La duchesse de Langeais Honoré de Balzac Honoré de Balzac a publié La duchesse de Langeais dans les années trente du 19^e siècle. Ce roman fait partie dans le premier ensemble de la Comédie humaine, dans les Études des mœurs, concrètement dans la série des Scènes de la vie parisienne. De plus, cette œuvre est un « sous-roman » dans le roman Histoire des Treize où il y a trois roman en total : Ferragus, La duchesse de Langeais et La fille aux yeux d’or. Nous pouvons classifier cette œuvre comme un roman initiatique où le héros passe de la passion vers la révélation. Le héros (la duchesse) traverse le chemin vers le Dieu, vers la purification de son âme. Par analogue avec le motif typiquement balzacien qui est la montée d’individu au sein de la société, dans La duchesse de Langeais nous pouvons aussi observer une montée mais dans ce cas-là il s’agit de l’ascension spirituelle ; c’est une élévation d’âme, une évolution des sentiments. En ce qui concerne l’aspect stylistique, Balzac commence ce roman dans le goût de la « description balzacien » ; cela veut dire qu’il commence par la description détaillée du lieu où le récit se déroule. Puis, il nous fait voir les personnages et, ce qui est peut-être surprenant, il nous fait voir tout de suite l’intrigue principale. Après que nous en prenons conscience, l’auteur fait un retour en arrière et nous raconte l’histoire qui a eu lieu dans la passé et qui a produit cette intrigue. Après avoir décrit tout ce qui s’est passé, à la fin de ce roman Balzac étoffe le récit en « revivant » l’action – il pousse les personnages à agir et cette action se déroule « à présent » ou « en temps réel ». À cause de cette prompte divulgation de l’intrigue, nous pouvons penser que le récit suivant va certainement manquer de la suspense. Bien au contraire ! Cette révélation sert comme un appât qui attire notre attention parce que nous deviendrons alléchés par ce petit morceau d’action qui nous fait désirer le reste du récit et surtout son dénouement. Dans cette mini mémoire nous allons analyser et développer quelques thèmes et idées importantes de ce roman. Premièrement, nous nous allons concentrer sur les traits du romantisme dans cette œuvre, puis nous allons voir comment le lieu influence la physionomie et le comportement de l’homme afin de conclure par une réflexion sur la passion et force. Traits du romantisme Commençons par les traits du romantisme puisque ce courant artistique naît en France au début des années trente du 19^e siècle. C’est alors la même période que La Duchesse de Langeais vient d’être publiée. „Le laid c’est le beau“ Nous pouvons voir à travers de cette œuvre qu’il y a plusieurs signes du romantisme ; c’est par exemple la « devise » « le laid c’est beau ». Cette idée vient de la préface de la pièce Cromwell écrite par Victor Hugo : « […] tout dans la création n’est pas humainement beau, que le laid y existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l’ombre avec la lumière. »[1] Rappelons maintenant l’histoire du personnage principale, de la duchesse de Langeais. Défaite par son séjour au couvent, la duchesse a perdu son charme, sa vitalité et sa beauté. « Maintenant, je suis vieillie dans les larmes, je ne suis plus ni jeune ni belle… »[2] Néanmoins, elle est restée jolie aux yeux de général Armand de Montriveau qui l’avait admirée jusqu’à sa mort. « Et si je te veux pâle et flétrie ? Et si je ne puis être heureux qu’en te possédant ? »[3] De plus, ce changement physique la rende beaucoup plus séduisant pour Armand qui apprécie cette néfaste transformation comme un moyen d’appropriation d’Antoinette pour lui-même parce que personne sauf lui ne peut pas dévoiler la beauté qui se cache derrière son infirme physionomie. « Étrange bizarrerie du cœur ! il aimait avec plus de passion la religieuse dépérie dans les élancements de l’amour, consumée par les larmes, les jeûnes, les veilles et la prière, la femme de vingt-neuf ans fortement éprouvée, qu’il n’avait aimé la jeune fille légère, la femme de vingt-quatre ans, la sylphide. […] Un amant ne fait-il pas alors saillir, à la voix de ses puissants désirs, un être tout nouveau, jeune, palpitant, qui brise pour lui seul une enveloppe belle pour lui, détruite pour le monde. »[4] Personnages exceptionnel En ce qui concerne les deux personnages principaux - la duchesse Antoinette de Langeais et le général Armand de Montriveau - ils dépassent les autres par leur caractère : « Or, la duchesse et Montriveau se ressemblaient en ce point qu’ils étaient également inexperts en amour. » [5] Le général possède une grande puissance militaire et en même temps il peut être fier de son cœur pur, bien qu’il se trouve dans la société frivole où la pureté du cœur et de l’âme est très rare. La duchesse au contraire, est complétement absorbée par cette l’influence néfaste de son entourage mais il y a quelque chose dans sa nature qui la protège un peu et qui l’a à la fin convaincu à effectuer son projet décisif (la fuite au couvent) qui lui a causé beaucoup de souffrance mais qui l’a aussi libérée de son ressource du mal (le général, la société). Cette aptitude d’agir contre son gré pour atteindre son but spirituel est une qualité digne d’un héros exceptionnel. Couvent - un lieu obscur Autre trait de romantisme est le lieu obscure, dans cette œuvre il s’agit du couvent. C’est un endroit sombre, triste et froid qui provoque chez le lecteur le sentiment de la malaise. En même temps, c’est un lieu sacre où les esprits égarés dans la vie trouvent de l’asile et où l’âme de ces religieuses s’approche de Dieu. Quand le général essaye d’enlever Antoinette du couvent, il s’agit aussi d’une action romantique. Lieux (salons, bals, couvent) « Tel nid, tel oiseau. » Comme nous avons déjà vu, la duchesse a complétement changé son physionomie lors de son séjour au couvent. L’austérité de ce couvent dirigé par l’ordre de Carmélites Déchaussées a influencé l’allure de l’ancienne « reine des salons » qui est devenue pâle, maigre et ascète. Sa vitalité est enterrée dans ce tombe austère. Son feu intérieur ne s’allume qu’en jouant du piano. « …et, après les derniers grondements des basses, qui firent frémir les auditeurs jusque dans leurs cheveux, elle sembla s’être replongée dans la tombe d’où elle était pour un moment sortie. »[6] De la même façon se manifeste l’influence de lieu sur le comportement de l’homme qui se trouve dans la société laquelle y représente ce lieu qui contribue à la formation de l’esprit de l’homme. Cette idée a été employée plus tard par la philosophie marxiste : « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c'est inversement leur être social qui détermine leur conscience. »[7] La société superficielle du début de 19^e siècle peut être comparée au nid où s’éclore des gens pareillement superficiels comme est leur nid (la société). Des salons et des bals donnent la vie aux tous les caprices et passions de l’âme humaine qui étaient jusqu’ici coincées et non-découvertes dans les profondeurs de la conscience. Rappelons le cas du général de Montriveau, « supposez un homme ardent, un homme à cœur et face de lion […] Il était petit, large de buste, musculeux comme un lion. »[8]. Cette métaphore animale prouve l’influence des environs sur la physionomie de l’homme. « Cette identité de physionomie entre un homme et son cortège historique est dans la nature des choses. Pour mener un parti ne faut-il pas concorder à ses idées, pour briller dans une époque ne faut-il pas la représenter ? »[9] Dès que cet homme honorable a été introduit dans la société riche et capricieux du faubourg Saint-Germain, il s’adapte - bon gré, mal gré - à ses règles, y compris l’hypocrisie, la ruse etc. En étant en proie au excès d l’âme désirante de l’admiration et de l’appréciation, des principes moraux du général de Montriveau commencent à se relâcher. Rappelons encore son rencontre avec le marquis de Ronquerolles ; agirait-t-il (le général) de la même manière s’il n’était pas encouragé par le marquis ? Parce que jusqu’alors il n’y était pas dans sa nature altruiste des idées jalouses, possessives ou même cruelles. C’était à cause de la peur dans laquelle le marquis de Ronquerolles a fait voir au général ces idées noires qu’il n’avait pas vues auparavant. Dans cet exemple nous voyons la fragilité des principes moraux et leur tendance à s’accoutumes aux principes de la société, au sein de laquelle on se trouve, aussitôt qu’on ressent de la vulnérabilité. Même la moindre doute venant du monde extérieur peut saper notre monde intérieur (celui des idées et principes) et ce doute nous peut aussi amener à prendre des décisions qui soient en contradiction avec nos principes moraux. Jusqu’à la rencontre avec le marquis de Ronquerolles le générale voyais le monde en rose, malgré tous les signes qui lui avait indiqué qu’il y a quelque chose de mauvaise dans son relation avec la duchesse. Néanmoins, il poursuivait dans son aveuglement amoureux, il attendait docilement et infiniment l’amélioration qui ne venait pas. Ses illusions se sont définitivement dispersées quand il a rencontré ce marquis qui lui a mis la pouce à l’oreille. Cette rencontre est en fait le commencement des décisions malheureuses et fatales qui ont abouti à l’échec total de tous ses efforts et toutes ses espérances. Analysons maintenant le personnage de la duchesse Antoinette de Langeais. Ce qu’elle a en commun avec le général, c’est le cœur honnête. À la différence du général, la duchesse est plus prédisposée au comportement de « caméléon » ; cela veut dire qu’elle change son manière d’agir selon la situation actuelle. « […] se faire mélancolique avec les humoristes, gaie avec les insouciants, politique avec les ambitieux ; écouter avec une apparente admiration les bavards, s’occuper de guerre avec les militaires, être passionnée pour le bien du pays avec les philanthropes […] Le discours est la partie morale de la toilette, il se prend et se quitte avec la toque à plumes. »[10] C’est aussi pourquoi elle est souvent accusée d’être une coquette mais elle refuse fortement cette présomption en disant qu’elle le fait pour mettre les autres en aise et qu’au fond de son cœur elle reste toujours même et pure, surtout en ce qui concerne ses sentiments qu’elle ressent pour le général de Montriveau. En tout cas, il est évident qu’après environ sept mois, ces sentiments changent au fur et à mesure, ou, ce n’est pas peut-être leur « changement » mais c’est plutôt le changement de la manière dans laquelle la duchesse exprime ces sentiments. Tout ce qu’elle ressent pour le général dans son « monde intérieure » ne change pas. Néanmoins, dans le « monde extérieur » (des salons, des bals) elle laisse voir le contraire de ses émotions. Ce « monde extérieur » tout voit, tout entend, tout évalue et tout condamne. Il est alors nécessaire pour la duchesse de « reformuler » ses sentiments pour que la société ne soit pas capable de dévoiler son vrai affection. La société fonctionne alors comme un passoire métaphorique par laquelle ne passe qu’un tantinet de la réalité. De plus, il faut que ce tantinet change un peu de forme pour qu’il puisse passer par des petits trous du passoire. La duchesse trouve ce « passoire des mœurs et des préjugés de la société » très utile parce qu’il protège sa bonne réputation en se taisant sur ses sentiments intimes et ses secrets. Et c’est pour cela que la duchesse traite le générale tantôt comme ça, tantôt comme ça, puisqu’elle choisit comment va le traiter selon le gré de sa compagnie. Pour cette raison on ne s’étonne pas du fait que le générale se sent offensé et qu’il a recours au conseil du marquis de Ronquerolles dont il vient de rencontrer : « Sois aussi implacable qu’elle le sera, tâche de l’humilier, de piquer sa vanité […] »[11] Ainsi, inquiet, n’hésite-il pas de construire son « plan de match » et son avenir sur le jugement d’un homme dont il connaît à peine. Force et passion Continuons avec des motifs de la force et de la passion qui occupent le place important dans tous les œuvres d’Honoré de Balzac. La passion se manifeste par une dualité : la passion peut servit de guide dans la vie de ceux qui connaissent les limites et frontières de leur caprices. Ce sont des gens heureux, parce qu’ils sont accompagnés de quelque chose qui leur fait plaisir et en même temps ils sont conscients des dangers de passion exaspérée. « Jusqu’à un certain point, nos goûts prédominants sont des conditions de notre existence. »[12] Mais la passion peut aussi avoir le caractère d’une force destructive quand on se laisse complétement absorber par elle. Souvenir comme une passion « hibernée » Il y a une chose dans La duchesse de Langeais qui nous fait penser à l’œuvre de la littérature française qui a parue plus tard, dans les années dix et vingt du 20^e siècle. Il s’agit d’œuvre À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. L’auteur y développe l’idée de la mémoire authentique qui nous fournit des évocation de souvenirs. Dans la première parti (Combray) du Du côté de chez Swann ce souvenir est connecté aux gâteaux courts appelés Petites Madeleines. Puis, dans la deuxième parti Un amour du Swann ce rôle du médium est attribué au phrase musical de la sonate de Vinteuil ; cette sonate active les forces de la mémoire de Swann et devient un lien avec le passé. Chez Balzac, dans La duchesse de Langeais, un prélude de la romance musical sert comme ce médium qui fait revivre les souvenirs du général de Montriveau. « Le soupçon réveillé dans le cœur du général fut presque justifié par le vague rappel d’un air délicieux de mélancolie, l’air de Fleuve du Tage, romance française dont souvent il avait entendu jouer le prélude dans un boudoir de Paris à la personne qu’il aimait […] »[13] … « Peut-être comprendrez-vous alors la brusque sortie du général pendant le Te Deum, au moment où le prélude d’une romance jadis écoutée avec délices par lui, sous des lambris dorés, vibra sous la nef de cette église marine. »[14] Ce souvenir/sentiment est tellement capable d’envahir l’âme et cœur de l’homme que nous pouvons le décrire comme la force puissant qui nous fait à la fois plaisir et mal. Monomanie Dans cette œuvre, Balzac décrit l’amour comme une force de propulsion mais aussi comme une force fatale et destructive. Nous avons déjà vu sur l’exemple de la duchesse de Langeais que sa religion l’avait tout absorbée ; cette monomanie l’a transformée d’une jeune jolie femme en une religieuse pitoyable dont le visage manque de la joie et vitalité. Les conséquences de sa passion dévoratrice se manifestent non seulement au niveau de l’âme mais aussi au niveau de sa physionomie. D’abord, le général de Montriveau est complétement émerveillé par la duchesse qui lui a rempli la vie de la joie. Cette amour est devenue son monomanie. « Elle fut dès lors pour lui le monde et la vie. »[15] Au cours de huit mois le général adore la duchesse mais avec le temps elle commence jouer avec les sentiments de son admirateur. Étant inexpérimenté en amour et ayant bon cœur, le général répugne à ce comportement frivole de la duchesse et il se rend au conseil de marquis de Ronquerolles qui lui encourage à traiter la duchesse avec cruauté. Le résultat ? Il y en a deux ; le premier n’est pas si néfaste que le deuxième. Commençons alors avec le premier ; la duchesse est effrayée par ce nouveau comportement du général et, réduite à quia, elle commence à faire son examen de conscience et elle rende compte de ses fautes. Finalement, elle déclare son affection pour le général qui persiste dans son comportement froid. Voilà, le deuxième résultat ; le général a mal jaugé les conséquences de son froideur avec lequel il « congèle » toute l’espoir de la duchesse qui avait déjà été « corrigée » et prête à aimer le général avec respect. Comme il ne réponde à la lettre suppliante écrite par la duchesse, il détruit entièrement leur relation amoureux parce que la duchesse se décide à s’enfuir au couvent. Elle croit que cette solution désespérée la libère de son monomanie - son amour torturant, et qu’elle trouve dans le couvent l’autre forme de l’amour – celle de Dieu. En même temps, elle souhait que son affection pour le général y (dans le couvent) acquière la forme platonique et éternelle. Ainsi, veut-elle que son âme devienne purifiée et que ses péchés soient oubliés. Aussitôt que le général s’aperçoit des conséquences terribles de ses actions qui ont causées la fuite de sa dulcinée, il est complétement ému et se rende être à la recherche d’Antoinette. « Pour rendre justice à cet homme extraordinaire, il est nécessaire de dire que sa fureur passionnée se leva également ardente chaque jour, et dura cinq années. »[16] Sa passion le pousse le à persister à ses essais de trouver son amour, il fouille tous les couvents et après cinq ans il la finalement trouve. À force de ses efforts et grâce à sa compagnie de Treize il a réussi à l’enlever mais, malheureusement, ce n’est que cadavre de sa bien-aimée qu’il a emporté avec lui. Ainsi a-t-il poussé sa passion dévoratrice jusqu’au bout et maintenant il faut qu’il soit plus sage et précautionneux en ce qui concerne l’amour. « Désormais aie des passions ; mais de l’amour, il faut savoir le bien placer […] » Dans La duchesse de Langeais, Balzac raconte une histoire de l’amour au sein de la société superficielle où la passion pousse des personnages comme une force à suivre leurs caprices. Mais en même temps c’est une histoire tragique qui nous fait voir que la passion exaspérée peut tuer. Bibliographie : DE BALZAC, Honoré. La duchesse de Langeais. Bibliothèque Électronique du Québec HUGO, Victor. Cromwell – préface. 1827. Accessible à : https://ecrivains-publics.fr/wp-content/uploads/2016/10/preface_de_cromwell_-_hugo.pdf MARX, Karl. Contribution à la critique de l’économie politique. Paris : Éditions sociales, 1972. ________________________________ [1] HUGO, Victor : Cromwell – préface. 1827. P. 8. Disponible sur : https://ecrivains-publics.fr/wp-content/uploads/2016/10/preface_de_cromwell_-_hugo.pdf [2] DE BALZAC Honoré : La duchesse de Langeais. Bibliothèque Électronique du Québec, p. 17. [3] Ibid., p. 18. [4] Ibid., p. 124-125. [5] Ibid., p. 69. [6] Ibid., p. 9. [7] MARX, Karl : Contribution à la critique de l’économie politique. Paris : Éditions sociales, 1972. p. 18. [8] DE BALZAC, Honoré : La duchesse de Langeais. Bibliothèque Électronique du Québec, p. 6 et p. 40. [9] Ibid., p. 28. [10] Ibid., p. 53-54. [11] Ibid., p. 74. [12] Ibid., p.105. [13] Ibid., p. 6. [14] Ibid., p. 7. [15] Ibid., p.44. [16] Ibid., p.120.