Philippe Desportes Amours de Diane SONNETS Vous n’aimez rien que vous… Vous n’aimez rien que vous, de vous-même maîtresse, Toute perfection en vous seule admirant, En vous votre désir commence et va mourant, Et l’amour seulement pour vous-même vous blesse. Franche et libre de soin, votre belle jeunesse D’un œil cruel et beau mainte flamme tirant, Brûle cent mille esprits qui votre aide implorant N’éprouvent que fierté, mépris, haine et rudesse. De n’aimer que vous-même est en votre pouvoir, Mais il n’est pas en vous de m’empêcher d’avoir Votre image en l’espoir, l’aimer d’amour extrême ; Or l’Amour me rend vôtre, et si vous ne m’aimez, Puisque je suis à vous, à tort vous présumez, Orgueilleuse beauté, de vous aimer vous-même. Si la foi plus certaine… Si la foi plus certaine en une âme non feinte, Un honnête désir, un doux languissement, Une erreur variable et sentir vivement, Avec peur d’en guérir, une profonde atteinte : Si voir une pensée au front toutedépeinte, Une voix empêchée, un morne étonnement, De honte ou de frayeur naissant soudainement, Une pâle couleur de lis et d’amour teinte : Bref, si se mépriser pour une autre adorer, Si verser mille pleurs, si toujours soupirer, Faisant de sa douleur nourriture et breuvage, Si de loin se voir flamme, et de près tout transi, Sont cause que je meurs par défaut de merci, L’offense en est sur vous, et su rmoi le dommage. Ma nef passe au destroit d’une mer courroucée… Ma nef passe au destroit d’une mer courroucée, Toute comble d’oubly, l’hyver à la minuict ; Un aveugle, un enfant, sans soucy la conduit, Desireux de la voir sous les eaux renversée. Elle a pour chaque rame une longue pensée Coupant, au lieu de l’eau, l’esperance qui fuit ; Les vents de mes soupirs, effroyables de bruit, Ont arraché la voile à leur plaisir poussée. De pleurs une grand’pluie, et l’humide nuage Des dedains orageux, detendent le cordage, Retors des propres mains d’ignorance et d’erreur. De mes astres luisans la flame est retirée, L’art est vaincu du tens, du bruit et de l’horreur. Las ! puis-je donc rien voir que ma perte asseurée ?