Qu'est-ce que le « syndrome de Paris » qui rend les touristes fous? ● Le « syndrome de Paris » touche quelques dizaines de touristes par an à Paris, en particulier les Japonais et les Japonaises. ● Ce syndrome est provoqué lorsqu’un voyageur est déçu de la réalité de Paris, loin des images d’Epinal véhiculées par des films ou des documentaires sur la capitale. ● « Cela se traduit par des attaques de panique, des angoisses très fortes. Les personnes ont parfois l’impression de mourir. Mais il n’y a pas de séquelles », commente le psychothérapeute Rodolphe Oppenheimer. Une touriste japonaise, appelons-la Yoko, vient de visiter la tour Eiffel. Elle a pris des photos, elle s’est baladée toute la journée dans Paris au pas de course avec un groupe, et tout semblait aller bien, quand soudain, une angoisse l’étreint. Yoko semble très choquée, et s’enferme au retour dans sa chambre d’hôtel. Elle ne veut plus sortir, elle a des hallucinations, elle délire. Elle est victime du « syndrome de Paris », qui touche quelques dizaines de touristes par an à Paris, en particulier les Japonais et les Japonaises – on y trouve une majorité de femmes. C’est le psychiatre Hiroaki Ôta qui, le premier, a mis un mot sur ce phénomène, dans un article en 1988. Observant un grand nombre de troubles médico-sociaux graves chez les touristes du pays du Soleil levant – près de 200 rien qu’en 1987 – Hiroaki Ôta s’est efforcé d’en comprendre les causes. Barrière linguistique et fossé culturel Le syndrome de Paris est provoqué lorsqu’un voyageur a, en quelque sorte, tout misé sur la capitale et sa Dame de fer, et qu’il ne retrouve pas dans les images qu’il a devant lui le beau mythe tant vanté. « La déception liée au contact avec la réalité quotidienne est aussi un facteur d’incompréhension et d’angoisse, mais aussi de désillusion et de dépression. L’image stéréotypée de Paris, ville de consommation de produits de luxe, largement véhiculée par les sources d’information, ne résiste pas à la quotidienneté : nous ne sommes pas tous et toutes habillés chez les grands couturiers, notre vie n’est pas seulement oisive et culturelle, la politesse, le raffinement, la galanterie "ont fait long feu" », écrit Hiroaki Ôta dans un article de 2004. S’ajoutent à cela des difficultés particulières, qui accroissent l’isolement et l’angoisse du patient. La barrière linguistique, qui provoque chez le Japonais perdu dans Paris un « sentiment d’étrangeté », et le fossé avec une autre culture, la culture latine, qui selon Hiroaki Ôta « autorise des fluctuations d’humeur », « des interventions souvent directes, parfois excessives, voire excentriques » qui déconcertent les touristes japonais. « Les facteurs déclencheurs changent en fonction des patients. Cela peut être dû à la vue de l’impolitesse des Parisiens ou au choc des cultures. D’autres basculent face à la vue de la saleté dans une ville réputée pour son programme de désengorgement des rues. Bien évidemment, il y a aussi les vols à la tire », explique le psychothérapeute et psychanalyste Rodolphe Oppenheimer, qui a écrit un article sur le sujet. Etourdissements et sueurs froides Il n’y a pas que des Japonais et Japonaises. Contacté par 20 Minutes, Rodolphe Oppenheimer raconte avoir vu des Australiens et des Américains victimes de ce syndrome. « Cela se traduit par des attaques de panique, des angoisses très fortes. Les personnes ont parfois l’impression de mourir. Mais il n’y a pas de séquelles », commente le praticien, qui cite d’autres symptômes sur son site : le fait de parler de Paris en divaguant, les étourdissements et sueurs froides, les hallucinations. « Ces symptômes deviennent plus intenses à la seule idée de visiter la capitale », écrit-il. Le praticien traite ces cas tout simplement par la parole : « Ils se disent "je fais un AVC", on leur explique que ce sont des choses que nous connaissons, référencées, on les rassure sur la santé. Ça se traite comme une phobie. » Rodolphe Oppenheimer compare ce syndrome à deux autres, légèrement différents, dits « syndrome de Stendhal » et « syndrome de Jérusalem ». Respectivement causés par le choc de la rencontre avec une œuvre d’art, ou avec une expérience religieuse forte, particulièrement dans la ville Sainte, où une police spéciale intercepte les personnes se prenant pour le messie. Et le psychothérapeute de se confier sur une expérience personnelle : « Quand j’étais jeune, j’ai rencontré Julia Roberts. J’avais 16 ans, et bien sûr, elle n’avait rien à voir avec la femme de Pretty Woman. Je n’ai pas eu de "syndrome de Los Angeles", c’était furtif, mais imaginez celui qui a attendu ça toute une vie… Au Japon, on mythifie Paris plus qu’ailleurs. Il y a une expression en anglais qui dit "mieux vaut laisser les étoiles dans le ciel". Je crois que c’est ça ! »