Vachons, les burins des Vachons et les burins nucléiformes (BN). Le burin busqué à mise en forme bifaciale (Figure 92 n°4), que nous avons hésité à attribuer à l’une ou l’autre des modalités (busqué ou Vachons), semble, d’après les dimensions des lamelles produites, devoir être rattaché à la modalité de type burin busqué (Figure 95). Enfin, les trois pièces que nous avons regroupées sous le terme d’attente de burin nucléiforme représentent un groupe hétérogène qu’il convient probablement d’interpréter autrement. En effet, deux nucléus semblent devoir se rattacher (en terme de gabarit des supports obtenus) aux burins busqués, le dernier (pour lequel deux mesures ont été prises et sont supérieures à 24 mm de longueur) à la modalité de type Vachons. 221 5.5.2. Les grattoirs carénés et à museau Ils sont représentés par quatre pièces : trois carénés (Figure 96 n° à 4) et un museau (Figure 96 n°1). Parmi les grattoirs carénés, un est double (Figure 96 n°3), et présente une surface de débitage de type « front dorsal » et l’autre de type « front ventral déjeté » (sensu Langlais 2008). Un exemplaire de la couche 7, certes de gabarit plus important, présente la même disposition, de même pour un des grattoirs de la couche 8. Aucun des trois carénés n’est en silex sénonien, l’un est en Tertiaire (Figure 96 n°2), un autre en silex du Bergeracois (Figure 96 n°3), enfin le dernier est en silex Coniacien inférieur type Gavaudun (Figure 96 n°4). Pour ce dernier, il convient de préciser que de l’ensemble des séries étudiées, aucun nucléus lamellaire dans cette matière n’a été rencontré. Il s’agit du seul cas d’utilisation de silex de Gavaudun pour la confection de lamelles, exception faite, et sous réserve d’une attribution clairement aurignacienne, de huit grattoirs à museau en silex de Gavaudun, présents dans la couche CDE25 du Piage (Champagne et Espitalié 1981). Deux grattoirs carénés sont orientés principalement vers la production de lamelles rectilignes à légèrement courbes (Tableau 83 et Figure 96 n°2 et 4). Le troisième, double, semble avoir produit à la fois des lamelles légèrement torses dans le sens anti-horaire sur l’une des surfaces de débitage, et rectiligne sur l’autre (Figure 96 n°3). Les dimensions des enlèvements mesurables sont les suivantes (longueur x largeur en mm) : 20 x 4,5 ; 22 x 5 ; 13 x 5. Le grattoir à museau montre quant à lui volonté d’obtenir des supports torses dans le sens anti-horaire (Figure 96 n°1). Le dernier enlèvement est de dimension réduite, 13 mm de longueur et 3 mm de largeur. Enfin, à cette liste pourraient s’ajouter deux possibles préformes de nucléus grattoir en silex sénonien noir, ainsi que deux grattoirs épais, dans la même matière, dont la distinction entre outils ou nucléus à lamelles de type grattoir caréné n’a pas pu être effectuée. 5.5.3. Les grattoirs à museau « bec » Si deux pièces peuvent être considérées comme de potentiels nucléus à lamelles (Figure 97 n°1 et 2), trois autres présentent une configuration similaire et semblent pouvoir s’y rattacher (Figure 97 n°3 à 5). Cependant, parmi ces derniers, un présente une cassure (volontaire ?) au niveau de la surface de débitage qui rend son attribution délicate (Figure 97 n°5). 25 Cette nappe de vestige est constituée d’un mélange de Solutréen et de Badegoulien. Toutefois, les fouilles récentes, conduites par J.-G. Bordes et F. Le Brun-Ricalens, ont permis d’y mettre en évidence la présence de vestiges attribuables à l’Aurignacien récent (Bordes et Le Brun-Ricalens 2007, 2008, 2009 ; Bordes et al. 2008). 222 Figure 96 : Pataud couche 6 - Grattoir à museau (n°1) et carénés (n°2, 3 et 4) – Sénonien : n°1 ; Tertiaire : n°2 ; Bergeracois ; n°3 ; Coniacien inférieur type « Gavaudun » : n°4. Dans quatre cas sur cinq, les supports sont des lames. Le dernier, fragmentaire, correspond à une entame corticale, dont le support initial pourrait fort bien être une lame (Figure 97 n°4). La surface de débitage est implantée en partie distale, et généralement dans l’axe de débitage du support. Le flanc droit est mis en place par une succession d’encoches plus ou moins 223 profondes, créant ainsi une concavité marquée. Dans deux cas, la retouche est croisée (Figure 97 n°1 et 2). La première série d’enlèvements affecte la face supérieure du support, tandis que les derniers enlèvements (peu nombreux au demeurant) partent de la face supérieure. Enfin, le flanc gauche est plus diffus, et nettement plus convexe que le précédent. L’objectif consiste à produire des lamelles de petit gabarit, dont l’extrémité est pointue. Deux négatifs ont pu être mesurés, et donnent les dimensions suivantes (longueur x largeur) : 9 x 3 mm et 12 x 2 mm Dans deux cas, les profils sont légèrement torses dans le sens anti-horaire, dans deux autres la lecture, difficile, semble indiquer des profils légèrement courbes. Ainsi, les lamelles associées faisant défaut faute de tamisage adéquat, et en l’absence d’étude tracéologique, leur statut de nucléus à lamelles reste à confirmer. Une fonction et un fonctionnement autres ne peuvent être définitivement écartés. Figure 97 : Pataud couche 6 – Grattoirs à museau « bec » ; n°1 : Sénonien noir, n°2 et 5 Turonien supérieur, n°3 : indéterminé Bergeracois, n°4 : Sénonien blond (dessin n°1 : M. Dauvois in Chiotti 1999). 224 5.5.4 Comparaison des objectifs et des dimensions des négatifs lamellaires L’analyse des objectifs de chaque population de nucléus à lamelles permet de réaliser certains regroupements. Ainsi, concernant les profils des supports recherchés (Tableau 83), nous retiendrons que les burins busqués et le grattoir à museau ont essentiellement produit des supports torses dans le sens anti-horaire, ce qui semble aussi le cas des grattoirs à museau bec (cf. supra). Les burins des Vachons, et tout ou partie des grattoirs carénés, sont orientés vers la recherche de supports de profil sub-rectiligne à légèrement courbe. Le statut des burins nucléiformes reste difficile à interpréter : nous préférons temporairement les isoler et ne pas en tenir compte dans la suite de cette étude. Les dimensions des négatifs lamellaires observables confirment ce regroupement (Tableau 84). Les premiers sont pourvoyeurs de lamelles de petites dimensions, dont les longueurs sont comprises entre 21 et 9 mm, et les largeurs entre 2 et 4 mm. Pour les seconds, les longueurs s’échelonnent entre 20 et 28 mm, et les largeurs entre 5 et 9 mm. Moyenne Burin busqué Grattoir à museau Grattoir à museau « bec » Burins des vachons Grattoir caréné Lamelles intercalé e entière Lamelles intercalé es (total) Font- Yves Roc de Combe Longueur 15,0 13,0 10,5 26,0 21,0 22,8 25,4 13,9 27,3 Largeur 2,8 3,0 2,5 7,3 4,8 5,4 59,0 6,7 4,3 Effectifs 11 1 2 3 3 9 28 8 2 Tableau 84 : Pataud couche 6 – Moyennes des dimensions des négatifs observables sur les différents nucléus lamellaires. Ont été inclues pour comparaison, les dimensions des négatifs lamellaires intercalés avec le débitage de lames, ainsi que les lamelles retouchées, par ailleurs toutes fragmentaires. Une comparaison avec le débitage intercalé de lames et de lamelles s’impose. Les sections et les profils des négatifs lamellaires mesurés sur la face supérieure des lames montrent une forte similitude avec ceux observés sur les burins des Vachons et les grattoirs carénés. Les lamelles obtenues de manière intercalée sont cependant plus longues. 5.5.5. Les lamelles retouchées Deux type de lamelles retouchées sont présentes. Il s’agit de huit fragments de lamelles de Font-Yves, et deux fragments proximaux de lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe (Tableau 85 et Figure 98). 225 Retouche Sénonien noir Sénonien blond Sénonien probable Bergeracois Total Font-Yves Directe à droite 1 - 1 1 3 Directe à gauche et à droite 3 1 1 - 5 Total 4 1 2 1 8 Roc-de-Combe Directe à gauche, inverse à droite 1 - 1 - 2 Total 5 1 3 1 10 Tableau 85 : Pataud couche 6 – Décompte des supports lamellaires retouchés par matière première. Figure 98 : Pataud couche 6 – Lamelles retouchées – Font-Yves : n°1 à 8 ; Lamelles Dufour sous-type Roc-deCombe : n°9 et 10 – Sénonien noir : n°1, 2, 4, 5, 8, 10 / Sénonien blond : n°6 / Sénonien probable : n°3, 9 / Bergeracois : n°7 (Dessins P. Laurent : n°1, 2, 9 et 10 in Brooks 1995 / D. Pesesse : n°3 à 8 in Pesesse 2008). 5.5.5.1. Les lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe Ces deux lamelles (Figure 98 n°9 et 10) présentent une retouche inverse sur le bord droit et directe sur le bord gauche (Tableau 85). Bien que l’échantillon ne soit pas représentatif, ce type de retouche se rapproche de ce que nous avons pu observer pour les lamelles de la 226 couche 5 de Roc-de-Combe (cf. infra). De plus, les largeurs, les épaisseurs ainsi que le sens de la torsion (anti-horaire) sont comparables avec les données recueillies à Roc-de-Combe Cependant, elles présentent des longueurs importantes (d’autant plus qu’elles sont fragmentaires), et n’ont pas d’équivalent dans les autres séries (Figure 99). Toutefois, cette tendance à l’allongement a cependant été remarquée pour les lamelles du niveau 5 de Roc-deCombe (cf. infra). La question de leur mode de production est délicate. Si les largeurs de ces lamelles sont compatibles avec une production sur burins busqués, les longueurs ne le sont pas. Cette remarque s’applique aussi au seul grattoir à museau de la série et aux quelques grattoirs à museau « bec ». Une production sur burins des Vachons ou grattoirs carénés semble aussi exclue, la largeur des lamelles retouchées ne semblent pas compatible avec celles des négatifs que nous avons pu mesurer, généralement plus larges. L’hypothèse qui nous paraît être la plus recevable reste tout de même celle d’une production sur burins busqués ou sur certains burins nucléiformes (cf. infra Roc-de-Combe couche 5). Rappelons que les deux lamelles présentes ne sont pas représentatives de la totalité de la population de lamelles retouchées. Il s’agit probablement des lamelles retouchées les plus grandes, les autres n’ayant probablement pas été récoltées (cf. supra). 5.5.5.2. Les lamelles, ou pointes de Font-Yves26 Des huit pièces qui y sont rapportables, aucune n’est entière (Figure 98 n°1 à 8). Cette fragmentation gêne l’appréciation des dimensions et des profils des supports sélectionnés, qui semble toutefois rectiligne ou sub-rectiligne. L’analyse des dimensions de ces huit fragments montre une certaine homogénéité. Les largeurs sont comprises entre 4 et 9 mm, avec une moyenne voisine de 7 mm ce qui est proche des largeurs des négatifs lamellaires intercalés (Figure 100). Les épaisseurs s’échelonnent entre 1,5 et 3 mm, avec une moyenne de 2,1 mm. 26 Se référer à (Pesesse 2008) pour une révision critique de cette terminologie. 227 Comparaison des dimensions des lamelles retouchées Pataud C6 et RDC C6/C5 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 0 2 4 6 8 10 12 Largeur (mm) Longueur(mm) rdc C6 rdc C5 pat C6 a Comparaison des dimensions des lamelles retouchées Pataud C6 et RDC C6/C5 0 1 2 3 4 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Largeur (mm) Epaisseur(mm) rdc C6 rdc C5 pat C6 b Figure 99 : Pataud couche 6 - Dimensions des deux lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe du niveau 6 comparées à celles des niveaux 6 et 5 de Roc-de-Combe. 228 0 1 2 3 4 5 6 7 8 1-2 2-3 3-4 4-5 5-6 6-7 7-8 8-9 9-10 Classes de largeur (mm) Nombre Intercalé Font-Yves Figure 100 : Pataud couche 6 – Classes de largeur (mm) des négatifs lamellaires intercalés et des lamelles de Font-Yves. Dans cinq cas, les lamelles présentent une retouche bilatérale directe semi-abrupte à abrupte. Pour les trois autres, si la retouche est similaire, seul le bord droit est investi. Pour deux exemplaires la retouche du bord droit est légèrement inclinée et caractéristique des lamelles de Font-Yves (Figure 100 n°1 et 2) (Pesesse 2008). Si une obtention sur burins des Vachons semble possible, nous pensons que la majorité provient d’un débitage intercalé de lamelles, d’une réduction de nucléus laminaire, d’une production sur petits blocs et sur tranche d’éclat. 5.6. Économie des matières premières Des matières premières d’origine variée ont été introduites sur le site. Elles proviennent d’une aire géographique allant de la rive gauche de la Charente à la rive droite de la Dordogne, avec une extension plus méridionale mise en évidence par la présence de Coniacien inférieur de type Gavaudun. Les silex sénoniens et probablement une partie du Bergeracois ont été débités sur place. Pour ce dernier, le nombre restreint d’éclats corticaux suggère une mise en forme à l’extérieur de la zone fouillée. Ceci est valable tant pour la production de lames que pour celle des lamelles. Quelques remarques s’imposent à propos de la production lamellaire. La production intercalée ou intégrée de lames et de lamelles a été mise en œuvre principalement sur les silex sénoniens, du Bergercaois et dans une moindre mesure pour le 229 silex tertiaire (une pièce). Pour les deux premiers matériaux, les nombreux restes de taille et pièces techniques suggèrent une production de ce type sur place. Les burins busqués sont les nucléus lamellaires dont les matières premières sont les plus variées : des silex de grain fin y ont été préférentiellement utilisés (Bergeracois, Grain de mil et Infralias en supplément de silex sénoniens). Les burins des Vachons, ainsi que les quelques burins nucléiformes, sont quasiment tous en matière locale, soit en silex du Sénonien, exception faite d’un burin des Vachons en silex du Bergeracois. À l’opposé, comme nous l’évoquions précédemment, tous les grattoirs carénés sont sur des matériaux d’origine plus lointaine (Tertiaire, Bergeracois et Gavaudun). Il en est de même pour les grattoirs à museau « bec », principalement en silex allochtones. 5.7. Synthèse Quatre modalités de production de lames ont pu être mise en évidence, dont deux s’interpénètrent. La première correspond à celle classiquement décrite pour cette période, à savoir un débitage de lames de type unipolaire avec une mise en forme généralement sommaire. La seconde correspond à une production à la fois de lames et de petites lames / grandes lamelles. Deux options existent dont l’association ou non sur le même nucléus n’a pas encore pu être prouvée de manière certaine. Il s’agit d’une production intégrée ou intercalée de lamelles au sein du débitage de lames, et d’une réduction des nucléus à lames. Cette modalité partage en commun avec la précédente un schéma d’obtention des produits unipolaires. Les dix nucléus à deux plans de frappe ne peuvent être considérés comme des débitages bipolaires au sens strict (utilisation de manière synchrone), mais comme des nucléus à enlèvements opposés. Ces derniers ne doivent pas être considérés comme des produits recherchés, mais simplement comme des produits d’entretien de la surface de débitage (Pesesse 2008). À l’opposé de la production classique (e. g. Bon 2002 ; Bordes 2002 ; Bordes et Tixier 2002 ; Chiotti 1999 ; Le Brun-Ricalens 1993 ; Lucas 2000 ; Michel 2005 ; Teyssandier 2000 ; Tixier et Reduron 1991), les blocs sont ici fortement investis techniquement et font l’objet d’une mise en forme plus poussée et plus soignée. Les supports tant laminaires que lamellaires présentent des caractéristiques communes, à savoir une courbure faible et une extrémité distale pointue liée à la convergence des produits, elle-même recherchée et maintenue à l’aide d’enlèvements de cintrage opposés (Pesesse 2008). Le débitage a bien eu lieu sur place pour la production laminaire en silex du Sénonien, et pour partie du silex du Bergeracois. Nous rejoignons l’opinion de L. Chiotti (1999) selon laquelle 230 d’une part les blocs de Bergeracois ont été introduits déjà préformés, et d’autre part la productivité de ce débitage est certainement faible et ne permet pas d’expliquer la présence de certaines lames de grand gabarit probablement introduites déjà débitées. En revanche, ce comportement n’est pas uniquement l’apanage des occupants de la couche 6, puisqu’il apparaît dès le niveau 7 (cf. supra). Ainsi, ces deux occupations partagent entre autres caractéristiques communes l’apport et le débitage sur place de nucléus en silex du Bergeracois déjà mis en forme. L’étude des modalités de production lamellaire a permis de mettre en évidence plusieurs schémas de débitage ainsi que plusieurs objectifs différents, différences s’exprimant aussi, et malgré des effectifs faibles, au niveau des types de lamelles retouchées. Les objectifs lamellaires sont de deux ordres. Le premier vise à produire des lamelles de petites dimensions, de l’ordre de 20 mm de longueur pour 4 mm de largeur et de profil torse dans le sens anti-horaire. Ces supports lorsqu’ils sont retouchés correspondent aux lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe. Rappelons que seuls deux exemplaires, par ailleurs de grandes dimensions, bien que fragmentés, sont présents. Le second vise à obtenir des supports de dimensions plus importantes dont la longueur moyenne n’a pas pu être clairement établie, mais supérieure à 30 mm, avec des largeurs voisines de 7-8 mm et de profil nettement rectiligne. Il s’agit, lorsqu’ils sont retouchés, de pointes de Font-Yves. Comme pour les Rocde-Combe, aucune n’est entière. Leur mode de production peut se résumer ainsi: - Obtention des lamelles Roc-de-Combe  via : - les burins busqués ; - certains burins nucléiformes ; - un grattoir à museau ; - et de manière plus incertaine, via les grattoirs à museau « bec ». - Obtention des pointes de Font-Yves via : - la poursuite de nucléus à lames ; - une production intercalée avec celle des lames ; - possiblement sur des blocs de dimensions réduites dès le départ ; - sur tranche d’éclat, modalité à laquelle pourrait se rattacher la production de type burin des Vachons. 231 Le statut des grattoirs carénés reste problématique, d’autant que nous ne pouvons affirmer, quel type de lamelles ils ont produit. En effet, leurs dimensions réduites, et ce dès leur sélection, n’a pas pu produire des lamelles de longueur supérieure à 20-25 mm. D’autre part, le profil des supports, bien que difficilement appréhendable, s’oriente d’avantage vers des lamelles sub-rectilignes à légèrement courbes. Ainsi, soit leur état d’exhaustion avancé oblitère le caractère torse des négatifs lamellaires, soit ces lamelles ont bien été retouchées (en lamelles de Font-Yves ?), mais font défaut dans la série. 232 CHAPITRE V – Roc de Combe, Payrignac, Lot 1. Présentation du site 1.1. Localisation du site Le gisement de Roc-de-Combe se situe sur la commune de Payrignac, dans le Lot (Figure 101). Il s’agit d’une « grotte-abri, en ce sens qu’un abri effondré prolonge une petite grotte peu profonde. Le gisement proprement dit est localisé dans la grotte et dans le talus qui lui fait suite dans la vallée » (Laville 1975). Celle-ci est creusée dans le calcaire coniacien, au niveau du versant sud d’un pech. Elle se trouve en rive droite d’un vallon sec d’orientation Ouest-Sud-Ouest, débouchant sur la Marcillande, affluent de la Germaine, elle-même affluent de la Dordogne, située à moins d’une dizaine de kilomètres au nord-ouest. Figure 101 : Localisation du gisement de Roc-de-Combe (source Géoatlas®). 1.2. Historique des fouilles Le gisement fut découvert en 1950 par J. Labrot, qui en acquit directement la propriété. Ce dernier réalisa un sondage en 1959, où il mit au jour une importante séquence (Tableau 86). Cette collection n’a pas fait l’objet de publication, et est actuellement entreposée au Musée National de Préhistoire aux Eyzies-de-Tayac. Les pièces ne sont marquées que du carré et d’un numéro renvoyant aux carnets de fouille, et ne portent pas mention d’un rattachement à un quelconque niveau archéologique. Bien que l’on puisse déduire de ce marquage qu’il a dû 233 exister un repérage tri-dimensionnel des objets, en l’absence des carnets, cette collection perd une grande partie de son intérêt (Bordes 2002). Labrot 1959 Périgordien à pointes de la Gravette Périgordien à burins de Noailles Aurignacien évolué Aurignacien moyen Aurignacien ancien à pointes à base fendue Périgordien ancien à couteaux de Châtelperron Moustérien Tableau 86 : Roc-de-Combe - Séquence rencontrée par J. Labrot lors de son sondage en 1959 (d’après Bordes et Labrot 1966). L’importance de la séquence et sa dégradation progressive, suite notamment à l’intervention de fouilleurs clandestins, incita F. Bordes à y mener une campagne de fouille en collaboration avec J. Labrot, de début juillet à fin août 1966. Environ 26 m2 furent fouillés sous la forme d’une tranchée de 1 m (dans la grotte), à 3 m de large (dans le talus), orientée dans l’axe de la grotte (Figure 102). Figure 102 : Plan de la fouille de 1966 du site de Roc-de-Combe (d’après Bordes 2002). 234 La séquence mise au jour durant cette unique campagne de fouille reprend pour partie la séquence de J. Labrot (Tableau 87 et Figure 103). Quelques précisions sont apportées dont voici le détail : - Présence d’un niveau de Périgordien à Gravettes, sous celui à Noailles (couche 4) ; - Entre les niveaux châtelperronien (couche 8) et moustérien (niveau A, B et C) se trouvent successivement un niveau aurignacien (couche 9) puis châtelperronien (couche 10). Figure 103 : Coupe du gisement de Roc de Combe (d’après F. Bordes et J. Labrot 1966). Un réexamen d’une partie de cette séquence, via une étude taphonomique sur les industries lithiques (Bordes 2002), a permis d’invalider en partie la succession des niveaux archéologiques proposée par F. Bordes. Ainsi, les couches 9 et 10 n’ont plus lieu d’être, et le Moustérien fait donc directement suite, sans terme de passage, à la couche 8 châtelperronienne. 235 Strates Couches archéologiques Attribution culturel Description sédimentologique A Blocs éffondrés et terrain récent B-a 1a Périgordien supérieur évolué Nombreux granules calcaires pauvre en matériel B-b 1b Périgordien supérieur évolué Jaunâtre, assez dure - peu riche en matériel B-c 1c Périgordien supérieur évolué Noir violacé, meuble, repose sur un lit de pierres brûlées rouges - 80% de l'outillage C 2 Périgordien supérieur à burin de Noailles Terreuse, plus brune, plus dure D 3 Périgordien supérieur à burin de Noailles Lit de granules calcaires d'épaisseur variables E 4 Périgordien supérieur à Gravettes Couche terreuse brune, parfois riche en ossement de rongeurs F 5 Aurignacien évolué Successivement terreuse avec de petits éléments calcaires, sables grossiers, puis terreuse G 6 Aurignacien II Plus sableuse que 5, puis se charge en petits éléments anguleux H Petit niveau, pratiquement stérile, très riche en ossement de rongeurs I-a 7a Aurignacien I à pointes à base fendue Petites plaques avec sable terreux et industrie I-b 7b Aurignacien I à pointes à base fendue Pierreux puis sableux I-c 7c Aurignacien I à pointes à base fendue N'existe pas partout, granules calcaires à sa base J 8 Périgordien ancien à Châtelperron Blocs calcaires petits et moyens au sommet, recouverts d'un gangue ferro-manganésifère noire. Couche brun clair à jaune K 9 Aurignacien Sable jaune L 10 Périgordien inférieur Sable jaune parsemé de gros blocs M Moustérien (Plusieurs niveaux non décris) Tableau 87 : Détails de la séquence archéologique et sédimentaire mise au jour par F. Bordes et J. Labrot lors de la fouille de 1966 (D’après Bordes et Labrot 1966). 1.3. Données paléo-environnementales La synthèse des données paléoclimatiques est reportée dans le Tableau 86. Les résultats issus des études sédimentologiques (Laville 1973, 1975) sont donnés à titre indicatif. De l’étude des restes fauniques (Delpech 1972, 1983 ; Graysson et Delpech 2008), nous retiendrons que le Renne est l’espèce dominante dans les deux niveaux considérés (6 et 5) et atteint son maximum dans la couche 5 (plus de 90 %, et environ 85 % pour le niveau 6). Les conditions climatiques sont alors considérés comme froides. Toutefois, les espèces tempérées (Cerf, Chevreuil et Sanglier) sont présentes et en nombre plus important dans le niveau 6, que 236 dans le 5 où elles sont quasiment absentes. Ceci alimenterait l’hypothèse d’un radoucissement climatique lors de la mise en place du niveau 6. Données paléoclimatiquesAttribution culturelle (SB 2002) Stratigraphie (Laville 1975) Sédimentologie (Laville 1975) Faune (Delpech 1983) Froid humide très froid et sec5 Froid humide Aurignacien évolué 5 base Plus froid moins humide (Très) Froid 5/6 Doux très humide 6a Moins froid plus humideAurignacien II 6 Froid humide Plus doux et humide 6/7 Froid et sec 7a - 7b sommet Froid peu humide Aurignacien I 7b base - 7c Doux humide Froid et peu humide Tableau 88 : Synthèse des données paléoclimatiques pour les niveaux aurignaciens de Rocde-Combe (d’après Delpech 1983 et Laville 1975). 1.4. Datations Deux campagnes de dates ont été réalisées. La première, dont les échantillons ont été soumis par P. Mellars et D. de Sonnevilles-Bordes en 1986 au laboratoire d’Oxford, a livré seize dates (Hedges et al. 1990) (Tableau 89 et Figure 104) qui ont été obtenues chacune sur un os différent. L’aberration supposée de certaines dates est décrite par les dateurs comme pouvant être le fruit d’une contamination par du carbone récent résiduel, ou par une perturbation des niveaux plus importante que ce qui fut reconnu à la fouille. Pour P. Mellars et collaborateurs (Hedges et al. 1990), les dates OxA-1262 et OxA-1263 de l’Aurignacien ancien sont compatibles avec ce qui est connu pour le sud-ouest de la France. La fin de la séquence aurignacienne, représentée par le niveau 5, se situerait aux alentours de 30.000 BP. Enfin les dates obtenues pour les couches 6 et 7a sont considérées comme anormales et probablement dues à des contaminations. La deuxième série de datations, effectuée par H. Valladas et le laboratoire de Gif-sur-Yvette, a été réalisée dans le cadre du projet Eclipse du programme Excursion (Coordination M.-F. Sãnchez-Goñi) (Bordes 2002). Elle a concerné les niveaux non datés par Oxford, c’est-à-dire les niveaux 8 à 10. La problématique était de confronter ces dates avec les résultats obtenus 237 par l’analyse taphonomique sur l’interstratification Châtelperronien / Aurignacien (Bordes 2002). Couche Echantillon Dates BP Sigma BP Dates Cal BP (IntCal09 – OxCal 4.1) Sigma Cal BP (IntCal09 – OxCal 4.1) Références 4 OxA-1440 24000 ± 1900 26734 ± 28884 H 90 5 OxA-1441 28500 ± 700 31847 ± 32831,5 H 90 5 OxA-1259 32000 ± 1000 35244 ± 36465,5 H 90 6 OxA-1260 25500 ± 1200 29141 ± 30230 H 90 6 OxA-1315 27500 ± 500 31257 ± 31776 H 90 7a OxA-1261 28000 ± 550 31575 ± 32233,5 H 90 7a OxA-1442 29100 ± 700 32965 ± 33775 H 90 7b OxA-1262 33400 ± 1100 36759 ± 38070 H 90 7c OxA-1263 34800 ± 1200 38700 ± 39952,5 H 90 8 GifA 101264 39540 ± 970 42950 ± 43672,5 B 02 8 GifA 101266 40000 ± 1300 43027 ± 44007,5 B 02 8 GifA 101265 45100 ± 2100 - - B 02 Tableau 89 : Roc-de-Combe - Dates 14 C de la séquence aurignacienne (couches 7 à 5) et des techno-complexes l’encadrant (couche 8 : Châtelperronien ; couche 4 : Gravettien) - d’après Hedges et al. 1990 [H 90] et Bordes 2002 [B 02]. Les deux dates obtenues pour le niveau 6 semblent trop jeunes eu égard aux niveaux contemporains, datés généralement aux alentours de 30.000 – 32.000 BP (Delporte 1991 ; Djindjian 1993a et b). La même remarque pourrait être formulée pour les dates du niveaux 7a (Hedges et al. 1990 – cf. supra). Celles du niveau 5 apparaissent plus cohérentes (Delporte op. cit ; Djindjian op. cit.), bien que la date de 32 000 ± 1000, en plus d’un sigma important, apparaisse relativement vieille. 1.5. Les objets de parure Le niveau 6 n’a livré qu’une dent percée (Figure 105 n°8), dont l’espèce n’a pu être déterminée (Sonneville-Bordes 2002). Comme pour le niveau sous-jacent, la couche 5 ne comporte qu’un élément de parure (Figure 106 n°2). Il s’agit d’une canine de Lynx perforée (Sonneville-Bordes 2002). 1.6. L’industrie osseuse Les pièces récoltées pour les niveaux 6 et 5 sont respectivement au nombre de 12 et 7 pièces (Tableau 90). Hormis le fragment de sagaie losangique à section aplatie du niveau 6 (Figure 238 105 n°1), ces vestiges ne sont pas considérés comme caractéristiques d’un moment particulier de l’Aurignacien par l’auteur (Sonneville-Bordes 2002). Figure 104 : Représentation graphique des dates 14 C pour l’Aurignacien de Roc de Combe (les dates du niveau 8, châtelperronien, et du niveau 4, gravettien, sont données à titre indicatif). Niveau 6 Niveau 5 Sagaie losangique aplatie (Figure 105 n°1) 1 Poinçon (Figure 105 n°6 et 7) 2 1 Pointe à section circulaire (Figure 105 n°3) 1 Pointe à section ovalaire aplatie (Figure 105 n°2) 1 Fragment de pièce à section ovalaire aplatie, avec incisions (Figure 105 n°3) - 1 Fragment de pointe (Figure 105 n°4 et 5 – Figure 106 n°6) 4 1 Fragment de pièce à section aplatie (Figure 106 n°5) - 1 Fragment de pièce à section circulaire aplatie - 1 Cornillon de renne luisant par frottement 1 Os travaillé 2 Fragment de pièce effilée (Figure 106 n°4) - 1 Fragment de côte raclé (Figure 106 n°1) - 1 Total 12 7 239 Tableau 90 : Roc-de-Combe - Décompte de l’industrie osseuse (d’après Sonneville-Bordes 2002). Figure 105 : Roc-de-Combe - Industrie osseuse et parure du niveau 6 – n°1 à 5 : pointes, 6 et 7 : poinçons, 8 : dent percée (dessins P. Laurent, d’après Sonneville-Bordes 2002, modifié). 1.7. État de conservation du matériel en silex Les silex sont fortement patinés, pouvant aller jusqu’à une perte de la structure cristalline initiale. Certains silex tertiaires présentent des cassures récentes qui permettent l’observation de la structure interne. Différents degrés d’altération existent : d’un voile de patine qui n’affecte que la surface de la pièce à une structure interne poudreuse. Pour certains matériaux, et en particulier les silex tertiaires, ces altérations peuvent occasionner une gêne dans la lecture technologique (notamment la direction et le sens des enlèvements). Les retouches récentes sont toutefois clairement identifiables, et se marquent par une patine différente. Enfin, exception faite de ces dernières, nous n’avons pas noté de 240 lustré, d’émoussé ou de concassage ancien des bords (après piétinement ou altération synsédimentaire par exemple). De même, il n’a pas toujours été possible de distinguer le type de matière première, d’où le nombre de classes d’indéterminés important (cf. infra couches 6 et 5). Figure 106 : Industrie osseuse et parure du niveau 5 – n°1 : fragment de côte raclée ; n°2 : dent de Lynx percée ; n°3 : fragment médian à section ovalaire aplatie avec quatre incisions ; n°4 : fragment effilé ; n°5 : fragment plat ; n°6 : fragment de pointe (dessins P. Laurent, d’après Sonneville-Bordes 2002, modifié). 1.8. Données typologiques et attributions chrono-culturelles Objet d’une courte note lors de la publication de 1966 (Bordes et Labrot 1966), les séries aurignaciennes et « périgordiennes » du Roc-de-Combe ne furent réellement publiées qu’en 2002 (Sonnneville-Bordes 2002). Nous renvoyons à « L’avant-propos sur l’article de D. de Sonneville-Bordes » (Demars - Introduction, Pelegrin – Présentation : 2002) ainsi qu’à la thèse de J.-G. Bordes pour les circonstances de cette publication tardive. L’analyse typologique détaillée a conduit l’auteur à attribuer le niveau 6 à un Aurignacien II, et le niveau 5 sus-jacent à un Aurignacien évolué (Sonneville-Bordes 2002). Voici les descriptions in extenso données par l’auteur (Sonneville-Bordes 2002) : 241 « La série de la couche 6 est beaucoup plus riche que les précédentes (439 outils), essentiellement à cause des lamelles qui forment le quart de la série (26,18 %). Elle se différencie des précédents parce que l’indice de burin (IB : 22,94) est équivalent à l’indice des grattoirs (IG : 22,04) ; ceci est dû à la baisse des grattoirs sur lame, alors que les grattoirs à museau (8,42 %) augmentent, et à l’apparition des burins busqués et carénés (5,46 %). L’indice de burin dièdre reste largement plus élevé que l’indice de burin sur troncature retouchée (IBt : 6,15). L’indice de grattoir aurignacien est plus élevé que dans les niveaux précédents (IGA : 9,25). » « Ce niveau [le 5] contient une série équivalente en quantité à celle du niveau précédent (405 outils). Elle se différencie de la précédente couche 6 parce que l’indice de burin est très élevé (IB : 36,99), ce qui est dû à l’augmentation de l’indice de burin dièdre (IBd : 18) alors que l’indice de burin sur troncature retouchée diminue (IBt : 3,20). Apparus dans la couche 6, les burins busqués et surtout les burins carénés augmentent fortement (13,82 %). La retouche aurignacienne est presque inexistante. Les pièces esquillées sont dans un pourcentage équivalent à celui de la couche 6. Les grattoirs aurignaciens (IGA : 12,32) sont en proportion équivalente à celle du niveau 6, avec faible dominance des grattoirs à museaux sur les grattoirs carénés. » L’attribution du niveau 6 à l’Aurignacien II se base donc essentiellement sur la présence d’une sagaie losangique et des burins busqués, et de la dominance des grattoirs à museau sur les grattoirs carénés. Dans une moindre mesure, elle retient aussi les critères suivants : baisse de l’indice de grattoir, allant de pair avec une augmentation de celui des burins, et quasiabsence de la retouche aurignacienne. L’attribution du niveau 5 reste plus problématique. Aucun fossile directeur osseux, notamment des stades III et IV de Peyrony, n’est présent. Son attribution repose principalement, mais de manière sous-entendue, sur la position chronologique de ce niveau, postérieure à de l’Aurignacien II. L’auteur retient tout de même la rareté des pièces à retouche aurignacienne, et le remplacement des burins busqués par les burins carénés. Enfin, elle exclut un rapprochement avec l’Aurignacien III, tel que défini à La Ferrassie (Sonneville-Bordes 1960), car ce dernier « n’enregistre pas une pareille montée sur les burins, mais au contraire a un pourcentage de grattoirs très élevé » (Sonneville-Bordes 2002). Enfin l’auteur conclut à la forte parenté qui existe entre les séquences aurignaciennes de Caminade-Est et de Roc-de-Combe (Tableau 91), tout en précisant que cela « ne signifie pas 242 que les niveaux soient parallèles chronologiquement d’un point de vue strict. » (SonnevilleBordes 2002). Caminade-Est Roc-de-Combe D2S Niveau 5 D2I Niveau 6 F Niveau 7b Tableau 91 : Corrélation des niveaux de Roc-de-Combe avec ceux de Caminade-Est proposée par D. de Sonneville-Bordes (2002). 1.9. Synthèse Les données acquises sur les niveaux 6 et 5 permettent d’en donner la synthèse suivante : - Le niveau 6 est attribué à un Aurignacien II, et se caractérise par la présence de grattoirs à museau et de burins busqués accompagnés d’une forte composante lamellaire retouchée. Il prend place sous des conditions climatiques froides et humides, à Renne dominant, mais où persistent quelques espèces tempérées (Cerf, Chevreuil et Sanglier). Les données radionumériques semblent devoir être écartées. Les quelques pièces de parure et d’industrie osseuse ne permettent de définir une attribution chrono-culturelle précise, outre la présence d’un fragment de sagaie losangique à section aplatie (Figure 105 n°1), dont l’attribution a par ailleurs été remise en doute (Leroy-Prost 1979). - Le niveau 5, sus-jacent, est considéré comme un Aurignacien évolué, dont les caractéristiques restent floues. D. de Sonneville-Bordes note un remplacement des burins busqués par les burins carénés. Les grattoirs à museau sont toujours présents, de même les lamelles retouchées sont nombreuses. Le climat devient plus rigoureux, et est fortement dominé par le Renne. 243 2. Analyse de l’homogénéité des unités décrites à la fouille Suite aux problèmes soulevés lors de l’étude taphonomique réalisée pour les niveaux 7 à 10 (Bordes 2002), il nous est apparu nécessaire de poursuivre celle-ci et d’établir le degré de perturbation des niveaux 6 et 5. L’étude de l’homogénéité des ensembles étudiés s’est déroulée en deux temps. Une première étape a consisté à confronter les niveaux 6 et 5 afin de rechercher les éventuels raccords de lames intra et principalement inter-couches (Bordes 1998, 2000, 2002). Dans un second temps, nous avons analysé la répartition verticale des nucléus lamellaires, considérés comme de bons marqueurs chrono-culturels afin de déterminer s’il y avait, ou non, contamination entre les niveaux sus-mentionnés. Nous tenons cependant à rappeler que ces observations sont à prendre avec précaution. En effet, bien que ces vestiges puissent être considérés comme des fossiles directeurs, la remise en cause de l’homogénéité d’un niveau ne peut se baser uniquement sur ce type d’approche. Leur stricte association, ou exclusion mutuelle, doit au préalable être vérifiée, par d’autres approches (en particulier : les raccords à valeur stratigraphique, ou non), et sur d’autres sites dont le ou les niveaux sont bien individualisés. Pour cette analyse, comme pour la suite, seuls les carrés J9 et K9 ont été retenus. En effet, les derniers travaux réalisés sur ce site ont permis de mettre en évidence des problèmes d’attribution de niveaux (attributions souvent réalisées à posteriori par F. Bordes, d’après projection). Pour les bandes autres que la bande 9 (bandes 8 et 10, latérales) et au sein de cette dernière seuls les carrés J9 et K9 ne semblent pas poser de problèmes (Bordes 2002). Observation déjà formulée lors de l’étude du niveau 8 châtelperronien (Pelegrin 1995). 2.1. Analyse des raccords de lames L’analyse s’est limitée aux seuls fragments de lames et éclats laminaires en silex tertiaire, majoritaire et débité sur place. Tous les fragments de lames de largeur supérieure à 1,5 cm ont été extraits et classés en trois groupes (fragments proximaux, mésiaux et distaux), puis comparé « terme à terme » (Tableau 92 et cf. supra § Méthode). Pour des raisons de place27 et de temps, seuls les niveaux 6 et 5 ont pu être étalés et testés. 27 Nous tenons à remercier J.-J. Cleyet-Merle et le personnel du Musée National de Préhistoire pour nous avoir autoriser à effectuer cette opération de remontage dans la salle d’exposition temporaire, ainsi que pour le matériel et l’aide dont nous avons bénéficié. 244 Couche 6 Couche 5 Fragments J9 K9 Total C6 J9 K9 Total C5 Total Proximaux 9 61 70 5 45 50 120 Mésiaux 8 64 72 4 19 23 95 Distaux 13 53 66 12 26 38 104 Total 30 178 208 21 90 111 319 Tableau 92 : Nombre de pièces retenues pour l’analyse des raccords de lames. La confrontation des 319 fragments de lames (Tableau 92) n’aura permis la réalisation que de six raccords (Tableau 93), soit seulement 12 pièces (environ 3,8 % du total des pièces sélectionnées), ce qui est relativement faible. Aucun remontage inter-couche n’a été effectué. Couche 6 Couche 5 Couche 5 (N = 111) 0 5 Couche 6 (N = 208) 1 Tableau 93 : Roc-de-Combe - Nombre de raccords réalisés. Les raisons de ce faible taux de remontage sont assurément multiples. Il est toutefois possible d’en préciser quelques-uns. Les vestiges sélectionnés proviennent d’une surface relativement faible, puisque seulement deux mètres carrés ont ici été retenus. Cette faible superficie, eu égard à celle de l’occupation initiale, a, à n’en pas douter, joué un rôle sur ces maigres résultats. Des processus taphonomiques relatifs notamment à la mise en place des dépôts ont pu initier des mouvements horizontaux plus ou moins importants, limitant de fait les raccords à faibles distances. Rappelons que les niveaux accusent un double pendage, vers l’avant de l’abri, dans la pente, et vers le fond de l’abri (Figure 107). Cependant, si une étude géologique a bien été menée sur le site (Laville 1975), elle ne fût pas assortie d’une étude géoarchéologique (identification des processus de mise en place des dépôts et de leur évolution). La qualité de la matière première utilisée a aussi pu intervenir, les silex meulières présentant souvent des cassures complexes difficilement raccordables (Bordes 2002). Enfin le comportement des Préhistoriques ne peut être totalement ignoré. Des apports, et surtout des emports de lames ne peuvent être exclus. 245 2.2. Analyse spatiale des nucléus lamellaires. Pour compléter l’analyse des raccords de lames nous avons analysé la distribution verticale de certaines catégories de vestiges susceptibles d’indiquer des possibles perturbations des niveaux. Depuis la systématisation du tamisage d’une part, et la généralisation de l’approche technologique d’autre part, le nombre d'études sur les productions lamellaires au Paléolithique n'a cessé d'augmenter. Pour le Paléolithique supérieur, il en ressort que ces dernières « connaissent des variations qui en font des marqueurs plus sensibles que les productions laminaires en terme d'évolution ou de différenciation géographique » (Bon 2005), et sont donc « porteuses [...] d'importantes charges techniques et culturelles » (Le Brun-Ricalens 2005). Ce phénomène est particulièrement sensible à l’Aurignacien (Bordes 2005). Il nous est donc apparu pertinent de nous baser sur les différentes pièces techniques rapportables à ces différents type de débitage (modalité de type grattoir à museau, burin busqué et burin nucléiforme). Tous les vestiges n’ayant pas été cotés, surtout les plus petits, seuls les nucléus à lamelles ont été pris en considération. L’analyse de la répartition verticale des vestiges ne montre pas de perturbation, ni d’aberration stratigraphique (Figure 107). Les niveaux, même s’ils ne sont pas séparés par des volumes de sédiments stériles importants, n’en demeurent pas moins clairement distincts dans l’espace. Trois types de nucléus lamellaires ont été retenus. Il s’agit des grattoirs à museau, des burins busqués et des burins nucléiformes. L’ensemble de ces modalités a pour objectif la production de lamelles torses (cf. infra). Leur répartition spatiale montre deux ensembles (Figure 108-A). Un niveau supérieur, composé majoritairement de burins nucléiformes, et un ensemble inférieur où se retrouvent principalement les grattoirs à museau et les burins busqués. Ces deux ensembles sont corrélables aux couches décrites par F. Bordes et J. Labrot (Figure 108-B). Le niveau supérieur correspond à la couche 5, et l’inférieur à la couche 6. Au sein de cette dernière, les grattoirs à museau et les burins busqués semblent se distribuer de manière aléatoire. Il convient de préciser ici que les nucléus grattoirs à museau diffèrent de ceux de la couche 8 de Pataud (cf. supra). Nous verrons plus loin que les deux modalités de débitage lamellaire 246 reconnues pour le niveau 6 (type grattoir à museau et burin busqué) possèdent un objectif commun, la production de lamelles torses. Figure 107 : Projection verticale suivant l’axe des Y : A - de l’ensemble des pièces cotées ; B - des pièces cotées dans les carrés J9 et K9 (croix rouge : couche 5 ; croix bleu : couche 6). 247 Figure 108 : Projection verticale suivant l’axe des Y, et pour les carrés J9 et K9, des différents nucléus à lamelles – En bleu : burins nucléiformes ; en vert : les burins busqués ; en rouge : les grattoirs à museau (code couleur identique pour les figures A et B). 248 2.3. Discussion Quel que soit le type d’étude employé ici (raccords de lames, ou analyse de la répartition spatiale des vestiges), les résultats sont maigres et incitent à la prudence. Toutefois, il n’a pu être établi en aucune manière l’existence de contaminations inter-couches (que ce soit avec les couches sous ou sus-jacentes – soit de l’Aurignacien ancien au Gravettien). Avec toutes les réserves qui sont imposées, il semble donc que ces niveaux aient été relativement bien individualisés lors de la fouille, et que leur valeur chronologique soit réelle. En l’absence de raccords avec les couches sus et sous-jacentes, malgré la faible surface prise en compte, nous considérons ce découpage stratigraphique comme fiable pour les carrés étudiés (J9 et K9). 249 3. La couche 6 3.1. Corpus d’étude 3.1.1. Matériel sélectionné Rappelons que nous avons pris le parti de n’étudier que les carrés J9 et K9, et d’exclure les bandes I et H (cf. supra), numériquement plus faible que le matériel issu de la bande 9 (Figure 109). Figure 109 : Roc-de-Combe couche 6 - Extension, inventaire et fréquence des pièces cotées par carré (d’après Bordes 2002, modifié). 3.1.2. Inventaire général D’après les carnets de fouille, sur les 447 pièces cotées du niveau 6, 296 l’ont été dans les carrés J9 et K9, ce qui représente 66,2 % du total des vestiges (Figure 109). Lors de cette étude, seuls 275 vestiges cotés ont été retrouvés, soit un déficit de 21 vestiges (92,9 % du total 250 des pièces cotées en J9 et K9). Il est possible que celles-ci puissent se trouver dans des portoirs différents (autres que « lithique couche 6 », puisque nous avons retrouvé par exemple de la faune dans ces portoirs), ou résulter d’une erreur de marquage dans les carnets de fouilles. Certaines pièces, bien que non coordonnées, ont été marquées (carré et couche) par F. Bordes. Celles-ci ont été intégrées et étudiées avec le matériel coté et sont physiquement disjointes des refus de tamis. Ces pièces correspondent à des outils ou des fragments d’outils, des pièces techniques (lames, lames d’entretien, nucléus, chute de burin …), de pièces de gabarit important ou encore des objets dont la matière première est remarquable. Matières premières Piècescotées Piècesnon cotées Total Fréquence(%) Dontoutils cotés Dontnucléus lamellairecoté Dontoutilsnon coté Dontnucléus lamellairenon Totaloutils Totnucléus lamellaire Tertiaire (meulière) 116 5412 5528 56,78 40 44 87 2 127 46 Tertiaire jaspoïde 1 11 12 0,12 - 1 1 - 1 1 Tertiaire Massif Central 1 - 1 0,01 1 - - - 1 Argilite tertiaire - 29 29 0,30 - - - - - Sénonien 89 3612 3701 38,01 47 32 107 1 154 33 Campanien inf (type Belvès) 8 - 8 0,08 5 1 - - 5 1 Coniacien inf - 3 3 0,03 - - - - - Maestrichtien type Bergeracois 14 54 68 0,70 6 4 8 14 4 Santonien (?) type Grain de mil 11 57 68 0,70 4 6 8 - 12 6 Jaspéroïde 2 - 2 0,02 1 1 - - 1 1 Infralias 2 11 13 0,13 - - - - - Turonien inférieur type Fumelois 1 1 2 0,02 - - - - - Coniacien inf type Gavaudun - 3 3 0,03 - - - - - Bathonien - 2 2 0,02 - - - - - Portlandien (Tithonien) - 3 3 0,03 - - - - - Indéterminés 30 263 293 3,01 14 12 15 1 29 13 Total 275 9461 9736 100 118 101 226 4 344 105 Tableau 94 : Roc-de-Combe couche 6 - Inventaire et fréquence (%) des vestiges étudiés pour le niveau 6, par matières premières. Les vestiges non cotés et les refus de tamis sont numériquement moins importants pour les carrés issus des bandes 8 et 10, que ceux de la bande 9. Les premiers tiennent dans un portoir (environ un sac de matériel par carré, soit 5 sacs), alors que pour les carrés J9 et K9, un portoir complet par carré est disponible (soit 5 sacs par carrés). La reconnaissance à la fouille, dans la bande 9, des différents niveaux a par conséquent permis de garder associé l’ensemble du matériel (vestiges cotés / tamis), sans que des problèmes de réattribution l’en empêchent. 251 D’autre part, les carrés situés au niveau de l’auvent de l’abri (Figure 109), présentent des concentrations de vestiges plus importantes, du moins pour les trois niveaux d’Aurignaciens et celui châtelperronien (Bordes 2002 ; Pelegrin 1995). Ainsi, 9736 vestiges ont pu être recensés et étudiés (Tableau 94), parmi lesquels 9461 ne sont pas cotés (respectivement 3359 en J9 et 6102 en K9). D’un point de vue quantitatif, l’effectif s’élevant à près de 10.000 objets nous paraît largement satisfaisant. Malgré un tamisage à sec au tamis de 2 mm (Graysson et Delpech 2008), quelques biais peuvent exister. En effet, F. Bordes et son équipe n’ont pas collecté la totalité des refus de tamis et ont effectué un tri dans le souci de rechercher, au moins pour les niveaux Paléolithique supérieur, la fraction lamellaire (Bordes 2002 ; Graysson et Delpech 2008). Malgré l’absence probable de certains petits éléments (notamment des supports tel que ceux utilisés pour la confection de lamelles Caminade), la composante lamellaire, et notamment les lamelles retouchées, est relativement bien représentée (cf. infra) et permet d’en réaliser une étude fiable. En dépit du nombre élevé de vestiges, nous sommes conscient que la surface fouillée (un peu moins de 7 m2 ), et plus encore celle que nous avons retenue pour étude (2 m2 ) est relativement limitée, et incite à la prudence. Nous allons maintenant aborder le cortège des matières premières utilisées. Seuls les vestiges en silex ont été décomptés, les autres roches (quartz, quartzite, granite…) n’ont pas été prises en compte dans cette étude. 3.2. Origine des matières premières utilisées Le corpus (Tableau 94) se compose essentiellement de silex tertiaire, de type Tertiaire de Bord (Bordes 2002 ; Labrot et Rey 1976 ; Turq 2000), et de silex du Sénonien. Ces deux variétés représentent environ 95 % de la totalité des vestiges, les autres catégories ne sont représentées que par quelques pièces (Tableau 94). Les silex tertiaires et sénoniens sont géographiquement les plus proches, et se trouvent à environ cinq à dix kilomètres au nord-est (Bordes 2002 ; Turq et al. 1999). Il est possible que des formations siliceuses plus proches existent en fond de la vallée (Turq et al. 1999). Cependant, l’examen des calcaires affleurant situés à proximité du gisement a montré que les silex qui y sont inclus sont souvent peu propices à la taille (Bordes 2002). 252 Les silex du Sénonien correspondent aux silex inclus dans les formations géologiques situées en Dordogne, ou en bordure Nord-Ouest du Lot, parmi lesquels ont pu être reconnues28 des silex du Coniacien et du Campanien (de type Belvès). Les silex allochtones (Figure 110 et Figure 111) comprennent par ordre d’importance : du silex du Bergeracois (N = 68), du Grain de mil (N = 68), de l’Infralias (N = 13), du Coniacien inférieur type Gavaudun (N = 3), du Portlandien (N = 3), du Turonien inférieur type Fumélois (N = 2), ou encore quelques silex bathoniens (N = 2) et des jaspéroïdes (N = 2) (Tableau 94). Figure 110 : Roc-de-Combe couche 6 – Carte d’approvisionnement en silex. 28 Cette distinction a pu être établie grâce à l’aide d’André Morala, Alain Turq et Jean-Guillaume Bordes. 253 Figure 111 : Roc-de-Combe couche 6 - Exemples de quelques matières premières. Enfin, l’origine de nombreuses pièces (N = 293 - Tableau 95) est incertaine ou n’a pas pu être déterminée. Deux raisons principales peuvent être évoquées concernant les problèmes d’identification. Comme nous l’évoquions plus haut, les pièces sont patinées à très fortement patinées, gênant parfois considérablement la reconnaissance du type de silex. Ainsi certaines ont pu être rapprochées de types de matériaux connus, mais sans certitude. Enfin, pour d’autres pièces, c’est le type même de matière qui nous était totalement inconnu. Parmi ces 254 dernières, quelques pièces semblent pouvoir se rattacher à du silex du Grand-Pressigny, mais un examen complémentaire sera nécessaire. Après avoir esquissé l’origine des matières premières, intéressons nous à leur traitement. Nous verrons dans un premier temps les modalités de débitage laminaire, puis dans un second temps celles de la production lamellaire. Matières premières indéterminées Piècescotées Piècesnoncotées Total Fréquence(%) Dontoutilscotés Dontnucléus lamellairecoté Dontoutilsnon coté Dontnucléus lamellairenoncoté Totaloutils Totnucléus lamellaire Indéterminé Tertiaire 2 6 8 0,08 2 - - 1 2 1 Indéterminé Tertiaire jaspoïde 1 - 1 0,01 - 1 - - - 1 Indéterminé Argilite - 1 1 0,01 - - - - - Indéterminé Sénonien 10 20 30 0,31 4 5 - - 4 5 Indéterminé Sénonien - gris clair à grain fin 1 39 40 0,41 1 - - - 1 Indéterminé Sénonien / Bergeracois très patiné 1 - 1 0,01 - - - - - Indéterminé Campanien inférieur - 38 38 0,39 - - - - - Indéterminé Coniacien inférieur 5 36 41 0,42 2 2 - - 2 2 Indéterminé Bergeracois 2 2 4 0,04 1 1 - - 1 1 Indéterminé Bergeracois - gris points noirs 1 - 1 0,01 - 1 - - - 1 Indéterminé Grain de mil 2 - 2 0,02 1 - - - 1 Indéterminé Jaspéroïde oolithique 1 - 1 0,01 1 - - - 1 Indéterminé Fumelois - 6 6 0,06 - - - - - Indéterminé Gavaudun - 1 1 0,01 - - - - - Indéterminé Jurassique (lias moyen) 2 - 2 0,02 1 1 - - 1 1 Indéterminé Jurassique / Tertiaire - 1 1 0,01 - - - - - Indéterminé Hettangien - marron, fluviatil - 1 1 0,01 - - - - - Indéterminé Pressigny – beige 1 - 1 0,01 - 1 - - - 1 Indéterminé Pressigny - beige à grains de quartz - 4 4 0,04 - - - - - Indéterminé Pressigny - beige violacé à points rouges 1 - 1 0,01 1 - - - 1 Indéterminé Turonien supérieur (Charente) - 4 4 0,04 - - - - Indéterminé micro-bréchique à points noirs - 1 1 0,01 - - - - - Indéterminé micro-bréchique à points rouges - 4 4 0,04 - - - - - Indéterminé à points rouges - 6 6 0,06 - - - - - Indéterminé avec dendrites de manganèse - 1 1 0,01 - - - - - Indéterminés généraux - 92 92 0,94 - - 15 - 15 Total 30 263 293 3,01 14 12 15 1 29 13 Tableau 95 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte détaillé et fréquence (%) des matières probables et indéterminées. 255 3.3. Les modalités de débitage laminaire 3.3.1. Analyse des nucléus 3.3.1.1. Nature des supports et hiérarchisation des surfaces Les nucléus sont peu nombreux (N = 23 - Tableau 96) : 18 sont en silex tertiaires et cinq en silex du Sénonien (Figure 112, Figure 113 et Figure 114). Près de la moitié (N = 11) correspondent à des cassons (fragments de blocs ou de plaquettes ne montrant pas ou peu d’organisation de débitage précise). Sept sont des nucléus à lames sûrs, auxquels il convient de rajouter un nucléus à lames hautement probable, en Sénonien, mais affecté de nombreuses cupules thermiques, de telle sorte que son étude s’avère délicate. Enfin, quatre nucléus sont fragmentés, et bien que certains négatifs visibles plaident en faveur d’une production laminaire, le caractère parcellaire des informations invite à la prudence. Par la suite nous nous baserons uniquement sur les huit nucléus sûrs afin de tenter d’en extraire un maximum d’informations malgré ce faible effectif. Type de Nucléus Support Tertiaire Sénonien Total Nucléus à lames Eclat 2 - 2 Eclat ? 3 - 3 Plaquette 1 - 1 Fragment diaclasique / bloc ? - 1 1 Bloc ? - 1 1 Total 6 2 8 Fragment de nucléus Eclat 1 - 1 Plaquette 2 - 2 Indéterminé 1 - 1 Total 4 - 4 Casson Indéterminé 8 3 11 Total 18 5 23 Tableau 96 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte des différents nucléus laminaire par type de supports et par matières premières. Pour les silex tertiaires ce sont des éclats qui ont été principalement débités (Tableau 96), tandis que, pour les silex sénonien, le débitage de nodules semble avoir été privilégié. 256 Figure 112 : Roc-de-Combe couche 6 – Nucléus à lames (Sénonien : n°1 ; Tertiaire : n°2 et 3). 257 Figure 113 : Roc-de-Combe couche 6 – Nucléus à lames (Tertiaire). 258 Figure 114 : Roc-de-Combe couche 6 – Nucléus à lames (Tertiaire). L’implantation de la surface de débitage, et de manière sous-jacente les objectifs de la production (cf. infra) semblent corrélables avec la nature du support à débiter, et donc de la matière première (Tableau 97). Face étroite Etroite puis large Face large Total Eclat 2 - - 2 Eclat ? 1 2 - 3 Plaquette 1 - - 1 Fragment diaclasique / bloc ? - - 1 1 Bloc ? - - 1 1 Total 4 2 2 8 Tableau 97 : Roc-de-Combe couche 6 - Implantation de la surface de débitage en fonction de la nature du support. Trois types d’implantation de la surface de débitage ont pu être observés (Tableau 97) : - sur une face étroite (N = 4) : trois éclats (dont un probable), et une plaquette, tous en silex tertiaire (Figure 113) ; 259 - pour deux cas, l’initialisation du débitage débute sur une surface étroite et se poursuit vers une surface large, correspondant dans les deux cas au flanc gauche : deux éclats probables en silex tertiaire (Figure 112 n°2 et Figure 114) ; - et enfin, sur une face large (N = 2) : deux blocs probables (dont un pourrait être un fragment diaclasique), tous deux en silex sénonien (Figure 112 n°1). L’analyse dimensionnelle des nucléus (Figure 115) isole nettement les nucléus dont l’exploitation est réalisée sur une face étroite. Ceux-ci présentent des dimensions proches, du moins au niveau de leur stade d’abandon, tant en largeur (3 mm de différence entre les extrêmes) qu’en épaisseur (trois d’entre eux présentent 5 mm d’écart, le dernier présentant une épaisseur relativement importante). Les longueurs sont quant à elle légèrement plus variables puisque 28 mm séparent le plus grand du plus petit. Les nucléus dont l’initialisation débute sur une surface cintrée, avant d’investir une surface plus large, sont métriquement proches des exemplaires précédents, tant du point de vue de la longueur, de largeur ou de l’épaisseur. Enfin, les deux nucléus qui se terminent par l’exploitation d’une surface large sont métriquement assez différents. L’un d’entre eux présente des dimensions proches des nucléus à exploitation de surface cintrée. Malheureusement il s’agit du nucléus défiguré par l’action thermique. 3.3.1.2. Mise en forme, déroulement du plein débitage et entretien La mise en forme initiale des nucléus est difficilement appréhendable, ces derniers étant fortement réduits et souvent à exhaustion. Deux cas semblent toutefois attester de l’existence d’une crête antérieure préalable au débitage (Figure 112 n°2 et Figure 113 n°2). Pour les exemplaires sur éclat (N = 2) et sur éclat probable (N = 3), le flanc droit (face inférieure sûre et probable) n’est pas investi. Le même constat peut être énoncé pour la plaquette débitée, dont le flanc droit est cortical. 260 Comparaison des dimensions des nucléus à lames 0 10 20 30 40 50 60 70 80 0 10 20 30 40 50 60 Largeur (mm) Longeur(mm) large étroite étroite/large a Comparaison des dimensions des nucléus à lames 0 10 20 30 40 50 60 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 Largeur (mm) Epaisseur(mm) large étroite étroite/large b Figure 115 : Roc-de-Combe couche 6 - Comparaison des dimensions (en mm) des nucléus à lames en fonction de l’implantation de la surface de débitage (a : longueur x largeur / b : épaisseur x largeur). Le débitage est strictement unipolaire. Bien que les surfaces de débitage soient, dans le cas des nucléus sur éclats et assimilés, relativement cintrées, les produits laminaires convergent peu en partie distale, et restent globalement parallèles. Dans tous les cas la progression est principalement frontale. Cependant, pour les nucléus dont la surface de débitage est cintrée (N = 6), la progression est de tendance semi-tournante en direction du flanc gauche (vers la face supérieure dans le cas des éclats). Deux générations de supports semblent avoir été produites, de gabarit relativement différent. Ainsi pour deux nucléus (Figure 113 n°3 et Figure 114), les premières lames obtenues sont 261 plutôt longues et larges, tandis que les suivantes plus étroites et plus courtes. Ceci méritera confirmation lors de l’étude des lames. L’entretien des volumes et/ou la correction des accidents se fait par l’extraction de lames de flanc, souvent torses, et/ou par la mise en place de néocrêtes. Ces dernières sont souvent partielles, limitées à la partie distale des nucléus, et ne présentent qu’un versant préparé, principalement en direction du flanc droit. Pour trois cas (Figure 113 n°1, Figure 112 n°2 et 3), le maintien des convexités s’est fait par des enlèvements opposés, extraits depuis la partie distale des nucléus, de manière latérale plutôt que frontale. Enfin, les plans de frappe sont entretenues par extraction de tablettes de ravivage complète ou partielle. 3.3.1.3. Synthèse de l’analyse des nucléus Deux types de nucléus ont pu être mis en évidence : ceux qui présentent une exploitation préférentielle d’un petit côté (N = 6), pouvant ou non déborder sur le flanc gauche, et deux autres dont une face large a été mise à profit. Les supports des premiers correspondent pour partie à des éclats et des plaquettes de silex tertiaire. La seconde modalité semble mise en application lorsque le support de départ ne présente pas de surface cintrée naturelle, comme cela peut-être le cas des blocs de silex sénoniens. Deux populations de lames semblent obtenues sur les nucléus à surface de débitage cintrées : des lames larges, puis étroites. Les deux exemplaires débités sur une face large n’ont, à priori, pas donné de petits supports étroits. Leur phase d’abandon suggère uniquement une production de produits laminaires longs et larges. Nous allons tenter d’approcher ces différences par le biais de l’étude des supports laminaires bruts et retouchés. 3.3.2. Analyse des enlèvements laminaires 3.3.2.1. Corpus Nous avons décompté un total de 530 enlèvements laminaires (Tableau 98 et Tableau 99), subdivisés en : lames (N = 423), éclats laminaires (N = 20) et lames à pan revers (un des pans correspond à la face inférieure de l’éclat dont elle est issue – N = 74). Les silex tertiaires et sénoniens dominent le corpus (Tableau 98), en accord avec la présence de nucléus dans ces deux matériaux, et leur débitage sur place. Les silex indéterminés mis à part, le reste du cortège siliceux est essentiellement composé de silex du Bergeracois (N = 262 19), de Grain de mil (N = 11), et d’argilite (N = 12). Le jaspéroïde, l’Infralias et le silex du Fumelois sont chacun représentés par une seule pièce (Tableau 98). Lame Lame ? Lame pan revers Eclat laminaire Eclat laminaire pan revers Total Tertiaire 209 7 37 8 - 261 Argilite 8 - 4 - - 12 Sénonien 138 4 25 8 175 Bergeracois 15 - 4 - - 19 Grain de mil 9 - - 2 - 11 Jaspéroïde 2 1 - - - 3 Infralias - - - 1 1 2 Fumelois 1 - - - - 1 Indéterminé 41 - 4 1 - 46 Total 423 12 74 20 1 530 Tableau 98 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte des produits laminaires par matière première. Si la modalité de production laminaire sur tranche d’éclat (présence de lames à pan revers) est attestée pour le Tertiaire, l’argilite, le Sénonien, le Bergeracois, et dans une moindre mesure l’Infralias (une pièce), cela ne semble pas avoir été le cas du silex Grain de mil, des jaspéroïdes et du silex du Fumelois. L’analyse des différentes pièces techniques (Tableau 99) permet de compléter celle des nucléus. Ainsi l’initialisation du débitage se fait soit par le détachement d’une entame corticale (N = 16), soit par détachement d’une crête antérieure (N = 19). Dans le cas des lames à pan revers, témoignant d’un débitage d’éclats sur leur tranche, les crêtes sont en majorité à un versant. La latéralisation des enlèvements formant cette crête indique un détachement vers la face supérieure de l’éclat support. Ce constat est extensible aux néocrêtes, généralement partielles, situées en partie distale des lames, dont les enlèvements envahissent aussi la face supérieure de l’éclat support. Enfin, comme nous l’avions vu pour certains nucléus, quelques lames présentent des négatifs d’enlèvements opposés, servant à recintrer ou à corriger la surface de débitage (Figure 116). 263 Lame Lame? Lamepan revers Eclat laminaire Eclat laminaireà panrevers Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Entame corticale 9 2,1 3 25,0 2 2,7 2 10,0 - - 16 3,0 Entame diaclasique 1 0,2 - - - - - - - - 1 0,2 Crête à deux versants 6 1,4 - - 1 1,4 1 5,0 - - 8 1,5 Crête à un versant 3 0,7 - - 7 9,5 1 5,0 - - 11 2,1 Sous crête 24 5,7 1 8,3 2 2,7 2 10,0 - - 29 5,5 Sous crête - pan gche cort 1 0,2 1 8,3 - - - - - - 2 0,4 Néocrête 23 5,4 - - 15 20,3 - - 1 100 39 7,4 Néocrête sur sous crête 1 0,2 - - - - - - - - 1 0,2 Pan gauche cortical 19 4,5 - - 1 1,4 - - - - 20 3,8 Pan gauche diaclasique 5 1,2 - - - - - - - - 5 0,9 Pan droit cortical 27 6,4 2 16,7 2 2,7 2 10,0 - - 33 6,2 Pan droit diaclasique 6 1,4 - - - - - - - - 6 1,1 Quelque cortex 10 2,4 1 8,3 - - 3 15,0 - - 14 2,6 Brut 288 68,1 4 33,3 44 59,5 9 45,0 - - 345 65,1 Total 423 100 12 100 74 100 20 100 1 100 530 100 Tableau 99 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte et fréquence (%) des produits laminaires. 3.3.2.2. Dimensions, profil et obtention des enlèvements laminaires Pour la suite, deux pièces ont été exclues de l’analyse dimensionnelle (problème dans la prise de mesure), ainsi que les éclats laminaires. Celle-ci porte donc sur 422 lames, dont 94 sont entières et 73 lames à pan revers, dont 22 sont entières. La moyenne de longueur des pièces entières se situant aux alentours de 40 mm (Tableau 100). Seulement seize lames dépassent 60 mm de long (dont seulement quatre sont entières), le maximum est atteint par un fragment de 93 mm de long, tandis que la plus grande lame entière mesure 78 mm. Les largeurs moyennes se situent entre 15 et 20 mm et pour les épaisseurs entre 6 et 6,5 mm (Tableau 100). La comparaison des dimensions des lames et des lames à pan revers a permis de mettre en évidence des largeurs plus importantes et statistiquement significatives (Tableau 100) pour les premières. Les longueurs et les épaisseurs ne sont pas statistiquement différentes. Ainsi l’hypothèse de deux populations de lames, entr’aperçue d’après l’étude des nucléus, est validée : ont été produites des lames larges et des lames à pan revers étroites. 264 Figure 116 : Roc-de-Combe couche 6 - Petites lames de la couche 6. N° 1 à 7, 16 et 17 : Tertiaire – n° 8 à 15 : Sénonien – n° 10 et 17 : lames sous-crête – n° 16 : lame néocrête à pan revers. Longueur (pièces entières) Largeur Epaisseur   Lames Lame à pan revers Lames Lame à pan revers Lames Lame à pan revers Moyenne 41,93 40,73 19,45 14,88 6,48 6,24 Variance 115,38 101,45 56,78 35,74 9,34 8,49 Observations 94 22 422 73 422 73 Variance pondérée 112,81 53,70 9,22 Degré de liberté 114 493 493 Statistique t 0,48 4,92 0,63 P(T<=t) unilatéral 0,32 5,8 E-07 0,26 Valeur critique de t (unilatéral) 1,66 1,65 1,65 P(T<=t) bilatéral 0,63 1,2 E-06 0,53 Valeur critique de t (bilatéral) 1,98 1,96 1,96 Tableau 100 : Roc-de-Combe couche 6 - Moyennes des dimensions des lames et des lames à pan revers et tests de Student associés. 265 L’analyse par classe de taille (Figure 117) indique un étalement plus important des longueurs pour les lames, bien que la plupart soient comprises entre 30 et 59 mm, avec un maximum dans la classe 30-39 mm. Les lames à pan revers présentent aussi un maximum de pièces entre 30 et 59 mm, toutefois, à l’inverse des lames, on note un déficit pour la classe 40-49 mm, la classe 30-39 mm étant majoritaire, suivie par la classe 50-59 mm, et ne dépassent pas 60 mm. Pour la largeur et l’épaisseur, les variations sont aussi plus importantes pour les lames que pour celles qui présentent un pan revers. Le maximum de fréquence de largeur pour les lames se trouve dans la classe 15-19 mm, tandis que, pour les secondes, elle se situe dans la classe 14-19 mm. Enfin, dans les deux cas, la classe d’épaisseur dominante se situe entre 4 et 6 mm, cependant les lames à pan revers montrent une fréquence plus importante de lames situées dans cet intervalle. Lame entière Total lame Lame pan revers entière Total lame pan revers Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Rectiligne 40 42,6 211 50,0 7 31,8 30 41,1 241 48,7 Légèrement courbe 5 5,3 23 5,5 2 9,1 2 2,7 25 5,0 Courbe 27 28,7 95 22,5 3 13,6 10 13,7 105 21,2 Torse horaire 9 9,6 30 7,1 3 13,6 13 17,8 43 8,7 Torse contre horaire 13 13,8 63 14,9 7 31,8 18 24,7 81 16,4 Total 94 100 422 100 22 100 73 100 495 100 Tableau 101 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte et fréquence (%) des profils des lames et des lames à pan revers. Une autre distinction peut être faite en fonction du profil (Tableau 101). Si la tendance générale voit le développement de supports laminaires plutôt rectilignes (près de 50 % des produits), on peut noter une fréquence plus importante de lames courbes (28,7 % des supports entiers, ramené à 22,5 % en comptant les supports fragmentés), tandis que pour les lames à pan revers celles-ci sont majoritairement torses (42,5 %), et surtout dans le sens contre horaire (31,8 % pour les pièces entières, pour un total de 24,7 %). 266 Comparaison des classes de taille des lames 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 <20 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 >69 Classe de longueur (mm) Fréquence(%) lame ent LCDB ent a Comparaison des classes de taille des lames 0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0 40,0 45,0 <10 10-14 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 Classe de largeur (mm) Fréquence(%) lame LCDB b Comparaison des classes de taille des lames 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 0-3 4-6 7-9 10-12 13-15 16-18 Classe d'épaisseur (mm) Fréquence(%) lame LCDB c Figure 117 : Roc-de-Combe couche 6 - Comparaison des dimensions (en mm) des lames et des lames à pan revers (LCDB) – a : longueur des pièces entières, b : largeur, c : épaisseur. 267 Enfin, de manière indépendante du type de lame (avec ou sans à pan revers), nous avons cherché à savoir s’il existait une relation entre profil et dimension des supports laminaires. Les lames de profil légèrement courbe présentent les dimensions les plus importantes, que se soit en longueur, largeur ou épaisseur (Tableau 102). Les lames rectilignes et courbes présentent des moyennes sensiblement équivalentes. De la même manière, quel que soit le sens de la torsion, les gabarits des lames présentent quelques analogies. Cependant, celles qui sont torses dans le sens horaire sont plus petites, et un peu moins larges que celles qui le sont dans le sens horaire (Tableau 102). Moyenne Rectiligne Peu courbe Courbe Torse horaire Torse contre horaire Longueur (lames entières) 41,0 56,1 43,2 35,7 39,5 Longueur (total des lames) 32,5 45,4 36,7 32,0 32,3 Largeur 19,8 25,4 19,3 14,6 15,3 Epaisseur 6,8 8,7 6,5 5,3 5,2 Tableau 102 : Roc-de-Combe couche 6 - Dimensions moyennes des lames suivant les types de profils. Le détachement des lames est réalisé par percussion directe au percuteur tendre. Les talons sont majoritairement laissés lisses, et seule une abrasion de la corniche est réalisée. Toutefois certains sont préparés avec soin, pouvant aller jusqu’à la création d’un petit éperon (facettage poussé visible sur certaines tablettes de ravivage de plan de frappe). 3.3.2.3. Synthèse de l’analyse des supports laminaires La majorité des lames est en silex tertiaire et sénonien, avec de nombreuses et diverses pièces techniques. Ces deux matériaux ont été débités sur place. L’analyse comparée des supports laminaires (Tableau 100, Tableau 101 et Tableau 102), permet de mettre en évidence l’existence de deux populations principales de supports laminaires : - des lames : plutôt rectilignes, légèrement courbes, à courbes ; de grandes dimensions, avec un indice longueur / largeur faible et largeur / épaisseur fort, signifiant des lames larges et épaisses ; - et des lames à pan revers : rectilignes ou torse, majoritairement dans le sens contre horaire ; de petites dimensions, avec un indice longueur / largeur fort et largeur / épaisseur faible, en d’autres termes des lame étroites et fines. 268 La mise en évidence d’une double composante laminaire rejoint l’hypothèse formulée lors de l’étude des nucléus. Toutefois, contrairement à ce que laissait entrevoir l’étude des nucleus, la modalité sur tranche d’éclat a aussi été employée pour des silex sénoniens, pour lesquels aucun nucléus de ce type n’a pu être observé, et ce de manière à priori équivalente aux tertiaires, puisque les lames à pan revers représentent respectivement 14,3 % et 14,2 % des types de supports laminaires dans ces deux matériaux. Enfin l’analyse du ratio nombre de lames produites sur le nombre de nucléus permet de poser quelques remarques sur la gestion du débitage. On notera en premier lieu un déficit global de nucléus, et plus particulièrement une absence de nucléus sur tranche en silex du Sénonien. L’étude des carrés avoisinants ceux de cette étude confirme ce faible effectif. La majorité des supports laminaires et des nucléus se trouvent dans le carré K9 (Tableau 103). Ainsi, la question d’une production laminaire plus importante vers l’intérieur de la grotte, zone non fouillée pour ce niveau, mérite d’être posée. J9 K9 Total Nb % Nb % Nb % Tertiaire 2 8,7 16 69,6 18 78,3 Sénonien 3 13,0 2 8,7 5 21,8Nucléus Total 5 21,8 18 78,3 23 100 Tertiaire 42 7,9 219 41,3 261 49,2 Sénonien 75 14,2 100 18,9 175 33,1 Autres silex 49 9,2 45 8,5 94 17,7 Lames Total 166 31,3 364 68,7 530 100 Tableau 103 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte et fréquence (%) des nucléus et des lames, par matières premières pour chaque carré étudié. 3.3.2.4. Remarque sur la distinction métrique lame / lamelle Si la lame et la lamelle partagent comme critère de définition commun une longueur supérieure ou égale à deux fois leur largeur, le seuil discriminant l’une de l’autre est communément placé à 12 mm de large. En dessous de ce seuil, il s’agit donc d’une lamelle, au-dessus d’une lame. Cette limite est cependant variable suivant les techno-complexes, et à définir en fonction de l’assemblage (e. g. Inizan et al. 1995). 269 Comparaison dimensions lames / lamelles retouchées 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Largeur (mm) Longueur(mm) Lame ent RDC ent a Comparaison dimensions lames / lamelles retouchées 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 Largeur (mm) Epaisseur(mm) Lame RDC b Figure 118 : Roc-de-Combe couche 6 - Comparaison des dimensions des lames et des lamelles retouchées [a : longueur x largeur (en mm) des pièces entières ; b : épaisseur x largeur (en mm)]. Nous avons comparé les dimensions des lames et simplement des lamelles retouchées, car leur statut d’une part de microlithe et surtout de produit recherché ne peut être contesté. 270 L’analyse comparée des dimensions (Figure 118 a et b), montre clairement la différence qui existe entre ces deux populations, et une césure se marque au niveau de la longueur, les lamelles faisant moins de 20 mm et les lames se situant au-dessus (Figure 118a). De la même manière, la limite de largeur se situe au alentour de 6,5 mm (Figure 118a et b), et 2 mm pour l’épaisseur (Figure 118b). Ainsi, du point de vue dimensionnel, peuvent être considérés comme lames, les supports de longueur supérieure 20 mm (pour les pièces entières), de largeur supérieure à 6,5 mm et supérieur à 4 mm d’épaisseur. A contrario, les pièces plus petites peuvent alors être considérées comme des lamelles. Après avoir vu les différents types de produits laminaires obtenus et recherchés, nous allons maintenant nous intéresser à leur devenir, c’est-à-dire leurs éventuelles sélections et transformations. 3.4. Analyse de l’outillage 3.4.1 Corpus Si on excepte les lamelles Roc-de-Combe (pièces retouchées majoritaires - Tableau 104 et Tableau 105), qui sont probablement à considérer comme des éléments composites rentrant dans la fabrication de projectiles et non comme des outils (e. g. Bon 2002 ; Le Brun-Ricalens (Ed) 2005 ; Tartar et al. 2005), quatre grands groupes d’outils peuvent être isolés (Figure 119). Par ordre d’importance (Tableau 104 et Tableau 105), il s’agit des lames retouchées (14,8 %), des burins (13,1%, dont la majorité sont sur troncature), des pièces esquillées (11,6 %) et enfin des grattoirs (9,3 %). Quelques différences sont à noter entre notre inventaire et celui de D. de Sonneville-Bordes (2002) (Tableau 105). Rappelons que l’effectif étudié est ici plus faible et ne concerne que seulement 2 m2 , sur les 6 m2 fouillés. De plus, il est apparu, après examen des refus de tamis (alors non lavés29 et non marqués et reconditionnés par J. Pelegrin lors de sa thèse), qu’un nombre important de pièces esquillées et de lames à retouche latérale ou portant des traces d’utilisation n’avaient pas été extraites, et donc non décomptées. 29 Nous avons lavé et reconditionné l’ensemble des sacs, mais seules quelques pièces ont été marquées. 271 Outils Supports Tertiaire Sénonien Bergeracois Graindemil Jaspe Tertiaire Jaspéroïde Indéterminé Total Grattoir Lame 3 4 - - - - - 7 Lame ? 1 - - - - - - 1 Eclat laminaire - 1 - - - - - 1 Eclat 1 - - - - - - 1 Grattoir lame 1b ret Lame 2 3 1 - - - 1 7 Grattoir lame 2b ret Lame 2 6 1 1 - - 2 12 Eclat laminaire 1 - - - - - - 1 Grattoir double L2b ret Lame - 2 - - - - - 2 Grattoir ? Lame 1 1 - - - - - 2 Burin sur pan naturel Lame - - 2 2 - - 1 5 Eclat laminaire - 1 - - - - - 1 Eclat - - - - - - 1 1 Indéterminé 1 - - - - - - 1 Burin dièdre Lame 1 1 - - - - 3 5 Eclat - 1 - - - - - 1 Burin sur cassure Lame 5 4 1 - - - 1 11 Eclat 2 1 - - - - - 3 Burin sur cassure? Lame 1 - - - - - - 1 Burin sur troncature Lame 3 6 - 2 - - 2 13 Eclat 2 2 - - - - - 4 Burin ? Lame 2 - - - - - 1 3 Grattoir - burin Lame - 1 - - - - - 1 Lame1b ret Lame 13 17 2 1 - - 1 34 Eclat laminaire 2 1 - - - - - 3 Lame 2b ret Lame 3 8 1 - - - - 12 Lame ? 1 - - - - - - 1 Lame dos fin Lame 1 - - - - - - 1 Lame quelques ret Lame 12 1 - - - - 1 14 Troncature Lame 1 - - - - - - 1 Troncature ? Lame 1 - - - - 1 - 2 Pièce esquillée Lame 2 2 - - - - - 4 Lame ? 18 11 - 1 - - 2 32 Eclat 1 1 - - - - - 2 Indéterminé 1 - 1 - - - - 2 Pièce esquillée ? Lame - - - - - - 1 1 Lame ? 2 1 - - - - - 3 Eclat 2 - - - - - - 2 Eclat 1b ret Eclat 3 1 - - - - - 4 Eclat quelques ret Eclat 18 13 2 1 - - 1 35 Denticulé ? Lame - 1 - - - - - 1 Lamelle Roc de combe Lamelle 4 52 2 4 - - 8 70 Lamelle Roc de combe ? Lamelle 1 4 - - - - 2 7 Lamelle cdb - 2 - - - - - 2 Lamelle quelques ret Lamelle 7 7 1 - 1 - - 16 Lamelle cdb 1 3 - - - - - 4 Lamelle Caminade ? Lamelle 1 - - - - - - 1 Indéterminé outils Lame - 1 - - - - - 1 Lame ? 2 - - - - - - 2 Eclat - - - - - - 1 1 Indéterminé 2 - - - - - - 2 Total 125 160 14 12 1 1 29 344 Tableau 104 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte de l’outillage en fonction du support et par grands types de matières premières. 272 Figure 119 : Roc-de-Combe couche 6 - Outils (Dessins P. Laurent : n°2 à 9 in Sonneville-Bordes 2002) – Sénonien : n°2, 7, 8, 9, 12 / Tertiaire : n°3, 5, 15 / Bergeracois : n°6, 11 / Grain de mil : n°1, 10, 14 / Indéterminés: n°4, 13, 16. 273 3.4.2. Supports et matières premières utilisés Le support d’outil privilégié est la lame, rares sont les outils réalisés aux dépens d’éclats (Tableau 104). Ces derniers sont essentiellement utilisés pour la réalisation de burins, notamment sur troncature, et de pièces esquillées. Quelques-uns ont été vraisemblablement utilisés bruts (possibles traces d’utilisations) ou légèrement retouchés. Les matériaux dominants correspondent aux silex sénoniens (46,5 %) et tertiaires (37 %). Les silex du Bergeracois et Grain de mil sont les deux matières allochtones les mieux représentées, avec respectivement 4 % et 3,5%. Outils (nb) Tertiaire Sénonien Bergeracois Graindemil Jaspe Tertiaire Jaspéroïde Indéterminé Total Décompte SB2002 Grattoir 10 16 2 1 - - 3 32 40 Burin 14 16 3 4 - - 8 45 76 Grattoir – burin - 1 - - - - - 1 11 Lame retouchée 20 26 3 1 - - 1 51 40 Troncature 1 - - - - - - 1 10 Pièce esquillée 22 14 1 1 - - 2 40 17 Eclat retouché 3 1 - - - - - 4 14 Pièce quelques retouches 38 24 3 1 1 - 2 69 Lamelle Roc de Combe 4 52 2 4 - - 8 70 110 Indéterminé outils 4 1 - - - - 1 6 34 Douteux 11 9 - - - 1 4 25 Total 127 160 14 12 1 1 29 344 352 Fréquence (%) Grattoir 2,9 4,7 0,6 0,3 - - 0,9 9,3 11,4 Burin 4,1 4,7 0,9 1,2 - - 2,3 13,1 21,6 Grattoir – burin - 0,3 - - - - - 0,3 3,1 Lame retouchée 5,8 7,6 0,9 0,3 - - 0,3 14,8 11,4 Troncature 0,3 - - - - - - 0,3 2,8 Pièce esquillée 6,4 4,1 0,3 0,3 - - 0,6 11,6 4,8 Eclat retouché 0,9 0,3 - - - - - 1,2 4,0 Pièce quelques retouches 11,0 7,0 0,9 0,3 0,3 - 0,6 20,1 Lamelle Roc de Combe 1,2 15,1 0,6 1,2 - - 2,3 20,3 31,3 Indéterminé outils 1,2 0,3 - - - - 0,3 1,7 9,7 Douteux 3,2 2,6 - - - 0,3 1,2 7,3 Total 36,9 46,5 4,1 3,5 0,3 0,3 8,4 100 100 Tableau 105 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte et fréquence (%) de l’outillage (liste réduite) par matières premières (liste simplifiée) [sur 2 m2 ] et comparaison avec le décompte de D. de Sonneville-Bordes (2002) [sur 6 m2 ]. 3.4.3. Classes de taille et hiérarchisation des choix L’analyse de la dimension des supports d’outils permet de mettre en avant l’existence de trois groupes. Le premier se compose des grattoirs et de burins, le second des pièces esquillées et le 274 dernier regroupe les lames qui portent des traces d’utilisation ou quelques retouches (Tableau 106). Les pièces esquillées présentent dans leur état d’abandon une morphologie plus ou moins normée. Elles sont réalisées principalement aux dépens de lames (Tableau 104), majoritairement en silex tertiaire et sénonien (Tableau 105) . Elles sont de forme rectangulaire où s’opposent deux parties actives présentant des esquillements caractéristiques. Leur taille s’échelonne entre 20 et 40 mm de long, 15 à 25 mm de large et 5 à 10 mm d’épaisseur (Tableau 106). Classes de longueur Grattoirs Burins Lames retouchées Lames utilisées Pièces esquillées < 20 5,6 2,2 15,7 13,6 10,0 20-29 16,7 17,4 25,5 43,9 40,0 30-39 25,0 32,6 21,6 21,2 40,0 40-49 30,6 32,6 21,6 16,7 - 50-59 13,9 6,5 7,8 4,5 10 60-69 5,6 6,5 7,8 - > 70 2,8 2,2 - - Classes de largeurs < 10 - - - 12,1 - 10-14 - 4,3 11,8 31,8 - 15-19 16,7 15,2 15,7 22,7 40,0 20-24 38,9 30,4 23,5 24,2 40,0 25-29 16,7 10,9 17,6 6,1 20,0 30-34 16,7 13,0 17,6 3,0 - 35-39 11,1 13,0 5,9 - - 40-34 - 6,5 7,8 - > 34 - 6,5 - - Classes d’épaisseur < 4 - 2,2 3,9 25,8 - 4-6 30,6 17,4 23,5 51,5 30,0 7-9 36,1 32,6 37,3 15,2 50,0 10-12 19,4 34,8 19,6 7,6 20,0 13-15 11,1 6,5 15,7 - > 15 2,8 6,5 - - Tableau 106 : Roc-de-Combe couche 6 - Fréquence (%) des différentes classes de taille (en mm) des principaux groupes d’outils (en gris foncé : classe de taille majoritaire ; en gris clair : deuxième classe de taille la plus représentée). Les lames portant quelques retouches ou des traces d’utilisation présentent des dimensions réduites. Elles sont petites, étroites et peu épaisses, à la limite entre grande lamelle et petite lame. Elles rentrent dans la norme à la fois des petites lames produites sur tranche d’éclat, et 275 dans celles des burins nucléiformes et des nucléus prismatiques – pyramidaux à lamelles (cf. infra). Leurs dimensions (Tableau 106) s’étalent principalement entre 10 et 25 mm de large (environ 80 % - avec un maximum entre 10 et 15 mm), 3 et 6 mm d’épaisseur, pour une longueur moyenne des pièces entières de 42 mm. Les autres classes d’outils (notamment les grattoirs et les burins) investissent les lames de plus grandes dimensions. La largeur importante des burins est en partie due à l’utilisation d’éclats comme support d’outils. Si on soustrait les outils sur éclat, alors une hiérarchisation des choix peut être mise en évidence concernant la sélection et le devenir des lames. Les lames épaisses, et de largeur généralement supérieure à 20 mm sont dévolues à la production de lamelles via la modalité type burin busqué. Les lames larges (moyenne entre 20 et 40 mm), d’épaisseur importante (entre 8 et 15 mm) sont utilisées pour la réalisation de grattoirs, dont généralement un bord au moins est retouché (deux bords retouchés N = 15 ; un bord N = 7 et deux bords bruts N = 10). D’autre part la moyenne des longueurs des pièces entières indique une sélection des pièces de grandes dimensions (49 mm de long en moyenne). Les lames d’épaisseur (entre 8 et 15 mm), de largeur (entre 15 et 25 mm) et de longueur (43 mm en moyenne pour les lames entières) plus restreintes sont généralement transformées en burins. Enfin, la catégorie des lames retouchées est plus hétérogène, et il semblerait que soient sélectionnées les lames dont une des trois dimensions au moins (longueur, largeur, épaisseur) ne rentre pas dans les standards des autres types d’outils. Après avoir étudié le débitage laminaire, nous allons nous intéresser aux productions lamellaires. 3.5. Les modalités de débitage lamellaire À l’exception des pièces douteuses (N = 21) exclues pour la suite de cette étude, quatre types de nucléus présentent un débitage organisé de lamelles (Tableau 107). Comme nous le verrons plus loin ceux-ci peuvent être notamment caractérisés d’une part d’après le type de supports débités et d’autre part d’après le type de lamelles recherchées. 3.5.1. Les différents types de nucléus et objectifs associés Avant d’entamer l’étude de chacune de ces catégories de nucléus, nous souhaiterions en proposer des définitions succinctes afin de mieux appréhender la suite de cette analyse. Nous renvoyons, pour une définition globale de ces types aux définitions proposées par Sonneville- 276 Bordes et Perrot (1954-1956), bien qu’alors considérés comme des outils. Nous reviendrons en détail par la suite sur ces définitions, en donnant une vision plus technologique que typologique. Tertiaire Sénonien Bergeracois Graindemil Jaspéroïde Indéterminé Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Grattoir à Lame 6 23,1 - - 1 3,8 -   1 3,8 2 7,7 10 38,5 Museau Eclat laminaire 2 7,7 1 3,8 - - 1 3,8 - - - - 4 15,4   Eclat 2 7,7 7 26,9 1 3,8 - - - - 1 3,8 11 42,3   Fragment diaclasique 1 3,8 - - - - - - - - - - 1 3,8   Total 11 42,3 8 30,8 2 7,7 1 3,8 1 3,8 3 11,5 26 100 Burin busqué Lame 1 5,3 6 31,6 1 5,3 2 10,5 - - 2 10,5 12 63,2   Eclat laminaire 1 5,3 1 5,3 - - - - - - 1 5,3 3 15,8   Eclat ? 1 5,3 - - - - - - - - - - 1 5,3   Total 5 26,3 8 42,1 1 5,3 2 10,5 - - 3 15,8 19 100 Burin Lame 1 6,3 1 6,3 - - - - - - - - 2 12,5 Nucléiforme Eclat laminaire - - 1 6,3 - - 1 6,3 - - - - 2 12,5   Eclat 7 43,8 2 12,5 - - 1 6,3 - - - - 10 62,5   Plaquette 1 6,3 - - - - - - - - - - 1 6,3   Indéterminé - - - - 1 6,3 - - - - - - 1 6,3   Total 9 56,3 4 25,0 1 6,3 2 12,5 - - - - 16 100 Nucléus Eclat 1 10,0 3 30,0 - - - - - - - - 4 40,0 Prismatiques Eclat ou bloc 3 30,0 - - - - - - - - - - 3 30,0 et pyramidaux Bloc 2 20,0 - - - - - - - - - - 2 20,0 à lamelles Indéterminé 1 10,0 - - - - - - - - - - 1 10,0   Total 7 70,0 3 30,0 - - - - - - - - 10 100 Total   34 46,6 23 31,5 4 5,5 5 6,8 1 1,4 6 8,2 71 100 Tableau 107 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte et fréquence (%) des différents types de nucléus lamellaires, par supports et par matières premières. Nous avons considéré comme « nucléus - grattoirs à museau » les pièces présentant une surface de débitage située en face supérieure du support, dont la hiérarchisation et la forme des enlèvements montrent clairement une volonté de produire des lamelles torses, et ce indépendamment de la présence ou non d’encoche(s) latérale(s). Ainsi, tous les grattoirs plats ou à épaulement ne répondant pas à ces critères, n’ont pas été retenus. Nous renvoyons aux chapitres précédents pour la définition des nucléus - burins busqués (cf. Caminade-Est et Pataud couches 7 et 6). De même ont été considérés, d’une part comme burins nucléiformes et d’autre comme nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles, les pièces présentant un débitage organisé de 277 lamelles. Les premiers voient l’implantation de la surface de débitage sur la tranche d’un éclat ou d’une lame, les seconds correspondent à un débitage sur blocs ou éclats. Enfin, pour ces derniers, la limite de 12 mm de largeur pour les négatifs lamellaires observables a été conservée afin de les distinguer des nucléus à lames, sans préjuger alors de la différence métrique qui pouvait exister entre les lames et les lamelles (cf. supra). De plus, la différence avec les grattoirs à museaux, eux aussi réalisés aux dépens d’éclats, s’est opérée lorsque les négatifs lamellaires présentaient une longueur supérieure à 30 mm. Le nombre de pièces retenues pour l’étude est de 71 (Tableau 107). Les grattoirs à museau sont les plus nombreux avec 26 pièces, suivis des burins busqués (N = 19), des burins nucléiformes (N = 16) et enfin des nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles (N = 10). Objectifs Grattoiràmuseau Burinbusqué Burinnucléiforme Prismatiqueet pyramidalNb % Nb % Nb % Nb % Torse 9 34,6 3 15,8 1 6,3 - Grande torse 3 11,5 - - - - Torse ? 3 11,5 2 10,5 - - - Torse et Caminade - - 2 10,5 - - - Rectiligne - courbe 4 15,4 - 2 12,5 2 20,0 Rectiligne - courbe? 1 3,8 2 10,5 - - - Caminade - - 2 10,5 - - - Indéterminé et Caminade - - 4 21,1 - - - Grande rectiligne - courbe - - - 11 68,7 7 70,0 Indéterminé 6 23,1 4 21,1 2 12,5 1 10,0 Total 26 100 19 100 16 100 10 100 Tableau 108 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte et fréquence (%) des différents objectifs de production par type de nucléus. Faisons dès lors un point sur les modalités de débitage. Les nucléus - grattoirs à museau ainsi que les burins busqués présentent des objectifs communs (Tableau 108), c’est-à-dire une production de petites lamelles torses dans le sens anti-horaire. Toutefois, des lamelles Caminade (voir Bordes et Lenoble 2002 pour la définition princeps) ont aussi été obtenues sur les burins busqués. Cette production est donc spécifique à ce type de nucléus. 278 Enfin, les burins nucléiformes et les petits nucléus prismatiques et pyramidaux ont permis l’obtention de grandes lamelles de profil courbe à sub-rectiligne (Tableau 108), rarement torse. La distinction des quatre types de nucléus est donc ici renforcée par l’étude des objectifs. Trois types de produits sont recherchés, des petites lamelles torses, des petites lamelles (souvent à pan revers) de profil sub-rectiligne à rectiligne, et enfin des lamelles de gabarit plus important (cf. infra) et de profil sub-rectiligne à courbe. 3.5.2. Choix de la matière première Comme pour la production des lames, les silex tertiaires et sénoniens ont été majoritairement utilisés (Tableau 107), avec une prédominance des premiers (N = 31) sur les seconds (N = 22). Si celle-ci est confirmer pour trois des quatre types de nucléus lamellaires, ce n’est pas le cas pour les burins busqués, où l’utilisation des silex sénoniens est plus importante, vis-à-vis des silex tertiaires. Conjointement, mais de manière minoritaire, ont été utilisés des silex du Bergeracois ainsi que du Grain de mil. L’effectif faible de ces matières ne permet pas de déterminer s’il y a eu ou non une utilisation préférentielle de l’un de ces matériaux pour une modalité précise. Enfin, les nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles sont exclusivement en silex du Tertiaire et du Sénonien. 3.5.3. Choix des supports Les supports sélectionnés pour réaliser des lamelles sont variés, allant de l’éclat au bloc en passant par les lames ou les fragments diaclasiques (Tableau 107). Toutefois, à chaque modalité correspond un type dominant. Ainsi, les grattoirs à museau sont principalement réalisés sur éclat (Tableau 107). Une fois abandonnés, on note que ces nucléus sont plutôt courts et larges (Tableau 109). Dans le cas des exemplaires réalisés sur lame, une forte productivité est à envisager, tant les nucléus présents sont relativement courts. L’épaisseur semble être le critère de choix principal puisque celle-ci va conditionner la longueur des lamelles produites. Les burins busqués sont principalement réalisés sur lame (Tableau 107). Deux critères semblent légitimer ce choix : une largeur et une épaisseur constante sur tout ou partie de la longueur, régularité qui est moins systématique pour les éclats. La surface de débitage est implantée de manière transversale, dans la largeur des lames. Le parallélisme des bords 279 permet donc, d’une part de limiter les gestes de préparation et d’entretien, et d’autre part, facteur le plus important, d’assurer une longueur constante de la surface de débitage tout au long de la phase de production, et par conséquent de standardiser la longueur des lamelles produites, malgré un ajustement systématique par encoche d’arrêt. Notons cependant que le rôle de cette dernière ne se limite pas simplement à normer le taille des produits, mais aussi à mettre en place une nervure torse (Bordes 2005 ; Bordes et Lenoble 2002). Enfin, le choix de lames d’épaisseur constante n’est pas anodin, car cela permet de maintenir un cintre adéquat tout au long du débitage, en limitant sa correction par l’enlèvement de simples lamelles de flanc à l’intersection surface de débitage et face supérieure de support. Classe de longueur (mm) MuseauBusqué Bur. Nuc. Nuc P.P. < 20 - 5,3 - - 20-29 26,9 5,3 33,3 20,0 30-39 30,8 10,5 26,7 80,0 40-49 34,6 36,8 20,0 - 50-59 7,7 26,3 20,0 - 60-69 - 15,8 - Classe de largueur (mm) < 10 - 5,3 - - 10-14 3,8 - 20,0 - 15-19 7,7 5,3 - - 20-24 19,2 42,1 13,3 20,0 25-29 19,2 21,1 33,3 60,0 30-34 30,8 15,8 20,0 10,0 35-39 11,5 5,3 6,7 > 39 7,7 5,3 6,7 10,0 Classe d’épaisseur (mm) < 10 7,7 36,8 6,7 - 10-12 34,6 31,6 26,7 - 13-15 19,2 15,8 26,7 - 16-18 30,8 5,3 13,3 30,0 19-21 3,8 - - 10,0 22-24 3,8 - 6,7 20,0 25-27 - 5,3 13,3 > 27 - 5,3 6,7 40,0 Tableau 109 : Roc-de-Combe couche 6 - Fréquence (%) des supports de nucléus à lamelles par classes de taille (en grisé classe de taille pour laquelle la fréquence est la plus élevée). Comme les grattoirs à museau, les burins nucléiformes sont principalement sur éclat (Tableau 107). Dans la mesure où la surface de débitage est principalement implantée de manière orthogonale au sens de débitage des éclats supports, les pièces sélectionnées présentent généralement en association une largeur et une épaisseur importante. La largeur permet de conditionner la longueur des produits, et l’épaisseur permet ici d’avoir un cintre relativement développé et ainsi d’augmenter la surface de débitage. 280 Enfin, les nucléus prismatiques et pyramidaux sont réalisés aux dépens de petits blocs ou d’éclats, de faible longueur mais de largeur et d’épaisseur importante. La longueur des supports à débiter va conditionner celle des produits obtenus, c’est-à-dire des supports lamellaires de petit gabarit. L’implantation de la surface de débitage est sur une face large. 3.5.4. Analyse des différentes catégories de nucléus lamellaires 3.5.4.1. Les grattoirs à museau Comme nous venons de le voir, cette modalité est majoritaire (Tableau 107 et Figure 120). Les supports utilisés sont généralement des éclats ou des lames, principalement en silex tertiaire et sénonien (Tableau 107). L’analyse des surfaces de débitage n’a pas toujours permis de déterminer le type de lamelle recherché, de nombreux exemplaires étant à exhaustion (6 pièces, 23 % - Tableau 108). Toutefois, la majorité montre une volonté de produire des lamelles torses dans le sens antihoraire (15 pièces, environ 58 %). Une lamelle retouchée en silex du Bergeracois, dont le support est torse dans le sens anti-horaure, a pu être rapprochée d’un nucléus (Figure 120 n°3 et 4). Dans de rares cas, les derniers enlèvements sont courbes à rectilignes (5 cas, environ 19 %). La surface de débitage est essentiellement implantée en partie distale du support à débiter. Sur les vingt-six grattoirs à museau, dont trois sont doubles (surfaces de débitage en partie proximale et en distale), seule une pièce, cassée par ailleurs, a été investie en partie proximale. Le plan de frappe correspond à la face inférieure du support à débiter, et est systématiquement laissée brute. La mise en forme est généralement sommaire, et consiste dans la mise en place d’une encoche au niveau du flanc droit permettant l’implantation d’une nervure guide courbe. Celle-ci est ensuite rectifiée par un léger égrisage ou par de micro-enlèvements vers la droite (face inférieure vue de dessus) permettant d’instaurer un décalage entre la nervure guide et le point d’impact, afin de générer la torsion des lamelles (Bordes 2005 ; Chazan 2001 ; Lucas 1997, 2000 ; Ploux et Soriano 2003 ; Soriano 1998). L’entretien du cintre se fait par des éclats de ravivage latéraux ou fronto-latéraux tirés des deux flancs. Si les enlèvements situés sur le flanc droit répondent à deux objectifs (entretien du cintre et de la carène, et mise en place d’une nervure guide torse), ceux du flanc gauche n’interviennent que dans les phases d’entretien. La production semble importante. Les exemplaires réalisés sur lame sont souvent de petites dimensions, ainsi plusieurs centimètres de lame semblent avoir été débités. D’autre part, près d’un tiers des grattoirs museau sont à un stade d’exhaustion avancé. 281 Une pièce a retenu notre attention. Il s’agit d’un grattoir à museau en silex tertiaire dont la mise en forme importante des deux flancs (Figure 120 n°1) se rapproche des quelques exemplaires présents dans la couche 7 de l’abri Pataud (cf. supra). Figure 120 : Roc-de-Combe couche 6 – Grattoirs à museau (n°1, 2, 3 et 5) et lamelle retouchée rapprochée du nucléus n°3 – Tertiaire : n°1 / Sénonien : n°5 / Bergeracois n°3 et 4 / Grain de mil : n°2 (n°1 : Dessin P. Laurent in Sonneville-Bordes 2002). 3.5.4.2. Les burins busqués Ces nucléus (Figure 121) montrent quelques différences au niveau des objectifs vis-à-vis des grattoirs à museau. Deux intentions de débitage se dégagent de l’analyse des surfaces de débitage (Tableau 108). La première, identique à celle que nous avons vue plus haut, correspond à l’obtention de lamelles torses anti-horaire. La seconde a pour but de produire des lamelles à pan revers sub-rectilignes à légèrement courbes, supports qui peuvent être retouchés en lamelles Caminade (Bordes et Lenoble 2002). 282 Dans certains cas, les nucléus ont produit les deux types de lamelles (Tableau 108). Cependant, il est apparu que pour les burins busqués dont le support est une lame de faible épaisseur, alors seuls des supports de lamelle Caminade ont été débités (Figure 121 n°4). D’autre part, l’examen des négatifs d’enlèvements semble indiquer des stigmates d’un débitage par pression (cf. Pataud couche 7 et Combemenue). Ceci est nettement moins évident pour les lamelles torses. Figure 121 : Roc-de-Combe couche 6 – Burins busqués – Sénonien : n°1, 3 / Tertiaire : n° 5 / Bergeracois : n°6 / Grain de mil : n°4 / Ind. Grand-Pressigny : n°2 (Dessins P. Laurent : n°3 à 6, in Sonneville-Bordes 2002). 283 Aucune lamelle Caminade n’est toutefois présente. De même, les supports bruts sont relativement rares, rareté probablement à mettre en relation avec d’une part le mode de collecte et d’autre part, leurs dimensions, relativement restreintes, les rendant plus fragiles. 3.5.4.3. Les burins nucléiformes Conjointement à la production de type burin busqué se développe une autre catégorie de nucléus lamellaires sur tranche que nous avons regroupé sous le terme d’attente : « burin nucléiforme » (Figure 122). Figure 122 : Roc-de-Combe couche 6 – Burins nucléiformes – Grain de mil : n°1 ; Sénonien n°2 (n°1 : Dessin P. Laurent in Sonneville-Bordes 2002). Les différents critères de reconnaissance des burins busqués sont absents (plus de latéralisation, plus d’encoche d’arrêt, supports variés induisant une mise en forme plus ou moins poussée de la face inférieure voire des deux …). D’autre part l’analyse des surfaces de débitage montre que l’objectif est différent de celui des burins busqués. Ce sont ici des lamelles courbes à subrectilignes, rarement torses, qui sont recherchées, avec un gabarit égal ou généralement supérieur à celui obtenu sur les grattoirs à museau et burins busqués (Figure 123). Nous sommes donc face à deux types de nucléus distincts, et surtout deux objectifs différents. On peut cependant noter une certaine similitude avec la définition du burin des Vachons (Pesesse et Michel 2006), notamment une mise en forme de la face inférieure plus ou moins poussée, et une volonté de produire des lamelles rectilignes à légèrement courbes sur une surface de débitage cintrée et convergente en partie distale. Cependant, aucune lamelle 284 retouchée, de type lamelle des Vachons, identifiée par exemple au Flageolet I couche VIII, ou à Maldidier couche 4 et 5 (Rigaud 1982 ; Pesesse et Michel 2006), n’a été retrouvée ici. Le gabarit de ces dernières étant égal ou supérieur à celui des lamelles Roc-de-Combe le mode de collecte peut difficilement être incriminé, ni même une conservation différentielle. Toutefois une utilisation des produits bruts pourrait être envisageable. Comme nous le verrons plus loin, ces nucléus sont aussi différents de ceux que l’on retrouve dans la couche 5 sus-jacente (cf. infra). Dimensions des négatifs lamellaires 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 0 2 4 6 8 10 12 largeur (mm) longueur(mm) GM BB Bur nuc PP Figure 123 : Roc-de-Combe couche 6 - Comparaison des dimensions (longueur x largeur en mm) des négatifs lamellaires observés sur les différents nucléus (GM : grattoirs à museau ; BB : burins busqués ; Bur nuc : burins nucléiformes ; PP : nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles). 285 Revenons à l’analyse des dimensions des négatifs lamellaires obtenus sur ce type de nucléus. La comparaison de ces derniers avec ceux mesurés sur les autres nucléus lamellaires (museaux, busqués et prismatiques et pyramidaux – Figure 123) permet de mettre en évidence l’existence de deux populations de lamelles. La première correspond à des supports produits de petits gabarits, de longueur comprise majoritairement entre 11 et 17 mm (20 mm maximum), pour des largeurs entre 2 et 5 mm, maximum 7 mm. Tandis que le second groupe est constitué de supports plus grands, de 25 à 35 mm de longueur et de 4 à 10 mm de largeur. Globalement ces deux types de supports proviennent, pour ceux de petites dimensions de grattoirs à museau et de burins busqués, et pour les plus grands des burins nucléiformes et des nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles. De plus, ces deux ensembles présentent des profils différents, les petites lamelles sont torses dans le sens anti-horaire, les grandes sont sub-rectilignes à légèrement courbes (Tableau 108). Enfin, les dimensions des négatifs lamellaires mesurés sur les grattoirs à museau et les burins busqués sont en accord avec celles des lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe (cf. infra). Une partie de ces burins nucléiformes est selon nous à rapprocher de la production laminaire. Les dimensions des négatifs d’enlèvements mesurables sur ces nucléus comparées à celles des négatifs laminaires observables sur les nucléus, et aux supports laminaires entiers (Figure 124), indiquent pour partie un continuum dimensionnel entre ces différents produits. Ainsi, nous pensons qu’une partie de ces burins nucléiformes est à rapprocher de la production laminaire. Dans certains cas, il est envisageable que nous ayons à faire à une réduction de nucléus à lames. Cependant, certains supports initialement de taille réduite, indiquent une production de grandes lamelles ou de petites lames de manière disjointe et autonome. Ceci pose la question de leur utilisation. Ont-elles servi comme outils domestiques (cas de la réduction des nucléus à lames), ou bien s’agit-il d’armatures, plutôt axiales d’après leur morphologie, utilisées brutes (cas des nucléus à grandes lamelles ) ? Nous noterons seulement qu’aucune fracture d’impact n’a été observée sur ce type de produit. En l’absence d’étude tracéologique, il nous paraît délicat de prendre position pour une hypothèse plutôt qu’une autre. 286 Figure 124 : Roc-de-Combe couche 6 - Comparaison des dimensions (longueur x largeur en mm) des supports laminaires entiers (sup lame ent), des négatifs d’enlèvements mesurables sur les nucléus à lames (nuc lame), et ceux des burins nucléiformes (bur nuc) et des nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles (PP). En pointillé la limite lame / lamelle fixée précédemment (cf. supra). 3.5.4.4. Les petits nucléus prismatiques et pyramidaux Une production de grandes lamelles rectilignes ou légèrement courbes (Tableau 108), mais non torses, se fait aux dépends de nucléus prismatiques ou pyramidaux généralement sur blocs. Celle-ci est proche de la conception laminaire classique (Figure 125). La surface de débitage est implantée en face large, la production est unipolaire et le rythme de progression reste frontal. 287 Figure 125 : Roc-de-Combe couche 6 - Nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles – Tertiaire : n°1, 3, 4 et 5 / Sénonien : n°2. Peut-on parler d’une part d’un débitage de lamelles et d’autre part d’un débitage autonome ? Premièrement, il n’y a pas de rupture dimensionnelle entre les lames entières et les négatifs d’enlèvements visibles sur ces nucléus (Figure 124). Ces derniers représentent cependant la marge dimensionnelle inférieure de cette population. Cette continuité lames / petites lames / grandes lamelles, ainsi que les modalités de production suggèrent une identité commune à l’ensemble de ces produits. Concernant le devenir de ces produits, nous pensons qu’une utilisation comme armature semble devoir être exclue, puisque aucun support se rapportant à cette production n’est retouché, ni ne porte de stigmates susceptibles d’être interprétés comme des traces d’impact. Ainsi les grandes lamelles rectilignes issues des nucléus prismatiques et pyramidaux alimenteraient plutôt l’outillage d’un fonds commun dévolu aux activité domestiques. Deuxièmement, les nucléus qui semblent être de petit gabarit dès le départ n’ont pas pu produire autre chose que des supports de petites dimensions. 288 Les hypothèses d’un débitage autonome et d’une réduction de nucléus à lames peuvent donc être toutes les deux envisagées. Cependant il ressort que le devenir de ces lamelles est probablement d’être utilisées brutes, et peut-être pour des activités domestiques. 3.5.5. Les lamelles retouchées La majorité des lamelles retouchées (Figure 126) sont en silex sénonien (Tableau 110). Quelques-unes sont en silex allochtones, principalement en Bergeracois et Grain de mil, ce qui trouve un écho dans les nucléus à lamelles, notamment les grattoirs à museau et les burins busqués qui sont aussi dans cette matière. Seules quatre lamelles sont en silex tertiaire, alors que le nombre de nucléus à lamelles dans cette matière est abondant. Comme nous l’avons souligné précédemment, ce type de silex est fortement patiné et désilicifié, et au sein des sacs de matériel non lavé se trouvent de la poudre de silex tertiaire et de nombreux petits fragments. L’absence de ces lamelles pourrait être mise en relation avec des problèmes taphonomiques et de conservation du matériel. D’une manière générale, les lamelles retouchées sont réalisées sur des matériaux à texture fine. Type et localisation de la retouche Tertiaire Sénonien Bergeracois Graindemil Indéterminé Total Retouche directe distale - 1 - - - 1 Retouche directe droite - 1 1 - - 2 Retouche directe gauche - - 1 - - 1 Retouche inverse droite 4 43 - 4 7 58 Retouche inverse gauche - 2 - - - 2 Retouche inverse droite – directe gauche - 2 - - - 2 Retouche inverse droite et gauche - 3 - - 1 4 Total 4 52 2 4 8 70 Retouche directe distale - 1,4 - - - 1,4 Retouche directe droite - 1,4 1,4 - - 2,9 Retouche directe gauche - - 1,4 - - 1,4 Retouche inverse droite 5,7 61,4 - 5,7 10,0 82,9 Retouche inverse gauche - 2,9 - - - 2,9 Retouche inverse droite – directe gauche - 2,9 - - - 2,9 Retouche inverse droite et gauche - 4,3 - - 1,4 5,7 Total 5,7 74,3 2,9 5,7 11,4 100 Tableau 110 : Roc-de-Combe couche 6 - Localisation et type de retouche appliqués sur les lamelles, par matières premières. 289 Figure 126 : Roc-de-Combe couche 6 – Lamelles retouchées - Sénonien : n°1 à 6, 8, 10 à 15 et 19 / Tertiaire : n°9 et 18 / Bergeracois : n°7 / Grain de mil : n°16 / Indéterminé : n°17. Le type et la localisation de la retouche peuvent varier (Tableau 110). Toutefois, un type de lamelle « standard » peut être décrit. Le dénominateur commun de ces lamelles est d’abord une torsion du support dans le sens anti-horaire. Ce critère de reconnaissance fut déjà mis en avant dans la définition du sous-type Roc-de-Combe (Demars et Laurent 1989). La majorité présente une retouche inverse sur le bord droit, opposé à un bord gauche convexe laissé brut (Tableau 110). La retouche du bord droit semble remplir au moins deux fonctions différentes, et non nécessairement complémentaire. Dans certain cas, le bord droit est rendu rectiligne par une retouche inverse probablement dans l’optique d’un emmanchement latéral (la retouche inverse augmente les zones de contacts avec le support). Dans d’autre, le bord droit est surcreusé afin d’augmenter la torsion de la lamelle. Ce dernier cas est minoritaire, est semble s’appliquer aux lamelles présentant au départ une faible torsion. Ce type de lamelles présente des similitudes avec les lamelles de type Pataud (cf. supra Pataud couche 8). La principale différence est le profil des pièces, rectiligne dans le cas des 290 lamelles type Pataud et torse anti-horaire dans le cas des lamelles Roc-de-Combe. D’autre part, des différences existent avec les lamelles retouchées de la couche 5 (cf. infra). Pour éviter toute confusion par la suite, nous choisissons de dénommer ce type de lamelle, qui rappelons le sont produites suivant des modalités type grattoir à museau et burin busqué, lamelles Dufour sous type Roc-de-Combe couche 6. Nous réserverons le terme de « lamelles Dufour sous type Roc-de-Combe couche 5 » pour celles du niveau sus-jacent. Les lamelles retouchées montrent des dimensions relativement normées (Tableau 111 et Figure 127 a et b). Ainsi la moyenne et la médiane des longueurs est d’environ 14,6 mm (Tableau 111), avec pour les lamelles entières des dimensions qui s’échelonnent entre 12 à 16,5 mm de long (Figure 127 a). Les variations de largeur et d’épaisseur sont encore plus faibles. La majorité des pièces font entre 3 et 5 mm de largeur (Figure 127 a et b) pour 1 à 1,8 mm d’épaisseur (Figure 127 b), avec une moyenne, respectivement, de 4 mm pour la largeur et 1,4 mm pour l’épaisseur (Tableau 111). Cependant, ces mesures doivent être prises avec précaution, puisqu’elles sont certainement faussée par la perte d’éléments plus étroits, passés à travers les tamis. 3.6. Économie des matières premières 3.6.1. Mode d’introduction et traitement des roches siliceuses sur le site Les modes d’introduction et de traitement des matières premières peuvent être synthétisés et regroupés en trois ensembles correspondant à différents segments de la chaîne opératoire de la taille du silex, et peuvent être corrélés à des matières premières d’origine différentes. Moyenne (entière) Médiane (entière) Moyenne Médiane Longueur 14,6 14,7 12,1 12,0 Largeur 3,9 3,9 4,4 4,0 Epaisseur 1,2 1,2 1,4 1,3 Tableau 111 : Roc-de-Combe couche 6 - Moyennes et médianes des dimensions des lamelles retouchées. 291 Dimension lamelles RdC 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 0 2 4 6 8 10 12 largeur (mm) Longueur(mm) rdc ent rdc fgmt a Dimension des lamelles RdC 0 1 2 3 4 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Largeur (mm) Epaisseur(mm) b Figure 127 : Roc-de-Combe couche 6 - Dimension (en mm) des lamelles Roc-de-Combe – a : Longueur x Largeur ; b : Epaisseur x Largeur. Le premier groupe concerne les silex tertiaires et sénoniens. L’ensemble des maillons de la chaîne opératoire de production de lames et de lamelles sont présents (déchets de taille et produits d’intention premières), depuis l’acquisition des blocs bruts, jusqu’à l’abandon, après utilisation, des produits finis, traduisant une production sur place. 292 Pour le silex tertiaire, ces remarques méritent d’être en partie pondérées. En effet, les gros éclats, débités pour fournir des lames, n’ont pas été produits sur le site, ou du moins, pas sur l’espace fouillé. Une hypothèse peut être émise concernant leur mode de production et d'acquisition. La meulière de Domme se trouve sous la forme de bancs de silex plus ou moins continus et d'épaisseur décimétrique à pluri-décimétrique. Il nous paraît possible qu'il y ait eu une production sur les gîtes de matières premières de ces gros éclats (fragmentation des bancs de silex meulières). Le second intéresse les silex du Bergeracois et du Grain de mil. Les opérations de taille sont segmentées, et voient d’une part une importation de supports laminaires bruts ou déjà retouchés, et d’autre part une production lamellaire effectuée in situ sur lames ou sur éclats. Les produits d’intention première, d’entretien et les nucléus se rapportant à une production de type grattoir à museau et burin busqué sont présents (Tableau 107 et Tableau 112). Quelques éléments issus de la chaîne opératoire laminaire sont présents, mais ne permettent pas d’avancer avec certitude l’existence d’une production sur place. Bergeracois Grain de mil Nb % Nb % Lame 16 23,5 14 20,6 Lame ? - - 4 5,9 Lame à pan revers 2 2,9 - Petite lame - - 4 5,9 Eclat laminaire 1 1,5 2 2,9 Eclat > 2 cm 15 22,1 12 17,6 Eclat de ravivage de museau 20 29,4 12 17,6 Eclat < 2 cm 1 1,5 3 4,4 Kombéwa 1 1,5 - Petite lame / grande lamelle 2 2,9 - Petite lamelle torse 1 1,5 5 7,4 Petite lamelle rectiligne 2 2,9 1 1,5 Grande lamelle torse 1 1,5 2 2,9 Grande lamelle rectiligne 1 1,5 3 4,4 Chute de burin 1 1,5 5 7,4 Eclat de retouche 2 2,9 1 1,5 Indéterminé 2 2,9 - Total 68 100 68 100 Tableau 112 : Roc-de-Combe couche 6 - Décompte et fréquence (%) des différents supports en silex du Bergeracois et Grain de mil. Enfin pour le dernier groupe, réunissant les silex allochtones (sauf le Bergeracois et le Grain de mil - cf. supra) aucune production n’a lieu sur place. Ces derniers arrivent sous la forme de produits finis (lames, éclats, outils, nucleus à lamelle). Aucun débitage laminaire n’est attesté sur le site. Quelques lamelles semblent avoir été débitées sur place. Cependant, il n’a pas été 293 possible de rattacher les lamelles à leur nucléus, et inversement. Rajoutons que les produits d’entretien sont absents. Ainsi, l’impression générale est qu’il y a eu un import de nucléus et de lamelles dans des matériaux variés, constituant peut-être un stock, mais que celui-ci n’a pas été réinvesti (pas de (re)débitage des nucléus à lamelles présents). Il ne faut toutefois pas exclure l’hypothèse d’un débitage sur place, où tout ou partie des éléments d’entretien et des lamelles auraient été évacués (soit vers des zones de rejet internes au site mais non fouillé, soit exporté vers un autre lieu, soit les deux), ou encore celle d’un problème lié à la récolte du matériel lors de la fouille. 3.6.2. Peut-on parler d’emport ? L’analyse de la fraction fine a permis de mettre en évidence la présence de nombreuses lamelles, d’éclats de retouche et de chutes de burin, dont certains en matériaux allochtones. Pour ces derniers, il n’a pas toujours été possible de réaliser des rapprochements entre d’une part les lamelles et les nucléus lamellaires présents, et d’autre part entre les éclats de retouche et/ou les chutes de burin et les outils présents. Ainsi plusieurs hypothèses peuvent être émises, tout en sachant que la faible surface fouillé (6 m2 ) limite les interprétations. Pour la production lamellaire, soit des lamelles ont été introduites sur le site, soit elles y ont été produites et ce sont les nucléus qui ont été emportés. Pour l’outillage, nous pensons que des supports bruts ou déjà retouchés ont été introduits sur le site, et qu’une partie des pièces retouchées sur place ait été emportés. 3.7. Synthèse Il convient d’abord de rappeler que si certains points de détails ont pu être abordés, c’est grâce à la qualité des fouilles et des documents archéologiques qui nous sont parvenus. Si ce n’est l’ensemble, une grande partie des pièces, et notamment celles qui sont infra-centimétriques, a été récoltée, permettant ainsi l’étude des productions lamellaires. L’analyse de cette série à permis de mettre en évidence plusieurs résultats que nous allons résumer en trois points : le cortège et la gestion des matières premières, les productions laminaires, puis lamellaires. 294 3.7.1. L’apport de l’analyse des matières premières  3.7.1.1. Gestion des matières premières Le gisement de Roc-de-Combe se situe à l’interface des Causses du Quercy (au niveau de sa marge septentrionale) et du bassin de la Dordogne (en bordure sud). Il se trouve dans un contexte lithologique particulier. Dans cette région, la disponibilité en silex de bonne qualité est restreinte. Ainsi, face à ce déficit, le comportement économique se trouve sensiblement modifié. Les occupants du site ont dû faire preuve d’une anticipation accrue concernant le stock et la gestion des matériaux de bonne qualité (en comparaison avec des implantations situées sur les gîtes de matières premières). Comme nous l’avons vu, suivant leur origine, les matériaux n’arrivent pas sous la même forme. Ainsi, les silex d’origine lointaine arrivent sous la forme de produits plus ou moins finis (lames brutes ou déjà retouchées, et éclats / préformes / nucléus à lamelles). Vraisemblablement, une part n’est qu’en transit sur le site, et semble être exporté (outils, lamelles ou nucléus à lamelles) vers d’autre(s) lieu(x). Cette remarque semble devoir s’appliquer à l’ensemble des matières premières qu’elles soient locales ou non. Les silex à grain fin ont préférentiellement été utilisés pour produire des lamelles. Les nucléus dans ces matériaux sont pour la plupart absents, et il ne reste souvent que les produits recherchés et de mise en forme et d'entretien. La gestion du Grain de mil est un peu particulière, puisque certains éléments (éclats bruts de taille variable, lames, éclats de retouche, nucléus à lamelles et lamelles, chutes de burin, tablettes de ravivage de plan de frappe) pourraient indiquer un débitage sur place de bloc déjà préparé (absence de pièces corticales). Cependant aucun nucléus n'a été retrouvé. La même remarque est valable pour le silex maestrichtien du Bergeracois : beaucoup de pièces techniques différentes sont présentes sur le site. Ce type de gestion est à rapprocher de celle qui a pu être mise en évidence pour le niveau 7 de l’abri Pataud où le silex du Bergeracois est importé sous la forme de blocs et débité sur place comme l’attestent les nombreux remontages et la présence en nombre important de différentes pièces techniques dont quelques nucléus (cf. supra). Ce pourrait aussi être le cas d’un bloc (nucléus et différents produits), dont la texture packstone rappelle celle du silex Grain de mil. Les matériaux lointains (Figure 110), autres que les deux types de silex précédents se retrouvent souvent à l'état de pièces plus ou moins uniques (Fumélois, Gavaudun, Jurassique, Jaspéroïde, Titaunien, Bajocien / Bathonien …), et rarement retouchées ou débitées. 295 Là où le poids de cette absence de matière première de qualité dans l’environnement proche prend tout son sens, c’est dans le traitement, la gestion des matières locales, c’est-à-dire les silex tertiaires et sénoniens. Ces matériaux sont collectés sous différentes formes : des blocs, des plaquettes, des fragments diaclasiques ou de gros éclats. Dans le cas des blocs, la méthode employée est celle déjà décrite pour l’Aurignacien (e. g. Bon 2002 ; Bordes 2002 ; Bordes et Tixier 2002 ; Chiotti 1999 ; Le Brun-Ricalens 1993 ; Lucas 2000 ; Michel 2005 ; Teyssandier 2000 ; Tixier et Reduron 1991), c’est-à-dire un débitage unipolaire où la surface de débitage s’inscrit sur face large, avec une mise en forme sommaire des nucléus. Pour les volumes comme les plaquettes, fragments diaclasiques et les gros éclats, la surface de débitage est plus cintrée, avec agencement davantage semi-tournant. L’obtention des gros éclats - supports en silex tertiaire, a probablement eu lieu sur les gîtes de matière. Nous pensons que les bancs de meulière ont été directement débités pour produire ce type de supports. Ainsi, et en dépit d’une sélection des blocs, ou autre support en amont du débitage, on note une certaine souplesse d’adaptation aux supports à débiter. Enfin, que ce soit pour produire des lames, comme des lamelles, l’ensemble des supports potentiellement débitables l’ont été, donnant l’impression d’une utilisation poussée, exhaustive de l’ensemble du matériel siliceux à disposition. Cette souplesse adaptative a retenu notre attention. Durant plusieurs millénaires, du début de l’Aurignacien ancien, jusqu’au milieu, au moins, de la phase récente à museau / busqué, la part du culturel est forte et la modalité de débitage laminaire ne va pas changer (cf. supra). Ce changement semble marquer un pas dans le processus évolutif du techno-complexe Aurignacien. Certes, la rupture n'est pas franche et la mutation vers d'autres « traditions culturelles » se fait en douceur. L'abandon progressif du schéma opératoire laminaire, ancré depuis les phases anciennes (Bon 2002 ; Bordes 2002 ; Bordes et Tixier 2006 ; Le BrunRicalens 1993 ; Teyssandier 2000, 2003, 2007) semble indiquer que la norme sociale n'est plus aussi forte que précédemment. Toutefois, les contraintes environnementales (accessibilité des silex de bonne qualité) ont certainement joué un rôle important, poussant peut-être les hommes à outrepasser la part du culturel, souvent dominante. 3.7.1.2. Aire d’approvisionnement en silex L'analyse des matières premières montre un territoire d’approvisionnement (Figure 110), ou d’échange, relativement vaste, proche de ce qui a pu être décrit pour l'Aurignacien ancien (cortège identique excepté l'absence de matériaux de type Chalosse). D’une manière générale, 296 les matières premières sont collectées suivant un axe Est-Ouest (Demars 1980, 1982, 1994), proche de celui du bassin versant de la Dordogne. La région d'approvisionnement en silex se trouve limitée au nord-ouest au Jonzacais, au Sud à l'Agenais, à l'ouest au Bergeracois et à l'est aux Causses du Quercy. Une extension plus septentrionale (région du Grand-Pressigny) est envisageable mais non démontrée. 3.7.2. Les modalités de débitage laminaire Le silex du Tertiaire et du Sénonien ont été débités sur place, au moins pour les petites lames (absence de nucléus de grand gabarit). Une partie des grandes lames a pu être introduite sur le site déjà débitées, comme c’est le cas par exemple pour le niveau 8 de l’abri Pataud. Pour ces dernières, le schéma de débitage est identique à celui qui a pu être mis en évidence sur d'autres sites datés de la même période (cf. supra : Caminade D2s ; Pataud couche 7 / cf. infra : Combemenue). Conjointement à cette dernière modalité existe une production de petites lames, notamment à pan revers, souvent torses et statistiquement plus étroites que les autres produits laminaires. Celles-ci sont obtenues sur des nucléus dont le support d’origine est majoritairement un éclat, et où la surface de débitage est cintrée. Doit-on y voir une adaptation aux contraintes imposées par l’accessibilité à des matières premières de bonne qualité ? Cette modalité sur tranche peut répondre à un besoin immédiat de supports tranchants, nécessitant peu de mise en forme et de forte productivité, comme semble l’indiquer la forte proportion de lames utilisées se rattachant à ce type de production. Les produits laminaires obtenus par cette méthode sont de petites dimensions, les rapprochant souvent des grandes lamelles. Une partie des supports a par ailleurs probablement été obtenue sur des burins nucléiformes, et des nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles de dimension initialement réduite. Ces types de nucléus seraient alors à considérer, non pas comme des nucléus à lamelles, mais comme une version « miniature » des nucléus à lames, et ne rentrant pas nécessairement dans un schéma de réduction de nucléus à lames. La gestion du silex tertiaire montre quant à elle quelques variations. Si la gestion des blocs est équivalente à celle qui est mise en place pour les autres matériaux, les gros éclats importés sur le site semblent traités différemment. Les supports étroits (plaquette, gros éclat et fragment diaclasique) semblent privilégiés au détriment des blocs. Ce qui semble marquer une rupture comportementale avec l’Aurignacien ancien de la couche 7 où les blocs semblent avoir été majoritairement sélectionnés (J.-G. Bordes com pers). 297 Si cette méthode est appliquée principalement sur les silex tertiaires où l’ensemble des éléments de la chaîne opératoire est présent (des nucléus aux produits finis en passant par les déchets), il faut préciser que certaines lames de petit gabarit en silex Sénonien ont probablement été produites suivant cette même modalité. Toutefois, seules ces dernières sont représentées. Ainsi, soit ce type de débitage a été conduit à l’extérieur du site, soit sur celui-ci, mais à l’extérieur de la zone fouillée. Les lames produites sont petites et étroites et en majorité torses dans le sens contre horaire. Outre leur taille, leur morphologie est proche des lamelles Roc de Combe. Ces supports ne présentent pas ou peu de retouches, et semblent avoir été utilisés bruts. Certaines pièces montrent des ébréchures des bords pouvant correspondre à des « retouches d’utilisation ». Ces petites lames ont été préférentiellement réalisées sur des silex à texture fine, du silex Tertiaire fin (se rapprochant de la variété translucide quand il est non patiné), ou du Sénonien noir à grain fin (probablement du Coniacien). 3.7.3. Le débitage lamellaire La part du lamellaire est relativement importante, est semble monopoliser une grande part de l’activité de taille conduite sur le site. Comme nous l’avons vu, le nombre de lamelles retouchées et de nucléus à lamelles est relativement important. Pour le lamellaire, le poids de la tradition culturelle est encore important et s’oriente vers la recherche de lamelles torses, supports des lamelles Roc-de-Combe de couche 6. La présence de burins nucléiformes et de nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles pourrait indiquer une certaine souplesse adaptative, où différents supports lamellaires seraient produits suivant plusieurs modalités, fonction en de la nature / forme supports à débiter. Ceci allant de paire avec un souci de tirer parti au maximum de l'ensemble des supports exploitables dans un contexte de pénurie de matière première. Toutefois, comme nous l’avons vu plus haut, bien que le gabarit des supports présentent des largeurs inférieures à 12 mm, limite de la lame et de la lamelle, nous pensons que c’est aux premières qu’ils se rattachent. De fait, nous considérons que ces supports, non pas comme des armatures de projectiles, mais comme des outils à fonction tranchante. Il n’en demeure pas moins qu’il reste envisageable qu’une partie est pu être utilisé comme pointe projectile, bien qu’aucune fracture d’impact ne soit présente. Dans ce cas, une utilisation comme armature axiale serait la plus probable. 298 3.7.4. Discussion Deux constats peuvent être établis. Le premier concerne la place du lamellaire. Celle-ci est place centrale et privilégiée, et semble être un élément structurant des activités de taille conduites sur place. Le deuxième touche à l'adaptation à un contexte de « pénurie » de matières premières. Nous pensons que cette adaptation est annonciatrice de changement et de rupture avec ce qui a précéder. Si ce niveau d'occupation devait être replacé au sein d'une séquence chronostratigraphique « virtuelle », elle se placerait certainement entre Caminade D2s / Pataud couche 7 et Roc-deCombe couche 5. Nous proposons donc une attribution chrono-culturelle à une phase récente de l'Aurignacien récent, mais non final (correspondant plutôt à la couche 5 de Roc de Combe). 299 4. La couche 5 4.1. Corpus d’étude Rappelons que seuls les carrés J9 et K9 ont été retenus pour étude (cf. supra). Sur les 488 pièces cotées et répertoriées dans les carnets de fouille, 308 (environ 63 %) l’ont été dans ces deux carrés (183 en K9 et 125 en J9 – Figure 128). En intégrant les refus de tamis, le niveau 5 totalise environ 9500 restes lithiques en silex (Tableau 113). Figure 128 : Roc-de-Combe couche 5 - Extension, inventaire et fréquence des pièces cotées par carré (d’après Bordes 2002 modifié). 300 Matières premières Piècescotées Piècesnoncotées Total Fréquence(%) Dontoutilscotés Dontnucléusà lamellescotés Dontoutilsnon cotés Dontnucléusà lamellesnon cotés Tertiaire 186 7766 7952 84,17 63 101 31 5 Sénonien 77 1361 1438 15,22 40 35 17 1 Sénonien à grain fin 2 6 8 0,08 1 - 5 Maestrichtien type Bergeracois 4 3 7 0,07 4 - 1 1 Santonien (?) type Grain de mil 5 - 5 0,05 4 1 - Jaspéroïde 2 - 2 0,02 2 - - Infralias 2 - 2 0,02 2 - - Turonien inférieur type Fumelois 1 - 1 0,01 1 - - Indéterminé Tertiaire 4 - 4 0,04 2 - - Indéterminé Tertiaire / Gavaudun 1 - 1 0,01 1 - - Indéterminé Argilite - 1 1 0,01 - - 1 Indéterminé Jaspe Tertiaire 2 - 2 0,02 1 1 - Indéterminé Sénonien 6 6 12 0,13 3 1 2 Indéterminé Bergeracois 3 - 3 0,03 2 1 - Indéterminé Grain de mil 1 1 2 0,02 - 1 1 Indéterminé Porcelainé 1 - 1 0,01 1 - - Indéterminé généraux 1 5 6 0,06 1 - 4 Total 298 9149 9447 100 128 141 62 7 Tableau 113 : Roc-de-Combe couche 5 - Inventaire et fréquence (%) des vestiges étudiés (dont les outils et les nucléus lamellaires) pour le niveau 5, par matières premières. Figure 129 : Roc-de-Combe couche 5 - Carte d'approvisionnement en silex. 301 4.2. Matières premières utilisées Le contraste avec les autres couches aurignaciennes de ce même gisement est saisissant. La diversité à fait place à la monotonie. Si différentes matières premières ont pu être recensées, elle sont d’une part moins nombreuses (Tableau 113, Tableau 114 et Figure 129), et d’autre part elles ne le sont que de manière particulièrement sporadique (rarement plus d’une à deux pièces). Supports Tertiaire Sénonien Sénograinfin Bergeracois Graindemil Jaspéroïde Infralias Fumelois Indéterminés Total Lame 111 95 2 5 4 2 - 1 9 229 Lame ? 6 5 - - 1 - - - - 12 Lame à pan revers 15 5 - - - - - - - 20 Lame à pan revers ? 8 2 - - - - - - 1 11 Eclat laminaire 35 19 - - - - - - 1 55 Eclat 7521 1198 2 2 - - 2 - 12 8737 Eclat ? 18 1 - - - - - - 1 20 Chute de burin 7 10 - - - - - - - 17 Lamelle 154 45 4 - - - - - 8 211 Lamelle ? 6 - - - - - - - - 6 Lamelle à pan revers 1 - - - - - - - - 1 Lamelle à pan revers ? 2 - - - - - - - - 2 Ravivage nucléus à lamelles 6 39 - - - - - - - 45 Kombewa 2 3 - - - - - - - 5 Tablette de ravivage de PF - 3 - - - - - - - 3 Tablette Thèmes 15 1 - - - - - - - 16 Bloc 6 2 - - - - - - - 8 Bloc alluvial - 4 - - - - - - - 4 Bloc ? 4 2 - - - - - - - 6 Plaquette 9 - - - - - - - - 9 Plaquette ? 5 - - - - - - - - 5 Fragment diaclasique 1 - - - - - - - - 1 Fragment diaclasique ? 2 - - - - - - - - 2 Eclat ou bloc ? 1 1 - - - - - - - 2 Eclat ou plaquette ? 4 - - - - - - - - 4 Fragment de nucléus 2 - - - - - - - - 2 Indéterminé 11 2 - - - - - - - 13 Géofact - 1 - - - - - - - 1 Total 7952 1438 8 7 5 2 2 1 32 9447 Tableau 114 : Roc-de-Combe couche 5 - Décomptes des différents types de supports par matières premières. Le silex Tertiaire domine nettement l'assemblage avec environ 84 % des vestiges (Tableau 113 et Tableau 114), suivi des silex sénoniens (15 %). Les autres types de silex, non locaux, représentent pris ensemble moins de 1 % des vestiges. Le silex du Bergeracois et le Grain de 302 mil, fortement présents dans la couche 6, se retrouvent ici à l’état de trace, avec respectivement sept et cinq pièces (Tableau 113 et Tableau 114). 4.3. Les modalités de débitage laminaire En apparence, les modalités de débitage présentes sur le site sont variées, et plusieurs intentions semblent se dégager. L’analyse d’une part des nucléus, et d’autre part des produits laminaires, dont les supports d’outils, nous ont permis de dégager cet écheveau parfois complexe. 4.3.1. Analyse des nucléus Les nucléus, au nombre de 25 (Tableau 115, Figure 130 et Figure 131), sont plus nombreux que dans le niveau 6. La majorité est en silex Tertiaire (N = 21, plus 1 probable), ce qui est en adéquation avec les autres restes de taille, eux aussi majoritaires pour ce type de silex (Tableau 113 et Tableau 114). Seuls deux nucléus sont en Sénonien (Figure 131 n°5), dont un probable mais incertain. Les supports débités sont majoritairement des blocs (N = 9, dont trois probables - Figure 130 n°3 et 5 et Figure 131 n°5) et des plaquettes (N = 6, dont une probable - Figure 130 n°2 et Figure 131 n°1 ?, 2 et 4). Des cinq éclats, quatre sont incertains, l’état d’exhaustion avancé des nucléus ne nous a pas permis de trancher de manière certaine sur ces attributions. Enfin un fragment diaclasique complète le corpus (Tableau 115). Pour quatre pièces, la nature du support n’a pas pu être déterminée. Type de nucléus Support Tertiaire Indéterminé Tertiaire Sénonien Indéterminé Sénonien Total Nucléus à lame Bloc 4 - 1 - 5 Bloc ? 3 - - - 3 Galet alluvial - - 1 - 1 Plaquette 5 - - - 5 Plaquette ? 1 - - - 1 Fragment diaclasique 1 - - - 1 Eclat - - - 1 1 Eclat ? 3 1 - - 4 Indéterminé 2 - - - 2 Total 19 1 2 1 23 Fragment de nucléus Indéterminé 2 - - - 2 Total 21 1 2 1 25 Tableau 115 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte des nucléus à lames par supports et matières premières. 303 Figure 130 : Roc-de-Combe couche 5 - Nucléus à lames du carré J9 (silex tertiaire). 304 Figure 131 : Roc-de-Combe couche 5 - Nucléus à lames du carré K9 (Tertiaire : n°1 à 4 ; Sénonien : n°5). 305 Une relation entre nature du support à débiter et localisation de l’implantation de la surface de débitage semble se profiler. Dans six cas sur sept, les plaquettes sont débitées sur leur tranche (Tableau 116). La surface de débitage est alors encadrée par deux flancs corticaux et subparallèles. La dernière est difficilement lisible, suite à une utilisation, après débitage, comme percuteur. Pour les éclats, la surface de débitage est implantée dans trois cas sur la tranche, dans un elle déborde vers la face inférieure, et enfin pour le dernier, l’état d’abandon suggère une exploitation d’une surface large. Le cas des blocs est un peu complexe et montre des implantations différentes. Dans deux cas, la surface de débitage est implantée sur une face étroite, et pour trois sur une face large. Pour le dernier, deux surfaces adjacentes (une large et une étroite) sont investies. Enfin, pour deux nucléus nous n’avons pas pu nous prononcer. Le seul fragment diaclasique recensé est débité sur une face large. Face étroite Face large Face large et étroite Indéterminé Total Plaquette 5 - - 1 6 Bloc 2 3 1 2 8 Galet alluvial - - - 1 1 Eclat 3 1 1 - 5 Fragment diaclasique - 1 - - 1 Indéterminé 1 1 - 2 4 Total 11 6 2 6 25 Plaquette 20,0 - 0 4,0 24,0 Bloc 8,0 12,0 4,0 8,0 32,0 Galet alluvial - - - 4,0 4,0 Eclat 12,0 4,0 4,0 - 20,0 Fragment diaclasique - 4,0 - - 4,0 Indéterminé 4,0 4,0 - 8,0 16,0 Total 44,0 24,0 8,0 24,0 100 Tableau 116 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) de l’implantation de la surface de débitage suivant la nature du support. L’état d’exhaustion avancé des nucléus ne nous a pas permis d’appréhender pleinement les opérations de mise en forme des volumes à débiter. Nous retiendrons que dans deux cas où cela est observable, la production a été effectuée sans préparation préalable, et l’initialisation du débitage a débuté par l’enlèvement d’une lame corticale au niveau d’un dièdre naturel. 306 Le débitage est strictement unipolaire. Les enlèvements opposés jouent un rôle d’entretien des convexités. L’agencement est frontal dans dix-sept cas, et semi-tournant dans deux (investissement d’une face large et d’une face étroite). Pour six nucléus nous n’avons pas pu nous prononcer. Le détachement des lames se fait par percussion directe au percuteur tendre. L’emploi du percuteur dur semble réservé à l’entretien du nucléus ou à la correction d’accidents. Comparaison lame / négatifs nucléus à lames 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 105 110 115 0 5 10 15 20 25 30 35 Largeur (mm) Longeur(mm) Lames entières Négatifs Figure 132 : Roc-de-Combe couche 5 - Comparaison des dimensions (longueur x largeur en mm) des négatifs laminaires observables sur les nucléus et celles des lames entières. L’analyse des négatifs d’enlèvements laminaires indique une production de lames plutôt courtes, entre 35 et 50 mm de long, et de largeur allant de 5 à 20 mm (Figure 132). Toutefois, les nucléus sont majoritairement à exhaustion, et peu de négatifs laminaires ont pu être mesurés (N = 11), limitant les interprétations. 307 Enfin, il n’a pas été possible de mettre en évidence de différence dimensionnelle entre les produits obtenus sur face étroite et sur face large. Avant de voir les résultats de l’analyse des lames, faisons un bilan des informations obtenues sur les nucléus à lames. Tout d’abord on remarquera la pluralité des formes sélectionnées pour être débitées. En apparence les hommes ont tiré profit au maximum de l’environnement et semblent avoir récolté tout ce qui est débitable. Mais seulement en apparence, car les volumes choisis, s’ils sont variés, voient un investissement technique plus ou moins similaire. Ils vont choisir d’implanter la surface de débitage plutôt sur une face étroite, et choisir pour ça des supports qui le permettent (plaquettes, éclats). De manière sous-jacente, et de notre point de vue, cette recherche est avant tout celle de supports à débiter nécessitant peu de préparation. Les gestes semblent économisés. Enfin, nous pensons que le choix d’un débitage sur face étroite est motivé par une volonté de produire des supports eux-mêmes étroits. Le besoin de ce type de lame aurait alors conditionné et motivé un changement dans les modalités de débitage laminaire. 4.3.2. Analyse des supports laminaires : intention du débitage 4.3.2.1. Corpus Les supports laminaires retenus sont au nombre de 271 (Tableau 117 et Tableau 118). La plupart sont en silex tertiaire (63 %) et sénonien (28 %). 4.3.2.2. Classes de taille, profil et obtention des supports laminaires Cinquante-cinq lames sur 193 sont entières (soit 28,5 %), parmi lesquels seize sont retouchées et quatre sont des burins nucléiformes (N = 4). En incluant les pièces fragmentaires, le total des outils sur lames s’élève à 66 pièces, et celui des nucléus à lamelles à 9 pièces. Seules trois lames entières (dont une transformée) sont inférieures à 30 mm de longueur (Figure 133 A), la plupart étant comprises entre 30 et 60 mm (85,5 % - Figure 133 E). Les largeurs excèdent rarement 25 mm de largeur (90 % entre 10 et 25 mm – Figure 133 C et G), avec un maximum dans la classe 15-19 mm (Figure 133 C et G). L’épaisseur est plutôt faible et reste comprise entre 2 et 10 mm (90 % - Figure 133 D et H), avec une majorité située au alentour de 5 à 7 mm (Figure 133 D et H). 308 Nombre Tertiaire Sénonien Bergeracois Graindemil Fumelois Jaspéroïde Indéterminé Total Lame 107 49 5 4 1 2 9 177 Lame ? 6 5 - 1 - - - 12 Lame à pan revers 15 1 - - - - - 16 Lame à pan revers ? 8 2 - - - - 1 11 Eclat laminaire 35 19 - - - - 1 55 Total 171 76 5 5 1 2 11 271 Fréquence (%) Lame 39,5 18,1 1,8 1,5 0,4 0,7 3,3 65,3 Lame ? 2,2 1,8 - 0,4 - - - 4,4 Lame à pan revers 5,5 0,4 - - - - - 5,9 Lame à pan revers ? 3,0 0,7 - - - - 0,4 4,1 Eclat laminaire 12,9 7,0 - - - - 0,4 20,3 Total 63,1 28,0 1,8 1,8 0,4 0,7 4,1 100 Tableau 117 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des supports laminaires par matières premières. Supports Lame Lame? Lamepan revers Lamepan revers? Eclat laminaire Total Fréquence (%) Tertiaire Sénonien Autres Entame corticale 8 - 2 - 7 17 6,3 9 6 2 Crête à deux versants 1 1 - 1 1 4 1,5 3 1 Crête à un versant - - 3 1 1 5 1,8 5 - Néocrête 18 - 4 4 4 30 11,1 24 4 2 Sous-crête 9 1 1 1 4 16 5,9 11 3 2 Pan droit cortical 10 - 2 - 6 18 6,6 14 2 2 Pan gauche cortical 15 3 - - 4 22 8,1 11 8 3 Quelque cortex 4 3 - - 7 14 5,2 7 6 1 Brut 112 4 4 4 21 145 53,5 87 46 12 Total 177 12 16 11 55 271 100 171 76 24 Tableau 118 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des types de supports laminaires, par matières premières. 309 Figure 133 : Roc-de-Combe couche 5 - Classe de taille (longueur, largeur et épaisseur en mm – nombre et fréquence en %) pour les lames, les outils sur lames et les burins nucléiformes sur lame. Les dimensions moyennes des supports laminaires (outils et nucléus à lamelles inclus) sont de 44 mm de longueur (pour les pièces entières), 17,5 mm de largeur et 6,4 mm d’épaisseur (Tableau 119). Le rapport longueur x largeur est de 2,7, ce qui rend compte de l’étroitesse de ces supports. La comparaison des largeurs et des épaisseurs des lames brutes, des outils sur lames et des nucléus à lamelles permet d’appréhender les dimensions des supports recherchés, ainsi que la hiérarchisation des choix (Tableau 119). Les outils ainsi que les nucléus à lamelles sur lame montrent des largeurs significativement plus grandes que celles des lames brutes. Aucune différence significative n’est à noter entre ces deux premiers (largeurs statistiquement proches). 310 De la même manière, les épaisseurs sont significativement différentes entre les lames brutes, les outils et les nucléus à lamelles sur lames. Les supports de ces deux derniers sont plus épais. Par ailleurs, les nucléus à lamelles sur lame sont aussi significativement plus épais que les outils sur lames. Largeur (mm) Lame brute Outils Lame brute Nuc à LL Outils Nuc à LL Moyenne 15,76 20,0 15,76 20,83 20,0 20,83 Variance 13,81 24,27 13,81 36,38 24,27 36,38 Observations 119 66 119 9 66 9 Variance pondérée 17,53 - 15,25 - 25,60 Degré de liberté 183 - 126 - 73 Statistique t -6,60 - -3,76 - -0,46 P(T<=t) unilatéral 2,17 E-10 - 0,00013 - 0,32 Valeur critique de t (unilatéral) 1,65 - 1,66 - 1,67 P(T<=t) bilatéral 4,35 E-10 - 0,00026 - 0,64 Valeur critique de t (bilatéral) 1,97 - 1,98 - 1,99 Epaisseur (mm) Lame brute Outils Lame brute Nuc à LL Outils Nuc à LL Moyenne 5,76 6,87 5,76 11,44 6,87 11,44 Variance 5,85 5,96 5,85 6,28 5,96 6,28 Observations 119 66 119 9 66 9 Variance pondérée 5,89 - 5,88 - 5,99 Degré de liberté 183 - 126 - 73 Statistique t -2,99 - -6,79 - -5,26 P(T<=t) unilatéral 0,0015 - 2,01 E-10 - 6,97 E-07 Valeur critique de t (unilatéral) 1,65 - 1,66 - 1,67 P(T<=t) bilatéral 0,0031 - 4,02 E-10 - 1,39 E-06 Valeur critique de t (bilatéral) 1,97 - 1,98 - 1,99 Tableau 119 : Roc-de-Combe couche 5 - Comparaisons (test de Student) des largeurs et des épaisseurs des lames brutes, des outils sur lame et des nucléus à lamelles (Nuc LL) sur lames. Ainsi, les supports laminaires les plus larges et les plus épais ont été sélectionnés soit pour être retouchés, soit pour produire des lamelles. D’autre part, les pièces les plus épaisses (au moins supérieures à 10 mm) sont dévolues à la production lamellaire. Les lames sont préférentiellement rectilignes (60,5 %, ramené à 55,6 % pour les pièces entières – Tableau 120) ou sub-rectilignes, plus rarement courbes (12,2 % du total et 14,4 % des pièces entières). Quelques-unes sont torses (N = 52), principalement dans le sens antihoraire (16,6 % du total et 20 % des pièces entières). Dans une majeure partie des cas, cette torsion a pu être mise en relation avec des lames obtenues à l’intersection flanc – surface de débitage (lames à un pan cortical, néocrête…), et jouant un rôle d’entretien des convexités. Les pièces peuvent être resituées à part égale sur chacun des flancs. Ceci n’indique donc pas de préférence de réfection ou de sens de progression vers un côté plutôt qu’un autre. 311 Nombre Rectiligne Légèrement courbe Courbe Torse horaire Torseanti horaire Total Lame 100 14 21 6 36 177 Lame ? 8 1 2 - 1 12 Lame à pan revers 12 - - 1 3 16 Lame à pan revers ? 6 - - - 5 11 Eclat laminaire 38 7 10 - - 55 Total 164 22 33 7 45 271 Supports entiers 50 8 13 1 18 90 Fréquence (%) Lame 36,9 5,2 7,7 2,2 13,3 65,3 Lame ? 3,0 0,4 0,7 - 0,4 4,4 Lame à pan revers 4,4 - - 0,4 1,1 5,9 Lame à pan revers ? 2,2 - - - 1,8 4,1 Eclat laminaire 14,0 2,6 3,7 - - 20,3 Total 60,5 8,1 12,2 2,6 16,6 100 Supports entiers 55,6 8,9 14,4 1,1 20,0 100 Tableau 120 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des types de profil observés pour les supports laminaires. Nombre Tendre Pierre tendre Pierre tendre ? Pierre dure Pierre dure ? Total Lame 61 8 27 - - 96 Lame ? - - 1 - - 1 Lame à pan revers 11 - - 3 1 15 Lame à pan revers ? 3 - 3 1 - 7 Eclat laminaire - 2 4 45 - 51 Total 75 10 35 49 1 170 Fréquence (%) Lame 35,9 4,7 15,9 - - 56,5 Lame ? - - 0,6 - - 0,6 Lame à pan revers 6,5 - - 1,8 0,6 8,8 Lame à pan revers ? 1,8 - 1,8 0,6 - 4,1 Eclat laminaire - 1,2 2,4 26,5 - 30,0 Total 44,1 5,9 20,6 28,8 0,6 100 Tableau 121 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des techniques employées (type de percuteurs). La technique de détachement des supports est variée (Tableau 121). Si l’ensemble a bien été produit par percussion directe, l’emploi de percuteurs différents a pu être attesté. L’usage d’au moins deux types de percuteur est attesté pour le détachement des lames : percuteur tendre organique et pierre tendre (Tableau 121). L’emploi du premier est 312 majoritaire. La reconnaissance de a percussion tendre minérale n’est pas aisée, et pour de nombreux supports (N = 35 – Tableau 121), le diagnostic n’a pas pu être clairement établi, même si de fortes présomptions existent (Figure 134). Les éclats laminaires ont été détachés par percussion directe au percuteur dur. Figure 134 : Roc-de-Combe couche 5 - Lames vraisemblablement obtenues par percussion directe au percuteur de pierre tendre (silex Tertiaire, à l’exception du n°3 en silex Sénonien – grossissement x2). 4.4. Étude de l’outillage 4.4.1. Choix de la matière première Les silex tertiaires (49,5 %) et sénoniens (environ 33 %) sont majoritaires (Tableau 122). Le reste se compose de quatorze outils, réalisés sur des matériaux d’origine allochtones, auxquels s’ajoutent dix-neuf pièces dont la matière première n’a pas pu être identifiée (Tableau 122). 313 Outils Supports Tertiaire Sénonien Sénonien grainfin Bergeracois Graindemil Jaspéroïde Infralias Fumelois Indéterminé Total Fréquence (%) Grattoir Lame 2 2 - - 2 1 - - - 7 3,7 Eclat laminaire - 2 - - - - - - - 2 1,1 Eclat 1 - - - - - - - 1 2 1,1 Total 3 4 - - 2 1 - - 1 11 5,8 Grattoir ? Lame 1 - - - - - - - - 1 0,5 Lame ? - 3 - - - - - - - 3 1,6 Eclat 1 1 - - - - - - - 2 1,1 Total 2 4 - - - - - - - 6 3,2 Grattoir-Burin Lame - 1 - - - - - - - 1 0,5 Burin Lame 9 6 - 1 1 - - - 2 19 10,0 Eclat laminaire 4 4 - - - - - - - 8 4,2 Eclat 7 - - 1 - - - - - 8 4,2 Eclat ? 1 - - - - - - - - 1 0,5 Total 21 10 - 2 1 - - - 2 36 18,9 Burin ? Lame 1 1 - - - - - - - 2 1,1 Eclat laminaire 2 - - - - - - - - 2 1,1 Eclat 3 - - - - - - - - 3 1,6 Indéterminé - 1 - - - - - - - 1 0,5 Total 6 2 - - - - - - - 8 4,2 Lame retouchée Lame 4 6 - 1 1 1 - - 2 15 7,9 Lame ? 1 1 - - - - - - - 2 1,1 Eclat laminaire 2 1 - - - - - - - 3 1,6 Total 7 8 - 1 1 1 - - 2 20 10,5 Lame à retouche Lame - 1 - - - - - - - 1 0,5 aurignacienne Eclat laminaire - 1 - - - - - - - 1 0,5 Total - 2 - - - - - - - 2 1,1 Lame utilisée Lame 5 6 1 - - - - 1 - 13 6,8 Eclat laminaire 6 3 - - - - - - - 9 4,7 Total 11 9 1 - - - - 1 - 22 11,6 Troncature Lame - 2 - - - - - - - 2 1,1 Troncature ? Lame 2 - - - - - - - - 2 1,1 Pièce esquillée Lame - - - 1 - - - - - 1 0,5 Eclat 1 1 - 1 - - 1 - 1 5 2,6 Eclat ? 2 - - - - - - - - 2 1,1 Total 3 1 - 2 - - 1 - 1 8 4,2 Pièce esquillée ? Lame 2 - - - - - - - - 2 1,1 Indéterminé 1 - - - - - - - - 1 0,5 Total 3 - - - - - - - - 3 1,6 Denticulé Eclat - - - - - - - - 1 1 0,5 Denticulé ? Eclat - 1 - - - - - - 2 3 1,6 Encoche ? Eclat 1 - - - - - - - - 1 0,5 Eclat 1 bord Lame ? 1 - - - - - - - - 1 0,5 retouché Eclat 1 1 - - - - 1 - - 3 1,6 Total 2 1 - - - - 1 - - 4 2,1 Eclat qq retoucheEclat 8 2 1 - - - - - 2 13 6,8 Lamelle RdC Lamelle 23 10 4 - - - - - 8 45 23,7 Indéterminé Eclat ? 2 - - - - - - - - 2 1,1 Total 94 57 6 5 4 2 2 1 19 190 100 Fréquence (%) 49,5 30,0 3,2 2,6 2,1 1,1 1,1 0,5 10,0 100 Tableau 122 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) de l’outillage, par support et par matières premières. 314 Notons par ordre d’importance : - Six outils en Bergeracois : deux burins (un sur cassure, un sur troncature), une lame retouchée et deux pièces esquillées ; - Quatre en Grain de mil : deux grattoirs, un burin dièdre et une lame retouchée ; - Deux en Jaspéroïde : un grattoir et une lame retouchée ; - Deux en Infralias : une pièce esquillée et un éclat retouché ; - Une lame avec des traces d’utilisation en Fumelois. 4.4.2. Choix des supports Le support privilégié est la lame (environ 35 % - Tableau 123), utilisée pour produire à peu près toute la gamme d’outils (Tableau 122). Les éclats sont aussi largement représentés (plus de 20 %), et principalement dévolus à la confection de burins et des pièces esquillées ou utilisés plus ou moins brut (encoche, denticulés ou avec quelques retouches / traces d’utilisation). La majorité de ces produits proviennent, ou peuvent être rattachés à la chaîne opératoire de production de lames, aucune modalité de débitage d’éclats autonome n’ayant été individualisée. Les supports lamellaires sont issus de productions autonomes (cf. infra). Ils correspondent à près d’un quart des supports transformés. Supports d'outils Nombre Fréquence (%) Lame 66 34,7 Lame ? 6 3,2 Eclat laminaire 25 13,2 Eclat 41 21,6 Eclat ? 5 2,6 Lamelle 45 23,7 Indéterminé 2 1,1 Total 190 100 Tableau 123 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des supports d’outils Pour ce qui est du choix des lames transformées en outils, l’analyse des classes de taille pour les soixante-six outils (Figure 135) réalisés sur lame a permis de mettre en évidence, en premier lieu une sélection des supports les plus épais pour produire des lamelles (cf. supra). Les pièces restantes présentant des largeurs et des épaisseurs importantes ont été sélectionnées pour la confection d’outils. Pour le gabarit des lames sélectionnées comme supports d’outils, l’analyse des moyennes des supports laminaires retouchés (Tableau 119) indique une recherche de produits longs, larges et épais. 315 Figure 135 : Roc-de-Combe couche 5 - Grattoirs (n°1 et 4) et lames retouchées (n°2 et 3) - (Dessins P. Laurent in Sonneville-Bordes 2002 : n°1 à 3). Les supports d’outils sélectionnés présentent des profils préférentiellement rectilignes ou subrectiligne (Tableau 124). Les lames courbes, d’effectif moindre, semblent être employées pour la réalisation de burins, lames retouchées et dans une moindre mesure des grattoirs. Les lames portant des traces d’utilisation ou quelques retouches sont essentiellement sur des supports rectilignes à sub-rectilignes. Comme pour les lames, la sélection des éclats pour la confection d’outils paraît venir après celle des nucléus à lamelles. Les supports les plus épais (supérieurs à 15 mm) sont principalement dévolus à la production lamellaire (Figure 136c). Les longueurs s’échelonnent entre 20 et 60 mm, avec une moyenne pour les pièces entières située à 40 mm environ (Figure 136a). Les supports sont volontiers larges (en comparaison avec les lames et les burins nucléiformes – Figure 136b), avec une majorité des supports compris entre 30 et 40 mm. 316 Types d’outils Rectiligne Légèreme ntcourbe Courbe Torse horaire Torseanti horaire Total Fréquence (%) Grattoir 5 3 3 - - 11 5,8 Gratoir ? 6 - - - - 6 3,2 Grattoir – burin - 1 - - - 1 0,5 Burin 20 7 9 - - 36 18,9 Burin ? 5 1 2 - - 8 4,2 Lame retouchée 10 2 8 - - 20 10,5 Lame à retouche aurignacienne 1 1 - - - 2 1,1 Lame utilisée 15 2 3 1 1 22 11,6 Troncature 2 - - - - 2 1,1 Troncature ? - - 1 - 1 2 1,1 Pièce esquillée 8 - - - - 8 4,2 Pièce esquillée? 2 1 - - - 3 1,6 Eclat 1 bord retouché 2 1 1 - - 4 2,1 Eclat quelques retouches 8 3 2 - - 13 6,8 Encoche ? - - 1 - 1 0,5 Denticulé 1 - - - - 1 0,5 Denticulé ? 2 1 - - - 3 1,6 Indéterminé 2 - - - - 2 1,1 Lamelles Roc-de-Combe 10 - 1 - 34 45 23,7 Total 99 23 31 1 36 190 100 Fréquence (%) 52,1 12,1 16,3 0,5 18,9 100 Tableau 124 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) du type de courbure des supports d’outils. 317 Classes de taille 0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0 40,0 45,0 < 20 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-80 Classe de longueur (mm) Fréquence(%) Total outils Outils sur éclat BN a Classes de taille 0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0 10-14 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 > 45 Classe de largeur (mm) Fréquence(%) Total outils Outils sur éclat BN b Classes de taille 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 < 5 5-9 10-14 15-19 20-24 25-30 > 30 Classe d'épaisseur (mm) Fréquence(%) Total outils Outils sur éclat BN c Figure 136 : Roc-de-Combe couche 5 - Fréquence (%) des classes de taille (a : longueur, b : largeur et c : épaisseur en mm) du total des outils, des outils sur éclat et des burins nucléiformes (BN). 4.4.3. Décompte et description de l’outillage Les lamelles retouchées mises à part, l’outillage est dominé par les burins (près de 20 % Tableau 122), lames retouchées (environ 10 %) et portant des traces d’utilisation (environ 10 318 %), les grattoirs (6%) et enfin les pièces esquillées (environ 4%), auxquels s’ajoute les éclats portant quelques retouches ou trace d’utilisation (environ 7%). Nous allons maintenant nous intéresser à chaque catégorie d’outils afin d’essayer d’en dégager les tendances. Types de burin Support Tertiaire Sénonien Bergeracois Graindemil Indéterminé Total Fréquence (%) Burin sur pan naturel Eclat 1 - - - - 1 2,3 Burin sur pan naturel ? Lame - 1 - - - 1 2,3 Eclat 1 - - - - 1 2,3 Total 1 1 - - - 2 4,5 Burin dièdre Lame 4 2 - 1 - 7 15,9 Eclat laminaire 2 1 - - - 3 6,8 Eclat 3 - - - - 3 6,8 Total 9 3 - 1 - 13 29,5 Burin sur cassure Lame 2 2 - - 2 6 13,6 Eclat laminaire 1 1 - - - 2 4,5 Eclat - - 1 - - 1 2,3 Total 3 3 1 - 2 9 20,5 Burin sur cassure ? Lame 1 - - - - 1 2,3 Eclat laminaire 2 - - - - 2 4,5 Eclat 1 - - - - 1 2,3 Total 4 - - - - 4 9,1 Burin sur troncature Lame 3 2 1 - - 6 13,6 Eclat laminaire 1 2 - - - 3 6,8 Eclat 3 - - - - 3 6,8 Eclat ? 1 - - - - 1 2,3 Total 8 4 1 - - 13 29,5 Burin sur troncature ? Eclat 1 - - - - 1 2,3 Indéterminé - 1 - - - 1 2,3 Total 1 1 - - - 2 4,5 Total 27 12 2 1 2 44 100 Fréquence (%) 61,4 27,3 4,5 2,3 4,5 100 Tableau 125 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des types de burins par support et matière première. 4.4.3.1. Les burins Les burins représentent la classe d’outils majoritaire, avec 44 pièces (dont 6 douteuses – Tableau 125), où les burins dièdres et sur troncature sont les mieux représentés (30 % chacun 319 – Tableau 125). Les supports utilisés sont des lames, des éclats laminaires et des éclats. Ces derniers sont principalement dévolus à la fabrication de burins dièdres et sur troncature. Classes de longueur 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 < 20 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-80 Classes de taille (mm) Fréquence(%) Burin Grattoir Lame ret Lame ut Pièce esqui a Classes de largeur 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 10-14 15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 > 45 Classes de taille (mm) Fréquence(%) Burin Grattoir Lame ret Lame ut Pièce esqui b Classes d'épaisseur 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 < 5 5-9 10-14 15-19 20-24 25-30 > 30 Classes de taille (mm) Fréquence(%) Burin Grattoir Lame ret Lame ut Pièce esqui c Figure 137 : Roc-de-Combe couche 5 - Histogrammes des classes de taille (a : longueur ; b : largeur ; c : épaisseur en mm), en fréquence (%), des différentes classes d’outils (lame ret : lames retouchées ; lame ut : lames portant quelques retouches ou des traces d’utilisation ; pièce esqui : pièces esquillées). 320 Dans le cas des pièces entières sur lame, on note l’utilisation de supports de longueur variable30 (Figure 137a), mais surtout étroite, généralement entre 15 et 20 mm ( Figure 137b). Les pièces les plus larges correspondent à des burins sur éclat (Figure 137b). Les épaisseurs sont plutôt faibles et dépassent rarement les 10 mm (Figure 137c). Ce constat est également valable pour les autres classes d’outils. 4.4.3.2. Les lames retouchées et utilisées La retouche intéresse généralement un seul bord (N = 14 ; 70 % - Tableau 126), principalement le droit (50 %). De même, les traces d’utilisation sont plus fréquentes sur un bord (N = 13 ; 60 %), mais à l’inverse des lames retouchées elles se concentrent d’avantage sur le gauche. Enfin, les deux lames à retouche aurignacienne ne présentent qu’un bord retouché (Tableau 126). Ces deux pièces sont épaisses, et ont été utilisées comme nucléus à lamelles (burins nucléiformes). Pour l’une d’entre elle la présence d’une double patine suggère un réemploi de pièce anciennement taillée, dont une attribution à l’Aurignacien ancien semble probable (cf. infra). Lame retouchée Lame utilisée Lame à ret. aurignacienne Retouche NB % NB % NB % Gauche 4 20,0 8 36,4 1 50,0 Droit 9 45,0 5 22,7 1 50,0 Droit (inverse) 1 5,0 - - - Deux bords 6 30,0 7 31,8 - Distal - - 2 9,1 - Total 20 100 22 100 2 100 Tableau 126 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte, fréquence (%) et latéralisation de la retouche latérale des lames retouchées, lames utilisées et lames à retouche aurignacienne. Comme pour le reste de l’outillage, les supports de longueur importante sont privilégiés. Les lames retouchées sont généralement de largeur moindre que les lames utilisées (Figure 137b). Cela est cependant à pondérer puisque la retouche diminue sensiblement la largeur des supports d’origine. Enfin, les lames retouchées dépassent rarement 20 mm d’épaisseur (Figure 137c), avec une majorité comprise entre 5 et 9 mm. 30 L’impression d’une utilisation de supports majoritairement courts, donnée par la figure Xa, vient du regroupement des données métriques des burins sur lames comme sur éclats. 321 4.4.3.3. Les grattoirs Les grattoirs sont principalement réalisés sur lame (N = 9 – Tableau 122), deux seulement sont sur éclat. Généralement seul le front de grattoir est dégagé, et seulement trois cas présentent une retouche latérale (Tableau 127). Les supports sélectionnés sont généralement de grande dimension (Figure 137a), la longueur des pièces entières est proche de 50 mm en moyenne. Contrairement aux autres classes d’outils ce sont ici les supports larges et épais qui sont privilégiés (Figure 137b et c). NB % Aucun 8 72,7 Gauche 1 9,1 Deux bords 2 18,2 Total 11 100 Tableau 127 ; Roc-de-Combe couche 5 - Décompte, fréquence (%) et latéralisation de la retouche latérale sur les grattoirs. 4.4.3.4. Les pièces esquillées Sept des huit pièces esquillées sont sur éclat, la dernière est réalisée sur une lame. Quatre cas de transformation ont pu être constatés, il s’agit : - D’un grattoir (double ?) sur lame à un bord retouché (droit), de fabrication plus ancienne (double patine, attestant d’un réemploi – cf. infra) a été repris en burin nucléiforme lui-même repris en pièce esquillée. - D’un burin nucléiforme, - D’une lame a un bord retouché (gauche), - Et d’un fragment de nucléus, dont il est difficile de dire s’il a produit des lames ou des lamelles. L’analyse des classes de dimensions des pièces esquillées indique une sélection de supports de largeurs importantes tendant vers les 35-40 mm (Figure 137b). Les pièces sont aussi épaisses que les autres classes d’outils avec un maximum compris entre 5 et 9 mm (Figure 137c). Toutefois, des supports légèrement plus épais, mais n’excédant pas les 20 mm, ont été utilisés. 322 4.5. Les modalités de débitage lamellaire La composante lamellaire tient une place relativement importante dans les activités de taille. Près de 150 nucléus peuvent se rattacher à cette modalité (Tableau 128). Parmi ceux-ci, quatre modalités (hors pièces douteuses) ressortent. Trois d’entre elles ont déjà pu être décrites pour le niveau 6 sous-jacent. Il s’agit, par ordre d’importance, d’une production de lamelles sur petits nucléus prismatiques et pyramidaux, sur grattoirs à museau et enfin sur burins busqués (Tableau 128). Ces trois méthodes sont minoritaires : même avec les pièces d’attribution incertaine elles totalisent moins de 25 % du total des nucléus lamellaires (Tableau 128). Enfin la modalité majoritaire correspond à une production sur burins nucléiformes. Nombre Tertiaire Sénonien Bergeracois Graindemil Indéterminé Total Burin busqué 1 1 - 1 1 4 Burin busqué ? 2 - - - - 2 Burin nucléiforme 61 24 - - 3 88 Burin nucléiforme ? 21 2 3 - - 26 Grattoir à museau 5 3 - - - 8 Grattoir à museau ? 2 4 - - 1 7 Nucléus prismatique / pyramidal à lamelles 8 2 - - - 10 Nucléus prismatique / pyramidal à lamelles ? 2 1 - - - 3 Indéterminé 4 - - - - 4 Total 106 37 3 1 5 152 Fréquence (%) Burin busqué 0,7 0,7 - 0,7 0,7 2,6 Burin busqué ? 1,3 - - - - 1,3 Burin nucléiforme 40,1 15,8 - - 2,0 57,9 Burin nucléiforme ? 13,8 1,3 2,0 - - 17,1 Grattoir à museau 3,3 2,0 - - - 5,3 Grattoir à museau ? 1,3 2,6 - - 0,7 4,6 Nucléus prismatique / pyramidal à lamelles 5,3 1,3 - - - 6,6 Nucléus prismatique / pyramidal à lamelles ? 1,3 0,7 - - - 2,0 Indéterminé 2,6 - - - - 2,6 Total 69,7 24,3 2,0 0,7 3,3 100 Tableau 128 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des types de nucléus lamellaires par matières premières. Comme pour le débitage laminaire, la majorité du débitage a été réalisé d’une part sur place (comme l’attestent les différentes pièces techniques présentes sur le site), et d’autre part sur des silex tertiaires et sénoniens (respectivement 70 % et 25 % - les silex allochtones totalisent moins de 6 % des nucléus - Tableau 128). 323 4.5.1. Le cas des burins busqués et des grattoirs à museau Nous passerons sur les modalités de type busqué et museau pour lesquelles nous renvoyons au chapitre précédant sur l’étude du niveau 6. Aucune différence n’a pu être constatée tant sur le type de matière employée (Tableau 128), le choix des supports débités (Tableau 129), que la gestion du débitage, ou bien les supports recherchés qui sont aussi torses dans le sens anti- horaire. Trois grattoirs à museau (parmi les huit pièces sûres) possèdent une conception et une intention de type burin nucléiforme (cf. infra), nous les avons donc écartés des autres grattoirs museaux. La plupart de ces pièces se situent dans le carré J9, ou à proximité de celui-ci (Figure 138). La projection verticale de ces deux catégories de nucléus (Figure 138) nous indique qu’effectivement au moins deux museaux et un busqué (par ailleurs le seul nucléus lamellaire en Grain de mil) sont en bas de séquence et pourraient provenir de la couche 6 sous-jacente. Toutefois nous ne pensons pas qu’il puisse s’agir d’une contamination. Nous y verrions davantage un biais occasionné lors de la fouille, fréquent lorsque les niveaux ne sont pas ou peu séparés par des lentilles stériles. Enfin, pour trois burins busqués et quatre grattoirs à museau, leur situation au sein, voire au sommet de ce niveau plaide en faveur d’une appartenance pleine et entière à celui-ci. Figure 138 : Roc-de-Combe couche 5 - Projection verticale, suivant l’axe des Y, des pièces cotées de la couche 5 pour les carrés J9 et K9.Les ronds noirs représentent les burins busqués et les gris les grattoirs à museau. 324 Nombre Burinbusqué Burinbusqué? Burinnucléiforme Burinnucléiforme? Grattoiràmuseau Grattoiràmuseau? Nucléusprismatique /pyramidalà lamelles Nucléusprismatique /pyramidalà lamelles? Indéterminé Total Lame - - 9 5 - 1 - - - 15 Lame ? 1 - 1 - - 2 - - - 4 Eclat laminaire 1 1 19 4 1 - - - - 26 Eclat 2 1 39 10 6 4 - - 2 64 Eclat ? - - 7 2 - - 1 - 1 11 Plaquette - - 1 2 - - - - - 3 Plaquette ? - - 1 - - - 2 1 - 4 Bloc - - - 1 - - - 1 - 2 Bloc ? - - 1 - - - 2 - - 3 Galet fluviatile - - 2 - - - - 1 - 3 Eclat ? Bloc ? - - - - 1 - - - - 1 Eclat ? Plaquette ? - - 3 - - - - - - 3 Fragment diaclasique ? - - 1 - - - 1 - - 2 Indéterminé - - 4 2 - - 4 - 1 11 Total 4 2 88 26 8 7 10 3 4 152 Fréquence (%) Lame - - 10,2 19,2 - 14,3 - - - 9,9 Lame ? 25,0 - 1,1 - - 28,6 - - - 2,6 Eclat laminaire 25,0 50,0 21,6 15,4 12,5 - - - - 17,1 Eclat 50,0 50,0 44,3 38,5 75,0 57,1 - - 50,0 42,1 Eclat ? - - 8,0 7,7 - - 10,0 - 25,0 7,2 Plaquette - - 1,1 7,7 - - - - - 2,0 Plaquette ? - - 1,1 - - - 20,0 33,3 - 2,6 Bloc - - - 3,8 - - - 33,3 - 1,3 Bloc ? - - 1,1 - - - 20,0 - - 2,0 Galet fluviatile - - 2,3 - - - - 33,3 - 2,0 Eclat ? Bloc ? - - - - 12,5 - - - - 0,7 Eclat ? Plaquette ? - - 3,4 - - - - - - 2,0 Fragment diaclasique ? - - 1,1 - - - 10,0 - - 1,3 Indéterminé - - 4,5 7,7 - - 40,0 - 25,0 7,2 Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 Tableau 129 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des types de supports utilisés pour la confection de lamelles, par type de nucléus. 4.5.2. Les burins nucléiformes Les burins busqués et les grattoirs à museau sont quasiment absents de la série comme nous venons de le voir précédemment. Cependant les nucléus à lamelles sont fortement représentés par une catégorie un peu particulière de burins dont la multiplicité apparente de forme, déjà entrevue lors de la précédente étude (Sonneville-Bordes 2002), renvoie à différentes terminologies (nucléiforme, caréné ou même « vachonisant »), sans qu’apparemment un 325 consensus clair ne s’en dégage. Nous allons tenter, à travers leur étude, d’en extraire les objectifs de débitage, tout en caractérisant au mieux ce mode de production. 4.5.2.1. Choix de la matière et des supports Parmi les 114 nucléus (Figure 139) rattachés à ce type de production (88 nucléus sûrs et 26 douteux) les silex tertiaires et sénoniens sont quasiment les seuls représentés (Tableau 128). S’ajoutent trois pièces en silex indéterminé, et trois en silex du Bergeracois pour lesquels le statut de nucléus lamellaire est ambigu. Les supports sélectionnés (Tableau 129) sont principalement des éclats (45 %), des éclats laminaires (22 %) et des lames (10 %). Cependant, une grande polymorphie règne dans le choix des supports puisque certains ont aussi été réalisés sur plaquettes de silex tertiaire, sur des blocs de Sénonien, des fragments diaclasiques de silex tertiaire ou encore des galets de Sénonien alluviaux. Les supports dans leur état d’abandon sont généralement courts (Figure 140a), eu égard à la longueur des lames par exemple. Ils dépassent rarement 50 mm, avec près de 95 % des supports compris entre 20 et 50 mm de long, et 80 % entre 30 et 50 mm. La moyenne est de 38 mm de long et la médiane de 38,5 mm pour les pièces entières (Tableau 130). Toutefois, il est évident que ces mesures ne sont qu’indicatives, car beaucoup de ces nucléus sont à exhaustion et semblent avoir été fort productifs, diminuant ainsi sensiblement la longueur totale de ce type d’objet. D’autre part, la majorité des pièces étant sur éclat, ceci renforce le côté court et trapu des pièces, comme l’indique leur largeur. Une seule pièce dépasse 50 mm de long (57 mm). Il s’agit d’un éclat laminaire large et épais. À en juger par la double patine et sa lecture technologique, il est fort probable qu’il s’agisse d’une pièce réutilisée et plus précisément d’un grattoir caréné attribuable à l’Aurignacien ancien. 326 Figure 139 : Roc-de-Combe couche 5 - Burins nucléiformes du niveau 5 (Dessins P. Laurent : n°1 à 4) – Sénonien : n°1, 3, 6 et 7 / Tertiaire : n°2, 4, 5, 8 et 9. 327 Figure 140 : Roc-de-Combe couche 5 - Histogramme des classes de taille des burins nucléiformes ; a – Classes de longueurs des pièces entières et du total des pièces (« total » : burins nucléiformes entiers et fragmentaires) ; b – Classes de largeur ; c – Classes d’épaisseur. Longueur Largeur Epaisseur Moyennes 37,2 27,3 15,1 Médianes 37,5 26 14 Moyennes pièces entières 37,9 28,5 15,3 Médianes pièces entières 38,5 27 14 Tableau 130 : Roc-de-Combe couche 5 - Moyennes et médianes des dimensions (en mm) de la totalité des burins nucléiformes et des pièces entières. 328 Les supports sélectionnés sont plutôt larges, peu de pièces sont inférieures à deux centimètres (N = 10, la moins large est à 12,5 mm). Le gabarit moyen se situe aux alentours de 20 à 40 mm de large (83 % du total des nucléus – Figure 140b), et plus précisément entre 20 et 35 mm (73 % des supports), pour une moyenne située à 27 mm et une médiane à 26 mm (Tableau 130). Enfin, les supports sont ici épais, en comparaison avec les lames, dont nous rappelons que la moyenne se situe à 6,7 mm. Les classes d’épaisseurs sont relativement resserrées, et centrées autour de 10 à 20 mm (76 % des vestiges – Figure 140c). La moyenne étant à 15 mm et la médiane à 14 mm (Tableau 130), soit une épaisseur deux fois plus importante que celle des lames. L’épaisseur semble donc avoir un rôle décisif dans le choix des supports à débiter. C’est pourquoi il y a probablement eu davantage une sélection d’éclats, qui généralement remplissent cette condition, en défaveur des supports laminaires, généralement trop minces. Cependant le faible effectif des lames permet de pondérer ce constat. Rappelons que dans le cas des burins busqués, la largeur et la section constante des supports à débiter est un critère important pour leur sélection31 (débitage transversalement à l’axe de débitage de la pièce, dans la largeur), il semble ici secondaire. Dans le cas des burins nucléiformes, es tailleurs s’oriente vers une autre gamme de supports, des supports épais. Nous essaierons par la suite de discuter la nature de ce changement. Malgré des supports de nature variée (éclats, lames, plaquettes …), un morphotype semble se dégager. Les supports sélectionnés présentent des dimensions stables, du moins dans leur forme d’abandon. Ainsi les volumes à débiter s’inscrivent dans un parallélépipède de 30 à 50 mm de long, pour 20 à 35 mm de large et 10 à 20 mm d’épaisseur. Onze pièces32 correspondent à un réemploi (appréciable par une double patine) de vestiges attribuables notamment à l’Aurignacien ancien et au Moustérien (Tableau 131). Il est possible que ces pièces proviennent des niveaux sous-jacents. 31 Dans le cas de Roc-de-Combe couche 6, nous rappelons que près de 85 % des pièces présentes une largeur entre 20 et 35 mm de large, rarement en dessous (ne cadrerait plus avec la taille des lamelles recherchées). 32 P lus deux pièces transformées en nucléus prismatique – pyramidaux à lamelles, une portant quelques retouches et probablement un nucléus à lames (cf. supra). 329 Support d’origine Tertiaire Sénonien Bergeracois Total Burin nucléiforme Lame à retouche aurignacienne - 1 - 1 Eclat Levallois 1 - - 1 Eclat Kombewa - 1 - 1 Grattoir caréné 1 - - 1 Fragment nucléus à lames 1 - - 1 Eclat 2 - - 2 Lame néocrête 2 - - 2 Lame pan droit cortical - - 1 1 BN repris en p. esquillée Grattoir double - 1 bord retouché - - 1 1 Prismatique - Pyramidaux Bloc 1 - - 1 Indéterminé 1 - - 1 Eclat quelque retouche Eclat - 1 - 1 Total 9 3 2 14 Tableau 131 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte des produits portant une double patine traduisant un réemploi de pièces anciennement taillées. La volonté de produire des lamelles, et donc la recherche de supports - nucléus potentiels, apparaît comme omniprésente, au centre des activités de taille. L’environnement lithologique proche semble avoir été exploité de manière intensive, de manière à récolter un nombre important de supports débitables. Nous allons maintenant nous intéresser au traitement de ces supports et aux intentions qu’ont cherchés à atteindre les tailleurs. 4.5.2.2. Mise en place du plan de frappe L’analyse des nucléus d’une part, et des différentes pièces techniques d’autre part, nous ont permis de mener à bien cette étude. Les procédés de mise en place du plan de frappe ainsi que son entretien sont variables d’une pièce à l’autre. Trois cas de figures ont pu être relevés. Dans le premier cas, aucune préparation n’est apportée au support, une surface plane préexistante est utilisée, qu’il s’agisse d’un pan naturel, diaclasique ou d’une cassure. Dans le cas des supports minces, et notamment des lames, un bord est aménagé par retouche directe, créant ainsi une crête à un versant préparé. Nous n’avons pas pu différentier ces enlèvements d’une simple chute de burin, notamment de celles réalisées aux dépens de lames retouchées. Certaines chutes de burin ont aussi été débitées sans préparation préalable de l’arrête, ou présentent juste un simple égrisage vers la face supérieure. 330 Enfin, dans le dernier cas, qui semble concerner les supports plus épais (ou de bord plus irrégulier) une troncature épaisse, parfois assimilable à un dos, est mise en place avant d’être détachée. Ces dernières pièces correspondent à des tablettes primaires de type Thèmes (Le Brun-Ricalens et Brou 2003). 4.5.2.3. Implantation de la surface de débitage Deux types de positionnement de la surface de débitage ont pu être observés (Figure 141). La première s’inscrit dans un rectangle délimité par la largeur et l’épaisseur du support. La surface de débitage est donc implantée de manière transversale, ou perpendiculaire à l’axe de débitage. Pour la seconde, la zone investie est délimitée par la longueur et l’épaisseur du support, de manière parallèle à l’axe d’allongement de la pièce et parfois au sens de débitage. L’implantation de la surface de débitage est pour partie corrélée à l’épaisseur du support. Les supports minces sont préférentiellement débités de manière transversale, tandis que les supports épais plutôt sur leur tranche. Cette vision est certes théorique, et si la majeure partie des cas rentre dans ce schéma, il existe des exceptions, où certains supports épais sont débités de manière transverse et inversement. Figure 141 : Roc-de-Combe couche 5 - Implantation théorique de la surface de débitage suivant le type de support sélectionné. L’orientation du support est moins normée, moins rigide, que celle des burins busqués. Si une préférence existe pour conserver la face inférieure comme flanc droit (Tableau 132), quelques variations existent. 331 Situation face inférieure Nombre Fréquence (%) Flanc gauche 22 25,0 Flanc gauche ? 3 3,4 Flanc droit 37 42,0 Flanc droit ? 7 8,0 Plan de frappe 2 2,3 Indéterminée 13 14,8 Absente 4 4,5 Total 88 100 Tableau 132 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) de la situation de la face inférieure. 4.5.2.4. Mise en forme de la surface de débitage La mise en forme de la surface de débitage débute avec la préparation d’une crête à un versant, envahissant la face supérieure du support (une seule chute de burin est à deux versants préparés). L’enlèvement de cette dernière inaugurera le début de la production. Suivant l’épaisseur du support, la surface de débitage va être ou non « recintré » à l’aide d’enlèvements situés sur le flanc droit. Le flanc gauche est quant à lui nettement moins investi (Figure 142). L’intensité de cette mise en forme est variable (Figure 143). Dans le cas du flanc gauche, les rectifications sont généralement mineures et seuls quelques enlèvements le préparent. Pour le flanc droit cependant l’investissement peut être relativement important, et peut aller jusqu’à une restructuration complète de celui-ci. Comparaison présence/absence de mise enforme suivant le flanc 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 non oui Mise en forme Fréquence(%) Flanc gauche Flanc droit Figure 142 : Roc-de-Combe couche 5 - Histogramme de fréquence (%) de mise en forme des flancs. 332 Comparaison de l'intensité de la mise en forme des flancs 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 non peu poussée Intensité de la mise en forme des flancs Fréquence(%) Flanc gauche Flanc droit Figure 143 : Roc-de-Combe couche 5 - Histogramme de fréquence (%) de l’intensité de la mise en forme (peu : 1 à 3 enlèvements ; poussée : plus de 3 enlèvements). La majorité des pièces ne présente toutefois pas de mise en forme (environ 30 %), ou une mise en forme sommaire du flanc droit, le gauche étant laissé brut (environ 20 % - Tableau 133). La présence, ainsi que l’intensité de ces mises en forme est directement corrélable à l’épaisseur du support. Plus la pièce sera épaisse et plus l’investissement sera important. Le rôle de la mise en forme du flanc droit n’a pas pour unique vocation de recintrer, ou de diminuer la largeur de la surface de débitage. Une partie des enlèvements va servir à mettre en place une nervure guide prenant naissance sur le flanc droit et se terminant en partie distale de la surface de débitage. L’initialisation de la production lamellaire va débuter depuis cette nervure et va ainsi permettre d’initier la torsion des produits. Flanc gauche Nombre Non Peu Poussée Indéterminé Total Non 26 5 - - 31 Peu 18 7 2 - 27 Poussée 11 8 2 - 21 Flancdroit Indéterminé - - - 9 9 Total 55 20 4 9 88 Fréquence (%) Non Peu Poussée Indéterminé Total Non 29,5 5,7 - - 35,2 Peu 20,5 8,0 2,3 - 30,7 Poussée 12,5 9,1 2,3 - 23,9 Flancdroit Indéterminé - - - 10,2 10,2 Total 62,5 22,7 4,5 10,2 100 Tableau 133 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) de l’association de mise en forme des flancs. (En gris foncé : association majoritaire ; en gris clair : association secondaire). 333 Cette nervure guide torse est générée de deux manières. D’une part via le détachement d’un éclat envahissant au niveau du flanc droit afin de créer une nervure convexe en direction de la surface de débitage. Aucune préparation supplémentaire ne sera ajoutée si la nervure est suffisamment convexe et vient déborder sur la surface de débitage. D’autre part, si la nervure guide est trop rectiligne, alors celle-ci va être décalée par de petits enlèvements vers la droite, afin de créer cette convexité. 4.5.2.5. Intentions du débitage Les nucléus présents sont souvent à exhaustion, parfois défigurés par de nombreux accidents, et particulièrement une accumulation de rebroussés en partie proximale de la surface de débitage, à proximité de la corniche. Cependant, ceux pour lesquels une lecture technologique est possible indiquent une volonté de production de lamelles torses dans le sens anti-horaire (Tableau 134). Certains montrent toutefois une production de lamelles de faible courbure, rectiligne ou sub-rectiligne, mais non torse. Cependant, une part de ces enlèvements pourrait être des produits d’entretien et non d’intention première. Intentions Nombre Fréquence (%) Rectiligne 9 10,2 Rectiligne ? 6 6,8 Grande rectiligne 6 6,8 Torse anti-horaire 27 30,7 Torse anti-horaire ? 30 34,1 Indéterminé 10 11,4 Total 88 100 Tableau 134 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte fréquence (%) des intentions de débitages d’après l’étude des surfaces de débitage des burins nucléiformes. Pour les cas les plus délicats les intentions de débitage peuvent être mises en évidence par la reconnaissance et la situation du dernier enlèvement lamellaire tenté, qu’il soit ou non réussi. De manière presque exclusive, le dernier coup est porté à droite de la surface de débitage (plan de frappe vu de dessus), de manière légèrement désaxée (Tableau 135 et Figure 144). Ce critère nous semble assez symptomatique d’une recherche de produits torses, où les artisans cherchent à rattraper une nervure centrale tout en décalant le point d’impact vers la droite. La taille des produits recherchés semble variable suivant le type de support (Tableau 136). La longueur et la largeur des négatifs d’enlèvement lamellaire de profil rectiligne présentent des 334 dimensions plus grandes que les produits torses dans le sens anti-horaire. Ces derniers présentent toutefois des dimensions similaires aux mesures prises sur les lamelles retouchées entières (Tableau 136). Dernier enlèvement Nombre Fréquence (%) A gauche 10 11,4 Centré 5 5,7 A droite 45 51,1 Indéterminé 28 31,8 Total 88 100 Tableau 135 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) de la position du dernier enlèvement lamellaire visible. Moyenne Médiane Objectifs Longueur Largeur Longueur Largeur Grande rectiligne 22,2 8,3 21,5 7,0 Rectiligne 19,5 5,7 19,0 6,0 Rectiligne ? 22,0 6,0 15,0 6,0 Torse anti-horaire 15,9 4,4 15,0 4,0 Torse anti-horaire ? 19,2 5,0 18,0 4,5 Lamelles retouchées entières 16,8 3,9 17,4 3,8 Tableau 136 : Roc-de-Combe couche 5 - Moyenne et médiane des dimensions (longueur et largeur en mm) des négatifs d’enlèvements lamellaires, en fonction des intentions de débitage observables sur les surfaces de débitage des burins nucléiformes, et des lamelles retouchées entières. 4.5.2.6. Entretien des nucléus Au cours du débitage, certains accidents ou problèmes peuvent survenir. S’ils ne sont pas rédhibitoires, des corrections sont apportées. Lorsque le cintre devient trop faible, des enlèvements de recintrage, pouvant être lamellaires ou plus proches de l’éclat, sont détachés, soit à la jonction surface de débitage - flanc (recadrage fronto-latéral), ou directement sur un des flancs (recadrage latéral). Dans le cas des enlèvements fronto-latéraux, il s’agit plus volontiers de lamelles ou d’éclats lamellaires, qui proviennent indifféremment des deux flancs. L’analyse des surfaces de débitage des burins nucléiformes indique une préparation soignée et un détachement par percussion directe au percuteur tendre. Deux critères de reconnaissance peuvent être mis en avant. D’une part sur un des bords sont visibles les négatifs des enlèvements lamellaires antérieurs. L’autre bord peut présenter différents aspects : un pan cortical, face inférieure ou supérieure du support débité, négatifs de mise en forme ou de préparation d’un des flancs, sous-crête, néocrête ... Enfin, la deuxième caractéristique de ces pièces est une section 335 marquée, généralement en triangle isocèle ou équilatéral, signant un détachement à l’intersection flanc - surface de débitage. Figure 144 : Roc-de-Combe couche 5 - Contours des fronts des burins nucléiformes en vue zénithale. 336 Les enlèvements latéraux sont très fortement latéralisés et proviennent quasiment tous du flanc droit. Il s’agit généralement d’éclats présentant en face supérieur les négatifs des éclats de mise en forme des nervures torses, et sur son bord gauche les négatifs des enlèvements lamellaires précédents. Ils sont volontiers obtenus par percussion directe au percuteur dur, créant de fait une coche sur le nucléus. Comme nous en faisions mention plus haut, ces enlèvements ont un double objectif, qu’il est parfois difficile, voir impossible de dissocier : maintient du cintre et mise en place / entretien des nervures guides de profil torse. Enfin, dans un cas comme dans l’autre, certains enlèvements plus ou moins épais peuvent aussi permettre la suppression de rebroussés, qui s’accumulent préférentiellement en partie proximale de la surface de débitage, à proximité de la corniche. Les problèmes de carène sont quant à eux gérés par la mise en place d’une néocrête, presque toujours à un versant préparé, dont les éclats transversaux sont détachés en direction du flanc gauche. Rares sont ceux qui investissent le flanc droit. Pour finir, l’entretien du plan de frappe se fait par détachement de tablettes Thèmes (Le BrunRicalens et Brou 2003) dont l’objectif premier est d’obtenir une surface plane pouvant permettre le déroulement du débitage. Leur rôle peut aussi être de corriger certains défauts. Nous citerons notamment la suppression des micros rebroussés qui sont, soit liés à la mise en place d’une troncature; ou soit accumulés à la proximité de la corniche – dans ce cas, il s’agit d’une tablette épaisse dont le point d’impact est fortement en retrait par rapport à celle-ci afin de supprimer le plus de rebroussés possible ; enfin elles peuvent permettre de corriger l’angulation plan de frappe – surface de débitage. 4.5.2.6. Synthèse et proposition terminologique Comme nous venons de le voir, l’aspect final de ces nucléus est hautement polymorphes, et lié aussi bien à la nature des supports débités, qu’à la succession des gestes techniques intervenant dans leur mise en forme et leur entretien. Malgré tout, l’objectif principal est immuable : obtenir des lamelles torses dans le sens anti-horaire, supports privilégiés des lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe (Demars et Laurent 1989 et cf. infra). Si par cette souplesse adaptative ils diffèrent sensiblement de la modalité type burin busqué, l’héritage des intentions de débitage ne fait aucun doute. Pour cette raison, nous proposons de les dénommer : burins busqués déstructurés. 337 4.5.3. Les nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles Les nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles sont au nombre de treize dont trois sont douteux (Tableau 128). Ils sont préférentiellement réalisés sur bloc ou plaquette. Un exemplaire pourrait être sur éclat, et pour quatre d’entre eux le support d’origine n’a pu être déterminé. Comme pour le reste des nucléus, qu’ils soient à lames ou à lamelles, l’emploi du silex tertiaire est majoritaire (N = 10), suivi par le Sénonien (N = 3). Aucun autre matériau n’a été employé pour ce type de pièce. Les dimensions des supports présentent des largeurs et des longueurs équivalentes à celles des burins nucléiformes (Figure 145a). Toutefois, de par la nature des supports employé (blocs, plaquettes), ils sont plus épais que ces derniers (Figure 145b). La surface de débitage est préférentiellement implantée sur une face étroite. Elle se trouve soit en positon frontale (N = 3), soit décalée vers le flanc droit (N = 4), et dans deux cas vers le flanc gauche. Pour les autres, l’état d’exhaustion est tel qu’une détermination de la latéralisation de la surface de débitage n’a pu être possible (N = 4). Ces nucléus présentent une mise en forme généralement poussée du flanc droit (N = 6 / 46 % - Tableau 137), alors que le gauche n’est pas investi (N = 3 / 23 %), ou totalement investi (N = 2 / 15 %). Le faible effectif ne permet pas d’en tirer de conclusion autre que celle d’un investissement plus important du flanc droit, que du gauche. Enfin, l’analyse des supports recherchés indique une volonté de produire des lamelles torses dans le sens anti-horaire dans plus de 50 % des cas (60 % en incluant les pièces plus problématiques - Tableau 138). Seuls deux nucléus, dont un douteux semble avoir produit des lamelles rectilignes ou sub-rectilignes. Les dimensions mesurables des derniers enlèvements lamellaires réussis sur ces pièces, et celles prises sur les burins nucléiformes ainsi que celles des lamelles retouchées entières ne montrent pas de différences significative, à l’exception de quatre négatifs de dimensions plus importantes (Figure 146). 338 Flanc gauche   Nombre Non Peu Poussée Indéterminé Total Non - - 1 - 1 Peu 1 1 - - 2 Poussée 3 1 2 - 6 Flanc droit Indéterminé - - - 4 1 Total 4 2 3 4 13 Fréquence (%) Non Peu Poussée Indéterminé Total Non - - 7,7 - 7,7 Peu 7,7 7,7 - - 15,4 Poussée 23,1 7,7 15,4 - 46,2 Flanc droit Indéterminé - - - 30,8 7,7 Total 30,8 15,4 23,1 30,8 100 Tableau 137 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) de l’intensité de la mise en forme des flancs (En gris foncé : association majoritaire ; en gris clair : association secondaire). Nombre Rectiligne Rectiligne? Torseanti- horaire Torseanti- horaire? Indéterminé Total Primsatiques - Pyramidaux à lamelles - 1 7 1 1 10 Primsatiques - Pyramidaux à lamelles ? 1 - - - 2 3 Total 1 1 7 1 3 13 Fréquence Primsatiques - Pyramidaux à lamelles - 7,7 53,8 7,7 7,7 76,9 Primsatiques - Pyramidaux à lamelles ? 7,7 - - - 15,4 23,1 Total 7,7 7,7 53,8 7,7 23,1 100 Tableau 138 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des objectifs recherchés pour les nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles. 339 Dimension des nucléus PP et BN entiers à lamelles 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 Largeur (mm) Longueur(mm) BN ent PP a Dimensions des nucléus PP et des BN à lamelles entiers 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 Largeur (mm) Epaisseur(mm) BN ent PP b Figure 145 : Roc-de-Combe couche 5 - Dimensions (a : longueur x largeur en mm – b : épaisseur x largeur en mm) des nucléus prismatiques et pyramidaux à lamelles et des burins nucléiformes entiers. 340 Dimension des négatifs lamellaire et des lamelles retouchées entières 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 0 2 4 6 8 10 Largeur (mm) Longueur(mm) BN rdc ent PP Figure 146 : Roc-de-Combe couche 5 - Dimensions des négatifs lamellaires mesurées sur les burins nucléiformes (BN) les nucléus prismatiques – pyramidaux à lamelles (PP), et les mesures des lamelles retouchées entières (rdc ent). 4.5.4. Les lamelles retouchées Afin de mieux cerner la variabilité de ces pièces nous présentons une étude comparée avec celles du niveau 6 sous-jacent, afin d’en souligner tant les différences que les points communs. Le nombre de lamelles retouchées est ici légèrement inférieur à celui du niveau 6, avec 45 lamelles retouchées, contre 70 pour le niveau sous-jacent. Seulement onze pièces sont entières, comme pour le niveau 6. Les lamelles retouchées sont ici principalement en silex tertiaire (50 %) et sénonien (30 %). Pour certaines pièces, la matière n’a pas pu être déterminée (N = 6), cependant deux d’entre elles pourraient être en Sénonien. Les matériaux allochtones sont peu représentés, seul une lamelle pourrait être en Grain de mil, mais ce diagnostic reste incertain. 341 Ces résultats trouvent un écho dans les nucléus précédemment étudiés, où le Tertiaire suivi du Sénonien est majoritaire. Aucune lamelle en silex du Bergeracois n’est présente. Ceci pourrait confirmer nos doutes concernant le statut douteux de nucléus à lamelles des quelques pièces réalisées dans cette matière. Le contraste est assez fort avec la couche sous-jacente où le Sénonien est la matière de prédilection (Tableau 139). De même, les matériaux allochtones y sont plus fortement représentés. C6 C5 C6 C5 Matières premières Nombre Fréquence (%) Tertiaire 4 23 5,7 51,1 Sénonien 52 14 74,3 31,1 Bergeracois 2 - 2,9 Grain de mil 4 - 5,7 Grain de mil ? - 1 - 2,2 Argilite ? - 1 - 2,2 Indéterminé 8 6 11,4 13,3 Total 70 45 100 100 Tableau 139 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des lamelles retouchées par matières premières pour les niveaux 6 et 5 (en grisé la matière première majoritaire par niveau). C6 C5 C6 C5 Type et localisation de la retouche Nombre Fréquence (%) Directe distale 1 - 1,4 Directe gauche 1 4 1,4 8,9 Directe droite 2 3 2,9 6,7 Directe droite et gauche - 2 - 4,4 Inverse gauche 2 - 2,9 Inverse droite 58 13 82,9 28,9 Inverse droite et directe gauche 2 22 2,9 48,9 Inverse droite et gauche 4 1 5,7 2,2 Total 70 45 100 100 Tableau 140 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) de la localisation et du type de retouche des lamelles retouchées des niveau 6 et 5 (en grisé le type de lamelle retouchée majoritaire par niveau). Les lamelles du niveau 5 présentent majoritairement en association une retouche inverse sur le bord droit et directe sur le bord gauche (50 % environ – Tableau 140), ou simplement une retouche inverse sur le bord droit (30 % environ – Tableau 140). C’est cette première 342 association type / localisation de la retouche (inverse droit et directe gauche) qui a été retenue pour la définition des lamelles Roc-de-Combe (Demars et Laurent 1989). Pour mémoire plus de 80 % des lamelles retouchées du niveau 6 ne présentent qu’une retouche inverse sur le bord droit (Tableau 140). Figure 147 : Roc-de-Combe couche 5 - Lamelles retouchées. Concernant tout d’abord le profil de ces pièces (Tableau 141), si quelques lamelles sont courbes (N = 10), et une seule rectiligne, le reste des pièces est bien torse anti-horaire, ce qui confirme la lecture technologique que nous avions faite des surfaces de débitage des burins nucléiformes. Ce critère est en tous points comparables avec ce qui a été noté pour les lamelles de la couche 6. 343 Profil Rectiligne Courbe Torse anti- horaire Nombre 1 10 34 Fréquence (%) 2,2 22,2 75,6 Tableau 141 : Roc-de-Combe couche 5 - Décompte et fréquence (%) des profils des lamelles retouchées (niveau 5). La comparaison des dimensions des lamelles retouchées des deux niveaux montre une normalisation des produits assez importante d’un niveau à l’autre (Tableau 142, Figure 148 et Figure 149). Si en apparence les lamelles du niveau 5 semblent légèrement plus grandes, la comparaison statistique ne permet pas de l’étayer, aucune différence significative n’étant observée entre les deux populations pour chacune des trois mesures (longueur, largeur et épaisseur – Tableau 142). Comparaison lamelles retouchées entières C6/C5 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 0 2 4 6 8 10 Largeur (mm) Longueur(mm) rdc C6 ent rdc C5 ent Comparaison des dimensions des lamelles retouchées C6/C5 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 0 2 4 6 8 10 12 Largeur (mm) Longueur(mm) rdc C6 rdc C5 Figure 148 : Roc-de-Combe couche 5 - Comparaison des dimensions (longueur x largeur en mm) des lamelles retouchées (entière à gauche – totalité à droite) des niveaux 6 et 5. 344 Comparaison des dimensions des lamelles retouchées C6/C5 0 1 2 3 4 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Largeur (mm) Epaisseur(mm) rdc C6 rdc C5 Figure 149 : Roc-de-Combe couche 5 - Comparaison des dimensions (épaisseur x largeur en mm) des lamelles retouchées des niveaux 6 et 5. Longueur (entière) Largeur Epaisseur   RDC C6 RDC C5 RDC C6 RDC C5 RDC C6 RDC C5 Moyenne 15,29 16,78 4,41 4,49 1,41 1,49 Variance 7,39 9,91 1,25 1,50 0,16 0,24 Observations 11 11 70 45 70 45 Variance pondérée 8,65 1,35 0,19 Degré de liberté 20 113 113 Statistique t -1,19 -0,38 -1,02 P(T<=t) unilatéral 0,12 0,35 0,15 Valeur critique de t (unilatéral) 1,72 1,66 1,66 P(T<=t) bilatéral 0,25 0,70 0,31 Valeur critique de t (bilatéral) 2,09   1,98   1,98   Tableau 142 : Roc-de-Combe couche 5 - Comparaison des moyennes (test de Student) des dimensions (en mm) des lamelles retouchées des niveaux 6 et 5 (Pour les longueurs seules les pièces entières ont été prises en considération). Ces deux types de produit présentent donc un seul critère de différenciation. Il s’agit de la localisation de la retouche. Pour le niveau 5, la majorité des pièces présentent une association retouche directe sur le bord droit et inverse sur le gauche. Pour la couche 6, c’est une retouche inverse sur le bord droit qui domine. Le facteur matière première, même s’il montre une différence nette entre les deux niveaux, ne semble pas devoir être retenu. Tout au plus nous pouvons formuler les hypothèses suivantes concernant le niveau 5. Soit il existe un réel choix préférentiel des matières locales, proches, aux dépens de matériaux allochtones, soit les Aurignaciens s’accommodent des matériaux locaux, ce qui pourrait être le signe de mouvements de population réduits. Hypothèses qu’il conviendra de vérifier ultérieurement. 345 Afin de différencier ces lamelles retouchées de celles du niveau 6, et comme énoncé précédemment, nous proposons de les dénommer lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe couche 5, ou plus simplement « lamelles Roc-de-Combe C5 ». Nous en donnerons la définition suivante : Lamelles torses dans le sens anti-horaire, présentant majoritairement une retouche directe sur le bord gauche et inverse sur le bord droit, dont les dimensions se situent aux alentours de 17 mm de long, 4,5 mm de large et 1,5 mm d’épais. Nous insisterons sur le fait que cette définition ne peut s’appliquer et prendre tout son sens que dans le cas d’une quantité raisonnable de vestiges. Comme nous l’avons vu plus haut une variabilité existe au sein de cette population des lamelles retouchées, que ce soit en termes de retouche, de profil ou de taille. Ainsi, il va de soit qu’un diagnostic ne peut être énoncé sur une pièce isolée, mais seulement sur un ensemble conséquent de pièces, pour lequel nous mettons en évidence des tendances, bien qu’il y règne une certaine polymorphie. Cette remarque s’applique non seulement à ce niveau, mais aussi aux autres définitions proposées jusqu’alors pour les lamelles retouchées (lamelles Pataud et Roc-de-Combe de type C6). 4.6. Économie des matières premières Seuls les silex tertiaires et sénoniens ont été débités sur place. Si l’abondance des différentes pièces techniques en silex tertiaire, ainsi que les nombreuses pièces corticales laisse à penser qu’il n’y a probablement pas ou peu eu de fragmentation de la chaîne opératoire laminaire, et que par conséquent l’ensemble des étapes a été conduit in situ, le cas du silex Sénonien semble légèrement différent. Rappelons en premier lieu que seuls deux nucléus et 76 supports laminaires sont dans cette matière, contre vingt-trois nucléus et 171 supports laminaires en silex tertiaire. Le ratio lames / nucléus est de 38 lames par nucléus pour le silex sénonien et tombe à sept pour le silex tertiaire. Enfin, près de 70 % des lames en Tertiaire sont bruts, contre 45 % pour le silex sénonien, soit 35 lames. Ainsi, si une partie du silex sénonien a bien été débité sur place, une part difficilement quantifiable de supports laminaires brutes et probablement retouchés ont été introduit sur le site déjà débités. La production lamellaire a cependant eu lieu sur place, qu’il s’agisse du silex tertiaire comme du silex sénonien. 346 Les silex allochtones ont été introduits sous la forme de lames et d’éclats, probablement déjà retouchés et peu retouchés sur place (quasiment pas d'éclat de retouche ou de chute de burin dans ces types de matériaux). 4.7. Discussion – conclusion L’étude de ce niveau est riche d’enseignement concernant l’évolution des modalités de débitage, qu’elles soient laminaire ou lamellaire, et la gestion du matériel siliceux. Nous traiterons plus avant ce dernier point avant de faire une revue rapide de l’évolution des productions lithiques. 4.7.1. Gestion des ressources siliceuses et approche du territoire Durant cette occupation, les hommes ont privilégié les ressources locales, constituées pour une large part de silex tertiaire, suivi des silex sénoniens. Les matières siliceuses d’origines lointaines sont en diminution drastique en comparaison avec les deux niveaux aurignaciens précédents (niveau 6 cf. supra et niveau 7 cf. Bordes 2002). Trois sources lointaines33 d’approvisionnement ont tout de même été recensées, il s’agit de silex maestrichitien du Bergeracois, du Santonien type Grain de mil et du Turonien inférieur type Fumélois. Ces trois matériaux sont présents à l’état de traces, puisque l’ensemble comprend moins de quinze pièces. Le territoire de ces hommes semble donc se réduire (Figure 129). S’il existe encore des contacts avec des zones comprises plus à l’ouest, ceux-ci se tendent à se raréfier. De même, les contacts avec les Causses quercinois (avéré pour le niveau 6) ne sont plus qu’hypothétiques puisque aucune matière de cette région n’a été importée. Ainsi, le statut de zone « résidentielle -transitionnelle », où les hommes prendraient leur quartier tout en allant par phases plus ou moins courtes chasser sur le Causse n’est plus aussi clairement démontré. Cependant, le choix d’une utilisation de matières locales (Sénonien et Tertiaire) peut aussi être mis en relation avec une stratégie du « moindre coût ». La volonté de produire des lamelles est prédominante dans les activités de taille, et la variabilité des supports utilisés est forte. 33 Le statut de l’Infralias est délicat puisqu’une récolte en position secondaire, alluviale, ne peut être totalement exclue. Dans ce cas, il devrait être considéré comme une ressource locale. 347 4.7.2. Évolution du concept laminaire Les objectifs du débitage laminaire ont changé depuis la phase précédente. Les artisans sont à présent à la recherche de supports laminaires plus élancés, c’est-à-dire essentiellement moins larges et plus rectilignes. Dans ce dessein, les volumes à débiter sont davantage cintrés, la surface de débitage s’inscrivant à la fois dans la plus grande et la plus petite dimension des blocs (surface longue et étroite). L’utilisation d’une percussion directe à la pierre tendre se généralise, et est probablement à l’origine de la rectitude des produits (Pelegrin 2000). Il est cependant difficile de se prononcer sur un ordre d’apparition. Est-ce l’usage de pierre tendre pour une raison donnée (manque de bois animaux ou végétaux par exemple, usage de ces derniers réservés dès lors à des activités / produits plus spécifiques…) qui s’est développé en premier, le caractère rectiligne des supports laminaires étant donc fortuit, ou non spécifiquement recherché, ou est-ce la volonté d’obtenir des profils rectilignes qui a induit une utilisation plus massive de l’usage de la pierre tendre au dépend de la percussion au percuteur tendre organique ? L’analyse des classes de dimension des lames de ce niveau comparée à celles des burins busqués du niveau 6 sous-jacent, a permis de mettre en évidence des profondes différences entre les différentes gammes de supports produits. Il en résulte notamment qu’aucun ou très peu d’enlèvements laminaires supports de burins busqués (déficit en support de grandes dimensions) n’ont été produits par les occupants du niveau 5. Par conséquent, on peut supposer soit que la modalité de type burin busqué ait pu disparaître faute de supports « débitables », soit que le changement de méthode de production des lamelles ait eu des répercution sur celle des lames. Ainsi, contrairement à ce qui a pu ce passer jusqu’alors, les premiers indices de mutation ne semblent pas intéresser uniquement les productions lamellaires, mais aussi laminaires, qui par effet de « causes / conséquence », n’auraient pas permis aux hommes de l’occupation du niveau 5 de mettre en oeuvre cette modalité si particulière de la phase récente, le burin busqué. Toutefois, les contraintes culturelles sont encore suffisamment fortes pour ne pas changer les intentions de débitage lamellaire, puisque la recherche de supports torses est encore de rigueur. Les tailleurs se sont donc adaptés au mieux aux supports présents, pour pallier cette insuffisance en lames larges et épaisses. Leur dévolu s’est alors tourné vers tous les supports épais disponibles. De manière générale il semble que ce sont les éclats qui répondaient le mieux à ces exigences. Une des hypothèses concernant le nombre élevé de nucléus retrouvés pourrait être la difficulté de produire des lamelles torses sur des supports variés, qui de plus nécessitent un 348 investissement et une mise en forme pouvant être important et consommant de fait davantage de matière première que dans le cas des burins busqués, et même des grattoirs à museau. Nous sommes, dans le cas de cette occupation, face à une baisse drastique des différentes variétés et des sources d’approvisionnement en silex. Pour mémoire, une quinzaine de types de silex différents avaient pu être mise en évidence pour la couche 6 (sans compter les nombreux indéterminés), contre moins d’une dizaine pour la couche 5. Presque tous les silex d’origine lointaine, et généralement d’excellente qualité, comme le Bergeracois, le Grain de mil ou le Fumélois, disparaissent, ou subsistent à l’état de traces. Ainsi, seuls les matériaux locaux, de qualité variable, parfois médiocre, et de petites dimensions, sont récoltés pour être débités. 4.7.3. Évolution du concept lamellaire Le changement ayant à notre sens le plus de signification est le changement des modalités de production lamellaire. Si l’objectif à atteindre reste identique, c’est-à-dire produire des lamelles torses dans le sens anti-horaire, le chemin pour y accéder change de manière importante. Tous les codes et contraintes contenus dans la modalité de type burin busqué (latéralisation des surfaces de débitage, présence de l’encoche, morphotype des supports à débiter, standardisation – dimension et torsion - des produits), et à notre avis fortement culturelle, disparaissent peu ou prou. Les supports utilisés sont variés, les surfaces de débitages ne sont plus latéralisées, la mise en forme est variable, les produits semblent dimensionnellement moins standardisés. Ce burin busqué déstructuré, peut être vu comme une forme de passage entre le burin busqué et le burin Vachons. Du busqué, ce type de burin garde l'intention, c'est-à-dire produire des lamelles torses. La dernière tentative d'enlèvement (généralement ratée d'ailleurs), est systématiquement décalée vers la droite et tente donc de rattraper une nervure se situant sur la gauche. Du Vachons, il annonce la souplesse adaptative, que ce soit dans le choix des supports à débiter que dans la latéralisation et le positionnement de la surface de débitage, ainsi que l’apparition d’une mise en forme, plus systématique, d’un des flancs (généralement le droit – face inférieure). Ce dernier caractère n’est toutefois que la résultante d’une sélection de supports variés nécessitant une régularisation – transformation avant débitage. Nous insisterons sur trois autres points. Le premier concerne l'absence d'encoche (procédé typique du busqué) induisant des longueurs plus importantes, et des produits par conséquent 349 moins normés (ce qui se rapproche plus de la production de type burin des Vachons). Une latéralisation moins marquée que pour les burins busqués (toujours ou presque en distal gauche ou proximal droit). Et enfin des productions de lamelles rectilignes, dont les produits ne semblent pas recherchés (ce qui sera l'inverse pour les burins des Vachons – sensu Pesesse et Michel 2006), mais servent davantage à mettre en place des futures nervures guides. Enfin, cette modalité présente de fortes convergences avec les « burins carénés plans transverses » (Soriano 1998) décrits pour les productions lamellaires du Levant (e. g. Lucas 2000 ; Ploux et Soriano 2003 ; Tixier 1974). Doit-on y voir une simple convergence technique, diachronique ? Ou comme semble l’indiquer les datations relatives et absolues, serait-ce un épisode d’une part synchronique, et d’autre part avec une emprise géographique allant du Sud-Ouest de l’Europe au Proche-Orient ? Nous y reviendrons plus en détail dans les prochains paragraphes. Quelques lamelles retouchées de grands gabarits se situent dans des carrés voisins de J9 et K9, et n’ont donc pas été prises en considération. Faire une exception pour ces pièces nous semble mal approprié sachant que, d'une part, peu de pièces sont cotées, et d'autre part les petits objets sont plus sensibles aux mouvements synsédimentaires. 4.7.4. Quid de l’outillage ? Les outils semblent plus frustes, même si cette notion reste difficile à mettre en évidence ou à chiffrer. Les grattoirs et lames retouchées sont en forte baisse. Seule la fréquence de burins semble se maintenir. Cet aspect fruste ou atypique peut aussi être la résultante de l'aspect général des lames qui, elles non plus, ne sont pas toujours très régulières. 4.7.5. Discussion préliminaire Les changements annoncés, ou amorcés, en couche 6 semblent ici se confirmer. Ces changements prennent une dimension supplémentaire puisqu'ils touchent ce qui semble être un des fondamentaux de la culture aurignacienne, le débitage lamellaire. Cette mutation des systèmes de production lamellaire peut être perçue de deux manières différentes, soit en termes de gain, soit en termes de perte. Nous entendons par « gain » l’appropriation de nouvelles méthodes, et par « perte » l’oubli des méthodes utilisées par le passé et/ou tentative de reproduction de celles-ci, mais de manière imparfaite. Ces phénomènes d'évolution (gain - perte) peuvent être le reflet de constitution d'isolats humains 350 plus ou moins dispersés et ayant peut-être moins de contacts. L'absence de matières premières lointaine irait dans le sens d'un territoire en réduction par rapport à ce qui précède. On peut noter de fortes ressemblances techno-économique entre cette occupation et celle du niveau 8 de Pataud. L’accent est dans les deux cas porté sur le débitage lamellaire, au centre des activités de taille. Le débitage laminaire réalisé sur place est généralement peu soigné et donne l’impression d’être expéditif : les lames du niveau 5 de Roc-de-Combe sont plutôt irrégulières, tandis que pour le niveau 8 de Pataud, les supports sont obtenus pas percussion directe au percuteur dur. Dans le cas présent, la percussion directe au percuteur tendre ne semble plus être la seule technique de détachement employée, mais se voit complétée par l’usage du percuteur de pierre tendre. La sélection en amont des blocs est motivée par des choix de mise en forme minimaliste, où peu de mise en forme est nécessaire. Ceci se marque pour la couche 5 notamment dans la sélection préférentielle de plaquettes ou de supports nécessitant peu de préparation. Cependant, une différence fondamentale existe entre les deux niveaux. Les supports de grattoir à museau de la couche 8 de Pataud sont des produits d’intention première, ce qui n’est pas le cas du niveau 5 de Roc-de-Combe. Nous sommes ici face à un recyclage quasi systématique de tous les supports épais, sans considération de leur provenance au sein de la chaîne opératoire laminaire et qu’ils soient ou non produits sur place ni même par les artisans de ce niveau, comme l’attestent les nombreuses pièces présentant une double patine. D’autre part, il n’y a pas de production spécifique de supports de nucléus burin. Par deux fois, ces occupations prennent place dans des environnements visiblement froids, rigoureux (cf. supra présentation des sites et infra discussion). De plus, on note une quasiabsence d’industrie osseuse. Y a-t-il eu compensation avec des armatures en silex, engendrant ainsi un besoin et donc une production lamellaire plus importante ? Enfin, cela est-il le reflet de méthode(s) de chasse identique(nt) entre ces deux phases, mais différentes de la phase à burins busqués et grattoirs à museau (bien que l’animal majoritairement chassé reste encore le Renne), chronologiquement intercalé entre les deux ? 351 CHAPITRE VI – Combemenue, Brignac-la-Plaine, Corrèze 1. Présentation du gisement 1.1. Localisation du site Le gisement est situé sur la commune de Brignac-la-Plaine, au niveau du lieu-dit Combemenue, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Brive, en Corrèze (Figure 150). Il s’agit d’un gisement de plein-air, situé à 302 m d'altitude, se localisant sur une ligne de crête dominant au nord la vallée de la Vézère, et à l'ouest la vallée de la Logne. Figure 150 : Localisation du site de Combemenue (source Géoatlas®, modifiée). 1.2. Historique des fouilles Il fut découvert suite aux sondages réalisés par l'INRAP dans le cadre du tracé autoroutier de l'A89 (section 4.3 Cublac / Cussac). Les tranchées positives révélèrent une succession de deux niveaux archéologiques superposés, l’un Paléolithique moyen, l’autre Paléolithique supérieur (Milor et al. 2002). Seuls les vestiges lithiques sont conservés, aucun reste faunique, industrie osseuse, parure ou art ne sont présents. Suite à ce sondage, une opération de fouille préventive eu lieu entre le 24 septembre et le 31 octobre 2002, sous la direction de M. Brenet (Brenet et al. 2004). Dans un premier temps, la terre végétale fut décapée à l’aide d’une pelle mécanique de 25 tonnes. Puis, à partir des tranchées débutées lors du diagnostic, différents décapages furent réalisés à l’aide d’une mini-pelle de 5 tonnes. Une fouille manuelle fut réalisée dans la partie la plus haute et la plus horizontale du site, là où le niveau supérieur était le plus dense. La superficie totale décapée est de 1150 m2 (tranchées de diagnostic inclues) dont 100 m2 manuellement (Figure 151). 352 Figure 151 : Combemenue – Plan de la fouille et nature des opérations de terrain (D’après Brenet 2004). 353 Concernant le tamisage, seuls 2 m2 ont été tamisés à l’eau. Cependant et malgré « le manque de temps et l’absence de point d’eau [qui n’ont] pas permis d’installer une station de tamisage permanente sur la fouille, les petits éléments et esquilles de moins de 2 cm ont été prélevés par m2 ou par sous-carré de 0,50 m2 suivant leur densité » (Brenet et al. 2004). 1.3. Stratigraphie et archéoséquence 1.3.1. Unités stratigraphiques Six unités stratigraphiques ont été reconnues (Milor in Brenet 2004), mais ne s’observent pas sur l’ensemble de la zone fouillée (Figure 152). De haut en bas : Couche 6 : Terre végétale sablo-argileuse noire. Couche 5 : Sable limoneux brun clair. Un léger granoclassement indique la mise en place par colluvionnement. Il s’agit d’un paléosol. Suivant les zones du site, on note la présence de fentes de gel formant un sol polygonal dû à un environnement périglaciaire. Couche 4 : Sable brun à très petits galets de quartzite et concrétions noires type manganèse. Il est probable que cette unité soit un niveau colluvié constituant un paléosol tronqué au niveau du contact avec la couche 5 sus-jacente. Couche 3 : Lit discontinu de galets de quartzite plus ou moins gros. Il forme des lentilles et marque la base des niveaux colluviaux. Couche 2 : Sable brun-ocre à nombreux petits galets de quartzite, et gros galets de la même matière à la base de cette unité. Elle est présente en partie basse du site et dans les déclivités du substrat (couche 1) et peut atteindre jusqu’à 70 cm. Il s’agit probablement du niveau de Trias encore en place, mais la présence d’un premier niveau colluvié reste envisageable. Couche 1 : Grès permiens du Bassin de Brive, dont la profondeur varie de 40 à 140 cm suivant les sondages. 1.3.2. Présentation des niveaux archéologiques Deux nappes de vestiges ont pu être isolées. Le niveau supérieur attribué à un Aurignacien récent se rencontre au sommet de la couche 5 jusqu’au contact avec la couche 6. Il apparaît entre 25 et 30 cm de profondeur, juste sous l’horizon superficiel labouré. De nombreuses pièces ont cependant été retrouvées au sein de ce dernier indiquant un effleurement voire une destruction partielle du niveau archéologique par les travaux de labours (Bertran et al. 2005). Par ailleurs, la projection des pièces cotées semble indiquer un impact plus important de ces 354 travaux agricoles sur l’intégrité de la nappe de vestiges dans le secteur sud, situé en amont. En effet, les travaux de labours y rejoignent le niveau archéologique (Bertran et al. 2005). Cependant, dans la zone fouillée manuellement, les indices de perturbations se limitent à la présence de « raies équidistantes d’une cinquantaine de centimètres qui égratignent la partie supérieure du niveau archéologique, ainsi que des traces d’outils agricoles en fer sur les plus gros galets qui pointent au-dessus des autres vestiges » (Bertran et al. 2005). Ce niveau comporte 1333 pièces sur une surface légèrement supérieure à 200 m2 . Figure 152 : Combemenue – Coupes stratigraphiques de la tranchée 1 (d’après Milor in Brenet 2004). 355 Le niveau inférieur, Moustérien est dispersé au sein de la couche 5. Quelques pièces se trouvent également dans la couche 4, mais associées à des fentes de gel (migration verticale). Ce niveau est plus diffus que le précédent et totalise 502 pièces réparties sur environ 500 m2 . Concernant l’individualisation des différents niveaux, M. Brenet remarque que « dans la partie sud du site les deux niveaux étaient sub-horizontaux et ont été très bien individualisés. Dans la partie nord-est du gisement, là ou la stratigraphie est la moins dilatée et le pendage vers le nord plus accentué, les deux ensembles ont parfois été au contact et plus difficiles à distinguer. […] un total de 117 pièces n’a pu être attribué de manière certaine à l’un des deux niveaux. Ces pièces ont été écartées des analyses technologiques et spatiales respectives de chacun des deux ensembles concernés » (Brenet et al. 2004). Précisons qu’aucune date radionumérique n’est actuellement disponible pour ce gisement. 1.4. Etude géoarchéologique et processus taphonomiques du niveau supérieur Les observations de terrain, couplées à l’analyse dimensionnelle de la variance, la mesure de fabriques, la distribution granulométrique du matériel archéologique ont permis de mettre en évidence les points suivants (Bertan et al. 2005) : - L’action du ruissellement a induit une perte en fraction fine (éléments < 0,5 cm). Dans la zone de replat située en amont, les vestiges ont subi des déplacements aléatoires provoqués par un ruissellement diffus et du splash (mouvement provoqué par l’impact des gouttes de pluie). Cependant, dans la zone périphérique et en particulier dans la partie nord du gisement, la pente peut dépasser 4°. Les mouvements de pièces sont alors nettement plus importants, impliquant un étirement dans le sens de la pente de la nappe de vestiges. Dès lors, la baisse de densité passée la rupture de pente peut être expliqués par ces processus. Ainsi, « les contours de la zone la plus riche en vestiges ne correspondent pas nécessairement à ceux que le site avait initialement au moment de son abandon, mais ils délimitent la zone la moins perturbée par les processus naturels » (Bertran et al. 2005). - L’analyse des fabriques suggère des transformations secondaires liées au ruissellement et à la bioturbation. - L’analyse dimensionnelle de la variance d’une part et l’examen de la répartition spatiale des différentes catégories de vestiges (outils, nucléus à lamelles, lamelles et chutes de burin) d’autre part, ne font pas apparaître de zone de concentration claire. Ce 356 type de distribution peut correspondre à une homogénéisation des vestiges suite à des processus post-dépositionnels. La diffusion par reptation (action du ruissellement) peut en être une des causes. - Enfin, les déplacements occasionnés par les différents processus naturels susmentionnés ne semblent pas avoir entraîné d’altération physique des vestiges lithiques34 (environ 4% des pièces présentent une altération naturelle des tranchants). Concernant le faible taux de remontage, les avis divergent entre géoarchéologues et technologues. Pour les premiers, il peut s’expliquer par un appauvrissement en matériel à la fois fin et grossier, et notamment dans les zones de fortes pentes, lié à des processus naturels comme la reptation. Les vestiges récoltés ne correspondraient donc qu’à une partie seulement du matériel initialement présent sur le site avant son enfouissement. Pour les seconds, plusieurs raisons peuvent être invoquées : - le manque de temps n’aurait pas permis d’y consacrer l’investissement suffisant ; - la forte transformation des supports (8 % d’outils), et la fragmentation thermique (9 % des pièces sont brûlées) ; - une fragmentation de la chaîne opératoire, les nucléus arrivant déjà mis en forme ; - l’emport de certains produits ; - une partie du matériel a pu être soustraite, soit par des processus naturels, soit parce que la zone fouillée ne correspond qu’à une partie du site originel. Nous pensons que les deux argumentaires ne sont pas incompatibles et peuvent même se cumuler. 1.5. Synthèse de l’étude techno-économique (Cretin in Brenet 2004) Le corpus étudié est de 2244 vestiges, dont 1168 sont supérieurs à 1,5 cm. Parmi ces derniers, 242 présentent des modifications non volontaires (environ 21 %), principalement imputables à une action thermique (42 % des vestiges altérés). Les autres types d’altération (ébréchure des bords et pièces cassées) ne semblent pas être uniquement liés aux conditions de fouille puisque qu’aucune différence, en terme de répartition, n’a pu être constatée entre les zones fouillées manuellement et mécaniquement. 34 Une étude tracéologique est en cours par H. Plisson. 357 Les matières premières indéterminées mises à part, quatre type de silex ont été reconnus. Le corpus est dominé par le silex sénonien, réparti en quatre variétés : noir, gris, brun et blond, où les deux premières pourraient correspondre à des variations latérales de faciès. Les autres matériaux sont d’effectif réduit, avec 13 vestiges en Infralias, une pièce en Bergeracois et une en silex du Tertiaire. Les tentatives de remontages se sont avérées peu satisfaisantes, avec seulement 38 vestiges raccordés, formant un total de 17 lots. Concernant la production laminaire, l’auteur constate un déficit en lames brutes. Sur les 225 lames décomptées, seules 18 n’ont pas été transformées. D’autre part, peu d’éléments attribuables à la phase d’initialisation du débitage laminaire sont présents, qui par ailleurs, n’ont pas pu être remontés. L’auteur envisage alors deux hypothèses. Soit une partie du matériel ne nous est pas parvenu, soit il y a une fragmentation de la chaîne opératoire, et conclut que « la production des supports laminaires ne constituait probablement pas l’activité principale du site ». (Cretin in Brenet 2004). Ainsi, il y aurait eu un apport notable d’outils et de lames, et une production sur place très faible. Conjointement à la production laminaire, existent sept ou huit nucléus qui auraient produit des éclats (contre un seul nucléus à lame). Il y aurait ainsi eu une petite production d’éclats sur le site, probablement utilisés bruts et sur place. Ceci serait corroboré par les quelques remontages réalisés, constitués principalement d’éclats. L’outillage est dominé par les burins, principalement dièdres, suivis des grattoirs. La majorité des supports transformés sont des lames (58 %), ou attribuables à la chaîne opératoire de production de laminaire (70 %). Il n’y a pas d’outil sur lamelle. Cette absence pourrait s’expliquer par un problème de collecte (le tamisage à l’eau n’ayant pu être systématisé), cependant l’analyse granulométrique (Bertran in Brenet 2004) n’a pas permis de mettre en évidence une différence entre les carrés tamisés et les autres carrés. L’impression générale qui résulte de l’étude de l’outillage est celle d’une utilisation intensive de celui-ci pouvant aller jusqu’à une réutilisation (outils repris en pièces esquillées). 358 La production lamellaire est représentée essentiellement par les burins busqués (N = 20), auxquels s’ajoutent un burin caréné, et un grattoir caréné de mauvaise facture. L’analyse des premiers a confirmé l’étude réalisée par J.-G. Bordes et A. Lenoble (2002) sur la série de Caminade. Ainsi, deux types de produits ont été obtenus sur ces nucléus, de petites lamelles à pan revers rectilignes (situées à la jonction flanc droit - face inférieure / surface de débitage), et des petites lamelles torses (au centre de la surface de débitage et vers le flanc gauche), de largeurs différentes. Les premières sont les supports privilégiés des lamelles Caminade, les secondes des lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe. D’autre part, l’étude de ces nucléus a permis de mettre en évidence une implantation de la surface majoritairement en partie proximale des supports (par ailleurs principalement des lames). De nombreuses pièces sont fracturées (38 %), majoritairement de manière oblique près de l’encoche. La production de lamelles s’est déroulée sur place, comme en témoigne la présence des nucléus (burins busqués), de quelques lamelles, ainsi que des déchets de fabrication (tablette thème et chute de burin busqué notamment). Enfin, trois hypothèses sont avancées pour expliquer l’absence de lamelles retouchées, et l’effectif faible de lamelles brutes : - perte des petits éléments liés aux processus naturels de mise en place des dépôts (ruissellement et bioturbation) ; - problèmes de récolte, avec notamment l’absence de tamisage à l’eau dans certains secteurs ; - enfin, les supports auraient été emportés. L’industrie recueillie a été attribuée à un Aurignacien moyen (ou un faciès particulier de l’Aurignacien II), à nombreux burins busqués, et où les grattoirs carénés et à museau ainsi que les outils à retouche aurignacienne seraient absents. Enfin, le site est interprété comme un lieu de production et de consommation sur place d’éclats de silex et de gros supports en quartzite, de production pour emport de lamelles en silex, et où furent apportés et consommés des outils en silex de dimension moyenne. 359 2. Analyse de l’homogénéité du niveau supérieur Nous ne reviendrons pas ici sur l’analyse spatiale réalisée par l’équipe de l’INRAP, complète et suffisante (Brenet et al. 2004). L’étude des projections verticales et horizontales montre l’existence de deux nappes de vestiges bien individualisées dont les aires de répartition ne sont pas strictement identiques. La nappe supérieure située à l’est et au sud-est de la zone fouillée inclut une industrie lithique attribuée à l’Aurignacien, tandis que la nappe inférieure se localise à l’ouest et au nord-ouest et correspond aux vestiges lithiques moustériens. Deux pièces ont cependant attiré notre attention. Il s’agit d’un fragment proximal de pointe de la Gravette, (Figure 153), et d’un nucléus à lames à deux plans de frappe opposés (sur éclat ?) où les enlèvements laminaires sont bipolaires (Figure 155 et cf. infra). Si la première pièce témoigneraient d’une possible occupation gravettienne, dont la nature reste inconnue (passage temporaire ? halte de chasse ? atelier de taille ?), une attribution chrono-culturelle précise pour la seconde est hasardeuse. Précisons que le fragment de Gravette se trouve à l’écart des deux concentrations principales (Figure 154). Figure 153 : Combemenue - Fragment proximal de gravette (n°1337, Sénonien blond). Ce niveau est dispersé sur une grande superficie (Figure 154), et présente finalement peu de vestiges au mètre carré. Deux concentrations s’individualisent. La plus importante se trouve au sud du gisement et regroupe la majorité des effectifs. La seconde, plus au nord, montre une faible densité de vestiges. Nous précisons que la première a principalement été fouillée manuellement, contrairement à la deuxième. Ceci a pu amener un biais et induire des variations de densité de pièces récoltées. 360 Figure 154 : Combemenue – Répartition des silex cotés attribués à la nappe de vestiges supérieure, représentation des remontages réalisées et situation des pièces d’attribution problématique (plan d’après Brenet 2004). 361 Figure 155 : Combemenue - Nucléus à deux plans de frappe opposés (n°3159 – Sénonien noir). Nous ajouterons quelques remarques, allant dans le sens des résultats obtenus par l’étude géoarchéologique (Bertrand in Brenet et al. 2004 ; Bertrand et al. 2005). La poursuite des remontages s’est avérée peu satisfaisante. Quarante lots ont été effectués, englobant 94 pièces, ce qui représente environ 8,5 % de l’effectif total des pièces supérieures à 1,5 cm (Figure 154). L’analyse des refus de tamis a montré, d’une part le faible effectif de ceux-ci, que ce soit en lamelles ou éclats de retouches, et d’autre part l’absence de lamelles clairement retouchées, probablement à mettre en relation avec le(s) processus de mise en place des dépôts (et des conditions de collecte ?). 3. Analyse du niveau supérieur 3.1. Présentation du corpus 3.1.1. Inventaire général Le matériel que nous avons étudié est numériquement moins important que lors de la dernière étude (Cretin in Brenet 2004), avec un total de 1110 pièces cotées analysées (Tableau 143), 362 contre1168 précédemment (environ 5 % du total de la série). Cette différence s’explique de la manière suivante: trente-deux pièces sont en cours d’études (étude tacéologique de H. Plisson), et vingt-six ont été exclues (vestiges hors stratigraphie issus des premiers sondages). Supports Sénoniengris Sénoniengris? Sénoniennoir Sénoniennoir? Sénonienblond Sénonienblond? Infralias Bergeracois Bergeracois? Tertiaire Indéterminéblond Indéterminé Total Fréquence(%) Lame 99 2 66 5 64 6 - - - - - - 242 21,8 Lame ? 28 1 22 7 12 1 3 1 - - - - 75 6,8 Eclat laminaire 26 2 35 3 14 1 2 - 1 - - - 84 7,6 Eclat laminaire ? 3 - - - - - - - - - - - 3 0,3 Lame à pan revers - - 2 - 2 - - - - - - - 4 0,4 Lame à pan revers ? 7 - 4 - - - - - - - - - 11 1,0 Eclat laminaire à pan revers - - 1 - - - - - - - - - 1 0,1 Lamelle 10 - 19 - 11 1 - - - - - - 41 3,7 Lamelle ? - - 4 1 3 - 1 - - - - - 9 0,8 Chute de burin 31 1 31 3 20 - - - - - - - 86 7,7 Chute de burin ? 3 - 13 2 1 - - - - - - - 19 1,7 Chute de burin busqué 2 - 1 - 3 - - - - - - - 6 0,5 Chute de burin busqué ? 1 - 2 - 1 - - - - - - - 4 0,4 Eclat 169 6 192 28 88 8 5 - - 2 3 - 498 45,2 Eclat ? 2 - 2 - - - - - - - - - 4 0,4 Bloc - - 3 - - - 2 - - - - - 5 0,5 Casson 3 1 3 - 1 - - - - - - - 8 0,7 Géofact - - - - - - - - - - - 3 3 0,3 Géofact ? - - - - - - - - - - - 1 1 0,1 Indéterminé - - - 2 - - 1 - - - - - 3 0,3 Total 384 13 400 51 220 17 14 1 1 2 3 4 1110 100 Tableau 143 : Combemenue - Décompte et fréquence (%) du matériel étudié par matières premières (vestiges supérieurs à 1,5 cm). 3.1.2. État de surface Le matériel est non patiné. Cependant, des altérations d’ordre divers ont affecté de manière plus ou moins intense une partie des vestiges (Tableau 144). Le premier agent d’altération est lié à la chauffe, avec près de 7% de vestiges brûlés. La répartition des vestiges brûlés ne montre pas de zone précise, et se retrouve sur l’ensemble du secteur de fouille. Les silex n’étant pas ou peu patinés, la distinction entre des ébréchures ou des cassures récentes et anciennes n’a pas toujours été aisée. Certaines altérations peuvent donc être tout aussi bien contemporaines de la production des vestiges (altération au débitage, piétinement), postérieures à l’enfouissement (altération synsédimentaire liée aux processus de mise en place 363 des dépôts) ou bien plus récente (altération mécanique lié aux travaux agraires, voire lié à l’acte de fouille). Ces modifications nous ont parfois gêné pour la lecture technologique des pièces (cas d’un nucléus et d’un grattoir à museau notamment), pour l’étude de l’outillage (présence de retouches non volontaires sur des supports transformés), ainsi que pour l’étude métrique des supports (fracturation). État de surface Nombre Fréquence (%) Cassure récente 27 2,43 Cassure récente ? 2 0,18 Esquillements récents 39 3,51 Esquillements récents ? 21 1,89 Cassure et esquillements récents 1 0,09 Cassure et esquillements récents ? 1 0,09 Brûlé 76 6,85 Brûlé ? 13 1,17 Cupule de gel ? 3 0,27 Total altérés 183 16,49 Non altérés 927 83,51 Total 1110 100 Tableau 144 : Combemenue - États de surface des vestiges étudiés. 3.2. Matières premières Les matières premières rencontrées se composent essentiellement de Sénonien (Tableau 143), dont les sources les plus proches sont distantes de 20 km à l'ouest, en direction du département de la Dordogne. Trois variétés ont été isolées : du noir à grain fin, majoritaire (36 % ; N = 400), du blond allant du grain fin à plus grossier, et du gris souvent grenu. Pour ce dernier, il n’est pas à exclure qu’il s’agisse de plages plus grenues contenues dans le silex noir à grain fin. Quatorze pièces en Infralias, deux en silex tertiaire, et une en silex maestrichtien du Bergeracois, complètent le corpus. Enfin, pour sept pièces la matière première utilisée n’a pas pu être déterminée. 3.3. Analyse du débitage laminaire 3.3.1. Étude des nucléus Dix nucléus sont présents, dont seulement trois ont produit avec certitude des lames (Tableau 145). Dans leur état d’abandon, cinq pièces ont produits des éclats. Cependant, l’existence d’un chaîne opératoire autonome de production d’éclats ne peut être pleinement validée. 364 L’hypothèse d’une reprise par percussion directe au percuteur dur de nucléus à lames ne peut être totalement écartée. À l’exception d’une pièce (Figure 155), les nucléus sont de petites dimensions et témoignent d’une exploitation intensive. Bien que l’effectif soit limité, deux des trois nucléus présentent un débitage unipolaire, dont le rythme de progression est frontal. En revanche, le dernier présente deux plans de frappe opposés (Figure 155), la production est bipolaire et frontale. Un tel nucléus n’a pour l’heure pas été rencontré dans les séries aurignaciennes étudiées. Une attribution à un technocomplexe plus récent nous paraît plus probable. Nucléus Support Sénoniengris Sénoniennoir Infralias Total Nucléus à lames bloc - 1 - 1 éclat ? 1 - - 1 Nucléus à lames (bipolaire) éclat ? - 1 - 1 Nucléus à lames ou à éclats éclat ? - 1 - 1 Nucléus à éclats ? bloc - 2 1 3 éclat ? 1 - - 1 Indéterminé bloc - - 1 1 éclat 1 - - 1 Total 3 5 2 10 Tableau 145 : Combemenue - Décompte des nucléus. 3.3.2. Étude des supports laminaires 3.3.2.1. Corpus  La série compte 442 supports laminaires, dont 354 sont des lames (Tableau 146). Outre cinq supports laminaires en Infralias, et deux en silex du Bergeracois (dont un probable), l’ensemble est en silex du Sénonien (Tableau 143). 3.3.2.2. Schéma de production L’étude des différents supports (Tableau 146) permet de nous renseigner sur leur mode de production. Ainsi, l’effectif restreint de lames à crête à un ou deux versant préparé (N = 8), comparé à celui des lames d’entame corticale (N = 19), suggère une mise en forme plutôt sommaire des blocs à débiter. 365 Le maintien des convexités est assuré par le recours à des néocrêtes (N = 22), souvent partielles et implantées en partie distale des nucléus, et dans certains cas (N = 7), par des enlèvements opposés tirés depuis la partie distale des nucléus. L’analyse des négatifs visibles en face supérieure confirme l’unipolarité du débitage. Lame Eclat laminaire Total % Entame corticale 14 5 19 4,3 Crête à deux versants 4 - 4 0,9 Crête à un versant 4 - 4 0,9 sous crête 11 6 17 3,8 Néocrête 16 6 22 5,0 Pan gauche cortical 33 9 42 9,5 Pan droit cortical 43 17 60 13,6 Enlèvements opposés 6 1 7 1,6 Brut 223 44 267 60,4 Total 354 88 442 100 Tableau 146 : Combemenue - Décompte et fréquence (%) des différents supports laminaires. La technique de détachement des lames est la percussion directe au percuteur tendre. La préparation des talons va du lisse abrasé pour les petits supports, au facettage lorsque les produits sont plus importants. L'utilisation du percuteur tendre ne semble pas exclusive, puisque certaines pièces montrent des stigmates à rapprocher de la percussion directe à la pierre tendre (Tableau 147), technique qui reste malgré tout à confirmer (environ 8 %, au maximum, des supports laminaires observables). 3.3.2.3. Classe de taille Les lames sont de petites dimensions et dépassent rarement 60 mm de longueur (Figure 156a), avec une majorité comprise entre 40 et 50 mm. Les largeurs s’étalent entre 10 et 45 mm, avec un maximum entre 15 et 25 mm (Figure 156b). Les épaisseurs varient principalement de 2 à 14 mm, où les trois quarts sont inférieurs à 8 mm (Figure 156c). La comparaison des moyennes des largeurs et des épaisseurs entre les lames brutes, les outils sur lames et les burins busqués (Tableau 148) nous renseigne sur les critères de sélection de leurs supports respectifs. Ainsi, les lames les plus larges et les plus épaisses ont été sélectionnées d’une part pour confectionner des lamelles, et d’autre part afin d’être retouchées. Parmi ces dernières les lames les plus épaisses ont été choisies pour être débitées suivant la modalité de type burin busqué. 366 Techniques Lame Lame? Eclat laminaire Eclat laminaire ? Lameàpan revers Lameàpan revers ? Total Percuteur tendre 40 2 1 - 1 2 46 Percuteur tendre ? 6 1 2 - - - 9 Percuteur dur 3 2 62 1 1 - 69 Percuteur dur ? 5 1 8 2 - - 16 Pierre Tendre 1 1 - - - - 2 Pierre Tendre ? 5 1 6 - 1 - 13 Indéterminé 8 5 - - - - 13 Total 68 13 79 3 3 2 168 Fréquence (%) Percuteur tendre 23,8 1,2 0,6 - 0,6 1,2 27,4 Percuteur tendre ? 3,6 0,6 1,2 - - - 5,4 Percuteur dur 1,8 1,2 36,9 0,6 0,6 - 41,1 Percuteur dur ? 3,0 0,6 4,8 1,2 - - 9,5 Pierre Tendre 0,6 0,6 - - - - 1,2 Pierre Tendre ? 3,0 0,6 3,6 - 0,6 - 7,7 Indéterminé 4,8 3,0 - - - - 7,7 Total 40,5 7,7 47,0 1,8 1,8 1,2 100 Tableau 147 : Combemenue - Décompte et fréquence (%) des techniques utilisée pour le détachement des lames et éclats laminaire (l’ensemble est réalisé par percussion directe). Largeur (mm) Lame brute Outils Lame brute BB Outils BB Moyenne 20,30 23,06 20,30 23,45 23,06 23,45 Variance 35,27 65,74 35,27 71,21 65,74 71,21 Observations 253 64 253 20 64 20 Variance pondérée 41,37   37,79   67,01   Degré de liberté 315   271   82   Statistique t -3,07   -2,21   -0,18   P(T<=t) unilatéral 0,00   0,01   0,43   Valeur critique de t (unilatéral) 1,65   1,65   1,66   P(T<=t) bilatéral 0,00   0,03   0,85   Valeur critique de t (bilatéral) 1,97   1,97   1,99   Epaisseur (mm) Lame brute Outils Lame brute BB Outils BB Moyenne 5,97 7,55 5,97 9,40 7,55 9,40 Variance 8,48 11,61 8,48 7,52 11,61 7,52 Observations 253 64 253 20 64 20 Variance pondérée 9,11   8,42   10,66   Degré de liberté 315   271   82   Statistique t -3,73   -5,09   -2,22   P(T<=t) unilatéral 0,0001   3,4 E-07   0,01   Valeur critique de t (unilatéral) 1,65   1,65   1,66   P(T<=t) bilatéral 0,0002   6,8 E-07   0,03   Valeur critique de t (bilatéral) 1,97   1,97   1,99   Tableau 148 : Combemenue - Comparaison des moyennes (test de Student) des largeurs et des épaisseurs (en mm) des lames brutes, des outils sur lames et des burins busqués sur lame. 367 Classes de taille 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 0 10 10 20 20 30 30 40 40 50 50 60 60 70 70 80 80 90 Classe de longueur (mm) % tot lames lames ent outils BB a Classes de taille 0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0 0 5 5 10 10 15 15 20 20 25 25 30 30 35 35 40 40 45 Largeur (mm) % tot lames lames ent outils BB b Classes de taille 0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0 0 2 2 4 4 6 6 8 8 10 10 12 12 14 14 16 16 18 18 20 Epaisseur (mm) % tot lames lames ent outils BB c Figure 156 : Combemenue - Comparaison des fréquences (%) de classes de dimensions (a : longueur ; b : largeur et c : épaisseur – en mm), entre les lames entières, les outils sur lame, les burins busqués et la totalité des lames (fragments inclus). 368 3.3.2.4. Une production anecdotique sur éclat Quelques pièces semblent provenir d'un débitage sur tranche d'éclat (pan revers visible en face supérieure sur quelques lames, ainsi qu'un remontage de deux lames en Sénonien blond – Tableau 149 et Figure 157). Il s’agit de quelques lames (N = 15) et de deux possibles nucléus n’ayant semble-t-il donné que quelques produits. Ces deux dernières pièces indiquent une production unipolaire, frontale et sur la tranche. Sénonien Gris Sénonien noir Sénonien blond Total Lame CDB - 2 2 4 Lame CDB ? 7 4 - 11 Eclat laminaire CDB - 1 - 1 Kombéwa 4 3 2 9 Kombéwa ? 10 10 3 23 Janus ? - 1 - 1 Nucléus à lames sur éclat ? 2 - - 2 Nucléus à éclats sur éclat ? 1 - - 1 Total 24 21 7 52 Tableau 149 : Combemenue - Décompte des produits se rattachant à une production laminaire sur tranche d’éclat. Figure 157 : Combemenue - Remontage de deux lames, dont la première est une crête à un versant, débitées sur tranche d’éclat (face inférieure de l’éclat support visible sur l’image de droite) (Remontage n°36 – Sénonien Blond). 369 3.4. Analyse de l’outillage Rappelons que les altérations des bords sont importantes (cf. supra). Ainsi, pour de nombreuses pièces, nous n’avons pas pu déterminer avec certitude si les modifications étaient ou non volontaires. Figure 158 : Combemenue – Outils : grattoirs  (n°1, 2, 3), grattoir-burin (n°4), grattoir sur éclat (n°5), pièce esquillée (n°6) et éclat retouché (n° 7). 370 Outre un burin en Bergeracois et un autre douteux en Infralias, tous les outils sont en silex sénonien (Tableau 150) et se répartissent équitablement entre les différentes type décrits (Figure 158). Les supports privilégiés sont les lames, et les éclats laminaires qui représentent 75 % des supports d’outils (Tableau 150 et Tableau 151). Les éclats sont peu employés (15 %) et concernent principalement la classe des burins (N = 8). Cette dernière est la classe dominante avec un total de 28 pièces auxquelles pourraient s’ajouter 14 autres dont l’attribution est incertaine. Cette classe d’outils est relativement variée que ce soit en termes de support, de type de burins, voir de matières premières (Tableau 150). Suivent les lames retouchées (N = 19) et les grattoirs (N = 13). La seule lame à deux bords retouchés est aussi le support d’un burin busqué. Pour les grattoirs, seul le front de grattoir est dégagé, et aucune modification des bords n’a été constatée, sauf pour une pièce qui présente quelques retouches partielles sur le bord droit. 3.5. Le débitage lamellaire Deux types de nucléus lamellaires sont présents. Il s’agit de burins busqués (Figure 159 et Figure 160) et dans une moindre mesure de grattoirs à museau (Tableau 152). Ces derniers sont quasiment anecdotique et de mauvaise facture (un seul vrai grattoir à museau - Tableau 152 et Figure 164). 3.5.1. La production lamellaire réalisée sur burins busqués 3.5.1.1. Choix de la matière première et du support Les burins busqués sont tous en silex sénonien, et majoritairement en Sénonien noir (Tableau 152), généralement de texture fine. Aucun n’est réalisé sur éclat, ils sont tous sur lame ou éclat laminaire (Tableau 152). L’analyse des classes de taille montre que les lames sélectionnées sont généralement grandes (Figure 156a - les pièces abandonnées montrant un maximum entre 40 et 50 mm), plutôt larges (Figure 156b - forte dispersion entre 10 et 30 mm) et épaisses (Figure 156c). D’autre part, les lames de profil rectiligne sont préférentiellement choisies (12 lames rectilignes, 5 sub-rectilignes et 3 courbes). 371 Outils Supports Sénoniennoir Sénoniennoir? Sénoniengris Sénonienblond Sénonienblond? Bergeracois Infralias Total Fréquence(%) Grattoir Lame 3 - - 4 2 - - 9 8,5 Lame ? - - 1 - - - - 1 0,9 Eclat laminaire - - 2 - - - - 2 1,9 Eclat - - 1 - - - - 1 0,9 Total 3 - 4 4 2 - - 13 12,3 Grattoir ? Eclat - - - 1 - - - 1 0,9 Burin Lame 4 1 7 8 - - - 20 18,9 Lame ? 2 - - 1 - 1 - 4 3,8 Eclat 3 - - 1 - - - 4 3,8 Total 9 1 7 10 - 1 - 28 26,4 Burin ? Lame - - 3 2 - - - 5 4,7 Lame ? - - 1 - - - - 1 0,9 Eclat laminaire - - 1 2 - - - 3 2,8 Eclat 4 - - - - - - 4 3,8 Indéterminé - - - - - - 1 1 0,9 Total 4 - 5 4 - - 1 14 13,2 Grattoir-Burin Lame - - - 1 - - - 1 0,9 Grattoir-Burin ? Lame 1 - - - - - - 1 0,9 Lame retouchée Lame 5 - 1 3 - - - 9 8,5 Lame ? 1 - 2 - - - - 3 2,8 Lame cdb 2 - 1 - - - - 3 2,8 Lame cdb ? 1 - - - - - - 1 0,9 Eclat laminaire 1 - 1 - - - - 2 1,9 Eclat laminaire ? - - 1 - - - - 1 0,9 Total 10 - 6 3 - - - 19 17,9 Lame retouchée ? Lame 1 - - 2 - - - 3 2,8 Lame cdb ? - - 1 - - - - 1 0,9 Total 1 - 1 2 - - - 4 3,8 Lame utilisée Lame - - - 2 - - - 2 1,9 Troncature Lame - - 1 - - - - 1 0,9 Pièce esquillée Lame 2 - - 1 - - - 3 2,8 Pièce esquillée ? Lame - - 2 - - - - 2 1,9 Eclat 1 - - - - - - 1 0,9 Total 1 - 2 - - - - 3 2,8 Gravette Lame - - - 1 - - - 1 0,9 Eclat retouché Eclat laminaire 1 - - - - - - 1 0,9 Éclat 3 - - - - - - 3 2,8 Total 4 - - - - - - 4 3,8 Lamelle RdC ? Lamelle - - - 1 - - - 1 0,9 Lamelle retouchée ? Lamelle 2 - - 2 - - - 4 3,8 Chute de BB ? 1 - - - - - - 1 0,9 Chute de burin 1 - 1 - - - - 2 1,9 Chute de burin ? 1 - - - - - - 1 0,9 Total 5 - 1 2 - - - 8 7,5 Indéterminé outils Lamelle ? 1 - - - - - - 1 0,9 Eclat 1 - - - - - - 1 0,9 Total 2 - - - - - - 2 1,9 Total 42 1 27 32 2 1 1 106 100 Fréquence (%) 39,6 0,9 25,5 30,2 1,9 0,9 0,9 100 Tableau 150 : Combemenue - Décompte et fréquence (%) de l’outillage par matières premières et par type de support. 372 Nombre Fréquence (%) Lame 57 53,8 lame ? 9 8,5 Lame cdb 3 2,8 Lame cdb ? 2 1,9 Eclat laminaire 8 7,5 Eclat laminaire ? 1 0,9 Eclat 15 14,2 Lamelle 5 4,7 Lamelle ? 1 0,9 Chute de BB ? 1 0,9 Chute de burin 2 1,9 Chute de burin ? 1 0,9 Indéterminé 1 0,9 Total 106 100 Tableau 151 : Combemenue - Décompte et fréquence (%) des différents supports d’outils. Nucléus à lamelles Supports Sénoniennoir Sénoniennoir? Sénoniengris Sénonienblond Sénonienblond? Etudetracéologique Total Burin busqué Lame 9 - 2 2 - 1 14 Lame ? 2 - - - - 10 12 Eclat laminaire 1 - - - - - 1 Total BB 12 - 2 2 - 11 27 Burin busqué double Lame ? 1 - - - - - 1 Total BB 2x 1 - - - - - 1 Burin busqué ? Lame - 1 2 - - - 3 Total BB ? - 1 2 - - - 3 Grattoir à museau Lame - - - 1 - - 1 Total GM - - - 1 - - 1 Grattoir à museau ? Eclat laminaire - - 1 - - - 1 Eclat - - - 1 - - 1 Total GM ? - - 1 1 - - 2 Préforme de nucléus grattoir ? Lame - - 1 - 1 - 2 Lame ? - - 1 - - - 1 Eclat - - 3 - - - 3 Total pré GM ? - - 4 - 1 - 5 Total Nucléus à lamelles 13 1 10 4 1 11 40 Tableau 152 : Combemenue - Décompte des nucléus à lamelles par supports et par matières premières. 3.5.1.2. Intentions, objectifs et conduite du débitage lamellaire Les lamelles brutes étant d’effectif faible et les supports retouchés absents, l’analyse des produits recherchés n’est possible qu’à travers l’étude des surfaces de débitage des burins busqués. L’état général de ces dernières, bien que généralement poussées à exhaustion, reste lisible et différentes informations peuvent être extraites. 373 Figure 159 : Combemenue - Burins busqués en cours d'étude tracéologique, non pris en compte dans cette étude (d'après Brenet 2004). La surface de débitage est implantée soit en partie proximale droite (N = 9), soit en partie distale gauche (N = 9). Le plan de frappe est mis en place par extraction d’une chute de burin (tablette Thèmes de premier ordre). Le ravivage se fait par extraction de chutes de burin de type tablette Thèmes de deuxième ordre (sensu Le Brun-Ricalen et Brou 2003). 374 L’intention des tailleurs est essentiellement de produire des lamelles – chutes de burin rectilignes (Tableau 153 et Figure 161), situées à l’intersection face inférieure / surface de débitage, supports potentiels des lamelles Caminade (Bordes et Lenoble 2002). En tenant compte de leur état d’abandon, seul cinq nucléus ont produit des lamelles torses (Tableau 153). Les intentions de débitage peuvent être mises en relation avec l’épaisseur des supports (Figure 162). Les lames - supports les plus minces ont préférentiellement été utilisées pour produire des lamelles Caminade, tandis que les plus épaisses ont aussi permis l’obtention de lamelles torses. Figure 160 : Combemenue - Burins busqués (d'après Brenet 2004). 375 La technique de détachement semble varier suivant le type de support à produire. Si les lamelles torses sont bien détachées par percussion directe organique, quelques doutes subsistent pour les lamelles rectilignes. La régularité des supports, où la largeur atteint son maximum quasiment dès le début de la partie proximale, la morphologie du contre bulbe, et de la corniche tend à indiquer un usage de la pression (cf. Pataud couche 7 et Roc-de-Combe couche 6) pour le détachement de ce type de lamelle (Figure 161 n°1468, 1582 et 4073). Objectifs Nombre Fréquence (%) Rectiligne 10 58,8 Rectiligne et Torse 5 29,5 Indéterminé 2 11,8 Total 17 100 Tableau 153 : Combemenue - Objectifs recherchés d’après l’étude des surfaces de débitage des burins busqués. Figure 161 : Combemenue - Vue rapprochée des surfaces de débitage de quelques burins busqués ayant produit des lamelles / chute burin rectilignes (n°1217, 1468 et 4073 : Sénonien noir ; n°1582 et 1688 : Sénonien blond). 376 La comparaison des dimensions des négatifs lamellaires observables sur les surfaces de débitage de burins busqués avec des lamelles Caminade et Dufour sous-type Roc-de-Combe (issues des sites éponymes) montre une bonne correspondance (Figure 163), même si ces premiers sont de taille plus restreinte. Les moyennes des dimensions des négatifs sont plus proches de celles des lamelles Caminade, que de celles des lamelles Dufour sous-type Rocde-Combe (Tableau 154). Comparaison objectifs / dimension 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 Largeur (mm) Epaisseur(mm) Cam Cam + torse Ind Figure 162 : Combemenue - Comparaison des dimensions (largeur x épaisseur en mm) des burins busqués en fonction des intentions de débitage. Moyenne Longueur Largeur Négatifs 13,2 2,8 Caminade 14,0 2,7 Roc-de-Combe 15,3 4,3 Tableau 154 : Combemenue - Moyennes des longueurs et largeurs (mm) des négatifs observés sur les burins busqués comparée à celles des lamelles Caminade (Caminade fouilles Bordes et Lenoble) et des lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe (Roc-de-Combe couche 6) entières. 377 Comparaison des négatifs d'enlèvements avec les lamelles Caminade et Roc-de- Combe 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Largeur (mm) Longueur(mm) BB Caminade RdC C6 Figure 163 : Combemenue - Comparaison des dimensions des négatifs lamellaires observés sur les burins busqués avec les celles des lamelles Caminade (d’après Bordes et Lenoble 2002) et des lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe (couche 6) entières. 3.5.2. La production lamellaire réalisée sur grattoirs à museau Un seul grattoir à museau est présent (Figure 164 n°1). Malheureusement, celui-ci présente des fractures récentes au niveau du plan de frappe et de la surface de débitage rendant difficile son étude, ainsi que repri en burin à l’opposé du museau. Le support laminaire employé est de grande dimension, et présente notamment une épaisseur importante. La mise en forme est poussée et n’est pas sans rappeler les exemplaires présents tant dans le niveau 7 de l’abri Pataud que le niveau 6 de Roc-de-Combe. Deux pièces douteuses peuvent peut-être se rattacher à cette modalité. Quelques préformes (N = 5 ; Tableau 152 et Figure 164 n°2 et 3) ainsi que certains éclats de recintrage (N = 4) sont aussi présents. 378 Figure 164 : Combemenue – N°1 : seul grattoir à museau de la série (en partie proximale), associé à un burin dièdre (Sénonien blond) ; n°2 et 3 : possibles préformes de grattoirs à museau (sénonien noir). 4. Discussion Plusieurs informations importantes peuvent être extraites de cette série. Toutefois, les processus de mise en place des dépôts ont malheureusement tronqué une partie des données que ce soit pour l’analyse spatiale, ou pour la représentativité des petits éléments. Nous insisterons tout de même sur plusieurs points. 379 4.1. Remarque sur le cortège siliceux La « monotonie siliceuse » de cette série est remarquable. Elle est en effet composée quasi exclusivement de silex sénoniens issus de Dordogne à une vingtaine de kilomètres à l’ouest. Les matériaux présents habituellement, comme le Bergeracois et le Grain de mil, pour cette phase de l’Aurignacien sont à l’état de traces pour le premier, et manquant pour le second. 4.2. Le débitage laminaire Deux types de modalités ont pu être mises en évidence. La première correspond à une production laminaire unipolaire sur des nucléus peu préparés. La seconde correspond à un débitage sur tranche d’éclat, relativement minoritaire. La mise en forme des blocs est sommaire et la productivité semble faible. Une part seulement de la production laminaire a eu lieu sur place, tandis qu’une fraction, par ailleurs difficilement quantifiable, des supports laminaires (bruts ou retouchés) semble avoir été apportée. Cependant, la longueur des supports laminaires entiers, des nucléus et des quelques remontages réalisés suggèrent l'utilisation de blocs de petites dimensions (dont la plus grande longueur n'excèderait pas les 10 – 12 cm). Ainsi, l’on peut envisager que les lames de grandes dimensions (notamment support d’outils et de burins busqués) n’aient pas été produites sur place. 4.3. Le débitage lamellaire L’analyse des burins busqués a permis de mettre en évidence l’existence de deux types de nucléus en fonction de l’épaisseur du support à débiter. Lorsque le support est suffisamment épais, alors, des lamelles torses sont débitées ainsi que des lamelles rectilignes. Dans le cas des supports minces, seules ces dernières sont produites. Une des questions en suspens reste de savoir si ce choix est culturel ou s’il est conditionné par les contraintes de matières premières. Cette dernière hypothèse est fortement envisageable, les blocs débités étaient probablement de petites dimensions, de l’ordre de 10 à 15 cm maximum, et aucune lame de fort gabarit n’a été produite, ce qui se ressent dans le choix des supports des burins busqués. Les supports de lamelles Caminade sont probablement obtenus par pression. Si l’emploi de cette technique est confirmé, alors nous sommes face à l’usage le plus ancien connu jusqu’alors. Si le débitage a bien été conduit sur place, parler d’export des lamelles paraît délicat, sachant que leur absence est probablement à imputer à des processus naturels comme le ruissellement. 380 Deux facteurs au moins peuvent expliquer l’absence de nucléus – grattoirs à museau. La première peut être d’ordre économique. Comme nous l’avons vu plus haut, les supports épais, et notamment les éclats font défaut. La taille initiale des blocs à débiter est restreinte et n’a probablement pas pu permettre leur production. D’autre part, si des lames de gabarit important ont bien été introduites sur le site, il semblerait que les Aurignaciens aient choisi de ne pas apporter de gros éclat susceptible d’être redébité pour fournir des lamelles. Malgré tout, quelques rares indices indiquent que la méthode existe, et son absence ne doit pas être interprétée comme un abandon au profit de la seule modalité de production sur burins busqués. 381 CHAPITRE VII – Le Flageolet I, Bézénac, Dorodgne 1. Présentation du gisement Sauf mention contraire, les données présentées ici sont issues de la thèse de J.-Ph. Rigaud (Rigaud 1982). 1.1. Localisation Le gisement du Flageolet se situe sur la commune de Bézénac (Dordogne), à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Sarlat, en rive droite de la Dordogne (Figure 165). Il se trouve au pied d’une falaise calcaire coniacien, et domine de plus de 50 m la vallée de la Dordogne (soit une altitude moyenne de 150 m NGF). Le site se compose de deux abris contigus (Figure 166), qui ne sont pas en continuité stratigraphique. Le Flageolet I montre une séquence allant de l’Aurignacien au Gravettien, et le Flageolet II plusieurs niveaux de Magdalénien. Entre ces deux abris se trouve actuellement l’exutoire d’une petite vallée perchée située au-dessus de la ligne de falaise la plus basse. Figure 165 : Localisation du site du Flageolet I (source Géoatlas®, modifié). 1.2. Historique et méthode de fouilles Le site fut découvert le 11 septembre 1966 par J.-Ph. Rigaud, au cours d'une campagne de prospection. Les premières fouilles commencèrent dès l'hiver 1966-1967. Les sites de 382 Flageolet I et II furent fouillés en alternance ou conjointement à partir de l'été 1967 et jusqu'en 1984. En 1993, une dernière intervention sur le terrain fut menée suite à l'action de fouilles clandestines ayant entamées la base de la séquence du Flageolet I (Lucas 2000). Les objets supérieurs à 1,5 cm furent cotés en trois dimensions, et le reste prélevé par carré et par décapage d’environ 5 cm, avec tamisage systématique (Lucas 2000). En supplément d’une couverture photographique, des plans de répartition de vestiges par mètre carré et par décapage (appelé « map ») ont été dessinés. Le contrôle stratigraphique a été réalisé par projections tridimensionnelles des vestiges cotés, manuellement et en cours de fouille (Lucas 2000). Enfin une dernière campagne de réexamen stratigraphique et de réattribution des pièces a été réalisée en 1997, notamment par G. Lucas et J.-F. Simek, à l’aide du logiciel Datadesk™ (Lucas 2000). 1.3. Stratigraphie du Flageolet I Nous reproduisons ici in extenso la description stratigraphique établie par J.-Ph. Rigaud (1982) de la séquence aurignacienne, et du premier niveau Gravettien (couche VII), du bas vers le haut (Figure 166) : - Couche XII : Des lentilles d’un sédiment argileux brun-jaune, renfermant quelques rares éboulis calcaires très altérés, reposent dans les petites dépressions de sol rocheux descendant en marche d’escalier vers l’Ouest. Cette couche ne renferme aucun vestige. - Couche XI : Reposant parfois directement sur le sol rocheux, cette couche est constituée d’éboulis calcaires de petite taille, altérés et arrondis, inclus dans un sable argilo-limoneux brun. Cette couche renferme un niveau archéologique aurignacien. - Couche X : Chaos de blocs dont certains ont un volume de plusieurs mètres cubes. Ils reposent directement sur la couche XI qu’ils ont parfois complètement écrasée. L’effondrement de la voûte s’est effectué en une seule fois produisant un alignement de blocs grossièrement parallèles au fond de l’abri qui se sont disloqués sur place et certains se sont délités suivant les plans de stratification comme des « tranche de cake ». Cette disposition particulière a joué un rôle important dans l’organisation de l’espace de l’homme préhistorique. D’après plusieurs sondages pratiqués en avant de la construction, l’habitation préhistorique paraît s’être limitée, du moins pour les niveaux périgordiens, à la zone comprise entre cet effondrement et le fond de l’abri. Au-dessus de la couche XI et autour des blocs se sont accumulés des sédiments fins et meubles, absolument dépourvus de matériel archéologique. 383 - Couches IX et VIII : Ensemble sédimentaire constitué de fragments calcaires aplatis, aux arêtes vives, inclus dans un sable argilo-limoneux brun foncé. Ces dépôts ont comblé les espaces laissés entre les blocs de la couche X, sans les recouvrir en totalité. Lors des premières campagnes de fouilles, à cause d’un enrichissement en plaquettes calcaires vers la base, nous avons distingué la couche IX à la base et la couche VIII au sommet. Cet enrichissement en plaquettes n’a pas été retrouvé par la suite ; il s’agit donc peut-être d’une variation locale de faciès. Cet ensemble sédimentaire renferme plusieurs niveaux archéologiques aurignaciens. - Couche VII : Comme l’ensemble sous-jacent, la couche VII a participé au comblement des espaces entre les blocs de l’effondrement sans l’ennoyer totalement. La couche VII est constituée de plaquettes et éboulis calcaires dont la dimension semble décroître au fur et à mesure que l’on s’élève, contenus dans une matrice de sable argilo-limoneux brun-rouge. Le sommet de cette couche est souligné par un enrichissement en plaquettes de petites dimensions (de 2 à 5 centimètres de longueur) auxquelles sont associés des graviers calcaires plus nombreux. A l’extrême sommet se trouve le premier niveau archéologique de Périgordien supérieur. Nous avons souhaité reproduire l’ensemble de ces observations pour rappeler et mettre en exergue la part prise par les données sédimentologiques, et notamment des variations colorimétriques et texturales, dans l’établissement de la stratigraphie. Ainsi, et gardons le en mémoire, J.-Ph. Rigaud propose ici davantage un découpage lithostratigraphique qu’archéostratigraphique. 1.4. Processus de mise en place de dépôts (Texier 1996) Deux ensembles sédimentaires ont été reconnus. Le premier s'est formé par sédimentation gravitaire, et correspond au démantèlement du toit de l'abri. Cet ensemble renferme les niveaux aurignaciens (couches XII à VIII). Le deuxième ensemble est à mettre en relation avec la formation d'un cône de déjection, contemporain des occupations gravettiennes du Flageolet I. « L’identification de ce cône de déjection peut être étroitement liée à la présence [d’un] ruisseau perché […]. Comme l’indique une incision relativement profonde de la falaise, son exutoire se situait alors vraisemblablement quelques mètres au sud du Flageolet I. De plus, le glissement de terrain […] a pu constituer la principale source sédimentaire du cône de déjection. En effet, l’eau du ruisseau a pu conduire à une sursaturation des sédiments de la partie distale du glissement de terrain et déclencher ainsi des écoulements boueux dont une partie s’est déversée sur la plateforme du Flageolet. » (Texier 1996). Ces écoulements ont donc un sens de déplacement Sud-Nord, parallèlement ou vers la paroi, avec prédominance d’une part des écoulements en masse en partie proximale (Sud) de la coulée 384 (« debris-flow » et « mod-flow ») et d’autre part des écoulements boueux en partie distale (Nord). Figure 166 : Plan et coupes stratigraphiques du Flageolet 1 (d’après Rigaud 1982, modifié). Les différents processus de mise en place des dépôts ont eu des impacts différents sur la conservation des niveaux archéologiques. Ainsi, l’ensemble inférieur semble avoir été préservé : « les artefacts aurignaciens contenus dans les éboulis de l’unité inférieure n’ont 385 vraisemblablement pas subi de déplacements latéraux notables. » (Texier 1996). Cependant, pour les niveaux compris dans l’ensemble supérieur (Gravettien), et plus particulièrement dans la partie nord du gisement, les phénomènes de ruissellement les ont probablement bouleversés. 1.5. Données paléo-environnementales La grande faune du Flageolet I est dominée par les ongulés. Dans les trois niveaux aurignaciens, le Renne est dominant, avec toutefois une augmentation importante et significative du Cerf pour le niveau VIII (Tableau 155– Delpech et al. 2000). Ces observations ont été mises en parallèle avec notamment les séries issues de la Ferrassie, du Roc-de-Combe, et ont permis de mettre en évidence huit horizons biostratigraphiques pour le début du Würm récent, soit du Châtelperronien au Gravettien (Delpech 1983, 1984 ; Delpech et al. 2000 ; Delpech et Texier 2007). Ainsi, quatre des huit biozonations (cf. infra) concernent l’Aurignacien (notées 2 à 5) dont trois sont présentes au Flageolet I (VIII : 5 ; IX : 3 ; XI : 2). Le niveau XI se serait mis en place sous des conditions rigoureuses, comme en témoignent les nombreux restes de Renne et la présence de Renard polaire. Cette situation s’améliore pour le niveau IX où les formes de forêt réapparaissent. Enfin, les occupants du niveau auraient connu des conditions plus clémentes, comme l’atteste l’augmentation des formes de forêt. Couche XI Couche IX Couche VIII Nb % Nb % Nb % Bos / Bison 38 5,84 33 5,00 41 8,89 Capra sp. 15 2,30 12 1,76 10 2,17 Capreolus capreolus - - 9 1,32 2 0,43 Cervus elaphus 18 2,76 79 11,62 126 27,33 Equus caballus 66 10,14 50 7,35 22 4,77 Equus hydruntinus - - 11 1,62 - Mammuthus primigenius - - 1 0,15 - Magaloceros giganteus - - 1 0,15 1 0,22 Rangifer tarandus 511 78,49 468 68,82 240 52,06 Rupicapra rupicapra 3 0,46 10 1,47 15 3,25 Sus scrofa - - 5 0,74 4 0,87 Total 651 100 680 100 461 100 Tableau 155 : Le Flageolet I - Décompte des ongulés, en nombre de restes déterminés (NISP) des niveaux aurignaciens (D’après Delpech et al. 2000, modifié). 1.6. Datations Plusieurs datations ont été réalisées, auprès des laboratoires de Lyon, d’Oxford et de Gif-surYvette (Tableau 156). Treize datations ont été obtenues pour les niveaux aurignaciens, 386 respectivement six pour le niveau VIII, trois pour le IX et quatre en XI. Les dates s’échelonnent entre 23 280 BP et 34 300 BP, soit un peu plus de 10 000 ans (Figure 167). La dispersion des dates du niveau VIII est assez importante, puisqu’elles s’échelonnent entre 23 000 et 29 000 BP. Toutefois, les dates de 23 280 BP et 24 800, fort jeunes, semblent devoir être rejetées, puisqu’elles rentrent davantage dans les intervalles de temps retenus pour le Gravettien (e.g. Bosselin 1996 ; Bosselin et Djindjian 1994, 1997 ; Delporte 1991 ; Djindjian 1999 ; Djindjian et al. 1999 ; Klaric 2003 ; Pesesse 2008). Enfin trois dates donnent des âges moyens de 27 000 BP, plus proche de ceux obtenus pour le niveau VII Gravettien. Des possibilités de mélange entre les niveaux VIII et VII ne peuvent être totalement écartées. Enfin, la date la plus ancienne est d’environ 29 000 BP. Le niveau IX présente quatre dates relativement différentes. Celles de 20 000 et 27 000 BP doivent probablement être rejetées. Ainsi l’occupation de ce niveau se situerait entre 28 500 et 30 000 BP. Enfin, le niveau XI montre deux lots de dates, le premier entre 31 500 et 32 000 BP, le second aux alentours de 34 000 BP. Ces deux dernières dates présentent cependant des écarts-type relativement importants, supérieur à 1 000 BP. Couches Echantillon Dates BP Sigma BP Dates CalBP (Intcal 09 – OxCAL 4.1) Sigma CalBP (Intcal 09 – OxCAL 4.1) C VII Ly 1748 > 25720 610 > 30464,5 600,5 C VII Ly 2723 26150 600 30791,5 415,5 C VIII-1 OxA 597 24800 600 29705 632 C VIII-1 Ly 2724 26800 1000 31439 1014 C VIII-1 GifA 95540 28970 750 33659,5 900,5 C VIII-2 GifA 95558 26860 420 31265 247 C VIII-2 Ly 2725 27350 1400 32132 1451 C VIII (1-2) Ly 1608 > 23280 670 > 27933 926 C IX Ly 1749 > 20270 - - C IX Ly 2726 27000 1000 31685,5 1022,5 C IX GifA 95560 28520 670 32864 961 C IX GifA 95541 29840 750 34273,5 824,5 C XI Ly 2727 > 31500 - - C XI GifA 95538 32040 850 36487,5 1143,5 C XI OxA 598 33800 1800 38747 1953 C XI GifA 95559 34300 1100 39462,5 1372,5 Tableau 156 : Datation 14 C des différents niveaux du Flageolet 1 (les datations du niveau VII, gravettien, sont fournies à titre indicatif). 387 Figure 167 : Représentation graphique des dates 14 C disponibles pour l’Aurignacien du Flageolet I (les datations du niveau VII, Gravettien, sont fournies à titre indicatif). 1.7. Parure et industrie osseuse Les niveaux VIII et IX n’ont livré ni parure ni industrie osseuse, seules quelques pièces en ont été recueillies dans le niveau IX (Figure 168). Les éléments de parure du niveau IX correspondent à deux craches de cerfs perforées (Figure 168 n°2 et 3), une pendeloque probablement en ivoire (Figure 168 n°1), et cinq coquillages (un Dentalium, un Neritina et trois Helix). L’industrie osseuse est composée : - d’un fragment de sagaie ou poinçon de section triangulaire (Figure 168 n°6) ; - d’un fragment de poinçon de section ronde ; - d’un fragment de lame d’os à pointe arrondie (Figure 168 n°7) ; 388 - de deux fragments osseux incisés (Figure 168 n° 5) ; - d’une portion de côte appointée (Figure 168 N°8) ; - et d’une petite sagaie à extrémité distale de section circulaire et à base de section carrée (Figure 168 n°4). Figure 168 : Parure (n°1 à 3) et industrie osseuse (n°4 à 8) du niveau IX (D’après Rigaud 1982, modifié – dessins J.-G. Marcillaud). 1.8. Industrie lithique des niveaux XI à VIII L’étude des industries lithiques aurignaciennes a fait l’objet de deux travaux de doctorat, l’un par J.-Ph. Rigaud (1982), et plus récemment par G. Lucas (2000). 389 Les attributions chrono-culturelles proposées par les deux auteurs sont concordantes. La couche XI, basale, est attribuée à une phase ancienne de l’Aurignacien, sur la présence de grattoirs carénés et de lames aurignaciennes. Les deux niveaux suivants, soit les couches IX et VIII35 , ont toutes deux été attribuées à une phase récente de l’Aurignacien, du fait de la présence, en nombre, de burins busqués et de grattoirs à museau, ainsi que par l’absence de lame à retouche aurignacienne. Toutefois, et comme cela a déjà été remarqué (Rigaud 1982, 1993 ; Lucas 2000), l’ensemble des types d’outils, de même que ce que nous considérons à priori comme des nucléus à lamelles (grattoirs carénés et à museau, ainsi que les burins busqués et carénés) sont présents dans tous les niveaux aurignaciens, mais dans des proportions différentes. Seules les lamelles retouchées, présentes dans les niveaux VIII et IX, font défaut en XI. C’est notamment sur la base de ce constat que J.-Ph. Rigaud réfutera le modèle chronologique proposé par D. Peyrony (1933, 1934), complété par D. de Sonneville-Bordes (1960) et complexifié par H. Delporte (1984, 1991) et F. Djindjian (1986, 1993a et b), basé sur les variations typologiques des industries lithiques de La Ferrassie (Rigaud 1982, 1983, 1993 – cf. supra « Historique »).   C.XI C.IX C.VIII   R82 L00 R82 L00 R82 L00 Outils Grattoir 7 27 77 93 51 44 Grattoir sur éclat - 20 16 27 26 28 Grattoir sur lame aurignacienne 6 8 - - - Outils composites - 4 8 23 5 5 Burin 5 24 101 132 59 52 Lame retouchée 7 40 50 25 36 81 Lame aurignacienne - 3 3 4 3 5 Troncature - 22 54 85 48 22 Autres outils 19 18 148 281 145 36 Nucléus à Grattoir caréné 4 5 21 34 20 20 lamelles potentiels Grattoir à museau 3 7 23 20 13 8 Grattoir à museau plat 3 4 8 14 4 4 Burin busqué - 13 24 24 9 11 Burin caréné - 1 3 8 7 6 Outillage / armature Grattoir Caminade 1 67 74 76 44 30 Lamellaire Lamelle retouchée - 29 69 80 64 59 Total 55 292 679 926 534 411 Tableau 157 : Décompte simplifié des industries aurignaciennes du Flageolet I (R82 : d’après Rigaud 1982 ; L00 : d’après Lucas 2000). 35 J.-Ph. Rigaud a analysé séparément les ensembles VIII-1 et VIII-2, tandis que G. Lucas a réalisée une étude globale. 390 Les différences d’effectif peuvent être expliquées par une extension de la surface fouillée de la couche IX et surtout de la couche XI postérieurement à la thèse de J.Ph. Rigaud (1982) d’une part, et par la réattribution de pièces entre niveaux d’autre part. Les industries du Flageolet I présentent des caractéristiques typo-technologiques particulières, ayant conduit J.-Ph. Rigaud à réfuter pour partie le modèle proposé par D. Peyrony pour l’Aurignacien, mais aussi sur le Gravettien, et plus précisément les subdivisions du Périgordien V, ainsi que la séquence de référence de La Ferrassie (Rigaud 1982, 1985, 1992), thèse reprise par G. Lucas pour l’Aurignacien (Lucas 2006). L’argument principal était la présence, quel que soit le faciès considéré, de tous les types, ou fossiles directeurs, de l’Aurignacien sensu largo. Ainsi, pour l’Aurignacien du Flageolet I, des grattoirs carénés, à museau et Caminade, des burins busqués et carénés, ainsi que des lames à retouche aurignacienne se retrouvent, certes en proportions variables, sur l’ensemble de la séquence, de l’Aurignacien ancien à l’Aurignacien récent. De même pour le Gravettien, où se côtoient des gravettes, des microgravettes, des burins de Noailles et du Raysse, auxquels s’ajoutent parfois des éléments tronqués et des pointes de la Font-Robert. 2- Étude de l’homogénéité des niveaux reconnus à la fouille Dans le cadre d’une thèse de doctorat36 sur les galets manufacturés du Paléolithique supérieur préparée à l’IPGQ, L. Daulny s’est intéressé récemment aux différents niveaux du Flageolet I (de l’Aurignacien au Gravettien). Les nombreux raccords réalisés sur les matériaux autres que le silex lui ont laissé entrevoir l’existence de problèmes stratigraphiques. Afin de déterminer, et de résoudre ces difficultés, les séances de remontages se sont étendues à l’ensemble du matériel lithique. Nos problématiques étant centrées sur l’Aurignacien, nous avons donc travaillé de manière conjointe avec L. Daulny sur cette révision critique de la séquence aurignacienne. Afin de parfaire le travail, les niveaux XI à VIII (Aurignacien), ainsi que la base du niveau VII (Gravettien) ont été étalés de manière successive, afin de tenter à la fois des raccords de cassure et de débitage. 2.1. Protocole L’ensemble du matériel a été pris en considération, qu’il s’agisse des pièces cotées comme des refus de tamis. Nous avons tenté aussi bien les raccords de cassure que de débitage. 36 Malheureusement abandonnée depuis. 391 Il est nécessaire de souligner que le site correspond à un abri-sous-roche dont le démantèlement du toit s’est réalisé durant les occupations aurignaciennes. L’éboulisation de la voûte a induit une configuration de l’abri particulière, séparant celui-ci en deux zones d’occupations potentielles (Figure 169) situées au nord et au sud d’un éboulis central (Lucas 2000 ; Rigaud 1982 ; Simek 1984 ; Texier 1996, 2009). Ce dernier, fort de blocs de plusieurs centaines de kilos et difficile voire impossible à enlever en cours de fouille, a passablement perturbé les travaux de terrains, gênant parfois la reconnaissance des niveaux archéologiques ainsi que leur suivi d’un bout à l’autre du site (Rigaud 1982). Figure 169 : Le Flageolet I - Plan par projection zénithale (X – Y) des vestiges lithiques des couches aurignaciennes (XI, IX et VIII) et situation des blocs formant l’éboulis central (d’après Lucas 2000 pour la couche IX, modifié). L’éboulis central séparant le site en deux zones distinctes, nous avons pris le parti de travailler par locus. Nous avons considéré comme « locus Nord » les bandes –2 à 5 (éboulis central inclus bandes 2 à 5), et comme « locus Sud » les bandes 6 à 11. Ainsi, chacune des concentrations fut confronté terme à terme, par exemple XI Nord a pu être testé avec XI Sud, IX Sud, VIII Sud et IX Nord. Les nombreux raccords et rapprochements nous ont permis de proposer une nouvelle archéoséquence, se distinguant de celle précédemment proposée (Rigaud 1982). Ces nouvelles attributions doivent cependant être considérées comme préliminaires. Des contraintes de temps, et de place, ne nous ont pas permis de terminer entièrement le travail de division des différents niveaux. Toutefois, l’étude se poursuit, et devrait faire l’objet d’une étude plus détaillée dans le cadre d’une monographie du site coordonnée par J.-Ph. Rigaud. 392 Avant tout nous souhaiterions faire un point sur les données dont nous disposions au préalable. 2.2. Analyse de la séquence aurignacienne proposée par J.-Ph. Rigaud (1982) 2.2.1. Présentation du corpus La base de données dont nous disposons inclut l’ensemble des pièces numérotées, quelle que soit leur nature (faune, silex, galet, industrie osseuse, parure…). Un décompte total est donné, par niveau et par grandes catégories de vestiges dans le Tableau 158. Le gisement du Flageolet I comprend donc un total de 65.280 pièces numérotées, parmi lesquelles 64 015 sont coordonnées (430 n’ont pas été coordonnées sur l’axe des X, 433 pour les Y et 1 265 n’ont pas d’altitude). Les vestiges lithiques, et plus particulièrement en silex, totalisent 58 306 objets numérotés supérieurs à 1,5 cm, ou moins dans le cas de certains vestiges lamellaires retouchés reconnus durant la fouille. Bien que pour partie analysée (vestiges lamellaires bruts et retouchés au moins extraits par G. Lucas lors de son doctorat), les refus de tamis n’ont pas encore fait l’objet d’un décompte précis. Nous avons par la suite regroupé, comme G. Lucas (2000), les niveaux VIII-1, VIII-2 et VIII, sous la même unité « VIII ». 2.2.2. Analyse préliminaire de la répartition spatiale des vestiges L’analyse préliminaire des projections de l’ensemble des vestiges coordonnés permet de se rendre compte des problèmes ayant pu exister lors de la fouille dans la reconnaissance et le suivi des différents niveaux. Nous présenterons succinctement diverses projections sagittales et frontales afin de rendre compte de quelques problèmes d’attribution avant de nous intéresser aux résultats obtenus après les séances de remontages. Les quatre figures suivantes (Figure 170 à Figure 173) représentent différentes projections sagittales du gisement. La première (Figure 170) regroupe l’ensemble des 64.015 vestiges coordonnés et est donnée à titre indicatif afin de mesurer visuellement l’importance et la qualité des informations disponibles. Rappelons que peu de sites fouillés à cette période (fouilles 1966-1984, puis 1993) bénéficient d’un tel enregistrement. Les trois projections suivantes (Figure 171, Figure 172, et Figure 173) incluent l’ensemble des pièces situées dans les bandes B, C et D, c’est-à-dire les trois mètres situés vers l’Ouest, à l’opposé de la paroi, en direction du talus. 393 Sur la figure suivante (Figure 174), des projections frontales ont été réalisées, toujours en incluant la totalité des vestiges, par bande d’un mètre de large, situées à divers endroit du site. Niveaux Silex Galet Faune Total 0 39 - - 39 0a 328 1 1 330 0b 136 - - 136 0b ? 2 - - 2 0c 133 2 - 135 0c ? 1 - - 1 0d 81 1 - 82 0d' 1 - - 1 0e 443 8 1 452 0f 173 5 1 179 0g 178 3 1 182 I 53 - - 53 II 2 - 8 10 IIa 4 - - 4 IIb 2 - - 2 IIc 3 - - 3 III 154 1 5 160 I-III 926 5 10 941 IV 2198 38 112 2348 IV-V 38 - - 38 V 8981 61 1166 10208 VI 7989 88 323 8400 VII 14057 108 1608 15773 VIII 189 5 14 208 VIII-1 2243 29 232 2504 VIII-2 2433 120 199 2752 IX 10165 843 702 11710 XI 6987 621 637 8245 Indéterminé 367 9 6 382 Total 58306 1948 5026 65280 Tableau 158 : Le Flageolet I - Décompte des pièces numérotées par grandes catégories de vestiges (silex ; galet : roches autre que silex ; faune : reste osseux, parure et industrie osseuse). 394 Figure 170 : Le Flageolet I - Plan par projections sagittales (Y-Z) de l’ensemble des pièces cotées (bandes Z à D). 395 Figure 171 : Le Flageolet I - Plan par projections sagittales (Y-Z) de l’ensemble des pièces cotées dans la bande B. 396 Figure 172 : Le Flageolet I - Plan par projections sagittales (Y-Z) de l’ensemble des pièces cotées dans la bande C. 397 Figure 173 : Le Flageolet I - Plan par projections sagittales (Y-Z) de l’ensemble des pièces cotées dans la bande D. 398 Figure 174 : Le Flageolet I - Plan par projections frontales (X-Z) des bandes –1 ; 0/1 ; 4/5 ; 6/7 et 8/9. 399 La présence des blocs effondrés se marque par d’imposants vides (Figure 170 à Figure 174). Par exemple dans la bande B (Figure 171), les niveaux aurignaciens forment quatre concentrations distinctes (-2/1, 4, 6/7 et 10/11) qui, à cause des blocs, n’ont pu être reliés entre elles. Sans trop entrer dans le détail, notons l’existence de quelques problèmes d’attribution, visibles à divers endroits du site. Par exemple, en bande C (Figure 172), le niveau XI reconnu dans les travées 9-11, fait suite au niveau IX situé dans les carrés 7-8. De la même manière, un décalage entre les niveaux est visible entre les carrés 6 et 7 de la bande D (Figure 173). Les projections frontales indiquent elles aussi l’existence de certaines erreurs, notamment entre les bandes B et C dans les demis carrés 6/7 (Figure 174), ou encore la présence de nombreuses pièces du niveau XI dans IX au sein du carré C de la bande 8/9 (Figure 174). 2.2.3. Remarque sur la distribution de la faune Afin d’apprécier, d’une part, l’existence ou non de problèmes d’attribution, et d’autre part de tester les différentes biozonations proposées sur ce site (Delpech et al. 2000), nous avons réalisé des projections spatiales des restes fauniques. Nous présentons une projection sagittale de la faune coordonnée, par taxon (Figure 175). L’analyse de celle-ci ne nous a pas permis d’entrevoir de manière nette les différentes biozonations établies entre les divers niveaux. Seul l’épisode à cerf dominant est nettement visible dans le niveau VII, et dans une moindre mesure pour le niveau VI. Les espèces tempérées (Cerf, Chevreuil et Sanglier) reconnues dans les différentes unités aurignaciennes semblent se distribuer de manière homogène et aucune réelle concentration de ces vestiges n’a pu être décelée. 2.2.4. Répartition spatiale des remontages Au total, 2898 pièces marquées (pièces issues des refus de tamis non décomptées) ont pu être remontées, formant au total 1087 lots sur l’ensemble de la séquence (regroupe les raccords sur silex, autres roches et restes fauniques). Le Tableau 159 présente la répartition de ces différents lots auxquels il faut rajouter six lots faisant intervenir trois niveaux. Ces derniers se répartissent comme suit : un lot se trouve entre les niveaux 0, VI et VII, quatre concernent les niveaux IV, V et VI, et un dernier prend en compte les niveaux V, VI et VII. Les fréquences associées sont illustrées dans le Tableau 160. 400 Figure 175 : Le Flageolet I - Plan par projection sagittale de l’ensemble des restes fauniques. 401 Total 0 I-III IV V VI VII VIII IX XI 0 5 - - 1 1 3 - - I-III   2 - - - - - - IV     10 11 - - - - V       123 8 - - - VI     111 28 1 - VII       110 9 - VIII         62 21 2 IX           323 46 XI             204 Tableau 159 : Le Flageolet I - Répartition des différents remontages (regroupe la totalité des remontages réalisés sur le site : silex, autres roches et faune). Total 0 I-III IV V VI VII VIII IX XI 0 0,5 - - 0,1 0,1 0,3 - - I-III   0,2 - - - - - - IV     0,9 1,0 - - - - V       11,3 0,7 - - - VI     10,2 2,6 0,1 - VII       10,1 0,8 - VIII         5,7 1,9 0,2 IX           29,7 4,2 XI             18,8 Tableau 160 : Le Flageolet I - Fréquence (%) des remontages calculée d’après la totalité des lots réalisés sur le gisement. Silex Autres roches Faune Total Niveaux Nb tot Nb rem % rem Nb tot Nb rem % rem Nb tot Nb rem % rem Nb tot Nb rem % rem 0 1515 2 0,1 20 14 70,0 4 - - 1539 16 1,0 I-III 1144 4 0,3 6 - - 23 - - 1173 4 0,3 IV 2198 23 1,0 38 5 13,2 112 10 8,9 2348 38 1,6 V 8981 188 2,1 61 23 37,7 1166 87 7,5 10208 298 2,9 VI 7989 355 4,4 88 56 63,6 323 18 5,6 8400 429 5,1 VII 14057 146 1,0 108 61 56,5 1608 106 6,6 15773 313 2,0 VIII 4865 74 1,5 154 65 42,2 445 33 7,4 5464 172 3,1 IX 10165 817 8,0 843 183 21,7 702 21 3,0 11710 1021 8,7 XI 6987 472 6,8 621 106 17,1 637 29 4,6 8245 607 7,4 Total 57901 2081 3,6 1939 513 26,5 5020 304 6,1 64860 2898 4,5 Tableau 161 : Le Flageolet I - Décompte du nombre de pièces marquées (Nb tot), du nombre de pièces raccordées et ou remontées (Nb rem), et fréquence (%) des pièces raccordées et/ou remontées (% rem) par niveaux et par catégories de vestige. Le nombre des vestiges (silex, autres roches et faune) remontés, ainsi que la fréquence par niveau sont notés dans le Tableau 161. Les fréquences des remontages intra et inter-couches pour chaque niveau ont été reportées dans le Tableau 162 et la Figure 176. 402 Plusieurs informations peuvent en être extraites. Nous n’insisterons pas sur la séquence gravettienne (bien que de nombreux renseignements en ressortent), hormis sur le niveau VII, point d’ancrage à la comparaison avec les niveaux aurignaciens sous-jacents Nombre Fréquence (%) Niveau Inter + Intra Inter - Total Inter + Intra Inter - 0 - 5 5 10 - 50,0 50,0 I-III - 2 - 2 - 100 IV - 10 11 21 - 47,6 52,4 V 12 123 8 143 8,4 86,0 5,6 VI 9 111 29 149 6,0 74,5 19,5 VII 31 110 9 150 20,7 73,3 6,0 VIII 10 62 23 95 10,5 65,3 24,2 IX 21 323 46 390 5,4 82,8 11,8 XI 48 204 - 252 19,0 81,0 Tableau 162 : Le Flageolet I - Décompte et fréquence (%) des raccords et remontages intercouche et intra-couche (« inter + » :  inter-couche avec le(s) niveau(x) sus-jacent et « inter -  » : avec le(s) niveau(x) sous-jacent ; « intra » : intra-couche). Figure 176 : Le Flageolet I – Représentation schématique du nombre de raccords intra et inter-couches. Le niveau IX présente le plus haut taux de raccords de la séquence aurignacienne, avec près de 9 % de l’effectif total inclus dans un remontage (Tableau 161). Le même constat peut être établi à l’échelle du site, puisque environ 30 % de l’ensemble des lots l’ont été dans ce niveau 403 (Tableau 160). Vient ensuite par ordre d’importance le niveau XI, où 7,5 % des pièces ont pu être raccordées ou remontées, contre environ 3 % pour le niveau VIII (Tableau 161). Des trois niveaux aurignaciens, le IX présente le pourcentage de raccords intra-couche le plus élevé avec près de 83 % des lots, suivi de près par celui du niveau XI (81 % - Tableau 162). Le niveau VIII se démarque nettement puisque seulement 65 % des raccords sont intra- couche. Quel que soit le niveau considéré, des raccords inter-couches ont pu être réalisés (Tableau 159, Tableau 160 et Tableau 162), mais dans des proportions variables. Leur homogénéité mérite d’être questionné. Ainsi, l’analyse de leurs répartitions et de leurs fréquences indique un rapprochement d’au moins une partie du matériel entre les niveaux VIII et IX, et dans une moindre mesure VIII et VII, ainsi qu’entre les niveaux IX et XI. 2.3. Proposition d’une nouvelle archéo-séquence aurignacienne 2.3.1. Présentation des nouvelles unités Sur la base de l’analyse des projections des vestiges, des raccords et remontages, autant intra que inter couches, ainsi que du contenu typo-technologique des différentes unités, une nouvelle archéo-séquence aurignacienne peut être établie, dont la proposition est résumée dans la Figure 177. Nous avons pu identifier sept, peut-être huit, nappes de vestiges, notées de A à G du bas vers le haut de la séquence (Figure 177). Les niveaux B et B’ pourraient correspondre à une seule unité. Toutefois, leur raccordement reste encore incertain. Figure 177 : Le Flageolet I - Coupe sagittale théorique, réalisée d’après les bandes Z à B, de l’archéo-séquence aurignacienne proposée (les niveaux gravettiens ne sont pas figurés). Toutes les pièces n’ont pas encore pu être réattribuées (Tableau 163). Seulement 60,3 % des vestiges cotés en silex attribués à l’Aurignacien (couche VIII à XI) ont pu être intégrés dans 404 cette nouvelle archéoséquence. Le taux d’intégration des pièces des anciennes couches est variable. Plus de 70 % des éléments de la couche IX ont pu être incorporés dans notre nouvelle proposition (Tableau 164). Par contre pour la couche XI, seulement 50 % des vestiges sont concernés (Tableau 164). Les faibles fréquences données dans le tableau X pour les couches VIII, VIII-1 et VIII-2, s’expliquent en partie par une réattribution de certaines pièces vers les niveaux gravettiens sus-jacents, et en particulier vers le niveau VII. Leur chiffre exact demeure incertain, puisque nous n’avons, d’une part réalisé que peu de remontages pour le niveau VII, et d’autre part pas analysé dans le détail les projections des ensembles gravettiens. IV V VI VII VIII VIII-1 VIII-2 IX XI Ind Total Ensemble G - - 4 240 16 244 142 4 - - 650 Ensemble F 14 4 15 100 30 74 230 2904 119 3 3493 Ensemble E - - 5 67 19 409 328 33 - 6 867 Ensemble D - - - - 9 83 466 1195 138 3 1894 Ensemble C - - 1 - - 11 445 1939 458 1 2855 Ensemble B - - - - - - 3 974 118 4 1099 Ensemble B' - - - - - - 2 206 2374 2 2584 Ensemble A - - - - - - - 5 302 2 309 Total réattribué 14 4 25 407 74 821 1616 7260 3509 21 13751 Total silex cotés 2198 8981 7989 14057 189 2243 2433 10161 6987 367 IV V VI VII VIII VIII-1 VIII-2 IX XI Ind Total Ensemble G - - 0,62 36,92 2,46 37,54 21,85 0,62 - - 100 Ensemble F 0,40 0,11 0,43 2,86 0,86 2,12 6,58 83,14 3,41 0,09 100 Ensemble E - - 0,58 7,73 2,19 47,17 37,83 3,81 - 0,69 100 Ensemble D - - - - 0,48 4,38 24,60 63,09 7,29 0,16 100 Ensemble C - - 0,04 - - 0,39 15,59 67,92 16,04 0,04 100 Ensemble B - - - - - - 0,27 88,63 10,74 0,36 100 Ensemble B' - - - - - - 0,08 7,97 91,87 0,08 100 Ensemble A - - - - - - - 1,62 97,73 0,65 100 Fréquence réattribué 0,10 0,03 0,18 2,96 0,54 5,97 11,75 52,80 25,52 0,15 100 Fréquence silex cotés 0,6 0,0 0,3 2,9 39,2 36,6 66,4 71,4 50,2 5,7 Tableau 163 : Le Flageolet I - Décompte et fréquence (%) des pièces en silex réattribuées par ensembles, et suivant les anciennes attributions (en gris effectif et fréquence les plus élevés – 1 : gris foncé ; 2 : gris clair). Les ensembles que nous présentons sont constitués de vestiges initialement cotés dans différentes couches. Un décompte précis est donné dans le Tableau 164, et une restitution schématique de la correspondance entre les anciennes et les nouvelles unités est proposée dans la Figure 178. Rappelons que l’éboulis central a conditionné les occupations du site, et les ensembles que nous avons isolés ne se trouvent pas toujours sur la totalité de l’espace fouillé (Figure 179, 405 Figure 180 et Figure 181). Seuls les niveaux C et D occupent presque toute la superficie du gisement (Figure 179 et Figure 180), auxquels pourrait s’ajouter les niveaux B/B’ (Figure 179), occupant respectivement le nord et le sud du site. Les unités A et E se limitent à la partie nord du site (Figure 179 et Figure 180), tandis que F et G se trouvent au sud (Figure 180 et Figure 181). Ainsi, comme nous l’évoquions plus haut, la présence de l’éboulis a gêné, lors de la fouille, la reconnaissance et le suivi des niveaux. De fait, chaque unité reconnue à la fouille doit être considérée comme deux locus disjoints (zone nord et zone sud), dont la stricte association n’est pas toujours valide. L’analyse des projections a permis de mettre évidence que, pour une même couche donnée, son complémentaire de l’autre côté de l’éboulis pouvait être une autre couche. Par exemple, ce que nous avons regroupé sous l’ensemble D correspond globalement à l’association de la couche VIII nord et IX sud. De même, l’ensemble B/B’, s’il s’agit de la même nappe de vestiges, correspond pour partie aux couches IX nord et XI sud. Figure 178 : Le Flageolet I - Représentation schématique de la distribution des nouveaux ensembles au sein de la stratigraphie initiale. L’ensemble de ces données peut être synthétisé de la manière suivante (Tableau 163 et Figure 179 à Figure 181) : - L’ensemble A : les pièces proviennent quasi exclusivement de l’ancienne couche XI nord (bandes –2 à 3), seulement cinq sont issues du niveau IX sus-jacent. 406 - L’ensemble B : il est composé essentiellement de vestiges provenant de la couche IX, et a un peu plus de 10% de la XI. Il occupe essentiellement les bandes –2 à 1. - L’ensemble B’ : il est en continuité avec l’ensemble B, et pourrait en être le prolongement vers le sud. Contrairement à ce dernier, ce sont les pièces issues du niveau XI qui sont majoritaires, le niveau IX ne rentrant que dans moins de 10 % dans sa composition. Il se localise essentiellement dans les bandes 6 à 11. Figure 179 : Le Flageolet I – plan par projections zénithales (X/Y) des ensembles A, B/B’ et C. 407 Figure 180 : Le Flageolet I – Plan par projections zénithales (X/Y) des ensembles D, E et F. - L’ensemble C : Cette nappe de vestiges occupe l’ensemble de la zone fouillée et correspond pour partie à la base (sud) et au sommet (nord) de la couche IX, à laquelle s’ajoute une partie de la base de la couche VIII-2 au nord et du sommet de la couche XI au sud. 408 - L’ensemble D : Comme l’ensemble C sous-jacent, il se situe de part et d’autre de l’éboulis central. Il est composé principalement de la partie médiane de la couche IX sud, et de VIII-2 au nord. - L’ensemble E : Cette occupation est confinée à la partie nord du gisement, au niveau des bandes –2 à 2. Il s’agit ici principalement de la couche VIII sensu largo, et plus particulièrement VIII-1, ainsi que la base du niveau VII. - L’ensemble F : Il est circonscrit à la partie sud du site avec une extension dans l’éboulis central, soit des bandes 2 à 11, avec une densité plus importante entre 8 et 11. La plupart des vestiges sont issus du sommet de la couche IX sud, avec en allant vers le Nord, dans l’éboulis, des vestiges provenant de la couche VIII et VII. - L’ensemble G : Ce dernier niveau est, comme le précédent, situé dans la partie Sud entre les travées 7 à 11, et se compose d’une large part de la couche VIII et dans une moindre mesure de la base de VII sud. Figure 181 : Le Flageolet I – Plan par projections zénithales (X/Y) de l’ensemble G. 2.3.2. Datations associées Quatre dates issues de deux os différents, dont on connaissait les coordonnées, ont pu être attribuées à deux des ensembles précédemment proposés (Tableau 164). La pièce C8-1642, initialement cotée dans le niveau IX, a été réattribuée au niveau XI sous-jacent, et inversement pour la pièce D10-2759, issue du niveau XI, puis associée au IX, respectant ainsi la succession chronologique (Delpech et Rigaud 2001). L’analyse des projections spatiales permet d’attribuer la première pièce (C8-1642) à l’ensemble C, et la seconde (D10-2759) à l’ensemble F. 409 Comme le faisaient remarquer les auteurs (Delpech et Rigaud 2001) les dates obtenues sur le même échantillon présentent des écarts relativement importants, notamment sur l’os C8-1642 avec de 2 260 ans de différence. De plus, pour ces deux dates, même en prenant un intervalle à deux sigmas, il n’y a pas de recoupement. Pour le deuxième échantillon, l’écart entre les dates est moins important (1 320 ans), et en considérant un intervalle de deux sigmas, on a un recouvrement entre 29 090 et 29 190 BP. En se basant sur ces dates, on peut proposer un âge moyen de 33 170 BP pour l’ensemble C, et de 29 180 BP pour l’ensemble F. Les autres niveaux peuvent malgré tout être resitués de manière relative, même en l’absence de dates. Ainsi, les ensembles A et B/B’ sont probablement plus anciens que 32.000 BP, les unités D et E entre 32 000 et 29/28 000 BP, et enfin le dernier niveau se calerait dans une fourchette de temps comprise entre 29/28 000 BP et 26 000 BP en tenant compte des dates disponibles pour la couche VII gravettienne. N° pièces Ancienne couche Date (BP) Sigma (année) N° échantillon Nouvelle attribution 32.040 850 GifA-95538 C8-1642 Couche IX 34.300 1100 GifA-95559 Ensemble C 29.840 750 GifA-95541 D10-2759 Couche XI 28.520 670 GifA-95560 Ensemble F Tableau 164 : Le Flageolet I - Provenance des datations et réattribution aux nouveaux ensembles. 3. Étude de quelques niveaux aurignaciens Nous nous sommes ici concentré sur quelques niveaux présentant des informations importantes pour la compréhension de la structuration de l’Aurignacien. Nous présenterons essentiellement les niveaux F et G, clôturant la séquence aurignacienne. Nous présenterons aussi le niveau A situé à la base de la séquence (équivalent à la couche XI, partie Nord). Cette occupation, anciennement attribuée à l’Aurignacien ancien (Rigaud 1982), a fait l’objet d’un mémoire de Master 2 (Etchart-Salas 2008). Nous présenterons cependant un aperçu succinct du contenu typo-technologique de toutes les nouvelles unités afin d’en dégager les caractéristiques principales. 3.1. Description du contenu typo-technologique des nouveaux ensembles Les décomptes de l’outillage et des nucléus sont donnés dans les tableaux suivants (Tableau 165 à Tableau 167). Les déterminations sont en majorité celles de G. Lucas, mais nous avons 410 toutefois revu et complété l’attribution de certaines pièces. Si nous sommes globalement en accord avec les attributions typologiques de cette dernière, il n’en va pas de même pour les nucléus lamellaires, pour lesquels notre vision est partiellement différente. Ainsi, les décomptes sont donnés à titre indicatif et provisoire. Enfin, rappelons que les pièces non cotées ne rentrent pas dans ces décomptes, ce qui diminue sensiblement les effectifs des grattoirs Caminade et des lamelles retouchées. Ensembles A B B' B+B' C D E F G Outils Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Grattoir 2 5,3 6 5,9 9 7,1 15 6,6 22 8,8 11 6,6 8 9,6 6 3,9 10 15,4 Grattoir double - - - - 1 0,8 1 0,4 6 2,4 4 2,4 1 1,2 - - - Grattoir sur éclat 1 2,6 4 3,9 14 11,1 18 7,9 17 6,8 11 6,6 9 10,8 6 3,9 4 6,2 Grattoir sur lame ret 2 5,3 10 9,8 3 2,4 13 5,7 23 9,2 14 8,4 6 7,2 3 2,0 5 7,7 Grattoir sur lame auri 8 21,1 2 2,0 - - 2 0,9 - - - - - - - - - Grattoir - burin - - 4 3,9 2 1,6 6 2,6 7 2,8 1 0,6 1 1,2 5 3,3 1 1,5 Grattoir - troncature - - - - - - - - - - 1 0,6 - - - - 1 1,5 Burin - troncature - - 1 1,0 - - 1 0,4 2 0,8 - - 1 1,2 - - 1 1,5 Perçoir - burin - - - - - - - - 1 0,4 - - - - - - - Perçoir - troncature - - - - 1 0,8 1 0,4 - - - - - - - - - Perçoir, bec, épine - - - - 3 2,4 3 1,3 7 2,8 4 2,4 - - 2 1,3 - Burin dièdre - - 7 6,9 3 2,4 10 4,4 6 2,4 8 4,8 6 7,2 27 17,8 4 6,2 Burin sur cassure - - 8 7,8 1 0,8 9 3,9 16 6,4 8 4,8 3 3,6 21 13,8 2 3,1 Burin sur troncature - - 2 2,0 4 3,2 6 2,6 18 7,2 3 1,8 3 3,6 9 5,9 2 3,1 Burin transversal - - - - 1 0,8 1 0,4 2 0,8 - - 2 2,4 - - 1 1,5 Burin multiple - - 3 2,9 2 1,6 5 2,2 5 2 2 1,2 2 2,4 3 2,0 1 1,5 Troncature 3 7,9 7 6,9 14 11,1 21 9,2 21 8,4 17 10,2 7 8,4 10 6,6 10 15,4 Lame retouchée 12 31,6 1 1,0 15 11,9 16 7,0 13 5,2 15 9,0 3 3,6 3 2,0 4 6,2 Fragment pièce ret - - 16 15,7 2 1,6 18 7,9 27 10,8 25 15,1 10 12,0 26 17,1 5 7,7 Lame encochée - - 3 2,9 1 0,8 4 1,8 6 2,4 2 1,2 - - 1 0,7 - Lame appointée - - - - - - - - - - 2 1,2 - - - - - Lame aurignacienne 2 5,2 - - - - - - 2 0,8 2 1,2 2 2,4 - - - Pièce à dos - - - - 1 0,8 1 0,4 1 0,4 - - 1 1,2 1 0,7 - Pièce esquillée 5 13,2 1 1,0 3 2,4 4 1,8 1 0,4 - - - - - - 1 1,5 Pièce esquillée ? 1 2,6 1 1,0 - - 1 0,4 - - - - - - 1 0,7 - Encoche 1 2,6 12 11,8 10 7,9 22 9,6 29 11,6 18 10,8 6 7,2 16 10,5 3 4,6 Denticulé - - 2 2,0 3 2,4 5 2,2 3 1,2 6 3,6 3 3,6 3 2,0 2 3,1 Racloir - - - - 1 0,8 1 0,4 1 0,4 - - - - - - 1 1,5 Divers 1 2,6 - - - - - - 4 1,6 - - - - - - 1 1,5 Indéterminé - - 3 2,9 6 4,8 9 3,9 - - - - 3 3,6 - - - Grattoir Caminade - - 5 4,9 21 16,7 26 11,4 8 3,2 8 4,8 1 1,2 3 2,0 - Fgmt petite pièce à dos - - - - 1 0,8 1 0,4 - - 1 0,6 - - - - 4 6,2 Lamelle tronquée - - - - - - - - 1 0,4 1 0,6 1 1,2 - - - Lamelle encochée - - - - - - - - - - - - - - 1 0,7 - Dufour - - 4 3,9 3 2,4 7 3,1 - - - - - - - - - Lamelle ret dir - - - - 1 0,8 1 0,4 - - 1 0,6 4 4,8 4 2,6 1 1,5 Lamelle ret inv - - - - - - - - 1 0,4 1 0,6 - - 1 0,7 1 1,5 Total 38 100 102 100 126 100 228 100 250 100 166 100 83 100 152 100 65 100 Tableau 165 : Le Flageolet I - Décompte et fréquence (%) de l’outillage de chaque ensemble. 411 Ensembles A B B' B+B'  C D E F G Outils Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Grattoir 5 13,2 20 19,6 27 21,4 47 20,6 68 27,2 40 24,1 24 28,9 15 9,9 19 29,2 Grattoir sur lame auri 8 21,1 2 2,0 - - 2 0,9 - - - - - - - - - Composite - - 5 4,9 3 2,4 8 3,5 10 4,0 2 1,2 2 2,4 5 3,3 3 4,6 Burin - - 20 19,6 11 8,7 31 13,6 47 18,8 21 12,7 16 19,3 60 39,5 10 15,4 Troncature 3 7,9 7 6,9 14 11,1 21 9,2 21 8,4 17 10,2 7 8,4 10 6,6 10 15,4 Lame retouchée 12 31,6 20 19,6 18 14,3 38 16,7 46 18,4 44 26,5 13 15,7 30 19,7 9 13,8 Lame aurignacienne 2 5,3 - - - - - - 2 0,8 2 1,2 2 2,4 - - - Pièce esquillée 6 15,8 2 2,0 3 2,4 5 2,2 1 0,4 - - - - 1 0,7 1 1,5 Divers 2 5,3 17 16,7 24 19,0 41 18,0 45 18,0 28 16,9 13 15,7 22 14,5 7 10,8 Grattoir Caminade - - 5 4,9 21 16,7 26 11,4 8 3,2 8 4,8 1 1,2 3 2,0 - Dufour - - 4 3,9 3 2,4 7 3,1 - - - - - - - - - Autres lamelles ret - - - - 2 1,6 2 0,9 2 0,8 4 2,4 5 6,0 6 3,9 6 9,2 Total 38 100 102 100 126 100 228 100 250 100 166 100 83 100 152 100 65 100 Tableau 166 : Le Flageolet I - Décompte simplifié et fréquence (%) de l’outillage de chaque ensemble. A B B' B+B' C D E F G Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Grattoir caréné 2 50,0 2 10,0 2 12,5 4 11,1 5 15,2 6 22,2 3 25,0 14 43,8 2 28,6 Grattoir caréné typique - - 3 15,0 1 6,3 4 11,1 3 9,1 3 11,1 - - - - - Grattoir à museau - - 4 20,0 4 25,0 8 22,2 2 6,1 4 14,8 4 33,3 9 28,1 1 14,3 Grattoir à museau atypique - - - - 1 6,3 1 2,8 1 3,0 - - - - 1 3,1 - Grattoir à museau plat 2 50,0 5 25,0 1 6,3 6 16,7 5 15,2 4 14,8 3 25,0 - - - Burin busqué - - 6 30,0 7 43,8 13 36,1 15 45,5 9 33,3 1 8,3 3 9,4 2 28,6 Burin caréné - - - - - - - - 1 3,0 1 3,7 1 8,3 4 12,5 2 28,6 Burin nucléiforme - - - - - - - - 1 3,0 - - - - 1 3,1 - Total 4 100 20 100 16 100 36 100 33 100 27 100 12 100 32 100 7 100 Tableau 167 : Le Flageolet I - Décompte et fréquence (%) des nucléus à lamelles. 3.1.1. Le niveau A Les effectifs de ce niveau sont les plus faibles, avec 309 pièces, dont 38 outils, quatre nucléus lamellaires (dont deux douteux : les grattoirs à museau plat) et six autres nucléus pour la plupart à lames. L’outillage est dominé par les lames retouchées (N=14), dont deux à retouche aurignacienne. Suivent ensuite les grattoirs et les pièces esquillées. Les burins sont absents. Ce qui est aussi le cas des grattoirs Caminade, des burins busqués ou carénés et des lamelles retouchées, qui manquent également. Nous reviendrons plus loin sur les nucléus lamellaires, qui comme le reste de cette série ont fait l’objet d’une révision récente. 412 3.1.2. Le niveau B Ont pu être décomptées 1099 pièces, dont 102 outils, 20 nucléus lamellaires et deux laminaires. Les grattoirs, burins et lames retouchées sont en nombre équivalent (N = 20 pour chaque catégorie). Les grattoirs sur lame retouchée sont majoritaires, vis-à-vis des grattoirs simples. Parmi les burins, ce sont les dièdres et ceux qui sont sur troncature qui sont majoritaires, et d’effectif similaire. Les troncatures sont bien représentées avec 7 pièces, ce qui n’est pas le cas des pièces esquillées, avec deux exemplaires dont un douteux. Notons que les lames aurignaciennes sont présentes sous la forme de deux grattoirs à retouche latérale de type aurignacienne. Nous pensons, après avoir vu ces pièces (cette remarque s’applique par extension aux autres outils classés dans les pièces à retouche aurignacienne de l’ensemble de la séquence), qu’il ne s’agit que de lames à retouche envahissante, parfois légèrement écailleuse. L’emploi du terme « retouche aurignacienne », eu égard aux pièces provenant de séries attribuées à l’Aurignacien ancien, nous paraît ici abusif. Deux types de microlithes sont présents : les grattoirs Caminade et les lamelles Dufour. Suite à l’examen de ces dernières, nous pouvons préciser qu’il s’agit des sous-types Roc-de-Combe, torse dans le sens anti-horaire. Les nucléus lamellaires sont dominés par les burins busqués (N = 6) et les grattoirs à museau (N = 4). 3.1.3. Le niveau B’ Il compte 2584 vestiges, dont 126 outils, 16 nucléus à lamelles et 25 nucléus pour la plupart à lames. L’outillage est varié, mais avec une plus forte représentation des grattoirs (N = 27), et notamment des grattoirs simples, suivis par ceux qui sont sur lames retouchées. Suivent ensuite les lames retouchées (N = 19), les troncatures (N = 14) et les burins (N = 11). Les pièces esquillées sont rares (N = 3) et les pièces à retouches aurignaciennes absentes. Les grattoirs présentent l’effectif le plus important de la séquence aurignacienne avec 21 pièces. Seules trois lamelles Dufour, elles aussi de sous-type Roc-de-Combe (cf. supra), sont présentes. Comme pour le niveau B, les nucléus lamellaires sont dominés par les burins busqués (N = 7) et les grattoirs à museau (N = 4 ). Enfin, précisons que les nucléus à lames et assimilés sont relativement nombreux avec 25 vestiges, nombre le plus important de tous les ensembles. 413 Si des différences existent entre les ensembles B et B’, notamment au niveau de la composition de l’outillage, de nombreuses similitude méritent d’être soulignés. Nous insisterons sur deux points. En premier, les modalités de productions lamellaires sont similaires. Celle de type burin busqué est privilégiée dans les deux cas, et peut être mise en relation avec les lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe. Dans un second temps, on note une présence de grattoirs Caminade dans les deux niveaux, en nombre plus ou moins important suivant l’unité considérée. 3.1.4. Le niveau C C’est numériquement la deuxième nappe de vestiges la plus importante, après le niveau F. Elle est composée de 2855 vestiges, dont 250 outils (effectif le plus important de la nouvelle archéoséquence), 33 nucléus à lamelles et 11 nucléus à lames. L’outillage est nettement dominé par les grattoirs (N = 68), suivis des burins (N = 47) et des lames retouchées (N = 46). Les grattoirs se distribuent de manière sensiblement équivalente entre les simples (N = 22) et sur lame retouchée (N = 23). Le nombre de grattoirs sur éclat est important, avec 17 objets, dont certains, d’après nos observations, sont à considérer comme des nucléus, d’une part à grattoirs Caminade et d’autre part à lamelles torses. Le groupe des burins est dominé par ceux qui sont sur troncature (N = 18), et sur cassure (N = 16). Les burins dièdres sont peu abondants (N = 6). Les troncatures sont abondantes (N = 21), et une seule pièce esquillée est présente. Les grattoirs Caminade sont représentés par huit pièces. Il n’y a qu’une seule lamelle retouchée. Cette dernière présente une retouche inverse sur le bord droit, et est de profil torse anti-horaire, nous la considérons comme une lamelle Dufour soustype Roc-de-Combe. Les nucléus lamellaires sont bien représentés, en particulier par les burins busqués (N = 15). Seuls deux nucléus grattoirs à museau sont présents. Leur présence s’accorde parfaitement avec la lamelle retouchée susmentionnée. 3.1.5. Le niveau D Ce niveau est riche de 1894 vestiges en silex, dont 166 outils, 27 nucléus à lamelles et 4 à lames. Les lames retouchées sont majoritaires (N = 44), suivies des grattoirs (N = 40), puis des burins (N = 21). Pour ce dernier groupe, il s’agit essentiellement de burins dièdres et sur cassure (N = 8 pour les deux types). La remarque émise précédemment pour les grattoirs sur 414 éclat s’applique également pour ceux issus de ce niveau. Les troncatures sont au nombre de dix-sept. Il n’y a pas de pièce esquillée. Les grattoirs Caminade sont au nombre de huit. Des quatre lamelles retouchées, une est une lamelle Dufour sous-type Roc-de-Combe (retouche inverse droite et torsion anti-horaire). La production lamellaire est, comme pour le niveau sous-jacent, dominée par la modalité de type burin busqué (N = 9), complétée notamment par quatre grattoirs à museau. Que ce soit du point de vue de l’outillage, des nucléus lamellaires ou de la répartition horizontale des vestiges, cette nappe de vestiges présente des caractéristiques communes avec l’ensemble C sous-jacent. Ainsi, la question de la validité de notre découpage se doit d’être posée. Nous envisageons deux hypothèses : soit nous sommes en présence de deux niveaux d’occupations distincts, peut-être de courte durée, mais en tout cas par des hommes porteurs de la même identité culturelle, soit il ne s’agit que d’une seule occupation que nous avons scindé artificiellement en deux ensembles. 3.1.6. Le niveau E Cet ensemble est relativement restreint, d’une part en nombre de pièces (N = 867), mais aussi dans l’espace (cf. supra). L’outillage, peu abondant (N = 83), se compose essentiellement de grattoirs (N = 24), de burins (N = 16) et de lames retouchées (N = 13), auxquels s’ajoutent sept troncatures. Aucune pièce esquillée n’est présente. Un seul grattoir Caminade est attesté, et les lamelles retouchées sont principalement représentées par quatre lamelles à retouche directe. Les nucléus lamellaires sont peu nombreux (N = 12). On relèvera la présence de quatre grattoirs à museau (ainsi que trois à museau plat), et d’un burin busqué. Les nucléus, tant laminaires qu’à éclats, sont absents. 3.1.7. Le niveau F Avec 3493 objets, cet ensemble est numériquement le plus important. Parmi les 152 outils, dominent largement les burins avec 60 pièces, viennent ensuite les lames retouchées (N = 30), puis les grattoirs (N = 15). Au sein des burins, les dièdres (N = 27) et ceux qui sont sur cassure (N = 21) sont majoritaires. Les burins sur troncature ne sont représentés que par neuf objets. Enfin, on note la présence de trois grattoirs Caminade, et de quatre lamelles à retouche directe. 415 Les modalités de production lamellaire sont dominées par les grattoirs carénés (N = 14), suivies par les grattoirs à museau atypiques (N = 3), auxquels s’ajoutent trois burins busqués. 3.1.8. Le niveau G Enfin, ce niveau qui clôture la séquence aurignacienne, présente un effectif faible, ave 650 objets, dont 65 outils, sept nucléus lamellaires, et autant de nucléus à lames. L’outillage se compose principalement de grattoirs (N = 19), de burins (N = 10), de troncatures (N = 10) et de lames retouchées ( N = 9). Il n’y a pas de grattoir Caminade, et les lamelles retouchées (N = 6) présentent majoritairement une retouche directe semi-abrupte, généralement sur le bord droit (cf. infra). Le débitage lamellaire, représenté par sept nucléus, se compose, dans des effectifs faibles de grattoirs carénés et à museau, de burins busqués et carénés. 3.1.9. Synthèse préliminaire L’étude synthétique que nous avons présentée de ces différents niveaux, si elle laisse de nombreuses questions en suspens, permet au moins d’avancer quelques hypothèses sur la nature de ces occupations. La composition typo-technologique du niveau A tendrait à rapprocher celui-ci d’un Aurignacien ancien classique (lame aurignacienne, étranglée, pièce esquillée, grattoir caréné). Cependant, comme nous le verrons plus loin nous ne pouvons souscrire à une telle attribution. Quoi qu’il en soit, cette occupation semble à la fois de courte durée, et d’ampleur limitée. Contrairement aux décomptes présentés pour l’ancienne couche XI (Rigaud 1982 ; Lucas 2000), il n’y a logiquement ni burin busqué, ni grattoir Caminade. Les niveaux B, B’, C et D, semblent tous quatre pouvoir être rattachés à de l’Aurignacien récent « classique », à grattoirs à museau et burins busqués. Il semble ressortir que, les ensembles B et B’ d’une part et C et D d’autre part, soient probablement à considérer non pas comme quatre, mais deux nappes de vestiges (de bas en haut B/B’, puis C/D). Si nous l’évoquions dès le départ pour B/B’, des recherches complémentaires seront nécessaires pour justifier la réunion des niveaux C et D. 416 Figure 182 : Le Flageolet I - Nucléus à grattoir Caminade des ensembles B à D (dessins J.-G. Marcillaud in Rigaud 1982). Enfin, ces quatre ensembles présentent, entre autres dénominateurs communs, la présence de grattoirs Caminade, par ailleurs très largement représentés en B’ (ex base de la couche IX au 417 sud). Quelques précisions méritent d’être apportées concernant ces vestiges. Trois types de silex, d’origine différentes, composent le spectre des matières premières employées pour leur fabrication. Il s’agit de silex sénoniens locaux, pour la plupart noirs, rarement blonds, des silex maestrichtiens du Bergeracois et enfin du silex type Grain de mil. Les nucléus ainsi que les déchets de fabrication sont présents, ce qui tend à prouver qu’au moins une partie de la production a eu lieu sur place. Les nucléus sont de type grattoir (Figure 182 n°1 à 4), sur lame ou éclat, et rarement de type racloir (Figure 182 n°5). Ces pièces sont en accord avec celles qui ont été décrites pour la chaîne de fabrication des grattoirs Caminade du site du Pigeonnier à Gensac en Gironde (Morala et al. 2005). Le niveau E, malgré un effectif faible, semble se rattacher aussi à un Aurignacien récent à grattoirs à museau et à burins busqués. Toutefois, seule une étude détaillée permettrait de le confirmer. Enfin, le seul grattoir Caminade présent se trouve à la base du niveau, en contact avec le niveau D sous-jacent. Sa stricte appartenance au niveau E mérite d’être soulevée. Enfin, nous discuterons plus loin des niveaux F et G pour lesquels un diagnostic plus complet a pu être effectué. Cependant, avant de voir en détail ces deux ensembles, nous allons nous intéresser au niveau le plus ancien, à la base du gisement, le niveau A. 3.2. Présentation du diagnostic effectué sur le niveau A Ce niveau a pu faire l’objet d’une étude détaillée dans le cadre d’un mémoire de Master 2 (Etchart-Salas 2008) dans lequel nous avons pu prendre une part active. Les résultats présentés ici proviennent de son analyse, ainsi que de nos propres observations. Le travail d’individualisation de ce niveau a permis, en plus de la réattribution des pièces cotées, celle des refus de tamis (Tableau 168). 3.2.1. Matières premières L’analyse de l’origine des matières premières a permis de mettre en évidence plusieurs sources d’approvisionnement. Par ordre d’importance, on retrouve essentiellement des silex sénoniens, essentiellement la variété noire (65,6 %) et rarement blonde (8,4 %), des maestrichtiens du Bergeracois (12,5 %) et des silex tertiaires (1,1 %). Enfin, de manière plus anecdotique se retrouvent du Grain de mil (N = 7), de l’Infralias (N = 6), et une pièce en silex jurassique (Puy d’Issolud ?), auxquels s’ajoutent 11 % des pièces dont l’origine n’a pu être déterminée (problème de patine, petites pièces et d’origine inconnue). 418 Sénoniennoir SénonienBlond Maestrichtientype Bergeracois Tertiaire Infralias Jurassique Graindemil Indéterminé Total Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Nb % Lame Brute 28 2,6 - - 4 0,4 7 0,7 2 0,2 1 0,1 - - 2 0,2 44 4,1 Corticale 6 0,6 1 0,1 - - 1 0,1 - - - - - - - - 8 0,8 Eclat Brut - - 2 0,2 - - - - - - - - - - - - 2 0,2 laminaire Cortical 1 0,1 3 0,3 - - - - - - - - - - - - 4 0,4 Eclat Brut 50 4,7 8 0,8 1 0,1 2 0,2 3 0,3 - - - - 3 0,3 67 6,3 Cortical 30 2,8 3 0,3 - - - - - - - - - - 1 0,1 34 3,2 < 3 cm 371 34,9 54 5,1 71 6,7 2 0,2 - - - - - - 102 9,6 600 56,5 de retouche 32 3,0 14 1,3 38 3,6 - - - - - - - - 2 0,2 86 8,1 Lamelle 78 7,3 1 0,1 17 1,6 - - - - - - 7 0,7 - - 103 9,7 Eclat lamellaire 77 7,3 2 0,2 - - - - - - - - - - - - 79 7,4 Casson 12 1,1 - - - - - - 1 0,1 - - - - 5 0,5 18 1,7 Nucléus caréné 4 0,4 - - - - - - - - - - - - - - 4 0,4 Coche de carénés 2 0,2 - - 2 0,2 - - - - - - - - 2 0,2 6 0,6 Nucléus à lames / éclats 5 0,5 1 0,1 - - - - - - - - - - - - 6 0,6 Fragment de nucléus 1 0,1 - - - - - - - - - - - - - - 1 0,1 Total 697 65,6 89 8,4 133 12,5 12 1,1 6 0,6 1 0,1 7 0,7 117 11,0 1062 100 Tableau 168 : Le Flageolet I ensemble A- Décompte et fréquence (%) des pièces techniques (pièces cotées et refus de tamis compris) du niveau A (d’après Etchart-Salas 2008, modifié) 3.2.2. Analyse du débitage laminaire Les six nucléus sont dans des états d’exhaustion avancés, rendant difficile leur lecture technologique. Cinq d’entre eux présentent, dans leur état d’abandon, un dernier stade de production d’éclats. Cependant, parmi ces derniers, trois présentent une organisation des négatifs, antérieurs à la production d’éclats, de type laminaire. Enfin, le dernier nucléus, où neuf éclats ont pu être remontés, témoigne d’une mise en forme et d’une intention de débitage permettant de le rapprocher des productions lamellaires (de type « caréné » au sens large) plus que laminaires. 419 Figure 183 : Le Flageolet I ensemble A - Lames brutes en silex Sénonien noir (dessins et planche d’après Etchart-Salas 2008). L’analyse des supports laminaires (52 lames et 6 éclats laminaires) nous renseigne davantage sur leurs modalités de production. Ceux-ci indiquent un débitage de type unipolaire non 420 convergent (Figure 183). Les lames ont été détachées par percussion directe au percuteur tendre. L’initialisation du débitage, comme l’entretien des volumes n’ont pu être pleinement abordés. Précisons qu’aucune lame à crête n’est présente. On note toutefois la présence de quelques entames corticales, et de lames ou éclats laminaires à un pan cortical, détachés au niveau des flancs du nucléus. Ceux-ci ne présentent pas de trace de mise en forme du volume à débiter (crête, sous-crête ou néocrête). Nous retiendrons trois hypothèses : - La mise en forme des volumes est simplement réalisée à partir d’enlèvements corticaux, ou d’éclats laminaires. Les tailleurs n’auraient donc pas eu recours à la mise en place de crête, ni avant, ni pendant le débitage ; - Ces pièces sont absentes pour des raisons économiques ; - Enfin, nous sommes face à un problème d’échantillonnage, où l’effectif, trop faible, n’est pas représentatif. 3.2.3. Étude de l’outillage Le décompte de l’outillage est présenté dans le Tableau 169. Celui-ci, à l’image de cette série, est d’effectif faible, avec seulement quarante-deux outils (Figure 184 et Figure 185), auxquels s’ajoutent quatorze pièces présentant de possibles retouches d’utilisation (sept lames et autant d’éclats). Nb % Grattoir 2 3,6 Grattoir double 1 1,8 Grattoir sur lame retouchée 5 8,9 Grattoir à museau plat 3 5,4 Lame tronquée 3 5,4 Lame retouchée 18 32,1 Lame quelques retouches 2 3,6 Pièce esquillée 6 10,7 Encoche 1 1,8 Lamelle retouchée ? 1 1,8 Trace d'utilisation ? 14 25,0 Total 56 100 Tableau 169 : Le Flageolet I ensemble A - Décompte et fréquence (%) de l’outillage (d’après Etchart-Salas 2008, modifié) 421 Figure 184 : Le Flageolet I ensemble A- Outils – Grattoirs sur lame retouchée (n°1 et 2) ; Lames retouchées (n°3 à 8) ; Pièce esquillée (n°9) – Silex sénoniens noirs : n°1, 2, 6 ; Infralias : n°3, 8 ; Bergeracois : n°4, 7, 9 ; Jurassique : n°5 – (Dessins J.-G. Marcillaud : n°1, 4, 7-9 in Rigaud 1982 ; M. Etchart-Salas : n°2, 3, 5, 6 in Etchart-Salas 2008). 422 Figure 185 : Le Flageolet I ensemble A - Pièces décrites comme des grattoirs sur lames aurignaciennes – Silex tertiaires : n°1, 3 / du Bergeracois : n°2 / Sénonien noir : n°4 – (Dessins J.-G. Marcillaud : n°1-3 in Rigaud 1982 / M. Etchart-Salas : n°4 in Etchart-Salas 2008). 423 Le corpus est dominé par les lames à un, ou deux bords retouchés (N = 18). Suivent les grattoirs (N = 11), principalement sur lames retouchées. Pour ces dernières, et comme nous l’avons déjà mentionné (cf. supra), leur classification dans les lames à retouche aurignacienne nous apparaît abusive. En effet, si quatre pièces sont présentées comme telles (Etchart-Salas 2008 – Figure 185), d’après nous, un seul grattoir pourrait être sur lame aurignacienne (Figure 185 n°1), les autres présentent de simples retouches semi-couvrantes, partiellement scalariformes, rarement écailleuses. Sur ces quatre objets, deux sont en silex tertiaire, un en silex du Bergeracois, le dernier étant en Sénonien noir. Mis à part cette dernière pièce, les trois autres sont des lames de fort gabarit. Une utilisation prolongée de ces outils, induisant de fait des ravivages successifs, ne peut être totalement exclue, inférant ainsi un rapprochement morphologique (non nécessairement fonctionnel par ailleurs) avec les lames aurignaciennes. Nous pensons, comme cela a pu être observé pour la couche 2 des Rois attribuée à un Aurignacien récent (Michel et al. 2008), qu’il peut s’agir d’une résultante économique, et que leur statut de « lame aurignacienne » ne peut être mis au même rang que les exemplaires retrouvés en contexte Aurignacien ancien. Soulignons par ailleurs que dans ce dernier cas, les lames aurignaciennes ainsi que les lames étranglées semblent davantage réalisées sur des matériaux locaux que sur ceux d’origine plus éloignée (e. g. Bon 2002 ; Bordes 2002 pour des décomptes par matière première). Les pièces esquillées représentent 10,7 % de l’assemblage, avec six pièces décomptées. Les burins sont absents, mais deux chutes de burins sont présentes. 3.2.4. Production lamellaire Cinq nucléus à lamelles, plus un sixième d’attribution incertaine (cf. supra) ont été décomptés. Il s’agit de quatre grattoirs carénés (Figure 186 n°1 et 2, et Figure 187), dont un est brûlé (Figure 186 n°2), rendant délicat sa lecture technologique, et un grattoir à museau plat (Figure 186 n°3). L’attribution comme nucléus à lamelles de ces deux dernier, est possible pour le fragment brûlé, mais reste néanmoins incertaine pour le grattoir à museau plat (seulement deux négatifs lamellaire de 13 mm de longueur). 424 Figure 186 : Le Flageolet I ensemble A – Nucléus à lamelles potentiels ; n°1 et 2 grattoirs carénés, n°3 grattoir à museau plat (dessins Etchart-Salas, 2008). Parmi les grattoirs dits « carénés », deux ont retenu notre attention (Figure 187). Il s’agit de deux nucléus en silex Sénonien noir, qui présentent une mise en forme, et une standardisation poussée du volume à débiter. Ces deux pièces sont fracturées, et correspondent toutes deux à une partie proximale. L’état avancé de la mise en forme ne nous a pas permis de définir le support d’origine. Nous pouvons toutefois en donner la description suivante : - Mise en forme importante des deux flancs, servant à cintrer et normaliser la largeur de la surface de débitage. La largeur est constante sur toute la longueur du nucléus (flancs parallèles), respectivement de 20 mm pour le premier (Figure 187 n°1), et 18 mm pour le second (Figure 187 n°2). - Mise en place d’une crête antérieure, dont la fonction est double : d’une part mettre en place les convexités idoines (notamment la carène) pour l’initialisation et le bon déroulement du débitage, d’autre part afin de normer la longueur de la surface de débitage (les deux mesurant 22 mm), et donc contrôler celle des produits. L’épaisseur des nucléus est quasiment constante sur toute leur longueur. - La production est frontale et n’investit pas les flancs. - Dans les deux cas, les produits convergent en partie distale de la surface de débitage. - Les lamelles recherchées sont de profils sub-rectilignes, et présentent les dimensions suivantes : 22 x 5 mm (Figure 187 n°1) et 22 x 6 mm (Figure 187 n°2). 425 Figure 187 : Grattoirs « carénés » à mise en forme poussée (dessins d’après Etchart-Salas 2008, modifiés). Enfin, un des nucléus (Figure 187 n°2) a pu être rapproché avec les éléments suivants : deux coches latérales de mise en forme, trois lamelles torses anti-horaire (de recadrage ?) et trois lamelles sub-rectilignes. Après l’arrêt du débitage, un des nucléus (Figure 187 n°1) a vraisemblablement été réutilisé en tant que pièce esquillée. Concernant l’outillage lamellaire retouché, une seule lamelle Dufour serait présente mais celle-ci n’a pas pu être retrouvée. 3.2.5. Économie des matières premières Bien que la série soit d’effectif réduit, ce qui limite par conséquent les interprétations sur la gestion des matières premières, quelques éléments méritent d’être soulignés. Les silex sénoniens noirs, et blonds, d’origine locale, ont été introduits sur le site sous la forme de blocs et débités sur place. Les chaînes opératoires de production tant laminaire que lamellaire ne semblent pas avoir été fragmentées. Pour ces deux modalités, la mise en forme ainsi que la production ont eu lieu in situ, comme en témoignent les nombreux restes de taille 426 (déchets et produits d’intention première), ainsi que certains remontages (entames corticales remontées sur les nucléus, ou entre elles, séquence laminaire …). Le silex maestrichtien du Bergeracois, comme les autres matériaux d’origine lointaine, ont été introduits essentiellement sous la forme de lames, dont certaines déjà retouchées en outils. Cependant, pour cette première, l’utilisation et la réfection des outils a été plus importante, comme le suggère la présence de nombreux éclats de retouche, dont certains ont d’ailleurs pu être remontés (cas notamment d’une pièce esquillée – Figure 184 n°9). Le cas du silex Grain de mil reste problématique, puisqu’il n’est présent que sous la forme de lamelles (N = 7), dont certaines présentent par ailleurs un profil torse dans le sens antihoraire. Aucun outil, produit laminaire, ou tout autre support supérieur à 2 cm n’est présent. Ces vestiges sont issus des refus de tamis, limitant de fait les possibilités de contrôle stratigraphique. Leur appartenance à ce niveau reste ambiguë. 3.2.6. Attribution chrono-culturelle L’attribution de ce niveau A reste problématique. Si le caractère aurignacien de la série ne fait pas de doute (les composantes laminaire et lamellaire rentrant dans la variabilité de cette période), le peu de pièces en général, et de « fossiles directeurs » en particulier, ne permet pas de donner de réponse catégorique. Nous retiendrons toutefois les éléments suivants : - Les pièces à « retouche aurignacienne » sont peu typiques, et montrent un schéma économique d’utilisation des matières premières qui, à première vue, diffère de ce qui est décrit pour l’Aurignacien ancien (e. g. Bon 2002 ; Bordes 2002) ; - Les grattoirs carénés à front large, d’où sont extraites des lamelles rectilignes à légèrement courbes, caractéristiques de la phase ancienne, font défaut. Seule une pièce pourrait s’y rattacher, mais de manière incertaine ; - De même, les grattoirs à museau ainsi que les burins busqués, dont les objectifs sont la production de lamelles torses anti-horaire, et caractéristique de la phase récente, sont eux aussi absents. - Enfin, les grattoirs Caminade, ainsi que les nucléus dont ils sont issus sont absents. Ainsi, l’appartenance à une phase ancienne de l’Aurignacien, ne peut selon nous être retenue. Toutefois, il en va différemment pour une attribution à une phase plus récente. La présence des deux nucléus à lamelles de type grattoir décrits précédemment pourrait être rapprochée de 427 certaines pièces retrouvées dans des contextes récents (entre autres Pataud couche 7 et Rocde-Combe couche 6). Ces pièces correspondent peu ou prou aux grattoirs carénés à encoche décrits anciennement (Bardon et al. 1906 ; Ronen 1964), et que nous proposons de rattacher à une variante de la modalité de type burin busqué, sous le terme « grattoir à museau de type burin busqué » (cf supra Pataud couche 7 et Roc-de-Combe couche 6). Cependant, aucune de ces deux pièces ne semble, dans leur état d’abandon, avoir fourni des lamelles torses. Ainsi, cet ensemble pourrait, sur la base certes faible de deux pièces d’une part, et de l’absence d’outils et de nucléus lamellaire typiquement Aurignacien ancien d’autre part, être attribué à une phase récente de l’Aurignacien. Rappelons que ce niveau est stratigraphiquement sous-jacent à un Aurignacien récent à grattoirs à museau et burins busqués. L’hypothèse d’une attribution à un Aurignacien moyen (cf. supra Pataud couche 8, et infra) ne peut être totalement écartée. Intéressons nous, après avoir vu le premier niveau débutant la séquence aurignacienne aux deux niveaux qui là clôturent, les ensembles F puis G. 3.3. Le niveau F Cette occupation se localise dans la partie sud du gisement, et s’intercale entre le niveau G (sus-jacent), et le niveau E au nord, et D au sud (tous deux sous-jacents). Nous avons cherché à documenter essentiellement les productions lamellaires, et faire un état des lieux sur les matières premières employées. 3.3.1. Remarque sur les matières premières rencontrées L’analyse des matières premières a permis de mettre en évidence un cortège siliceux assez diversifié. Comme dans les niveaux précédents, les silex sénoniens blonds et noirs occupent une place dominante, suivis par le silex maestrichtien du Bergeracois. Le silex tertiaire est assez abondant, avec une cinquantaine de supports, dont certains ont pu être remontés ou raccordés entre eux. D’autres types de silex se trouvent à l’état de traces tels que les silex Grain-de-mil, de l’Infralias, de l’argilite tertiaire, et du Turonien inférieur type Fumelois. Le point le plus important réside dans la présence d’une grande lamelle (ou petite lame), fracturée en deux morceaux qui remontent (Figure 188), en silex de teinte blonde légèrement brillante, de texture fine et translucide, avec des inclusions de couleur rouge – orangé assez 428 vif. Ce matériau, après comparaison avec d’autres échantillons37 à permis de l’attribuer au « silex blond de la vallée du Cher », soit du Turonien inférieur variété à dendrites (Aubry 1991 ; Primault 2003). Figure 188 : Le Flageolet I ensemble F - Petite lame / grande lamelle en silex Turonien inférieur blond de la vallée du Cher. 3.3.2. Quelques précisions sur la production laminaire. La production laminaire a pu être abordée grâce à quelques remontages. Précisons avant tout que les silex débités sur place correspondent essentiellement à des silex sénoniens, comme en témoignent les nombreux vestiges qui peuvent leur être attribués, et confirmés par les différents remontages et raccords effectués. La production s’effectue généralement aux dépens d’une surface de débitage cintrée (Figure 189). Les supports laminaires obtenus sont généralement étroits. Nous rajouterons que les lames observées sont généralement courtes (5-6 cm), et rares sont les lames entières (en silex sénonien) qui dépassent les sept ou huit centimètres de longueur. Si l’utilisation de blocs semble majoritaire, notons qu’il existe quelques gros éclats débités sur leur tranche. Pour le remontage n°A0127 (Figure 190), la surface de débitage est implantée sur une surface étroite, à la jonction face inférieure et supérieure. Le débitage montre une progression semi-tournante vers le flanc gauche, soit vers la face supérieure de l’éclat support. 37 Echantillons mis à notre disposition par J.-G Bordes (don J. Pelegrin). 429 Figure 189 : Le Flageolet I ensemble F - Remontage A0002 – Sénonien noir – Débitage laminaire ayant subi une réorientation au cours du débitage. 430 Figure 190 : Le Flageolet I ensemble F - Remontage A0127 – Sénonien noir (Coniacien ?) – Débitage sur tranche d’éclat. 431 3.3.3. Les modalités de débitage lamellaire Deux modalités ont été observées. La première correspond à une production de type grattoir à museau, dont l’objectif est de produire des lamelles torses dans le sens anti-horaire (Bordes 2005 ; Hays et Lucas 2000 ; Lucas 1997, 2000 et cf. supra). La seconde, que nous allons développer par la suite, correspond à une production de type burin busqué déstructuré, similaire à celle qui a été observée et décrite pour le niveau 5 de Roc-de-Combe (cf. supra). 3.3.3.1. Choix de supports : étude de quelques remontages Les matériaux employés sont principalement ceux qui sont issus de l’environnement immédiat, c’est-à-dire majoritairement des silex sénoniens et plus ponctuellement quelques tertiaires. Figure 191 : Le Flageolet I ensemble F - Remontage A0410 – Sénonien noir – Production de lamelles torses sur burin busqué déstructure. Remarquer le changement d’orientation au cours du débitage, et la latéralisation des enlèvements lamellaires, désaxés vers le flanc droit. 432 Les supports utilisés sont de nature variée. Il s’agit d’éclats, de lames, de plaquettes (Figure 191), de blocs (Figure 192) ou de fragments diaclasiques. L’étude de différents remontages a permis de mettre en évidence une utilisation maximale de la quasi-totalité des supports exploitables. Les surfaces de débitage sont souvent réorientées afin d’augmenter au maximum les volumes exploitables (Figure 191). Dans d’autres cas, des éclats de recintrage latéraux ainsi que des tablettes de ravivage (type Thèmes) ont été sélectionnés et débités pour fournir des lamelles torses. Enfin, signalons qu’il existe quelques cas de réemploi de pièces archéologiques (double patine), renforçant ainsi les similitudes avec Roc-de-Combe. Figure 192 : Remontage A0409 – Sénonien blond – Production lamellaire de type burin busqué déstructuré sur bloc. Remarquer la latéralisation des enlèvements lamellaires, désaxés vers le flanc droit. 3.3.3.2. Produits recherchés et lamellaire associé L’analyse de la surface de débitage indique clairement une volonté de produire des supports de petites dimensions, relativement normés, et présentant une torsion dans le sens anti-horaire. L’analyse des remontages, bien que n’intégrant que rarement des lamelles, va aussi dans ce 433 sens. Le point d’impact est désaxé vers le flanc droit (Figure 191 et Figure 192), générant ainsi une torsion anti-horaire. Les lamelles retouchées correspondent à des lamelles Dufour sous-type Roc-de-Combe. 3.3.4. Synthèse sur le niveau F L’ensemble F montre une forte homogénéité technique. Sans perdre de vue les raisonnements circulaires sur lesquels il peut déboucher et sans affirmer que notre découpage soit exempt de tout problème, ce constat nous  incite à penser qu’une seule phase de l’Aurignacien est représentée. Les productions laminaires et lamellaires évoquent ce qui a pu être décrit pour le niveau 5 de Roc-de-Combe. Ces arguments, couplés à la position stratigraphique, sus-jacente à un Aurignacien récent « classique » à burins busqués et grattoirs à museau, nous permettent d’attribuer cette occupation à l’Aurignacien récent à burins busqués déstructurés. 3.4. Le niveau G Ce niveau se situe dans la partie Sud du gisement au niveau des bandes 6 à 11 (Figure 181). Le contact avec le niveau gravettien directement sus-jacent a posé quelques difficultés pour l’isolement de cette nappe de vestiges. Selon toute vraisemblance celui-ci devait se prolonger plus au nord, en direction de l’éboulis, cependant, nous n’avons pu déterminer de manière précise sa terminaison. Nous aborderons ici uniquement les modalités de débitage laminaire et lamellaire (cf. supra pour un décompte de l’outillage). 3.4.1. La production laminaire Une dizaine de nucléus a pu être étudiée. Si certains montrent des états d’exhaustion avancés rendant difficile leur interprétation, quelques-uns nous ont permis d’entrevoir les modalités en présence (N = 7). Les nucléus sont en silex sénonien, majoritairement noir (N = 5), plus rarement blond (N = 2). Les supports sont tous des blocs, à l’exception d’un réalisé aux dépens d’un gros éclat en Sénonien blond. La surface de débitage est de manière quasi exclusive implantée sur une face étroite d’un bloc ou d’une plaquette. Le nucléus C8-1382 (Figure 193) montre par exemple, et malgré une 434 réorientation38 , cette volonté d’utiliser des surfaces cintrées, puisque les deux surfaces de débitage s’inscrivent dans ces volumes. La préparation semble se limiter au maximum à la mise en place d’une crête antérieure (Figure 193 et Figure 194). Le reste du bloc n’est pas investi, le flanc et le dos sont laissés bruts. Seul un nucléus présente une mise en forme plus poussée où ne subsiste presque plus aucune plage corticale (Figure 194 n°1). L’état résiduel indique une implantation de la surface de débitage en face large avec une production frontale, qui semble poussée. Les flancs sont quasi inexistants et on passe directement de la surface de débitage au dos. Deux crêtes latérales ont été implantées au niveau de cette jonction. Le tailleur après une réorientation du nucléus a par ailleurs tenté d’en dégager une afin, semble-t-il, de repartir sur la tranche du nucléus. Le nucléus a été abandonné après cet échec. La production est frontale, unipolaire et n’investit que peu les flancs. Les produits convergent rarement en partie distale. Des lames aux bords sub-parallèles semblent davantage recherchées que des produits pointus ou à bords convergents. L’usage de la percussion directe à la pierre tendre semble prendre une part plus importante, mais de la percussion directe au percuteur tendre organique reste majoritaire. Les quelques lames étudiées présentent des caractéristiques déjà entraperçues via l’étude des nucléus. Outre un détachement à la pierre tendre probable pour certaines d’entre elles, comme nous venons de le voir, les lames sont longues, étroites, et plutôt minces, rarement épaisses. Les profils sont rectilignes à sub-rectilignes, rarement courbes. 38 La première surface de débitage a été réutilisée comme plan de frappe lors de la production de la deuxième série de lames, cette dernière prenant place sur le premier plan de frappe. 435 Figure 193 : Le Flageolet I ensemble G - Nucléus à lames débité sur deux surfaces étroites successives (CVIII- 1.C8.1382, Sénonien Blond – Taille du nucléus réduit de moitié, longueur = 16,2 cm). 436 Figure 194 : Le Flageolet I ensemble G - Nucléus à lames en Sénonien noir. 437 Figure 195 : Le Flageolet I ensemble G - Nucléus à lamelles (dessins J.G. Marcillaud in Rigaud 1982) - 1 : Burin busqué – 2 : de type grattoir – 3 : sur bloc – 4 et 5 de type burin. 3.4.2. La production lamellaire 3.4.2.1. Les nucléus lamellaires Les nucléus lamellaires (Figure 195), tout comme les nucléus à lames, sont peu nombreux (N=8), mais largement diversifiés et montrent des objectifs différents. Dans six cas, il s’agit de nucléus de type burin, dans un cas de type grattoir, et le dernier est sur bloc. Nous les présenterons successivement afin d’essayer d’appréhender et de discuter au mieux cette variabilité. 438 - CVIII-1.B7.1246 (Figure 195 n°1) : Il s’agit d’un burin busqué réalisé sur une lame en Sénonien noir. L’objectif est clairement de produire des lamelles torses. Les lamelles sont de petit gabarit et présentent des dimensions de l’ordre de 15 mm de longueur pour 2 mm de largeur. - CVIII-1.D8.1979 (Figure 195 n°2) : Le support utilisé est un éclat en silex Sénonien noir. L’état d’exhaustion avancé rend délicate l’étude des objectifs de production. À ce stade d’abandon, une production de petites lamelles rectilignes (environ 20 mm de longueur) semble envisageable, mais incertaine. - CVIII-1.C10.1797 (Figure 195 n°3) : Il s’agit d’un bloc de Sénonien noir, dont le cortex et légèrement altéré et présente au moins une cupule de gel. Un ramassage au sein des altérites est envisageable. La mise en forme est sommaire. Elle correspond à l’ouverture d’un plan de frappe, et à la régularisation du flanc droit, afin de cintrer la surface de débitage. Cette dernière a été implantée sur une surface étroite et courte. Aucun vestige de crête n’est visible et il semble probable que l’initialisation s’est faite par enlèvement de lamelles corticales. Si l’objectif semble être la production de lamelles rectilignes, la dernière tentative d’extraction, ayant conduit à la formation de micro-rebroussés au niveau du flanc droit, laisse entrevoir la possibilité si ce n’est d’une production, ou moins d’une volonté de produire des lamelles torses dans le sens anti-horaire. Ainsi, il pourrait s’agir d’une tentative de rattraper une nervure plus centrale afin de générer ce caractère de torsion. Le nucléus semble avoir peu produit, et donc rapidement abandonné, probablement à cause des micro-rebroussés accumulés à la proximité de la corniche, de la présence de cupules de gel, ainsi que d’une fissure, visible au niveau du flanc droit. Les dimensions des négatifs indiquent des longueurs proches de 30 mm pour des largeurs voisine de 5 mm. - CVIII-1.D11.1844 (Figure 195 n°4) : Le support est un éclat en Sénonien noir, issu de la chaîne opératoire laminaire. La surface de débitage a été implantée sur la plus grande (dans l’axe technologique) et la plus petite dimension (au niveau de la tranche). Le nucléus présente des restes d’une troncature distale qui a servi à régulariser l’arrête, dans l’optique d’y implanter le plan de frappe. De la même manière, le bord gauche a lui aussi été 439 retouché (visible en partie proximale de l’éclat), créant ainsi une crête permettant l’initialisation du débitage. Les enlèvements centraux sont de profil rectiligne. Celui qui est situé à la jonction flanc droit surface de débitage, et qui correspond au dernier enlèvement, présente une torsion nette dans le sens anti-horaire. Toutefois, ce profil a été engendré par un léger outrepassement, qui vient rattraper les nervures centrales de la surface de débitage (créant de fait une concavité, qui a peut être causé l’arrêt du débitage). Il semblerait qu’il soit fortuit, et non désiré (ce qui semble être en partie corroboré par l’abandon après ce dernier enlèvement). Les lamelles obtenues présentent des longueurs comprises entre 25 et 40 mm, et des largeurs moyennes de 5 mm. - CVIII-2.B10.1795 (Figure 195 n°5) : Ce nucléus est conceptuellement proche du n°4 de la figure X. Le support est aussi un éclat, mais en silex sénonien blond, peut-être issu de la chaîne opératoire laminaire. Le bord gauche présente les vestiges d’une crête à un versant, et la partie distale celle d’une troncature. La mise en forme et l’initialisation sont donc comparables. Les lamelles produites sont de grandes dimensions, étroites, et de profil légèrement arqué, avec une légère torsion en partie proximale. Les négatifs lamellaires mesurés s’échelonnent entre 30 et 40 mm de longueur, pour environ 10 mm de largeur - CVIII-1.B7.1285 : Il s’agit ici d’un éclat d’entame cortical en silex sénonien noir. La surface de débitage est implantée de manière transversale dans la partie distale droite du support. Le flanc gauche correspond à la face inférieure de l’éclat support, le droit à la face supérieure. Seuls quelques enlèvements lamellaires ont été extraits au centre de la surface de débitage et vers le flanc droit. Il pourrait s’agir ici d’une mise en forme sommaire visant à préparer la surface de débitage. L’angulation avec le flanc gauche est bien marquée et présente un angle proche de 90°. Les dimensions des enlèvements lamellaires sont en moyenne de 25 mm de longueur pour 5 mm de largeur. 440 - CVIII-2.C7.1345 : Comme l’exemplaire précédent, il s’agit d’un éclat d’entame cortical en Sénonien noir (Coniacien inférieur du Sarladais ?). À l’inverse du cas susmentionné, la surface de débitage s’inscrit dans l’axe de débitage. Le flanc droit correspond à la face inférieure de l’éclat support, la gauche à la face supérieure, laissée brute. Les enlèvements ont été détachés de manière légèrement oblique par rapport à l’axe général de l’éclat. De fait, les produits obtenus présentent une légère torsion en partie proximale. Enfin, notons que les produits convergent en partie distale de la surface de débitage, induisant une production de lamelles naturellement pointues. Les dimensions des négatifs sont d’environ 40 à 50 mm de longueur, pour 10 mm de largeur. - CVIII-2.C7.1384 : Cet exemplaire est comparable au précédent : éclat d’entame cortical en silex Sénonien noir ; implantation de la surface de débitage dans la plus grande longueur du support ; flanc droit du nucléus correspondant à la face inférieure de l’éclat. Toutefois, les quelques enlèvements observables indiquent un détachement strictement frontal. Les supports obtenus sont de profil rectiligne à sub-rectiligne et à extrémité distale pointue, de longueur voisine de 50 mm et 10 mm de largeur. L’analyse des différents nucléus lamellaires indique une pluralité des modalités de production ainsi que des intentions. On remarquera cependant que six des huit nucléus sont de type burin. Deux objectifs dominants semblent se détacher. L’un correspond à une recherche de lamelles torses dans le sens anti-horaire, tandis que l’autre voit la recherche de supports allongés, rectilignes à sub-rectilignes. Néanmoins, seules les lamelles obtenues aux dépens du burin busqué présentent une torsion marquée. Pour les autres nucléus, la torsion ne semble affecter que le premier tiers proximal des lamelles. L’analyse des dimensions des supports lamellaires observables met en évidence l’existence de populations de lamelles. La première correspond à des supports produits inférieurs à 25 mm de long, et ne concerne que le burin busqué et probablement le nucléus de type grattoir. La seconde, regroupant le reste des nucléus, montre une volonté d’obtenir des lamelles de dimensions plus importantes, d’environ 30 à 50 mm de longueur pour 5 à 10 mm de largeur. De ce constat, une leçon s’impose : le découpage préliminaire opéré ici montre ses faiblesses, et un retour à l’étude taphonomique s’impose afin de réaliser un découpage encore plus fin, plus précis. 441 Précisons qu’aucune lamelle torse et retouchée, de type Roc-de-Combe, n’est présente. 3.4.2.1. Les lamelles retouchées Les lamelles retouchées sont peu nombreuses (N = 5), mais présentent des caractéristiques communes. Quatre sont en silex sénonien noir (Figure 196 et Figure 197), vraisemblablement issues du même nucléus, dont deux remontent (fig X). La dernière est en silex tertiaire. Il s’agit de lamelles rectilignes à sub-rectilignes, pouvant présenter une très légère torsion en partie proximale (Figure 196 n°2 et Figure 197). Quatre lamelles présentent une fine retouche (un léger égrisage) directe sur le bord droit. La retouche intéresse la totalité du bord dans deux cas (Figure 196 n°1 et 2), et pour les deux autres elle se limite à la partie distale. Enfin, pour la dernière lamelle (Figure 196 n°3) c’est le bord gauche qui a été modifié par une retouche inverse, qui pourrait être liée à son utilisation. Figure 196 : Le Flageolet I ensemble G - Lamelles retouchées – Sénonien noir (Dessins J.-G. Marcillaud in Rigaud 1982). Figure 197 : Le Flageolet I ensemble G - Remontage de deux lamelles retouchées. 442 Quatre des cinq supports sélectionnés présentent une extrémité distale naturellement pointue, résultant d’une convergence des produits lamellaires en fin de surface de débitage. Deux d’entre elles ont pu êtres raccordées et confirment cette volonté de convergence. Ce même remontage semble d’autre part indiquer une production au centre de la surface de débitage. Dans deux cas, l’utilisation de la percussion directe à la pierre tendre pour le débitage de ces lamelles semble possible. Ces lamelles présentent des dimensions comparables, les longueurs s’échelonnant entre 30 et 40 mm, les largeurs sont comprises entre 7 et 10 mm, et enfin l’épaisseur est proche des 2-3 mm. Ces dimensions, ainsi que l’allure générale des lamelles retouchées, sont comparables et compatibles avec ce qui a pu être décrit pour les différents nucléus lamellaires de type burin. 3.4.3. Synthèse sur le niveau G Suite au diagnostic effectué sur cet ensemble d’effectif faible, nous pouvons proposer une synthèse des modalités de production laminaire et lamellaire. Les lames sont généralement étroites et de profil rectiligne à sub-rectiligne, rarement courbes. Elles sont obtenues sur des nucléus où la surface de débitage est implantée sur une surface étroite, induisant ainsi un cintre prononcé, et ne favorisant pas l’extraction de lames larges. D’autre part, l’usage de la percussion directe au percuteur de pierre tendre tend à prendre de l’ampleur, sans pour autant que l’usage du percuteur tendre organique ne disparaisse ni devienne minoritaire. Les lamelles sont produites aux dépens de nucléus de type burin. Ces derniers se caractérisent notamment par une mise en forme sommaire et la recherche de lamelles rectilignes à subrectilignes pointues, de dimensions comprises entre 30 et 50 mm de longueur pour 5 à 10 mm de largeur. L’analyse des lamelles retouchées confirme ce diagnostic. Enfin, précisons que la majorité de ces dernières présente une retouche directe sur le bord droit. L’attribution chrono-culturelle de cette occupation est délicate. Toutefois, nous pensons qu’elle se rattache à un Aurignacien récent à burin des Vachons. Si aucun nucléus stricto sensu de ce type n’a pu être rattaché à cet ensemble, quelques exemplaires sont cependant bien présents au sommet de la séquence aurignacienne. Précisons d’autre part que les intentions de débitage reconnues ici recoupent les observations faites sur d’autres ensembles à 443 burin des Vachons (Pesesse et Michel 2006). Selon nous, les burins des Vachons à mise en forme poussée de la face inférieure des supports, ayant permis sa reconnaissance (Coiffard 1914, 1922 ; Bouyssonnie 1948) et donné lieu à la définition princeps (Perpère 1972a, 1972b), ne sont qu’une variante d’une modalité plus large vouée à produire des lamelles rectilignes appointées. Précisons notre raisonnement. La mise en forme d’un ou des deux flancs, partielle ou poussée, a pour objectifs : - de les régulariser ; - de les paralléliser ; - de recintrer la surface de débitage ; - d’accentuer et de favoriser la convergence en partie distale des produits lamellaires ; - et ce dans l’objectif d’obtenir des lamelles rectilignes appointées. De fait, lorsque l’éclat support présente intrinsèquement toutes ces caractéristiques, permettant donc l’obtention de telles lamelles, la mise en forme n’est donc pas nécessaire. Ce qui est le cas des différents nucléus lamellaires présentés ici. 4. Synthèse et Perspectives L’étude de l’homogénéité des niveaux aurignaciens a permis remettre en doute leur intégrité. La présence de blocs d’effondrement massifs n’a pas permis de suivre correctement les nappes de vestiges et a occasionné un regroupement artificiel d’occupations non contemporaines. Il nous paraît important de souligner que sans cette remarquable qualité d’enregistrement des vestiges, couplé à un tamisage adéquat, cette analyse n’aurait pas pu être effectuée. L’archéo-séquence que nous proposons correspond a maxima à huit nappes de vestiges, notées de A à G. Il est cependant probable que notre découpage ne corresponde en réalité qu’a six occupations différentes. Le diagnostic présenté a permis de préciser les spécificités de quelques occupations. Hormis, les ensembles A et E pour lesquels les effectifs faibles n’ont pas permis un rattachement à un épisode précis de l’Aurignacien, les autres unités ont pu être replacées dans le cadre évolutif général de l’Aurignacien que nous avons pu proposer (cf. supra). Aucune « anomalie » n’a pu être détectée. Ainsi, contrairement à ce qui a pu être avancé précédemment (Rigaud 1982, 1985, 1993), le Flageolet I ne peut et ne doit pas être considéré comme une exception. 444 Un résumé de la nouvelle archéo-séquence est proposé dans le tableau suivant (Tableau 170). Nouvelle archéo-séquence Attribution chrono-culturelle Datation (BP) Ensemble G Aurignacien récent à burin des Vachons Ensemble F Aurignacien récent à burin busqué déstructuré 29.840 ± 750 BP ; 28.520 ± 670 BP Ensemble E Aurignacien récent à burin busqué et grattoir à museau ? Ensembles C/D Aurignacien récent à burin busqué et grattoir à museau 34.300 ± 1.100 BP ; 32.040 ± 850 BP Ensembles B/B’ Aurignacien récent à burin busqué et grattoir à museau Ensemble A Aurignacien récent à burin busqué et grattoir à museau ? Tableau 170 : Attributions chrono-culturelles des différents ensembles de la nouvelle archéoséquence et datations associées. Le travail de révision et de réattribution des ensembles lithiques initié ici doit être mené à son terme. Il apparaît aussi nécessaire de l’étendre, d’une part aux vestiges fauniques, et d’autre part aux ensembles gravettiens. 445 CHAPITRE VIII – Le grand abri de la Ferrassie, Savignac-de-Miremont, Dordogne. 1. Présentation du gisement Sauf mention contraire, les données présentées ici sont issues des publications de H. Delporte (1984) et D. Perony (1934). 1.1. Situation géographique La station de la Ferrassie se localise sur la commune de Savignac-de-Miremont en Dordogne, en versant sud du plateau séparant les vallées de la Manaurie et de la Vézère (Figure 198). Celle-ci est constituée de trois locus (Figure 199) : - Le petit abri, qui a livré du Moustérien, - La grotte, contenant de l'Aurignacien et du Gravettien - Et le grand abri, auquel nous allons nous intéresser. Figure 198 : Localisation du gisement de la Ferrassie (source Géoatlas®, modifiée). La forme karstique de ce dernier, creusé dans des calcaires coniaciens, résulte probablement du recoupement d’une cavité souterraine lors de l’enfoncement du réseau hydrographique (Texier 2004, 2009). Le grand abri s’ouvre dans un vallon sec, à la confluence avec une petite vallée drainée par un ruisseau affluent du Doux, lui-même se jetant dans la Vézère quelques kilomètres plus loin en direction du Bugue. 446 Figure 199 : Station de la Ferrassie – A, petit abri ; B, grotte ; C-D, source et lavoir ; E, couches en place en avant de l'abri ; F, déblais ; G, dernières fouilles Peyrony. (d'après Delporte 1984). 1.2. Historique des découvertes La grotte fut la première des trois locus à faire l'objet de fouille. Vers 1890, le général de Larclause ouvrit une tranchée dans celle-ci. E. Rivière et le Dr Burette y menèrent, quelques années plus tard de petits travaux sans grande importance. Le grand abri fut découvert peu de temps après les premiers travaux réalisés dans la grotte, suite à la construction de la route D32E. M.Tabanou y fit un bref sondage qui restera sans suite. En 1896, il y emmena D. Peyrony, qui reconnut aussitôt l'intérêt que pouvait receler ce site et en acquis les droits de fouille pour une durée de 30 ans. Directement, il s'associa au Dr Louis Capitan pour fouiller la grotte. Cette fouille s'acheva durant l'année 1905. Bien que commencées dès 1902, ce n'est qu'à partir de 1907 que les fouilles de grand abri devinrent systématiques. Leur collaboration durera jusqu'en 1929, date du décès du Dr Capitan. Malgré la perte de son ami, D. Peyrony y poursuivit des recherches, et ce jusqu'en 1935. La station fut acquise par le Dr Capitan, avec l'accord de D. Peyrony, en 1923. À sa mort, le site et ses collections furent légués au Musée des Antiquités Nationales à Saint-Germain-en- Laye. D. Peyrony identifia 19 couches (Tableau 171), dont seulement 12 contenaient des vestiges anthropiques. Les industries identifiées couvrent une période de temps allant du Moustérien au Gravettien. Nous renvoyons à l’historique pour un compte-rendu détaillé des découvertes de D. Peyrony concernant l’Aurignacien. 447 A la fin des travaux de D. Peyrony, le site fut laissé en l'état et il subit de nombreuses dégradations, sous l'action des agents naturels, mais surtout de clandestins désireux d'augmenter leurs collections personnelles. Ce n'est que 1958, sous l'impulsion de François Bordes (alors Directeur Régional des Antiquités Préhistoriques), et de M. Sarradet (Conservateur Régional des Bâtiments de France), et avec la collaboration de la Direction des Musées de France (propriétaire du site depuis le legs Capitan) que furent installées des clôtures autour du grand abri et de la grotte afin de les protéger de l'action des pillards. Le site ne sera pas réinvesti avant 1968, date à laquelle H. Delporte reprit de nouvelles fouilles dans le grand abri. Coupe AB Coupe CD Description des couches N Terre et éboulis M M Terre et éboulis L Périgordien supérieur à burins de Noailles K Périgordien supérieur à éléments tronqués J J Périgordien supérieur à pointes de la Font-Robert I I Eboulis H'' Aurignacien IV à pointes biconiques G'' Eboulis H' Aurignacien III à pointes à section ovale G' Eboulis H H Aurignacien II à pointes losangiques G G Eboulis F F Aurignacien I à pointes à base fendue E' Périgordien inférieur II E E Périgordien inférieur I – type Châtelperron D D Moustérien typique C C Moustérien typique B B Sable calcaire A A Moustérien de tradition acheuléenne Tableau 171 : Description des différentes couches rencontrées par Peyrony et Capitan (D'après Delporte 1984) 1.3. Les fouilles de H. Delporte En 1969, devait se tenir en France le VIIIe congrès de l'Union Internationale pour l'Etude du Quaternaire (INQUA). À cette occasion, il fut décidé de montrer aux membres de cette association les sites Paléolithiques majeurs du Périgord. C'est dans cet objectif, mais aussi de préciser la stratigraphie et de réaliser des prélèvements nécessaires à plusieurs études (sédimentologie, palynologique, paléontologie, lithique) que dès 1968, H. Delporte entreprit de nouvelles fouilles au grand abri de la Ferrassie (Delporte 1984). Celles-ci se dérouleront jusqu'en 1973, soit 6 campagnes de 1 mois chacune. D'importants travaux pluridisciplinaires furent réalisés. Des séries lithiques plus complètes ont été récoltées et analysées, d'un point de 448 vue typologique et informatique. Les coupes géologiques obtenues ont permis à H. Laville d'en fournir une étude détaillée (Laville et Truffeau 1984). La faune récoltée fut confiée à divers spécialistes (F. Delpech : grande faune ; E. Donard : Lagomorphes ; J.-Cl. Marquet : microfaune et C. Mourer-Chauviré : avifaune). Enfin, le site a fait l'objet d'une importante série de datations 14 C, concernant essentiellement les niveaux du Paléolithique supérieur (Délibrias 1984), ainsi que d'une étude pollinique (Paquereau 1984). Lors de ses fouilles, H. Delporte ne retrouva pas la succession Périgordien Va-b-c de D. Peyrony. De même, la couche E', alors attribuée à un Périgordien II, puis à un Aurignacien 0 ne fût pas vraiment retrouvée. Pour l'Aurignacien, il distingua pas moins de vingt couches, là où D. Peyrony n'en reconnut que quatre. L'ensemble des séries recueillies lui a permis d'affiner la structuration de l'Aurignacien (cf. supra « historique »). Niveaux Frontale Sagittale ACC (84) Echantillons Dates BP Sigma BP Dates Cal BP (Intcal 09 – Ox Cal 4.1) Sigma Cal BP (Intcal 09 – Ox Cal 4.1) Els x AIV Gif-2701 23580 550 28505,5 610,5 ElsA x AIV Gif-4263 11150 120 13034 146 ElsB x AIV Gif-4264 23700 250 28433,5 334,5 F x AIII/IV Gif-4265 22200 650 26845 869 G0 x AIII Gif-4266 26120 210 30857,5 189,5 G1 x AIII Grn-5750 30970 395 35631 609 G1 x AIII Gif-4267 21070 170 25205,5 278,5 G1 x AIII/IV OxA-405 29000 850 33626 987 G1sb/c x AIII Gif-4268 22690 240 27390,5 386,5 G1sc x AIII Gif-4269 23670 240 28394 308 G1sc/d x AIII Gif-4270 23020 240 27679,5 567,5 I1 x AIII Gif-4271 28700 250 33143,5 425,5 I2 x AIII Gif-4272 25480 250 30241 415 J x AII final Gif-4273 26750 250 31201,5 126,5 K2 x AII Gif-4274 27470 280 31599 275 K2-3 x AII Gif-2428 15180 130 18353 260 K3a x AII Gif-2427 28820 1500 33186 1566 K3b x AII Gif-4275 27130 320 31371 196 K4 x AII Gif-4277 31300 300 35815,5 480,5 K4 x AII OxA-409 28600 1050 33063,5 193,5 K5 x AI évolué Gif-4278 > 31250 - - K6 x AI Gif-4279 > 35000 - - K6 x AI Grn-5751 33200 570 37904,5 720,5 K6 x AI Gif-2423 8500 180 9496 240 Tableau 172 : Dates 14 C des niveaux aurignaciens du grand abri de la Ferrassie (dates BP et dates calibrées suivant IntCal 09) – Les mentions « frontale » et « sagittale » renvoient aux coupes dont sont issus les prélèvements datés – « ACC (84) » : attribution chronoculturelle de H. Delporte (1984). 449 Figure 200 : Représentation graphique des dates 14 C (BP et cal BP) des niveaux aurignaciens (en grisé les datations de la coupe sagittale, le reste celles de la coupe frontale). 1.4. Datations Vingt-quatre dates 14 C sont disponibles (Tableau 172 et Figure 200) pour les niveaux aurignaciens (Délibrias 1984 ; Délibrias et Fontugne 1990). Si elles concernent la quasitotalité de l’ensemble de la séquence aurignacienne (le niveau H n’a pas été daté), les deux coupes n’ont cependant pas été datées dans leur totalité. Ainsi, seuls les niveaux supérieurs de 450 la coupe sagittale ont été datés, et plus particulièrement les différentes subdivisions du niveau G. 1.5. Etude géoarchéologique Les coupes stratigraphiques laissées par H. Delporte ont fait l’objet en 1998 d’une révision géologique par J.-P. Texier (2004, 2009), afin notamment de déterminer les processus naturels de mise en place des dépôts. Trois unités lithostratigraphiques ont été reconnues et décrites (Figure 201). Les niveaux aurignaciens sont contenus dans l’unité 3. Cette dernière, épaisse de plus de six mètres sur la coupe sagittale et d’environ deux mètres de puissance sur la coupe frontale, comporte plusieurs lithofaciès. Leur juxtaposition s’explique par la mise en jeu de différents processus naturels de formation, dont les aires de répartition ont varié latéralement avec le temps (Tableau 173 et Figure 202). Bien que le processus d’éboulisation soit dominant, d’autres mécanismes ont aussi participé à l’édification et à l’évolution du remplissage, comme le ruissellement, la solifluxion et la cryoturbation. Ces trois derniers ont eu des implications diverses sur le matériel archéologique et sont potentiellement très perturbateurs (Texier 2000). L’auteur rappelle que «  la manifestation de phénomènes de cryoturbation […] ainsi que le ruissellement, qui a joué un rôle majeur tout au long de la mise en place des dépôts, sont susceptibles d’occasionner d’importantes redistributions du matériel archéologique », précisant que « les corrélations, établies entre les différentes parties du site essentiellement sur la base d’une similitude de faciès, sont probablement incorrectes », ce qui pourrait expliquer « que les datations numériques obtenues dans ce site apparaissent a priori incohérentes » (Texier 2004). En conclusion « il paraît hasardeux de se fonder sur ces archéostrates pour définir des stades d’évolution culturels » (Texier 2001). 451 Figure 201 : Stratigraphies des coupes frontale et sagittale (d’après Texier 2004). L’examen de ce site de référence nous paraissait incontournable. Cependant, les nombreux doutes et problèmes soulevés à propos du raccordement des coupes frontales et sagittales, ainsi que ceux sur l’intégrité de certains secteurs et de certaines nappes de vestiges reconnues lors des dernières fouilles (Délibrias 1984 ; Delpech 1983, 1984, 2007 ; Delpech et Rigaud 2001 ; Delporte 1984 ; Laville et Tuffreau 1984; Texier 2001, 2004, 2009), nous ont incité en premier lieu à une vérification de l’homogénéité de celles-ci. Dans ce dessein, nous avons saisi une partie des carnets de fouilles39 afin d’analyser les projections spatiales des vestiges. 39 Nous tenons à remercier chaleureusement Patrick Perrin et Catherine Schawb de nous avoir mis à disposition cette documentation. 452 Stratigraphie Processus dynamique Texier 99 Delporte 84 Attribution chronoculturelle Coupe sagittale Coupe frontale 1 A Eboulisation et ruissellement B Gravettien 2 C Gravettien ? Solifluxion à front pierreux (éboulisation) Ruissellement affectant la partie distale des coulées et responsable de phénomènes d'éluviation et de la redistribution d'une partie du matériel sédimentaire D Gravettien E Gravettien F Aurignacien IV ? G Aurignacien IV ? H Aurignacien III ? I Aurignacien IIIII et III ? J Aurignacien II final K Aurignacien I et II 3 L sommet Aurignacien ? Partie sud de la coupe : Eboulisation dominante + Phénomènes de ruissellement et de percolation Partie nord de la coupe : Solifluxion + Ruissellement + cryoturbation localisée (niveaux K et L) Ruissellement + cryoturbation (dominante à l'ouest et dans la partie sommitale de 3) ou Solifluxion (dominante à l'est dans la partie inférieure de 3) Tableau 173 : Stratigraphie, niveaux archéologiques et processus naturels de mise en place des dépôts (d’après Texier et al. 1999, modifié). Figure 202 : Sédimentogenèse de l’unité 3 (d’après Texier 2004). 453 2. Rappel des travaux antérieurs : mise en évidence de problèmes stratigraphiques L’analyse de la documentation disponible sur la séquence de la Ferrassie nous a permis de sérier un certain nombre de disfonctionnements. Nous présenterons de manière synthétique les problèmes stratigraphiques soulevés lors des études sédimentologiques, fauniques et des datations. 2.1. Etude sédimentologique  Le problème principal soulevé par l’étude du remplissage du site de la Ferrassie est celui de la jonction des deux coupes, frontale et sagittale : « difficultés que nous avons rencontrées pour établir des corrélations stratigraphiques précises entre les coupes frontales et sagittales » (Laville et Tuffreau 1984). Cette difficulté a été accrue par le système de numérotation utilisé alors par H. Delporte, les auteurs précisent à cet effet qu’ils ont été « considérablement gênés pour utiliser le système de numérotation stratigraphique adopté par H. Delporte au cours des fouilles et par lequel des niveaux stratigraphiquement différents en coupe frontale et en coupe sagittale ont été souvent affectés d’une même lettre ou d’un même numéro » (Laville et Truffeau op. cit.). Nous passerons sur les niveaux gravettiens pour nous focaliser sur ceux contenant les industries aurignaciennes. Les ensembles F et G, clôturant la séquence aurignacienne n’ont pas toujours pu être individualisés, notamment « à partir de la travée 6 [en coupe frontale], les différents niveaux qui constituent les couches F et G perdent progressivement leur individualité », et d’autre part « le rapport stratigraphique exact entre les différentes unités sédimentaires et archéologiques qui, nous venons de le voir, constituent les ensembles F et G sur la coupe frontale et celles qui s’étagent dans le contexte de l’ensemble F- G sur la coupe sagittale est difficile à établir » (Laville et Truffeau op. cit.). Le complexe G en coupe sagittale est formé de plusieurs lentilles. Leurs relations et leur raccordement n’ont pas toujours été possibles, incitant H. Delporte à réaliser un découpage en trois unités GsS, GsN0 et GsN1 (Delporte 1984). Ce découpage, ainsi que les sub-divisions internes de chacun de ces ensembles, fut remis en question lors de l’étude géologique. Une réattribution d’une partie du niveau G à l’ensemble F sus-jacent fut proposée (Laville et Truffeau op. cit.). 454 L’individualité des niveaux K1 et K2 ne fut pas confirmée, mais ceux-ci furent considérés comme «  des subdivisions locales à l’intérieur d’un ensemble sédimentaire homogène » (Laville et Truffeau op. cit.). De même, la reconnaissance des niveaux K3a, K3b et K3c reconnus en coupe frontale posa quelques problèmes, puisque « K3 présente des caractéristiques assez homogènes d’un point à l’autre de la coupe frontale malgré la présence de deux niveaux archéologiques mieux marqués (K3a et K3c) qui se placent au sommet et à la base du dépôt » (Laville et Truffeau op. cit.). Enfin, à propos des niveaux formant la base de la séquence aurignacienne, présents uniquement en coupe frontale, les auteurs précisent que « K6 avait été définie précédemment, par une analyse probablement trop ponctuelle, comme formée d’un sédiment beaucoup moins grossier que la couche K5. L’étude de nouveaux échantillons prélevés en plusieurs secteurs de la couche frontale montre que la couche K6 présente en fait des caractéristiques tout à fait comparables à celles de K5 » (Laville et Truffeau op. cit.). 2.2. Les données issues de la grande faune La question de l’intégrité de la stratigraphie de la Ferrassie ne fut soulevée que récemment, puisque « en 1984, les travaux du géologue faisaient alors autorité, et les autres spécialistes avaient tendance à tenter d’expliquer par des éléments issus de leur propre domaine de recherche les divergences d’interprétation apparaissant entre leurs résultats et ceux de la géologie, fondés essentiellement sur la sédimentologie » (Delpech 2007). L’approche critique de la stratigraphie sur la base de l’étude de la grande faune a permis de confirmer la complexité des ensembles gravettiens d’une part, et de la fin de la séquence aurignacienne d’autre part, et plus précisément des niveaux F et G de la coupe sagittale, par ailleurs exclus des dernières études fauniques (Delpech 2007 ; Delpech et al. 2000). Aucun disfonctionnement n’a été relevé pour les niveaux sous-jacents, soit pour l’Aurignacien de H à la base de K. Cependant, il est regrettable que cette réflexion n’ait pas été menée à son terme, puisque l’affranchissement des données stratigraphiques et plus précisément sédimentologiques n’a été que partiel. En effet, plusieurs niveaux ont été regroupés lors de l’étude de la faune sur la base entre autre de l’étude menée par H. Laville et A. Tuffreau (1984), elle même plus ou moins dépendante de l’archéo-séquence proposée par H. Delporte (1984). Ainsi, les niveaux 455 K5 et K6 (et dans une moindre mesure K7), ont été étudiés conjointement, de même pour les niveaux K3 à K1, ainsi que I1 et I2 (Delpech 2007 ; Delpech et al. 2000). Ces regroupements correspondent respectivement au « complexe K5-K6-L », au « complexe K » et au « complexe I » de l’étude géologique (Laville et Truffeau op. cit.). Le nombre de restes déterminés taxonomiquement est généralement faible dépassant rarement la centaine de pièces, et ce malgré le regroupement de plusieurs unités. Le niveau K4, initialement regroupé avec K5/K6 (Delpech 1983, 1984) présente l’effectif le plus bas avec seulement vingt-quatre restes déterminés. Enfin, en considérant le rapprochement d’unités différentes dont les effectifs sont faibles, il convient de s’interroger sur la pertinence des résultats. Ceux-ci auraient-ils été différents en considérant chaque unité de base ? 2.3. Les datations Sur la base des datations des niveaux supérieurs (F, G et les niveaux gravettiens), la stratigraphie et plus précisément la corrélation et l’homogénéité des niveaux entre les coupes frontale et sagittale fut vivement critiquée (Delpech 2007 ; Delpech et al. 2000 ; Delpech et Rigaud 2001 ; Texier 2001, 2004, 2009). 2. Analyse de la répartition spatiale des vestiges Une partie seulement des carnets de fouille a pu être étudiée. Nous n’avons pu retrouver que les carnets des deux premières campagnes de fouilles, soit 1968 et 1969. Durant cette période, l’attention s’est principalement portée sur la coupe frontale (carrés 1 à 9), et dans une moindre mesure la coupe sagittale, à la jonction des deux coupes (carrés 9 à 12 et 30 à 32). Pour ce dernier secteur, l’objectif était alors de rectifier les coupes laissées par D. Peyrony. La coupe sagittale sera reculée dans l’optique de la rendre perpendiculaire à la coupe frontale. Cependant, le corroyage implanté alors, et correspondant aux carrés 10, 11 et 12, ne se place pas dans le même plan que celui de la coupe frontale (Figure 203). Ne connaissant pas l’angle formé entre les deux coupes, la projection spatiale de ces pièces et la confrontation avec les données de la coupe frontale s’avèrent délicates. La superposition des deux carroyages sera effective en 1969, avec la création de nouveaux carrés (29 à 32), perpendiculaires à ceux qui longent la paroi (bande 1 à 8). 456 Figure 203 : Schéma représentant l'évolution du carroyage et dénomination des carrés correspondants, pour la zone d'intersection des coupes frontale et sagittale (d’après Paul Bernard carnet 10/30). Cette analyse se base sur les projections des vestiges issus des carrés 1 à 8 pour la coupe frontale et 9 à 12 et 30 à 32 pour la coupe sagittale. Le premier constat concerne la dénomination des ensembles fouillés et publiés. Lors de la publication finale (Delporte 1984), les données ont été largement simplifiées, et présagent peu de la complexité des dépôts. Ainsi pour la coupe frontale 60 subdivisions ont été crées, dont seulement14 niveaux ont été retenus lors de la publication de la monographie (Tableau 174). Pour la coupe sagittale, pour laquelle seuls quatre carrés ont pu être abordés, 38 subdivisons ont pu être décomptées réduites à 11 niveaux lors de la publication (Tableau 174). 2.1. Etude de la coupe frontale (Figure 204, Figure 205 et Figure 206) La couche F a été subdivisée en quatre grands ensembles (F1 à F4), d’effectif et de répartition variables. Le regroupement de ces quatre niveaux lors de l’étude monographique (Delporte 1984) ne semble pas se justifier. En partie sommitale de l’ensemble F, précisément dans le niveau F1-2 du carré 1bis (Figure 204), ont été retrouvées deux pointes de la Gravette40 (e. g. 40 En silex du Bergeracois, et probablement issues du même bloc. 457 Delporte 1984 ; Pesesse 2008). Si l’existence du niveau F peut difficilement être remise en question dans sa totalité, nous pensons que la partie supérieure de celui-ci, correspondant aux niveaux F1, et une partie au moins de F2 reconnus lors de la fouille (Figure 204 : carrés 1bis, 4 et 5 ; Figure 205 : 0