49. L’article indéfini devant COD d’une phrase négative 1. Règle générale Quand l’article indéfini (singulier, pluriel et massif) détermine un groupe nominal qui est complément d’objet direct (COD) d’un verbe à la forme négative, il prend généralement la forme de : J’ai une voiture. vs Je n’ai pas encore de voiture. J’ai remarqué des fautes. vs Je n’ai pas remarqué de fautes. Il n’a pas donné de coup de téléphone hier. Plus d’exemples… Remarque : comme dans le cas de la transformation de l’article indéfini pluriel des en de devant adjectif antéposé (p. 48), il est essentiel de comprendre que de est dans ce cas tout simplement une forme de l’article indéfini (un allomorphe), pas une préposition : J’ai un chien / je n’ai pas de chien. Il mange de la saucisse / il ne mange pas de saucisse. 2. Cas divers La règle de la transformation de l’article indéfini en de concerne aussi la locution verbale il y a + nom (dans laquelle le nom est en fonction de complément d’objet direct) : Aujourd’hui, nous avons eu de la chance, il n’y avait pas d’embouteillages. Au supermarché, j’ai trouvé des pommes, mais pas de poires. Il n’y avait pas non plus decourgettes. Il n’y a plus d’espoir. La règle s’applique aussi dans les phrases négatives dont le second élément négatif est un pronom indéfini comme personne ; dans certaines expressions, l’objet direct peut être antéposé au verbe infinitif dont il dépend : Si personne n’a d’objections ni de questions supplémentaires, nous pouvons continuer. Je pense que personne n’a de choses intéressantes à dire sur ce sujet. Le chef d’État affirme que la France n’a de leçons à recevoir de personne. Nous n’avons de comptes à rendre à personne. Pas de chance !… 3. Sans + infinitif La règle s’applique aussi après quand le GN est le COD d’un verbe à l’infinitif dépendant de la préposition sans, qui a un sens négatif : Il est sorti sans prendre de parapluie. Il a accepté sans se poser de questions. Sors sans faire de bruit. Tu ne peux pas faire un soufflé sans utiliser de farine. Chute de l’article après ni… ni… Après la négation ni… ni…, donc quand ni est répété (une ou plusieurs fois) sans que soit exprimé un adverbe comme pas ou plus, l’article indéfini (comptable et massif) tombe complètement. Comparer : J’ai une perceuse et aussi une meuleuse. Je n’ai ni perceuse ni meuleuse. Dans cette sauce, on met et du poivre et du piment. [et…et… ] Dans cette sauce, on ne met ni poivre ni piment. Le motard n’avait ni permis ni assurance ni casque. Dans bien des communes, l’adversaire battu n’a souvent ni secrétariat, ni moyens, ni accès au journal municipal. Mais quand ni est employé seul après un premier objet négatif (après ne …pas, ne … plus etc.), on applique la règle normale et l’article à la forme de est maintenu : Je n’ai pas encore de perceuse ni de meuleuse. Il ne mangeait pas de poivron ni de concombre. À retenir La transformation de un /des en de ne concerne que les cas où l’article détermine un objet direct, elle ne concerne pas le cas où l’article indéfini détermine un attribut du sujet : C’est une bonne solution. vs Ce n’est pas une bonne solution. Ces fleurs sont des sylvies. Ces fleurs ne sont pas des perce-neiges. 51. L’article dans une phrase négative : négation partielle 1. Exceptions à la transformation en de La règle de la transformation de l’article indéfini devant objet direct (p. 49) ou sujet réel d’un verbe (p. 50) d’une phrase négative ne s’applique cependant pas systématiquement. L’article indéfini peut conserver sa forme normale dans les cas qui sont présentés ci-dessous. 2. Négation totale vs négation partielle L’article indéfini devant COD d’une phrase négative devient de quand la négation est totale. Exemple : le locuteur devait acheter des pommes et ne l’a pas fait, il dit : Je n’ai pas acheté de pommes. Donc il est revenu sans les pommes prévues, l’objet du verbe est « nié » complètement (objet = « zéro, rien »). De même, dans la phrase suivante, on dit que la police n’a rien trouvé qui puisse servir à accuser le suspect (objet = « zéro, rien » ) : La police n’a pas pu trouver de preuves contre le suspect. Mais la négation peut aussi être partielle : le verbe peut avoir un objet, mais cet objet est différent de celui prévu ou supposé. Dans ce cas, l’article reste généralement à la forme normale des/du/de la/de. Dans la phrase suivante, la personne a bien acheté quelque chose, mais ce ne sont pas des pommes. Ce qui est nié est la nature de l’objet, et non pas l’objet tout entier : Je n’ai pas acheté des pommes, j’ai acheté des cerises. Cette année il ne m’a pas offert une cravate, il m’a offert une chemise. Il ne boit pas du vin, il boit du cidre. Finalement, on n’a pas acheté des skis, on a acheté un snowboard. Remarque : la forme de peut aussi être la forme de l’article indéfini pluriel devant adjectif antéposé. Comme c’est la même forme que l’article indéfini devant objet direct d’une phrase négative, on ne voit pas de différence : On a découvert de nouvelles exoplanètes. de = article indéfini pluriel devant l’adjectif antéposé nouvelles On n’a pas découvert de nouvelles exoplanètes. de = article indéfini devant objet direct d’un verbe à la forme négative La négation peut être implicite, c’est-à-dire qu’on ne précise pas toujours le « vrai » objet après la phrase négative. Dans la phrase suivante, le simple fait de conserver l’article à sa forme normale indique qu’on a acheté quelque chose d’autre à la place des pommes, autrement dit cette forme implique un présupposé (voir p. 59) : Je n’ai pas acheté des pommes. 59. (Parenthèse) Négation et présupposé Comme il est expliqué p. 51 §2 et suivant, l’utilisation de l’allomorphe de de l’article indéfini devant le COD d’une phrase négative repose souvent sur un présupposé. L’exemple suivant montre que la forme de l’article peut apporter une nuance de sens importante : Alors, ça y est, tu as acheté une télévision ? Pas vraiment, je n’ai pas acheté une télévision. La réponse indique qu’on n’a pas acheté la télévision prévue, mais quelque chose d’autre (par exemple une machine à laver). On n’a cependant pas besoin de préciser qu’on a acheté autre chose : c’est indiqué par le choix de une à la place de de. On constate donc qu’on conserve la forme normale de l’article devant COD d’une phrase négative quand on présuppose que l’objet devait être différent. Quand on dit à quelqu’un Je n’ai pas mangé d’huitres, on indique simplement qu’on n’a pas mangé (ou pas voulu gouter, ou pas eu, ou pas trouvé etc.) d’huitres (pendant un voyage, un repas, une dégustation etc.). Quand on dit Je n’ai pas mangé des huitres, le résultat est le même (on n’en a pas mangé), mais on dit en même temps « il était prévu que je mange des huitres » ou « comme tu le sais je devais manger des huitres » / « on nous avait promis des huitres » etc., « mais je n’ai pas eu d’huitres / mais on m’a servi autre chose » etc. Ce présupposé repose sur un savoir implicite, qu’on pourrait appeler « contextuel » : on suppose que le destinataire du message sait implicitement, d’après la situation, le contexte etc., quel devait être l’objet prévu du verbe. Ce savoir peut même nécessiter des connaissances implicites beaucoup plus vastes, par exemple des connaissances sur la culture du pays. Par exemple, en France, dans les grands repas de famille, on sert souvent comme hors-d’œuvre du poisson. Si, à un tel repas, on sert un autre genre de hors-d’œuvre, quelqu’un pourra dire en racontant le menu : « Comme hors-d’œuvre, on n’a pas eu du poisson ». Ce qui signifie : « on ne nous a pas servi du poisson, qui, comme vous le savez, est traditionnellement au menu, mais quelque chose d’autre ». Cependant, on n’est jamais obligé d’ajouter cette information supplémentaire, ce présupposé : le locuteur peut très bien choisir de dire la phrase de manière neutre et appliquer la règle normale, c’est-à-dire transformer l’article indéfini dans la phrase négative et utiliser de à la place de des/du/de la  : Il n’a pas acheté de pommes, il a acheté des poires. Cette année il ne m’a pas offert de cravate, il m’a offert une chemise. Il ne boit pas de vin, il boit du cidre. En hors-d’œuvre, on n’a pas eu de poisson, on eu du foie gras. De même, on peut supprimer l’article après ni … ni …, même si c’est une négation partielle (alors que dans ce cas, on pourrait conserver l’article) : Je n’ai bu ni vin ni bière, j’ai bu de l’eau ! Je n’ai acheté ni perceuse ni ponceuse, j’ai acheté une scie sauteuse. On peut donc toujours appliquer la règle de la transformation « des/du/de la devient de devant COD d’une phrase négative ». En revanche, on ne peut pas toujours conserver l’article normal un/une/des/du, s’il n’y a pas de présupposé, d’information supplémentaire. Si on rentre du supermarché en disant Je n’ai pas acheté des pommes, ce qui présuppose qu’on a acheté autre chose, alors qu’en réalité on n’a rien acheté d’autre à la place, l’information sera faussée : la personne à qui on dit cela pourra demander Ah bon ? Et qu’est-ce que tu as rapporté à la place ? Si on répond qu’on n’a rien rapporté, l’autre personne pourra trouver bizarre qu’on ait dit Je n’ai pas acheté des pommes, parce que cela impliquait qu’on avait acheté quelque chose d’autre. Bon à savoir pour l'apprenant de FLE : le choix de la forme de l’article devant complément d’objet direct d’une phrase négative n’entraine jamais de phrases totalement agrammaticales. 4. La négation porte sur un autre élément que le COD La négation peut aussi être partielle en ce sens qu’elle ne porte pas sur l’objet direct du verbe, mais sur un autre élément de la phrase, par exemple sur l’adjectif qui caractérise l’objet (et non pas sur tout l’objet) : Il ne faut pas y accorder une grande importance. [On peut y accorder de l’importance, mais pas trop.] Il n’a pas obtenu des résultats vraiment intéressants [Il a bien obtenu des résultats, mais qui ne sont pas intéressants.] La police n’a pas trouvé des preuves décisives contre le suspect. [La police a donc trouvé des preuves, mais elles n’étaient pas décisives.] Nos voisins n’ont pas un petit voilier, ils ont un catamaran de 15 m ! C’est également le cas quand la négation porte sur un adverbe ou un complément circonstanciel de temps, comme souvent, toujours, ou de manière etc. Ces éléments sont indiqués en italiques dans les exemples suivants : Demain nous n’irons pas faire du ski. Avec le temps qu’il a fait cet hiver, on n’a pas souvent fait du patinage sur le lac. Autrefois, les gens ne mangeait pas de la viande tous les jours. Plus d’exemples… Autre exemple de ce type : dans la première des deux phrases suivantes, l’article des est devenu de(négation totale), mais dans la deuxième, il ne change pas. En effet, la deuxième phrase signifie « Il m’arrive d’oublier des choses, mais pas un visage ». Le locuteur oublie donc certaines choses, mais pas tout (négation partielle) : Je n’ai pas oublié de noms ? Je n’oublie jamais un visage. 5. Affirmation cachée en négation L’article indéfini conserve aussi sa forme normale si la négation cache une affirmation déguisée ou atténuée, notamment dans les questions polies (p. 532 §4) ou dans l’interrogation indirecte : Une association locale me demande si je ne pourrais pas leur fournir des tee-shirts avec leur logo. Tu ne pourrais pas me prêter un sac de couchage pour les vacances ? Vous n’auriez pas de la monnaie ?  Plus d’exemples… Dans toutes ces phrases, le verbe correspond en fait à un verbe affirmatif (si je pouvais leur fournir / a sans doute donné des idées / il faudrait fournir des notes / vous avez du feu etc.). 52. L’article dans une phrase négative : expressions figées et locutions 1. Expressions figées Dans les expressions figées qui, comme leur nom l’indique, ont une forme fixe, la négation n’influence pas la forme de l’article : mettre des bâtons dans les roues à quelqu’un : On ne va pas lui mettre des bâtons dans les roues. casser des briques (familier) : Ça casse pas des briques. Mais je n’ai pas donné des leçons, bien au contraire j’ai essayé de t’aider donner des leçons est une expression figée signifiant « saarnata ». Certaines expressions ne sont cependant pas entièrement figées, et la négation peut éventuellement entrainer la transformation de l’article. Comparer : Il ne faut pas dire de mal des gens qu’on ne connait pas. Il ne faut pas dire du mal des gens qu’on ne connait pas. Les deux phrases sont possibles et correctes (et ont le même sens). Dans la première, mal est le COD du verbe dire, l’article indéfini massif devient de dans la phrase négative. Dans la deuxième phrase, dire du mal est senti comme une locution verbale figée, qui a le même sens que par exemple critiquer ; la négation n’influence pas le mot du, qui est un simple élément de construction (fixe et invariable) du verbe diʁdymal. 2. Locutions avec le verbe faire De même, dans les expressions formées avec faire exprimant une activité, l’influence de la négation est variable et l’usage est un peu flottant, car on trouve des cas où la forme du/de la se maintient. Mais le plus souvent, la règle de la négation s’applique et on utilise de : Il a longtemps joué dans un club, mais ça fait maintenant des années qu’il ne fait plus de foot. Je ne fais plus de yoga mais cette discipline, à condition d’avoir un bon professeur, est très bénéfique. Il y avait beaucoup de neige et j’ai retenu la leçon :  je ne fais plus de cheval en hiver. Pendant un mois, je n’ai pas fait de violon (voir p. 76), parce que j’avais une douleur au coude. Exemple avec de la : Maintenant cela fait 2 ans que je ne fais plus de l’équitation ! Et cela me manque atrocement !! Il n’existe pas de règle précise permettant de décider avec certitude si l’article devient de dans ce genre d’expressions ou s’il se maintient à la forme normale. Tout dépend du contexte et de son interprétation. Dans ce genre de cas, le plus sûr pour l’apprenant FLE est d’appliquer la transformation du → de, sauf si la négation est nettement partielle (p. 51) : Aujourd’hui, je ne fais pas du ski, je fais du patin à glace.