FJ0B794 Biografické fikce v současné francouzské literatuře /hať*. "B^Wu^_ Biofictions A chacun ses mauvaisc* lecture*. Pour moi, ce sent lcs Vie it Men de X,, L'Etrangt datinied'Y., ces reconsti-tutions biuurdes que, iauf exception, sauf transgression, nulle revelation ne transcende. Tout homme celebre ne demeure-t-il pas aussi secret et mal coanu qu'Homire, Shakespeare, Lautreamont, Salvatore Giuliano? Pierre Mortens, Leiira ctendatiiut — Vow aimez la science-fiction? Je souris, je dU que je I'aime Bien. [„,] — J'aJme surtout Bradbury. Mais stir la mimoire, il y a unc trfea. belle nouvelle, je tie sail plus de qui... Un jeune homtne est invite k dfner chez on couple d'amix, Le diner eat termini et alors il hii disent: alors, to estprtt? Et il ditoui. Tuvas I'appsreu photo? Qui. Tu as le magnetophone? Qui. Quelque chose pour fcrire ? Qui. Alors, vas-y. D dit: d'acoard, mais te caft ? Je n'ai lias pris mon caft. Les autres disent: tu lc pren-dras a ton retour. On volt un flask, un eclair, un moment passe ct il review. Et il etait aU6 a de» miliicrs , t J* d'anaces, dans 1'avenir. Dadisent: alors, qule»t-ce qui ---- vase passer? Ildit: jen'en aais rien. Mais tu netc sou- vieris da rien? Non. lis regardentles pages; il c'aricn cent. Rien but le raagnStDphone, rien njr.la pellicule. lis disent: allons, essaie de te souvenir de quelque chose. Au bout d'tin'moment, Udit: ah out, maintenant je me rappelle qu'on m'a donnf le choix: si je voulais mo souvenir ou iton... Dantele Del Giudtce, Le Stade de Wimbledon. ; * Parte qu'un. colloqoe est un ivrwracnt qui lie se rÉecritpa* rärospecttycment, j'ailalssÉ ce texte dsaaľgat exacloi Ú tut prononcSle 3 aoůi 1990 en guise d'intro auction. Aii leeteur de determiner si le programme qu'il Bracait fiit confirms ou dímend. > BUISINE, A. [1991) : Biofictions, in : Revue des sciences humaines, 224, « Le biographique », pp. 7-13. ALAIN BUISINE BIOFICTIONS 9 Nous void done aujourd'hui rfiunis autour d'un objet dont personne ne pourra nier l'existcnce. C'est evident, jamais sans doute les biographies n'ont connu un tel succes en France. Un pullulement que ricn ne semblc pouvoir endi-guer. Une proliferation proprement cancerigene puisqu'elle finit par atteindre et absorber tous les domaines de l'ecri-ture et du savoir. Metastases du biographique qui contamine progressivement chacun des sccteurs des sciences humaines, qui plus gencralemcnt encore devient l'essentiel pararnetre de toute production dite culturelle. Chaque mois, sur les tables de nos libraircs, nous trou-vons une nouvelle livraison, toujours plus volumineuse, de biographies en tous genres, d'artistes, tnais aussi de vedettes de la chanson, d'ecrivains, roais aussi de sportifs, de per-sonnages historiques, mais aussi d'acteurs de cinema. Des rficits commerciaux produits a la chaine, le plus souvent d'une consternante mediocrity, d'une incurable naivete1 inlel-lectuelle. De quoi satisfaire les gouts doutcux d'un public insaiiablement avide de connaltre la vie de l'autre dans tous ses details et dans chacune de ses defaillances, d'entrer dans son intimitc, de devenir son voyeur. Mais maintenant que j'ai rituellement prononce cette pro-tocolairc excommunication de nos sous-produits culturels, il est sans doute possible de commencer a veritablernent tra-vailler. Autremenr dit de passer de la complaisante bonne conscience d'une pure et simple denonciation (rapidement inutile dans son infinie repetition) a la complexite' et a I'efS-cacite d'une analyse symptomatique. Car significativement la litterature, meme en certaines de ses meilleures productions, a la fois de fiction et de critique, n'echappe nullement a cette curiosity biographique. C'est au point que dans la ruhrique des demiers livrcs parus qu'on trou ve rigulierement a la fin de La Quinzainc liuhain, de plus en plus souvent les essais proprement litteraircs annonccs par la revue ne sont en fait autres que d'imposantes biographies, toutes plus savantes et documentees les unes que les autres. On assiste d'ailleurs a un phenomene fort symptomatique : depuis quelque temps les meifleurs specialistcs uni-versitaires de tel ou tel ecrivain, aprfes lui avoir consacrf depuia des decennies maintes analyses idfologiques, esthS-tiques, stylistiques, litteraires, decident de couronner leur effort critique par une biographie qui dans bien des cas tra- hit leur precedent désir, autrefois ouvertement affíché, de ne s'intercsser qu'a 1'ceuvre elle-měme. Apres toute une vie d'exclusive attention á Pécriture, le critique littéraire n'a maintenant d'autre emprcssement que de devenir le grand biographe de son écrivain. A cux seuls cette floraison de biographies dont la vogue nous vient incontestablement du monde anglo-saxon, ce retour du biographique méritaient sans mil doute l'organi-sation d'un colloque specifiquement consaeré á cette irresistible montée en puissance d'un genre si dčcrié par les gar-diens du temple. Surtout en ces licux, dans cette bibliothe-que du chateau de Cerisy-la-Salle, oů furent célébrés, dans les années 70, quelqucs-uns des fastes les plus glorieux de rautoréférentialité textucllc. Comment moi-mSme n'avoue-rais-jc pas qu'il y aune vingtaine ďannées, jc n'aurais jamais imagine, á moins de me croire destine aux pires des trahi-sons critiques, que je dirigerais un jour un colloque intitule «le biographique»! Les temps sont bien loin oů notrc désir de moderniti nous convainquait aisément « que la notion d'auteur appartient au discours réacrionnaire — celui de 1'individu, de la proprietě privée, du profit — et que le travail du scripteur est au contraire anonyme: simple jeu com-binatoire qui pou trait a la limite étre confié á une machine, tant il semhle programmable, rintention humaine qui en constitue Ie projet se trouvant á son tour dépersonnalisée au point de ne plus apparaítre que comme un avatar local de la lutte des classes, qui est le moteur de PHistoire en general, e'est-a-dire aussi dc 1'histoire du roman»(Alain Robbe-Grillet, Le Miroir qui revient). Semblables «niaiseries» (le terme est de 1'auteur de Pour an nouBtau roman) ont été complětement débordées ct empor-tées par un retour en force, a la fois biographique et auto-biographique, dc i'ecrivain en personne. Encore convient-il ďéviter de transformer ce retour du biographique en un instrument de revanche contre les acquis de notre. modernitě. Si la renaissance de 1'auteur devait favoriser, comme ils sont sans nul doute fort nombreux á 1'espérer, un strict retour k la « normalitě », e'est-a-dire á la situation antérieure apres une periodě désastreusement troublée qu'il faudrait se hater ďoublier, je m'empresserais ďannuler ce colloque. II ne s' agit quand mfime pas de revenir á Sainte-Beuve aprěs plus d'une vingtaine ďannées de nouveau roman et de ALAIN BUISINli BTOHCTIONS 11 psychanalyse, de mise en question du sujet et de ses illusiona ■ idenritaires. De toutc cettc erc du soupcon Ic sujet n'ett pas I sorti intact et identique ä lui-meme. Tant et si bien que lc ' biographique, dans ses actualizations littéraires, ne pourra qu'etre totalemcnt different de ce qu'il fut par Ie passe. C'est justement parce que le biographique lui-mřme, tout au moins dans ses plus interessantes experimentations con-temporaincs, n'a pas oublié les legons de notre modemité qu'il m'a semblé indispensable que nous lui consacrions ensemble toute une semaine ď analyses. Ce qui m'apparait désormais décisif, c'est que le biographique n'est plus l'autre de la fiction. II n'y a plus d'un cůté 1'imagination romanes-que qui peut royalement s'autoriser toutes les inventions et de l'autre la reconstitution biographique laborieusement contrainte de sc soumettre ä l'exactitude referentielle des documents. La biographic est ellc-méme devenue produetrice de fictions, bien plus eile commence ä comprendre que Ia fic-tionnalité fait nécessairement partie du geste biographique. Produetrice de fictions ä un tout premier niveau parce que la figure du biographe (et son ridicule achamement a vou-loir découvrirla«véritc» d'une existence donnée) commence ä devenir un personnage caractéristique de l'univers roma-nesque contemporain. Voyez par excmple Les Hammes en papier de William Golding en 1984 ou, plus récemment encore, en 1988, La VtntisurLorin Janes d'Alison Lurie. Plus fondamentalement de mon point de vue, scmblable fiction-1 nalité devient k l'heure actuelle de plus en plus constitutive j de maintes entreprises biographiques. II faudrait ici longuement s'interroger sur l'exemplaire demarche dc Pierre Mertens nous proposant, justcment dans la collection Fiction & Cie (de Denis Roche, au Seuil), sept moments de la vie d'un poete expressionniste allemand, Gottfried Benn (1886-1956), qui en dépit de toutes ses qualités de visionnaíre et de révolutionnaire, de genial préeurseur, commettra la pire des errcurs en devenant un moment le compagnon de route de la barbarie nazie. Dans ses remer-ciements ä la fin des Eblouisscments, Pierre Mertens, tout cn soulignant fortement que «pour 1'eBSentiel, seule l'imagina-tion du romancier prend ici la parole. RSverie autour et alcn-tour d'un destin. Intuitions et hypotheses. "Dérapages con-trdlés" que doit pouvoir s'autoriser toute liction», tienl ce pendant i manifester sa gratitude h Dse Kaul, l'ultinie com- pagne du poete ct a Nele Sperenscn, sa fille, « dont les confidences furcnt pr&ieuses ». C'est dire qu'alors n'cxistc plus | aucune opposition tranchde entre 1'imagination litt6raire et le document authentique, entre la fiction a l'oeuvre et la «v6rite» d'une vie, les intuitions personnelles du biographe et les revelations des proches, les inevitables projections amo-biographiques du biographe et l'eristence effectivement vecue de l'autrcj Un paradoxe qu'assume pleinement Pierre Mer-tens: «Pour dire cela: une fiction, bien sflr. Rien qu'unc fiction. Qui raconte I'erreur d'une vie, et la vie d'une errcur. Lc plus court chemin entre Histoire et histoire, c'est encore d'itnaginer. Le biographe, ici, n'a d'autre choix que de se fairc historien, et le chroniqueur n'a d'autre ressource que de devenir romancier. Mais le romancier, a son tour, n'a de chance d'y voir clair que de se decouvrir poete». Dans sa postface aux LeUres clandestine (qui met en seine les dernier* moments d'Alban Berg, en 1935, a l'h6pitalJB«udoIf de Vienne) intitulee Credo qui absurdum, Pierre Mertens deve-loppe sa thise sur la biographie com me fiction en montrant bien que «la plupart des biographes/ant du roman mais en ne se laissant gufere de chances d'en 6crire un bon, puisqu'ils prcTcndcnt, justcment, ne pas ceder a cette tentation...». n ne m'appartient pas, a l'orfe de cc colloque que jc ne fais que presenter, de m'interroger theoriquement sur les complexes rapports du biographique et du romanesque. Je veux simplement souligner que dfisormais il n'est plus possible de restreindre Ie biographique h. la sphere des classiques biographies qui croieat que seule Paccumulation de documents exacts et virifiSs, ordonnfis en un r£cit qui va univoquement de la naissance a. la mort, pourra assurer la resurrection lit-tcraire d'une vie. La biographie comrne fiction: 1 'idee desormais est suffi-samment dtablie pour constitucr lc principe meme d'une collection, « L'un et l'autre » chez Gallimard, sous la direction de J.-B. Pontalis: « Des vies, mais telles que la memoire les invente, que notrc imagination les recree, qu'une passion les anime. Des reats subjectifs, a millc lieues de la biographie traditionnelle. / L'un et l'autre: I'auteur et son heros secret, le peintre