Maurice Scève Délie, objet de plus haute vertu Sur le printemps, que les aloses montent, Ma Dame et moi sautons dans le bateau Où les pêcheurs entre eux leur prise comptent, Et une en prend, qui, sentant l’air nouveau, Tant se débat qu’enfin se sauve en l’eau ; Dont ma Maîtresse et pleure et se tourmente. « Cesse, lui dis-je, il faut que je lamente L’heur du poisson, que n’as su attraper, Car il est hors de prison véhémente, Où de tes mains ne peut onc échapper. » * Le laboureur de sueur tout rempli A son repos sur le soir se retire : Le pèlerin, son voyage accompli, Retourne en paix et vers sa maison tire. Et toi, ô Rhône, en fureur, en grande ire, Tu viens courant des Alpes roidement Vers celle-là qui t’attend froidement, Pour en son sein tant doux te recevoir. Et moi, suant à ma fin grandement, Ne puis ni paix ni repos d’elle avoir. * Comme Hecaté tu me feras errer Et vif et mort cent ans parmi les Ombres ; Comme Diane au Ciel me resserrer, D’où descendis en ces mortels encombres ; Comme régnante aux infernales ombres Amoindriras ou accroîtras mes peines. Mais comme Lune infuse dans mes veines Celle tu fus, es, et seras DELIE, Qu’Amour a joint à mes pensées vaines Si fort que Mort jamais ne l’en délie.